Une nouvelle rencontre : une opportunité ?

Poussez-vous, bande de marauds. Si vous persistez à vous dresser sur mon chemin, je saurai m’en souvenir et vous faire mordre la poussière. Marchant au milieu de la masse populaire, entre ses pairs et les riverains, seule la densité capillaire digne d’une crinière de Lion des Neiges permettait de repérer ce membre du Clan Samui, qui tentait tant bien que mal de se frayer un chemin dans cette avenue. Trop de monde sur cette Terre … Il nous faut une nouvelle Peste Noire ! Cela aurait déjà l’avantage de faciliter la circulation dans les rues, et de faire survivre les plus forts. Une sorte de sélection naturelle, quoi de plus normal ! Même les animaux les plus puissants étaient passés par là, il n‘y avait donc pas de quoi en faire une histoire. Un nouveau coup d’épaule donné par un passant perdu dans ses songes ; le prochain y perdait un membre !
Bifurquant brutalement, et se sentant de plus en plus oppressé, Kakeshuou Samui n’hésita plus. Se saisissant du corps d’un passant, il en fit usage comme d’un bouclier pour repousser le monde entier, et ce – malgré les interjections et protestations du principal concerné – jusqu’à la ruelle sombre la plus proche. Une fois hors d’atteinte de ces mécréants, il jeta son outil comme un fumeur l’aurait fat d’un mégot, et accéléra le mouvement. La voie par terre ne semblait pas assez prometteuse. Après quelques sauts et appuis, voila notre quinquagénaire sur les toits, et progressant bien plus vite sur sa trajectoire.

Si le début de la course avait pris place dans le centre-ville, les pas de notre homme le menaient peu à peu dans la zone résidentielle. Pourquoi faire ? Le besoin de passer au niveau supérieur. Son trauma lui avait déjà coûté cher, sans même parler de son honneur et de sa réputation ; après avoir mené deux ou trois missions, en être constamment réduit à cet état ne pouvait définitivement pas être accepté tel quel. Il était donc temps de reprendre l’entraînement, de préférence entre les mains d’un expert qui saurait lui faire retrouver de bonnes bases. Pour cela, il était nécessaire de réunir plusieurs éléments. En premier lieu, une volonté de fer : pour cela, pas de problèmes, Kakeshuou en regorgeait sans faillir. Dans un deuxième temps, un lieu d’entraînement propice. Malgré l’accoutumance à son état, notre membre du Clan Samui ne tenait pas à montrer sa faiblesse à autrui. Mieux valait donc se mettre à l’écart, le temps de combler le vide. Enfin, il lui fallait un mentor. Lors de sa première réflexion sur le sujet, il avait prestement porté sa main à la bouche. Cette sensation de vomi en approche … immonde ! Mais il fallait bien s’y résoudre … . Il avait donc besoin d’un coup de main. Restait à trouver la personne la plus indiquée pour cela. Et il avait récemment identifié dans ses anciennes connaissances celle qui lui serait la plus utile.

La famille Mitsuharu était réputée depuis la fondation du Village. Auparavant, le maître de maison, Mitsuharu Anro, avait figuré parmi les plus proches conseillers et amis des seigneurs de l’île. Sa participation dans les grandes activités du village en avait fait un pilier impossible à ignorer. Mais il ne s’agissait pas seulement d’un homme légendaire dans le village. A plusieurs reprises, il avait croisé la route de notre Lion des Neiges, allant jusqu’à lui apporter conseils et maîtrises, en particulier dans le maniement de l’épée. Ces gens étaient réputés pour leur usage de l’arme, et bénéficier de leur connaissance était d’un bien salutaire !
C’était vers cet homme que comptait se tourner le membre du Clan Samui. Les deux hommes ayant été membre de la même génération, ce maître d’arme devait être bien âgé, à présent. Mais sans doute serait-il prêt à être de la partie, si c’était pour rendre service à un vieux camarade de guerre.

~ J’espère surtout que le vieux singe ne rira pas de mon état. Le pire serait de ne pas pouvoir lui faire ravaler l’affront … .

Serrant les dents sous la colère, il ravala rapidement sa salive pour chasser ces mauvaises pensées. Devant une telle requête, il était important de n’être ni pressé, ni offensant. Un exercice que le vieux ninja n’avait pas pratiqué depuis un temps. Il était temps de faire preuve de diplomatie, et de ployer l’échine si cela était nécessaire. Et, après tout, ce n’était pas se ridiculiser que de faire preuve de respect auprès d’un homme d’expérience. Ce serait également l’occasion de se rappeler des souvenirs … . Et de repenser à une époque où tout était plus facile, car se réglait dans la violence et la mort.

Les portes de la demeure se dressèrent bientôt face à lui. Un portail qui devait mener vers la demeure, face à une cour intérieure. Ayant quitté son point d’observation et rejoint la terre ferme, Kakeshuou Samui approchait le point d’entrée – avec un regard méfiant. Pourquoi un air aussi lugubre dans ces lieux ? Le coin paraissait abandonné, sans signe de vie. Le lierre grimpant s’était emparé des hauteurs du mur d’enceinte, comme s’il en était le seul maître. La famille avait-elle donc déplacée sa demeure depuis la dernière fois ? N’hésitant pas plus longtemps, le poing vint frapper le bois de la porte, et sa voix rauque interpella les habitants de l’intérieur, à la recherche d’une réponse.

~ Hola, ouvrez ! Je suis venu voir Mitsuharu Anro ! Ouvrez, et annoncez au maître des lieux que Samui Kakeshuou est venu lui payer une visite, et souhaite un entretien !

Il y a des souvenirs qui resteront dans ta mémoire à jamais. Ces mémoires que tu ne peux pas chasser et qui reviendront sempiternellement. Ces belles images, ces moins belles, que tu collectionnes dans ce gigantesque livre qui n’est autre que ta propre vie. Ce monde est merveilleux, mais rythmé de points noirs, de tristesses et de déceptions ; tu ne le sais que trop bien. Pourtant, tu ne peux pas t’empêcher de l’aimer, et de continuer à t’y perdre. Tu te plais en ce territoire qu’est le tien, que tu as apprivoisé. Tu as appris à le connaître et à t’y adapter. Les évolutions ne te font pas peur, bien au contraire. C’est parce que ce monde est aussi instable qu’il est aussi incroyable. Ne jamais savoir de quoi demain sera fait, ni te douter un seul instant de ce qui pourra te tomber sur la tête au moment où tu mettras un pied dehors. Les surprises font de cet univers un lieu magique, que tu ne veux quitter pour rien au monde. Pour en revenir aux souvenirs, tu penses à ça parce que tu y es retournée. Ça fait longtemps. Cet endroit t’avait tellement manqué. Tu ne t’en rendais pas compte, mais … Tout ça, cette maison, l’odeur qui s’y trouve, les meubles, les images qui apparaissent par flashs à chaque pas que tu y fais … Quelque chose imprègne cette bâtisse, quelque chose qui te rend à la fois heureuse et malheureuse. Tu t’y sens bien, mais à l’étroit.

Pourquoi remettre les pieds ici ? Au départ tu devais simplement récupérer deux ou trois breloques à embarquer chez Yoru, mais … Une fois que tu t’es posée, tu as compris. Tu as compris que ce qui t’unit à cette maison a une valeur bien plus grande que celle que tu lui attribuais. Il pourrait s’agir d’une simple maison, au final. Une vieille bâtisse abandonné depuis le départ de toute ta famille, un lieu où tu reviens une fois dans l’année pour chasser les rats, mais non. Revenir ici t’apaise presque. Tu revois les souvenirs d’une famille merveilleuse, mais disparue. Celle qui t’a vue grandir et qui t’a suivie, que tu as achevée d’une main de fer. Vengeresse, ton épée a transpercé les viscères de ton frère, et voici comment l’histoire s’est finie. Finie ? Tu ne le sais pas, en réalité. Peut-être que d’autres Mitsuharu existent de part le monde. Ils auraient filé d’ici ? Mmmh, ça t’intrigue, du coup. Tu adorerais savoir. Surtout pour les anéantir. Sortir leurs boyaux et les remettre, mais en passant par une autre entrée. Brrr, ça te donne de vilains frissons. Tu souris. Puis, tu te relèves. C’est pas tout ça, mais tu devais pas rester longtemps, à l’origine. Yoru va t’attendre si tu tardes trop. Bah, il ne craindra rien, vu que tu ne risques absolument rien à traîner ici, mais voilà.

Du coup, tu t’affaires à retourner dans ta chambre – qui est absolument gigantesque et dans un foutoir monstrueux – pour chercher ce qui te servirait. Tu as beau fouiner un peu partout, tu hésites encore. Des peluches ? Non, inutile, tu as déjà une peluche humaine, au corps chaud et qui fait des câlins, tu n’as pas besoin de t’encombrer. Des vêtements de cérémonie ? Là, ça peut être une idée. On sait jamais. Tu fouilles, tu déranges, tu rends le tout encore plus bordélique. Tu continues ton affaire pendant une petit dizaine de minutes jusqu’à ce qu’une étrange réalité vienne te secouer.

Il faut avouer que ce n’est pas banal, une personne qui frappe à la porte d’une maison abandonnée. Tu arques un sourcil. Tu lâches tout ce qui se trouvait autour de toi et tu te lèves. Quelqu’un. Peu importe qui, mais il y a quelqu’un, tes bonnes manières veulent donc que tu sois polie et courtoise en allant répondre. Sautillante, tu quittes ta chambre et dévales les marches deux à deux, avant d’arriver à la porte. Tu ouvres, mais tu sais que tu ne pourras l’aider qu’à moitié. Cet homme cherche ton père. Samui Kakeshuou. À le détailler, tu imagines qu’ils sont de la même génération, et qu’ils ont vécu beaucoup de choses ensemble. Néanmoins, tu as conscience que le passé ne se répercutera pas sur leur relation actuelle qui, malheureusement, ne peut plus être de vigueur. Tu lui réponds avec un sourire gêné.

« — Bonjour ! Désolée de vous présenter la situation de cette manière mais … Je crains ne pouvoir répondre à votre requête … »

Si tu étais un cartoon, une grande gouttelette d’eau apparaîtrait sur ton visage. C’est cocasse, dérangeant. Tu as l’impression de devoir l’envoyer sur les roses et de ne plus pouvoir l’aider en quelque manière que ce soit. Tu soupires, prends ton courage à deux mains. Allez, ce n’est pourtant pas si dramatique.

« — Mon père est décédé il y a de cela quelques années, suite à quelques histoires qui ont mal tourné. »

Tu détournes automatiquement le regard. Si cette maison te plaît pour ses souvenirs heureux, elle t’arrache aussi le cœur pour toutes les haines et toutes les souffrances qui résident en son sein. Un mélange explosif entre deux entités totalement opposées qui ne devraient jamais se rencontrer. Tu te ressaisis aussitôt pour ne pas mettre le Samui mal à l’aise.

« — Je m’appelle Yuka ! Dernière héritière de la lignée des Mitsuharu, détentrice de Suishô et pour finir, jônin de ce village ! Je pense pouvoir vous être aussi utile que mon père ! »

Un grand sourire naît sur tes lèvres. En voilà, des fiertés. Tu les exposerais presque à n’importe qui. En cachant, bien évidemment, tout ce qui est relatif à l’histoire de ces fiertés. Certaines réalités sont mieux installées, lorsqu’elles restent planquées sous une couche de mystère. Tu ouvres la porte en grand, l’invitant à entrer. Heureusement pour toi, en bas, ce n’est pas le bazar, puisque tu veilles à ce que ce soit présentable.

« — Venez, vous me direz en quoi je peux rendre service ! »

Aaah … Et dire que tu ne devais pas tarder …

Sur la porte qui s’ouvrait, les yeux sombres de notre Samui vinrent à la rencontre d’un minois qu’il n’avait jusque là jamais croisé. Jeune femme, au teint plaisant, à l’allure svelte voire noble ; une parfaite étrangère. Était-elle de la famille ? Il faut dire que cela faisait plusieurs mois, voire années ! que notre homme n’avait pas visité ces quartiers. Peut-être la famille s’était-elle agrandie avec le temps. Restant pour l’instant sur le pas de la porte, notre homme attendait patiemment la suite des informations. Allait-il rencontrer son vieil ami, ou ce dernier était-il absent ? Si ce n’était pas le bon moment, il saurait faire violence d’un peu de patience, et reviendrait à la prochaine occasion. Après tout, même s’il comptait sur Anro pour le renseigner et le conseiller, rien ne lui coûtait de faire passer d’autres affaires avant et de requérir ces mêmes conseils plus tard, une fois l’esprit plus serein.
Mais c’était loin d’être le cas. La nouvelle du décès vint comme une bombe sur l’esprit de Kakeshuou Samui. Mort, cet homme-là ? Dans quelles circonstances ? Depuis quand ? La cervelle de notre « nouveau » Genin devint bouillie. Les souvenirs d’un temps passé, un temps apprécié en compagnie de ce vétéran des armes, vinrent inonder les pensées du quinquagénaire qui en oubliait complètement la présence de la demoiselle.

Se présentant à l’inconnu au pas de la porte, la jeune femme pensait certainement bien faire pour rattraper cette bien mauvaise nouvelle. Encore un peu déstabilisé, Kakeshuou s’exécuta, fit un signe de tête et pénétra dans la demeure. Rien n’avait changé de l’époque où il venait de façon plus régulière. C’était une autre époque, à n’en point douter. Voir ces bâtiments vidés de toute existence, l’ancienneté s’inscrire dans les lieux et les araignées fonder leur nouveaux domaines. Quelle tristesse. La mort d’un Clan était ce qui pouvait arriver de pire ; en particulier pour un village militaire, lorsque ce dernier comptait sur les compétences de ses membres pour le faire vivre et le rendre plus fort. A n’en point douter, cette perte était lourde pour le village.
N’en oubliant pas ses manières, le Lion des Neiges fit quelques pas dans la cour, et résuma dans sa tête toutes les informations qu’il venait d’avoir. Elle était donc sa fille ; à l’époque, il l’avait entraperçu, mais sans s’y intéresser davantage. Encore là une démonstration que le temps passe vite, sans que l’on ne sache freiner sa course. Elle était donc l’héritière ds Mitsuharu ; on pouvait sentir une note musicale de fierté dans cette déclamation. Et pourquoi pas : être le successeur de Anro était digne d’éloges, étant donné les qualités du père. Restait encore à avoir les mêmes … . D’ailleurs, mettre en avant ses compétences en comparaison avec celles d’un défunt n’était peut-être pas des plus appropriés ? Sans faire de remarque sur ce détail, notre homme resta bien plus interloqué sur le grade. Jônin ?! Cette gamine était plus gradée – et, apparemment, plus puissante – que lui ?! Quelle mauvaise farce était-ce là ?! Il aurait suffi de deux semaines d’hospitalisation pour que tous les merdeux du village le surpassent ?? C’était d’un bien mauvais goût … .

~ Kakeshuou. Samui. …

Un temps de pause ; puis une vérité faussée.

~ Ancien Chuunin de Kiri.

Encore quelques pas dans cette cour. Il ne tenait pas à faire démonstration de son état de faiblesse pour l’instant. Contemplant encore un instant les lieux, il laissa échapper les raisons de sa présence ici. Et sur ce point, attendez vous à une discussion franche, voire presque brutal. Notre homme n’était pas du genre à faire dans la finesse. De cette situation, il attendait à la fois explications, justifications, et conviction. Si son interlocutrice en manquait, il ferait demi-tour sans la moindre hésitation. Il est bien agréable de proposer son aide au premier venu ; encore faut-il se montrer à la hauteur, et être digne de confiance par-dessus le marché.

~ Je suis un vieil ami de ton père. Lui et moi avons été sur plusieurs fronts ensemble. Il s’est avéré être de très bon conseil, comme toujours. Et a été une sorte de mentor pour moi, dans certains cas … . Je venais ici quérir de nouveaux conseils. Mais son trépas rend la consultation un peu plus difficile … .

Beaucoup de phrases en suspens, mais une évaluation discrète dans le même temps. Cette jeune femme voulait proposer son aide : le pourrait-elle vraiment ? Le grade affirmait que cela était possible. Mais notre quinquagénaire, fort de son expérience, se sentait-il prêt à faire confiance à une gamine ? Et à une femme, qui plus est ? Il est – hélas – des préjugés qui restent forts avec les décennies. Et pour ce Samui, être plus faible que le sexe portant ce titre était presque un affront. Défends ton rang, nous en reparlerons !

~ Je doute qu’une femme puisse m’aider dans mes problèmes personnels. Je suis venu chercher conseils et amitié. Que peux-tu vraiment m’offrir ? Tu es certes Jônin, mais ca n’en fait pas de toi un sage comme l’était ton père. Qu’es-tu prête à faire pour tes Frères et ton Village ? As-tu au moins été en mission jusqu’à présent ?

Il arrive que des fois, tu fasses des rencontres assez surprenantes. Tu connais ce monde comme aléatoire, plein de surprises qui n’ont de cesse de te mettre dans des états toujours différents, mais là, tu avoues que tu ne t’y attendais pas. Mais alors, pas le moins du monde. Samui Kakeshuou. Tu l’avais peut-être croisé quelque part, un jour. Oui, ça te dit quelque chose, mais de manière très vague. Tu ne cherches pas plus loin, après tout, nul besoin de farfouiller dans tes songes puisqu’il est désormais ici, face à toi, dans une réalité qui a beaucoup évolué. Ce monde est en constant changement, pourquoi se sentir mal de voir tout cela ? Tu ressens l’amertume dans ses remarques. Cette dernière monte rapidement en puissance, même si elle est vite rattrapée par beaucoup d’autres sentiments. De la peine, peut-être. Tu parviens à discerner de la douleur dans ses paroles. Il devait être proche de ton père. En même temps, peu de personnes ne l’étaient pas, surtout en voyant ses prouesses. Et dire qu’un homme aussi bon a fini par périr aussi tragiquement. Des fois, ça te révolte. Mais les faits sont les faits. Une fois accomplis, on ne peut plus les modifier. Le passé est immuable.

Tu affiches un sourire toujours aussi gêné. Il tourne en rond, déambule comme un tigre dans une cage. Que lui arrive-t-il ? S’il est ancien Chûnin, peut-être est-ce parce qu’il est retraité ? Surtout en voyant son âge, des plus honorables ? Non … Peut-être pas. Preuve en est, s’il se trouve ici, c’est pour demander des renseignements à ton père. Alors, pourquoi ancien ? Tu n’en as aucune idée, et tu avoues ne pas vouloir savoir. Tu mets ça sur le compte d’une rétrogradation, puisque c’est toujours comme ça. Ou alors, ancien chûnin parce qu’il ne veut pas dire jônin ? Non, non, c’est idiot. Tu passes l’éponge. Au pire s’il veut t’expliquer, il s’expliquera, mais en attendant, il est toujours là, à marcher dans le vide, à ruminer intérieurement quelques songes dont tu ne sais pas grand chose, mais que tu ne tarderas pas à connaître. Que lumière soit faite, hum ? Des fois, ce n’est pas forcément la meilleure solution.

Tu ne réponds pas à toutes ses autres remarques, n’ayant aucune idée de quoi lui dire, hormis que tu es désolée. Sauf qu’être désolée, ça ne sert à rien, tu le sais très bien. Ça ne ramène personne à la vie, alors autant éviter de te prononcer. Donc tu gardes tout pour toi, et attends qu’il s’exprime de lui-même. Sauf que la dernière réplique ne te plaît absolument pas. Tu serres les dents, puis les poings. Comment ose-t-il ? Si tu avais Suishô à portée de main, tu te serais élancée à son encontre pour la lui coller contre la gorge et lui demander de répéter, voir s’il était certain de son engagement. Tu ne supportes absolument pas la misogynie, et encore moins qu’on te compare à ton père. Si tu es là aujourd’hui, c’est simplement grâce à ta propre expérience, pas la sienne. Il est décédé, soit. Ça s’arrête là. Ton père a vécu comme un sage, a été reconnu de tous, mais voilà. Il n’a pas influé sur ton évolution au sein du village, bien au contraire. Lui ne t’a donné que les ficelles.

Courroucée, tu recules d’un pas et tentes de te calmer. Pourtant, tu n’y parviens pas. Qu’un homme que tu ne connais que de nom vienne ainsi piétiner ton mérite t’insupporte au plus haut point. Malheureusement pour lui, tu ne parviens pas à retenir la pique la plus méchante que tu puisses lui faire.

▬ En attendant, moi, je n’ai pas été rétrogradée.

Au hasard, mais il paraît que des fois, le hasard fait très bien les choses. Tu lui lances un regard plein de dédain. Les bonnes manières, cet homme ne semble pas les connaître. Tu te retiens de l’étriper purement et simplement pour lui faire payer son affront, et repars sur une base bien plus douce, comme tu l’aimes. Tu souris gentiment, étant presque chaleureuse.

▬ Il y a bien longtemps que les femmes sont sorties de l’ombre, beaucoup d’entre elles sont haut-gradées. Si je ne peux pas vous aider, soit, alors passez votre chemin, vous n’obtiendrez rien de plus à rester ici.

Chaleureuse ne signifie pas manipulatrice, hypocrite ou menteuse. Au contraire. Ta franchise gagne en puissance, et devient plus virulente à chaque seconde qui s’écoule. Ton ris est toujours plus que présent sur tes lèvres, se faisant cette fois plus … piquant. Narquois et désinvolte. Qu’il ne te cherche pas, tu ne ris pas. Même avec les Genins – si tu ne te trompes pas –, surtout quand ils te manquent de respect.

▬ Des missions ? J’en ai sûrement fait plus que vous ! Ce grade ne s’acquiert pas comme on obtiendrait un jouet dans une machine surprise. Quant à ce que je ferai pour mes frères d’arme et mon village, croyez-moi, j’en fais déjà beaucoup. Plus que vous, par ailleurs.

Tu soupires, puis lui lances un de tes habituels regards taquins. Sauf que cette fois, la taquinerie est acerbe. Tu plantes joyeusement tes griffes dans sa peau pour la lui arracher, et lui faire comprendre qu’ici, il n’est que chenille qui tend à devenir papillon. Autrement dit, même s’il est âgé, il n’est qu’à l’orée de toute une vie.

▬ Maintenant, soit vous faîtes confiance à votre supérieure, autrement dit moi, une femme ; soit vous quittez les lieux.

Kakeshuou n’avait aucun mal à l’avouer ; il avait provoqué ainsi la demoiselle avant tout pour voir sa réaction, et analyser son comportement. Même si ses arguments étaient loin d’être faux, son côté misogyne était plus un effet de manche qu’une pensée profonde. Il avait parmi ses compagnons de combat et ses amis de nombreuses femmes qui, par le passé, avaient su lutter – et mourir – pour le bien du Clan, puis du village. Celle-ci n’eut aucun mal à tomber dans le panneau, mettant en avant ses qualités et les bienfaits qu’elle avait apporté au village. Elle se disait plus utile que celui qui venait la déranger dans une maison en deuil. Était-ce vraiment possible ? Comment comparer l’expérience d’un homme ayant combattu toute sa vie, ayant vécu et affronté mille morts et contempler la fin des héros comme des pourritures de tout temps ?
Pour saisir la réalité de cet instant, il faut se mettre dans la peau de notre Lion des Neiges. En venant ici, ce dernier espérait renouer avec son passé, retrouver d’anciens souvenirs qui lui apporteraient une nouvelle porte pour le futur. Un futur plus brillant que celui qu’il était destiné à affronter. Mais une fois la porte franchie, c’était la déception et la fin d’une époque qui l’accueillait, sans même parler de la vulgarité et de la provocation. Tiens, d’ailleurs !! Parlons-en de la provocation !

Car n’allez pas penser que les mots proférés par la fille d’Anro étaient passés par les oreilles du Genin comme du PQ envoyé dans les toilettes. Ne percevant que la première interjection, notre quinquagénaire encore bien en place dans sa tête fit quasi-abstraction de tout le reste. Peu importe qu’elle soit Jônin. Ou encore la fille de son vieil ami. Au diable les considérations pour son grade ou pour ses faits d’armes. Elle s’était moquée de lui pour sa dégradation ? Elle l’avait estimé comme un moins-que-rien sur de simples suppositions ?? Elle se riait de sa situation pourtant loin d’être enviable ?!? A cet instant, l’esprit pourtant serein et calculateur du membre du clan Samui vacilla. Elle le mettait en défaut. Elle le ridiculisait, lui qui avait tant fait. Elle le réduisait à l’état végétatif, pouffant sur son handicap. Elle propagerait la nouvelle ; elle ferait de lui la risée du village ; elle le conduirait au suicide afin de préserver le minimum d’honneur qui lui restait en tant qu’homme. Dès ce moment, le monde n’était plus rond. Il pouvait être hexagonal ou encore sur sept dimensions que cela ne parviendrait pas à ramener notre homme meurtri dans son âme à la raison. Grinçant des dents, le regard vers le vide, ce n’était plus cette femme qu’il observait : c’était un ennemi. Au même titre que les Kaguya du temps où il n’y avait pas de village ; au même titre que les autres Nations à l’heure actuelle.

~ Pour qui te prends-tu, petite merdeuse … .

Les mots avaient susurré, tout au plus. Mais l’effet était certainement suffisant. Et si l’agressivité ne se faisait pas déjà assez lourde, le froid ambiant qui s’intensifiait laissait clairement comprendre ce qui allait se passer. Le regard dirigé vers le sol, la pression qui se dégageait de notre vétéran avait de quoi hérisser le poil : il n’était certes pas haut gradé, mais avait eu suffisamment d’expérience dans sa longue vie pour avoir hérité d’une certaine aura dans les occasions les plus graves. Si la puissance ne suivait plus, l’esprit combattif et les cicatrices sur son corps restaient.

~ Plus de missions que moi ? Mettre sa vie en jeu plus que je ne l’ai fait ? Quel rôle avais-tu dans le combat entre les Clans ?! Et contre le Sanbi lorsque ce dernier a manqué de peu de raser l’île ?!? Quel rôle majeur as-tu jamais joué pour tes semblables !!!

La violence dans la voix était désormais assez présence pour mettre en alerte la jeune Jônin. L’attaque était imminente, et était même visible ! Gardant cette posture fière mais offensive, un pic de glace prenait forme dans la paume droite de notre soldat de l’Ombre. Un objet bien dangereux, dont il savait pleinement faire usage. Que ce soit contre des ennemis ou contre son camp, de toute évidence. Le temps devenait orageux, d’ailleurs … !

~ Ton erreur est de penser que ton grade te rend supérieur à moi !! Ne sous-estime pas les talents d’un vétéran de vingt années de guerre !!

Dressant sa paume droite vers le ciel, un vent violent se dressa tel un brouillard soudain sur l’ensemble de la cour, dans un mélange de glace et de poussière. La visibilité était rendue nulle, et rien ne laissait présager ce qui allait arriver désormais ! Quel intérêt à cette technique, étant donné que l’un comme l’autre ne pouvait voir ce qu’ils faisaient ? Ne se posant pas ce genre de question, Kakeshuou Samui passait à la suite du programme. Créant un second effet de manche à l’abri de toute visibilité de l’ennemi, Kakeshuou mettait en pratique une vieille tactique qu’il avait autrefois mise au point.
Il ne fallut que très peu de temps pour voir une ombre s’extirper de cette brume temporaire. La silhouette massive du Lion des Neiges se dégageait sur la droite de sa cible, pic de glace en main, et prêt à frapper. D’un bond, ce dernier prenait de la hauteur pour ne pas manquer son objectif, un cri de rage comme élan pour donner plus de conviction à son attaque. Voila un glaçon en guise de remerciements pour l’accueil ! J’espère que tu apprécies cette petite attention !

Spoiler:

Pas d’artifices, pas de paillettes. Princesse des songes, enfant d’un mensonge. On t’a dit que tu étais une jolie demoiselle, jolie demoiselle, et pourtant, tu te rends compte qu’on t’a menti. Ce monde était supposément beau, plaisant, plein de belles choses et, finalement, il n’en est rien. Les tristesses se suivent et s’enchaînent, toujours plus invivables les unes que les autres. Elles brisent le cœur, arrachent l’espoir, et ne laissent que de simples âmes en perdition, prêtes à être recueillies par les Enfers, qui calmeront peut-être leur peine. Aujourd’hui, tu fais face à l’un des rejetons de cette réalité, qui est condamné à marcher dans les traces d’un homme mort pour retrouver sa puissance. Un homme devenu faible par on ne sait quel moyen, et qui est à ce jour des plus irritables. Un homme aigri, que la vieillesse a forgé par bien des moyens. Les coutumes anciennes, les préjugés, les idées reçues, tout y passe, et tout va pour te déplaire. Tu entends les hurlements de la rage qui le consume, les cris poussés par la jalousie. Ils font un bruit immonde, qui te brise les tympans. Tu n’en supporteras pas davantage, tu ne veux pas en supporter davantage, finalement. Alors tu l’arrêteras.

Tu le regardes se débattre, lancer une tonne d’assauts pour sortir de sa mare, pour trouver de l’oxygène. Tu souris. Ça t’amuse de voir une telle faiblesse. Il tente malgré tout de quitter cette bulle qui le dévalorise, mais … C’est surtout une façon de s’enfoncer davantage. Englué dans son incapacité. La hargne est alors un défaut. Tu soupires, puis uses de ta sensorialité pour le retrouver parmi cette brume. Tu as le plaisir de remarquer qu’il utilise une technique de clonage pour se dédoubler, et tente de t’attaquer en traître. Un sourire malicieux naît sur tes lèvres. Que faire, que faire … Tu hésites. Lui montrer toute ta force et le faire taire d’un seul coup, ou lui laisser l’espoir qu’il puisse te vaincre ? Non, ce serait de la pitié, et son ego en prendrait une claque. Il veut que tu te battes comme s’il était ton égal, que tu lui montres ce que tu vaux. Et puis, après tout, ne t’a-t-il pas considérée comme faible à cause de ta condition de femme ? Ohoh, pas de quartier alors ! Tu vas lui montrer ce que c’est qu’être une kunoichi !

Tu concentres alors toute ton attention sur son système nerveux, attendant simplement de sentir l’impulsion qui déclencherait toute sa riposte. Et … Boum. Il fait le mouvement de travers. Tu crées de petits fils de chakra autour de ton poignet, chope son pieu, le lui enlève des mains et le menace avec. Tes prunelles incarnates se noient dans les siennes. Tu brûles intérieurement. Tu brûles d’envie de le propulser en arrière, de lui faire payer son affront. Ça te démange. Mais tu n’en feras rien. Pas maintenant.

▬ C’est bon, c’est fini, ou tu veux vraiment te battre ?

Tu le repousses violemment et envoies valser l’arme en glace, qui explose en morceaux contre l’arbre. Tu soupires, et t’essuies doucement la main pour enlever les restes.

▬ Je ne te ferai aucun cadeau, qui que tu sois. Nous sommes tous deux shinobis de ce village, nous appartenons à la même bannière, nous travaillons pour le même Mizukage, nous visons les mêmes choses. La différence, c’est que ta vie a été ponctuée d’événements différents de ceux qui ont rythmé la mienne. Tu as été rétrogradé, oui, et alors ? N’étais-tu pas meilleur avant ? N’as-tu pas beaucoup fait pour ce village ? Oui, et pourtant, peut-être en ai-je fait autant dans ma carrière ? Pour des choses différentes ? Peut-être ? Il n’est nulle raison de comparer nos deux vies passées, seules importent celles à venir. Le futur est plus intéressant que le passé, non ?

Des discours, des discours … Mais tu le penses vraiment, s’il n’est pas bête, il le verra dans tes yeux. Tu hausses les épaules par la suite, et reviens sur l’origine même de sa venue, qui t’intéresse beaucoup plus que le reste, au final.

▬ Si tu acceptes de faire la part des choses et de passer outre le fait que je sois une femme, je veux bien t’apprendre mon savoir, et partager avec toi ce que je sais faire. Après tout, Anro était mon père, j’ai suivi son entraînement, et si j’ai été désignée comme héritière, il y a forcément une raison, non ? ~

Tu te tournes vers la porte de la maison, exhale un nouveau soupir. Tu sais que quelques détails de cette histoire ne sont pas véritables, qu’ils sont juste un peu remaniés. Mais tu ne diras rien. Les choses sont telles quelles à ses yeux, il n’a pas besoin d’en savoir davantage. Tu lui fais de nouveau face.

▬ Le choix est tien.

Spoiler:

**Contenu sponsorisé** Informations

» Une nouvelle recrue, une nouvelle rencontre, et oupsss! (pv Katsuo et Baku)
» Nouvel environnement, nouvelle maison, nouvelle famille
» Une nouvelle...
» Une nouvelle note
» Nouvelle rencontre [PV - Aru]

Une nouvelle rencontre : une opportunité ?

Une nouvelle rencontre : une opportunité ?

Sujets similaires

Sujets similaires