L'été était bien entamé désormais, et arrivait dans son dernier quart. Même s'il n'y en avait aucun signe encore, l'automne arrivait à grands pas, et avec lui, l'examen Chûnin. Prévu au Village Caché de Suna, Natsuki allait s'y rendre par le biais de Mizuki, l'assistante du Hokage actuelle, dont il devra assurer la sécurité durant le trajet. Des vacances anticipées en quelques sortes, dans la mesure où son intitulé de mission ne précisait pas qu'il devait aussi participer à la préparation dudit examen, au contraire de sa collègue. L'occasion de voir un peu du pays comme il se doit, ses deux seules visites passées à Suna s'étant résumées à empêcher l'Académie d'exploser et un séjour de dix jours dans leur hôpital après que l'ancien Kage de Kiri l'ai dérouillé plus que nécessaire.

Mais il n'en était pas encore là. Il lui restait un mois pour régler ses affaires, dont une nouvelle qui s'était rajoutée : une recrue potentielle pour Matsudaï. Il avait complètement oublié cette annonce qu'il avait laissé à l'Académie, mais du coup, il avait été contacté par l'administration qui l'avait mit en relation avec l'intéressée : celle qu'il attendait aujourd'hui. Venu en avance, il patientait sous le couvert d'un arbre à la lisière d'une petite forêt du terrain d'entrainement ninja, où il appréciait l'ombre que lui apportaient les feuilles caressées par le vent.

Sa guitare usée par les années d'exposition au soleil posée sur ses cuisses, il en grattait distraitement les cordes sans prêter attention à ce qui pouvait bien se passer sous ses pieds. La tête appuyée contre le tronc, les yeux clos et les jambes pendant mollement de part et d'autre de la solide branche sur laquelle il était, il ne se concentrait que sur le son produit par son instrument. L'on ne pouvait même pas parler de mélodie, et pourtant les notes qui s'enchainaient dans un rythme lent l'apaisait. Sans qu'il sache pourquoi, son instrument jouait la contre-mesure de toute l'horreur que lui insufflait sa malédiction. Un peu comme si ses accords formaient un fil conducteur pour sa pensée, laissant revenir son esprit à une époque où il n'avait pas à supporter tout cela. Un phénomène d'autant plus curieux que Natsuki n'était pas particulièrement doué avec sa guitare : de son propre aveu, il en jouait par plaisir, et non pour progresser. Il était un ninja, pas un musicien, il vivait dans un monde où il valait mieux savoir se battre que manier son instrument. A moins bien sûr, que celui-ci ne soit au cœur de son style de combat, ce qui n'était pas son cas.

Après un bon moment, il sortit de sa rêverie et empoigna sa guitare, sa main traçant un bref instant l'impact dans le bois qu'avait fait par mégarde Natsumi lors d'une rencontre nocturne. Il ne vérifia pas si elle était correctement accordée – il était incapable de le faire à l'oreille seule, et ne jouait de toute façon pas assez pour que cela ai de l'importance – et commença à jouer une ancienne mélodie chargée de souvenirs pour s'échauffer les doigts. Il n'était pas devenu meilleur depuis la dernière fois qu'il l'avait gratté, mais c'était le cadet de ses soucis : il jouait déjà assez bien pour ne pas que l'on lui jette de pierres, ce qui était pas mal. D'abord ratés, ses accords devinrent progressivement maladroits au fur et à mesure que les gestes jamais acquis revenaient péniblement à sa mémoire. Les notes flottèrent dans l'air, laissant aux nuages le temps de s'enfuir avant que sa mélodie ne leur fasse abattre la pluie.

Il attendait, rien ne pressait aujourd'hui.

L'esprit de Natsuki était loin, bien loin de son corps. Guidé par les notes de musiques qui le portaient comme des marches vers la sérénité, il flottait bien au-dessus du monde, libre de toute contrainte et de tout soucis matériel. Puis une voix, un appel aux oreilles de son enveloppe de chair et de sang rompit le voyage et le ramena sur terre.

« Hum ? » souffla-t-il.

En baissant les yeux vers ses pieds ballants, il croisa le regard d'une jeune demoiselle sur laquelle il se fixa quelques instants pour la détailler. Le premier aspect qui attirait irrémédiablement les yeux était sa chevelure flamboyante, tombant en cascade bien plus loin bas que son dos. La remontée révélait ensuite des courbes harmonieuses, un nombre impressionnant d'armes de lancer qui devaient bien représenter le tiers du poids de la porteuse, et enfin un regard au vert perçant, dont la lumière renvoyait mille reflets à travers leur prisme. Une seule balafre notable – du moins sur la peau exposée déjà en bonne quantité – au niveau de l’œil gauche, mais qui ne compensait pas des traits d'un visage encore juvénile : elle était probablement un peu plus jeune que lui.

Affichant alors un sourire de convenance, il hocha la tête puis bascula sur le côté pour se laisser tomber au pied de l'arbre et de rejoindre le niveau de Rioko. Sa réception l'amena proche de sa housse de guitare, sur laquelle il déposa son instrument pour avoir les mains libres.

« Mes excuses Rioko, je me suis laissé perdre dans quelques souvenirs en vous attendant. Oui, c'est bien moi Natsuki, enchanté de faire votre connaissance. »

Il lui tendit une main à serrer, puis haussa les épaules à sa question, l'air amusé.

« Pourquoi ailleurs plutôt qu'ici ? Quelle différence entre ce terrain, à l'Académie, dans un restaurant ou chez vous ? Là au moins est un espace neutre, j'ai réservé cette portion pour que nous puissions discuter tranquillement sans être dérangés, sur un pied d'égalité. »

Il tapota du dos de la main le tronc de l'arbre près duquel il était, signifiant lisière de forêt qui les entourait.

« Enfin, presque sur un pied d'égalité. Vous autres les Hayashi êtes à l'aise pratiquement partout, la nature étant omniprésente dans notre environnement. »

Il passa distraitement son auriculaire gauche sur l'une des deux profondes cernes qui soulignaient ses yeux, puis composa trois mudras avec ses doigts. Deux chaises constituées uniquement de pierre émergèrent alors du sol, dont les pieds étaient fermement encrés dans celui-ci. Il invita d'un geste la jeune femme à s’assoir.

« Je vous proposerai bien quelque chose de plus confortable, mais l'art de la terre ne va pas vraiment dans ce sens là. Peut-être arriveriez-vous à compenser ce fait ? »

Petit teste d'entrée de jeu, qui visait essentiellement à voir son degré d'habileté avec son héritage de clan.

« Si vous êtes venue aujourd'hui à cette entretien, c'est pour tenter d'intégrer mon équipe shinobi nommée Matsudaï, c'est bien cela ? Alors si vous êtes prêtes, nous allons commencer de suite. Ou plus exactement, vous allez commencer de suite. Je n'ai pas encore consulté votre dossier militaire afin de partir sans apriori, aussi nous allons faire dans le classique. Je vous invite donc à vous présenter plus en détails, afin que je sache un peu mieux avec qui j'ai affaire : ce que vous aimez dans la vie, vos forces, les points qui sont davantage à améliorer, pourquoi vous avez embrassé la sordide carrière de ninja etc... »

La liste n'était pas exhaustive, et Rioko était libre de la compléter selon son bon vouloir. Le nindô découlait du choix de carrière en général, mais il reflétait parfois beaucoup plus de la personnalité de chaque individu, ou de sa façon dont il percevait le monde.

Un information qu'il viendra chercher de lui-même si elle ne le donnait pas donc.

Natsuki eu un sourire de façade. Dès le début, les réponses de Rioko lui donnèrent une impression qui se confirma au fur et à mesure de leur entretien. Installé contre le dossier de sa chaise pourvu d'accoudoirs, il reprit au fur et à mesure que répondait la jeune femme, même si ce mode ne narration n'était pas ce qu'il y avait de plus simple pour retranscrire un dialogue.

« Et vous, qu'en pensez-vous Rioko ? Est-ce que je doute de votre appartenance, de vos capacités, ou de l'impact négatitif que peut avoir une chaise inconfortable sur un entretien ? »

Même pour obtenir son identité et un pan superficielle de son histoire, il fut obligé d'entendre son petit numéro. Peut-être était-il nécessaire qu'il coupe court à cela avant que le tout ne s'accentue et ne l'agace sérieusement, sans pour autant hausser dans les tons.

« Écoutez Rioko.... » commença-t-il avec légèreté. « … je sais que l'un des proverbes de votre clan est '' la confiance est une plante qui grandit lentement. ''- un proverbe que je respecte et applique moi-même - , et que l'on ne se présente pas au premier pelé venu qui vous demande votre adresse et vos mensurations. Mais je ne vous ai demandé ni l'une ni l'autre. Alors même si votre formateur potentiel et vos futurs équipiers doivent se plier en quatre devant votre numéro de suffisance pour un oui ou un nom ( <= jeu de mots, et non une faute ), je crois que nous allons tous très vite être lassés du jeu. Vous et moi savons ce que nous sommes l'un pour l'autre aujourd'hui, aussi je ne vous demande pas de vous confier à moi, mais juste de ne pas pointer inutilement les évidences à chaque question. Bien, si nous sommes au clair, poursuivons je vous prie. »

La jeune femme éluda sa vie au sein du clan, ce qui ne lui fut pas reproché : cela ne présentait pas d'intérêt pour leur entretien de recrutement. La vie privée de ses étudiants ne regardaient que eux, même si leur histoire de vie aidait beaucoup à comprendre la manière dont ils s'étaient façonnés en grandissant et les choix qu'ils effectuaient aujourd'hui. De cela, ils en parlaient quand ils le voulaient. La suite le fit davantage tiquer par contre, quand elle ponctua son allusion d'un regard marqué. A la manière des devins de rue, faisait-elle référence à un événement vague dont il devait lui-même combler les vides en fonction de son vécu pour leur donner sens, ou au contraire, à quelque chose qu'il était censé véritablement savoir selon elle ?

« A tout hasard, êtes-vous en train de faire allusion à mon ancienne étudiante qui a libéré Meteora puis décimé la quasi-totalité de son clan ? » questionna-t-il sans s'offenser.

Natsumi Yamanaka était le gros échec de sa carrière, quoi qu'en disent les autres, mais il ne le cachait pas. Matsudaï portait ce poids dans sa réputation, et si Rioko avait ignoré cette information jusqu'à présent, c'était le meilleur moment pour la mettre au courant.

Vint ensuite une réelle surprise pour le Nara tatoué. Ce n'était pas tant les domaines de prédilections et ce que Rioko souhaitait améliorer à court terme – respectivement taijutsu et sensorialité – mais plutôt ce qu'elle véhiculait et affirmait avec l'absence du ninjutsu dans ses compétences. Elle avait su se hisser au rang de chûnin sans affinité avec un domaine pourtant jugé indispensable avec son héritage clanique. En d'autres termes, elle regrettait que tout à chacun cantonne l'art des Hayashi à une seule catégorie.

« Au contraire Rioko, vous être très loin de savoir ce que je pense. Car figurez-vous que j'épouse parfaitement votre point de vue sur la question. Notre patronyme a souvent tendance à nous faire enfermer dans des cases par les autres. '' Parce que je suis Nara, mes idées sont forcément les meilleures '', '' parce que vous êtes Hayashi, l'art du contrôle et de la création de la végétation à distance constitue forcément votre éventail de techniques '' etc... Trop souvent même, c'est notre propre clan qui nous restreint dans la conception de ce que doivent être nos capacités, ou même de comment nous, nous devons être. Et c'est quelque chose que je déplore, que nous soyons nous-même la prison de ce que nous pouvons être. Tout comme vous l'affirmez, la vraie force du ninja clanique ne réside pas dans sa maîtrise des techniques ancestrales, mais dans sa capacité à en casser les codes établit pour explorer pleinement ses possibilités. »

Natsuki se pencha vers l'avant pour ramasser quelque chose au sol, mais c'est sa propre ombre qu'il souleva, celle-ci s'étirant en relief vers le haut jusqu'à former une gigantesque pertuisane dressée à ses côtés dans sa main.

« Il ne tient qu'à nous de prouver combien ils ont tort de nous mettre en boite. Gardez cette mentalité Rioko, elle vous mènera loin. »

Il lâcha son arme constituée d'ombre, et celle-ci s'enfonça aussitôt dans le sol, disparaissant engloutit comme si elle n'avait jamais existé. Il poussa ensuite de la pointe du pied la feuille plantée entre eux deux que la jeune femme venait de lancer.

« Cela dit, prenez garde : aussi intéressante que soient les possibilités qu'offre le don des Hayashi dans le taijutsu, selon les règles du forum, la création d'arme élémentaire pour leur emploi à distance relève de la spécialité du ninjutsu. »

Là, ils étaient entre eux, donc cela n'avait pas d'importance, mais cela pouvait en avoir dans un évent officiel.

« Mais passons. Le but de ma question était surtout de savoir quels sont les domaines qui vous font défauts, et que vous souhaitez développer. Cela me servira pour élaborer des entrainements adaptés qui correspondront à vos attentes et besoins.

C'était fou le nombre d'étudiants qui étaient persuadés qu'il suffisait de venir de bon matin sur le terrain et formuler leur vœux pour avoir droit à une leçon toute prête. Bien sûr que c'était le cas, mais seulement pour eux : il y avait tout un travail en amont de la part du formateur, alliant ce que lui pensait devoir améliorer chez son étudiant à ce que ce dernier désirait aborder.

Il la laissa terminer de répondre à ses dernières questions, réfléchissant déjà à l'ensemble qu'il avait entendu. Les idées avancées par Rioko étaient claires et intéressantes. Elle avait une personnalité affirmée, décidée, mais n'aimait pas se dévoiler. Au final, elle ne répondait que ce qu'elle voulait bien répondre. Avait-elle une histoire de vie similaire à celle d'Okasaki pour se montrer si méfiante ? Son ton le laissait croire... En tout cas, ce n'était pas la motivation qui semblait pas lui faire défaut.

« Je ne pourrai comprendre que ce que vous me direz. » lança-t-il d'une voix légère.

Une phrase qui n'attendait pas de réponse.

« Bien, je ne vais pas vous faire mijoter sur ma décision. Votre profil et votre façon de penser me semble très intéressants, votre place à Matsudaï vous est réservée. Reste à savoir maintenant si vous, vous voulez m'accepter comme chef d'équipe. Pour vous aider à répondre, je vais vous expliquer ce que cette équipe et moi-même pouvons vous apporter. »

Il entrelaça ses doigts à l'envers.

« En tant que formateur, je chercherai à vous apprendre à travailler en équipe et à réfléchir, développer vos compétences individuelles et votre sens stratégique, voir des situations données sous plusieurs approches, accroître vos connaissances et optimiser vos capacités. Je ferai mon possible pour vous transmettre mon expérience, vous apprendre à survivre, et vous offrir les moyens d'accomplir vos objectifs personnels et collectifs. Si vous en montrez le désir et en fonction de ce que je verrai par la suite, vous aurez aussi l'occasion d'apprendre quelques techniques de ma part. Mes domaines d'excellences étant le taijutsu et le ninjutsu, je pense être capable de vous superviser sur votre premier domaines clef. Une de vos équipières devrait quant à elle avoir beaucoup à vous apprendre sur le second. »

Il lui laissa quelques instants pour réfléchir à tout cela.

« Vous n'êtes pas obligée de me répondre tout de suite, mais il reste une dernière information dont vous devez avoir connaissance. Je ne gère Matsudaï que neuf mois par an, du début du printemps à la fin de l'automne. L'hiver est entièrement consacré à des activités qui me sont propres, aussi durant cette période vous serez livrée à vous-même. »

Il reposa ses bras sur ses accoudoirs, et lui adressa un sourire.

« Si vous avez des questions, n'hésitez pas. Et si vous n'êtes pas en accord avec les termes cités précédemment, sachez vous êtes libres de partir. »

Les deux parties s'étaient prononcées, ne restait plus qu'à savoir si elles pouvaient s'accorder.