« Pff...C'est toujours pas ça. Il faut que ce soit opérationnel avant mon départ. ai-je dis, essoufflé et tout en sueur. »

Il y avait la mandarine. Du haut de ses quelques centimètres tout ronds, elle regardait le monde. La nuit recouvrait désormais tout le village et elle restait là, à même le sol, sans comprendre. Oui, une mandarine douée d’un esprit. Étrange ? Mais pas du tout. De nombreuses créatures incroyables s’animaient, à Kiri, la nuit. Malheureusement, leur fanfare secrète ne durait jamais bien longtemps. Il ne s’agissait qu’une histoire de secondes, voire de minutes lorsque la chance se trouvait de leur côté. Ces petites bébêtes, tombées de l’arbre, remuaient doucement leurs popotins jusqu’à ce que leur énergie vitale eût entièrement disparu de leur être. Une vie courte, plus éphémère que celle des papillons mais, certaines en profitaient au plus haut point. Il ne fallait pas sous-estimer ces petites créatures ! Elles savaient comment tirer quelque chose de leurs quelques secondes d’existence.

Avec la mandarine se trouvait la pomme. Sauf que cette dernière ne regardait pas le gravier de près, non. Elle volait. Ou du moins, quelqu’un la faisait voler. Le petit fruit, aux couleurs rougeâtres et vertes – une reinette – voyait le monde de très haut. Pour lui, du moins. Mais Apple était habituée ! À force de se faire secouer comme une vieille chaussette par le vent, suspendue à son arbre, elle avait fini par s’y faire, à toutes ses secousses. Ce qu’elle ne pût prévoir fut la perte lente, mais brutale, de ses morceaux, arrachés un à un, avec des tailles différentes. Un monstre redoutable la démembrait au fur et à mesure de son voyage, jusqu’à ce qu’elle se retrouvât entièrement nue, sans rien pour se protéger. Ses bonnes grosses joues disparurent entièrement, remplacées par un vide froid. Puis, après un long voyage près du ciel, la pomme s’envola de nouveau jusqu’à atterrir dans un sac. Un lieu malodorant, qui brûlait ses narines. Elle supporta la puanteur un instant, jusqu’à perdre la vie. Son temps était écoulé.

La mandarine regarda sa chère amie disparaître avec tristesse. Petit à petit, tout le monde la quittait, personne ne voulait faire la fête, ce soir. Alors, elle décida de se rendormir. Cependant, quand elle tenta de se laisser porter par Morphée, un pied géant l’écrasa. Sprotch. Il n’y eut plus de bruit, plus rien. Juste la fin. La fin du règne des fruits, la fin de la fête. Le glas venait de sonner. Mademoiselle la Mandarine ne pouvait plus rien gouverner, enfermée au royaume des morts. Une mort prématurée, mais pas douloureuse. Une mort incompréhensible, mais ainsi allait la vie dans le monde des fruits. Elles ne comprenaient jamais ce qui leur arrivait, trop petites pour voir ce qui les entourait. Alors, elles quittaient le monde, heureuses de l’avoir vu et peu leur importait d’où. L’odeur du cadavre de la mandarine remonta jusqu’aux narines de Yuka. Elle avait senti quelque chose s’écraser sous son pied … était-ce donc cette pauvre petite ? La brune recula d’un pas et remarqua que oui. Il s’agissait de Caroline ! La plus joyeuse des mandarines ! Elle faisait la fête à chaque fois que l’occasion lui était donnée et là … Elle gisait, écrasée, face contre terre, décédée. La Mitsuharu haussa les épaules. Tant pis. Une de moins dans son estomac. Doucement, la brunette se pencha pour ramasser l’agrume quand …

— YOUHOU. Ça marche ! ÇA MARCHE !

Yuka fit un bond en arrière. Caroline venait de parler ! Même dans la mort, la mandarine s’exprimait ! Bordel ! Où allait le monde, où allait le monde ?! Mais … Une minute … Les agrumes, les fruits, aucun d’entre eux ne pouvait s’exprimer … Et puis, la voix était masculine et, pour couronner le tout, la brune la connaissait. Elle réfléchit une minute et se remémora la scène. Une voix d’homme. Un cri dans le quartier des sabreurs. Pas trop loin. Le terrain d’entraînement ? Ok, pas une minute à perdre. La Mitsuharu prit le cadavre et le jeta avec la pomme défunte. Ainsi, les deux fruits se retrouvaient, même dans la mort, pour une éternité à contempler l’univers de cette poubelle nauséabonde. Triste histoire.

La kunoichi accéléra le pas, pénétrant dans le terrain d’entraînement, y découvrant Shinichi, allongé contre le sol. Alors, le Mizukage, entre deux batailles de nourriture, s’entraînait ? Intéressant, très, très intéressant. Enfin, ce fut ce que Yuka pensa, à le voir ainsi allongé par terre, suant de partout. Il leva les yeux jusqu’à les poser sur elle, avant de se relever d’un seul coup et, comme toute personne surprise, de la questionner sur le temps de sa présence. Eh bien oui, cela faisait combien de temps, hein ? Et si elle l’épiait ? Depuis le début ? Ohohohoh … Des étincelles de malice pétillèrent dans les prunelles de la Mitsuharu.

— Je sais pas, peut-être une bonne quinzaine de minutes, plus ou moins ? J’ai tout vu, tout entendu !

La capacité Connerie enfantine gagna un niveau ! Félicitations Yuka !
La brune toussota doucement et reprit, un air un peu plus sérieux sur le visage. Ou presque.

— Non, je viens d’arriver, à vrai dire. J’ai eu peur quand je t’ai entendu crier.

Censure sur les circonstances, personne ne devait connaître cette scène des plus étranges. Absolument personne. Pas même le plus silencieux des Kirijins. Seul le Silence pouvait en avoir connaissance. Et comme il s’agissait du Silence, il ne risquait pas de parler. Hahaha. Bon, plus sérieusement.

— Mais qu’as-tu réussi de si glorieux, pour être aussi heureux ? Je t’avoue que ça m’intrigue, je t’ai entendu de loin !

Je te trolle, tu me trolles …

Yuka regarda le jeune homme en souriant. Il avait l’air si convaincu. Si … Profondément touché par cette histoire de secret. Cela lui donnait un air de génie ridicule. L’allégorie même de l’oxymore. Comment donner naissance à la connerie, tout en lui associant une image de surdoué. En cela, il atteignait les sommets. Certes, ceux de l’idiotie, mais tout de même ! Il avait cette petite perfection qui le rendait absolument incroyable. Et terriblement risible. La brune arqua doucement un sourcil, avant de hocher la tête et de se prêter au jeu, comme toute gamine prête à rire de tout et n’importe quoi.

— Ouais, ça a l’air vraiment secret … Si tu me le disais, je me sentirais comme privilégiée ! Plus privilégiée que les Rois face à la Cour et aux Pouvoirs ! Au summum même du privilège ! Han, ouais, ça sonne trop bien.

Lui faisait-il assez confiance pour révéler un secret d’une telle importance ?! La Mitsuharu ne le savait pas. Mais au pire, cela ne lui importait que peu, la satisfaction de savoir qu’il s’agissait d’un môme extatique, derrière ses grands airs de Mizukage, lui suffisait amplement. Connaître tout de tout le monde, même les détails les plus insignifiants, la mettait en joie. Son petit côté commère s’en faisait un plaisir infini. Un sourire amusé naquit sur ses lèvres, jusqu’à ce qu’il ne la coupât dans ses réflexions idiotes. Tout ça pour … Un jutsu … ? Le sourcil de Yuka grimpa plus haut. Il venait de créer un jutsu et voilà d’où provenait son immense joie. Cela semblait irréel. Presque impossible. Voire faux. Et pourtant, il s’agissait bien de cela. Une technique. Sans nom. Alors il fallait parler de la technique inconnue. La technique inconnue, nouveau mystère. Un nom murmuré dans le silence, mais aucun qui ne sortait du lot. Mais. En tous les cas, s’il était aussi heureux pour cette raison, cela ne regardait que lui. Et la brune ne pouvait que se réjouir pour son cas. Sans en dire davantage.

Et là, pouf.
Il s’élança dans son petit trip et fit une démonstration à Yuka. La kunoichi le suivit sans même lâcher une miette de sa prestation. Les mouvements s’enchaînèrent à une vitesse surprenante, impossible à suivre. Il se retrouva très rapidement derrière le pantin de bois, comme s’il l’avait … transpercé. Pourtant, lorsque la Mitsuharu le regarda d’un œil plus attentif, elle ne voyait aucune marque de sabre sur son tronc. Rien. Il était intact. Elle pencha la tête. Il y avait une couille dans le pâté. Mais, à le voir, il semblait terriblement heureux ! Il paraissait convaincu, sûr de sa réussite. La brune plissa les paupières et le fixa, troublée.

— Mais … tu lui as fait quoi ? N’est-il pas censé être … tranché ? Avoir une marque, aussi infime soit-elle, qui montre que tu es … passé au travers ? Enfin … Je sais pas, quoi. Mais … Mais il est intact ton pantin !!

Elle ne comprenait pas. Yuka ne parvenait pas à saisir le pourquoi du comment. Ce pauvre pantin ne lui apportait aucune réponse, juste davantage de mystères. Cela l’agaçait légèrement. Cependant, l’énervement se transforma rapidement en un certain intérêt. Ce nouveau mystère l’intriguait au plus haut point. Sa curiosité était piquée à vif et une plaie béante ressortait de ce nouveau manque.

— Recommence ! Je vais suivre ça de plus près. Et si je ne comprends pas … Tu pourras m’expliquer ? Puisque tu m’as dévoilé un morceau de ton secret si secret … Je pense que je suis apte à tout savoir, non ? Alleeeeeez, s’il te plaît, sois mignoooon. ~

Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres. De petites étoiles illuminaient ses yeux. Décidément, ce type montrait toujours, à chaque fois qu’elle le croisait, une différence toute particulière. Un bon Mizukage, en somme.

Suite à la demande de Yuka, le Mizukage réitéra son action, fonçant de nouveau sur le pantin. La jeune femme le regarda avec une très grande attention – certainement plus grande que toutes les autres fois –, sans le lâcher ne fût-ce qu’une seconde des yeux. Elle le suivait des yeux, sans perdre une miette de tout ce qui venait de se dérouler. Avec beaucoup d’attention, la brune remarqua qu’il ne traversait pas le pantin. Pourtant, malgré tous ses efforts, tout le cœur qu’elle mettait à l’ouvrage, cela lui semblait impossible. Ce tour de passe-passe était tout bonnement très réussi. Dans sa tête, la scène se refaisait, jusqu’à ce qu’elle pensa à quelque chose de si infime que cela lui parut complètement idiot : peut-être qu’au lieu de s’élancer sur le pantin pour le traverser, il cherchait à le contourner et, ainsi, il se retrouvait derrière, sans lui avoir tranché les entrailles. Elle plissa les paupières et réfléchit un instant. Une attaque surprise. Pas mal, pas mal. Vraiment pas mal.

Le Mizukage revint jusqu’à elle et lui expliqua le pourquoi du comment. Comme Yuka le pensait, il ne s’agissait pas d’avancer pour tuer, mais d’avancer pour simplement nuire. De ce fait, Shinichi adoptait une stratégie vraiment très intéressante, qui lui donnait la possibilité de se moquer de son adversaire, sans pour autant le laisser intact. Oh ouais, oh ouais. Cette technique surprenait beaucoup la Mitsuharu, qui ne pouvait réprimer son grand intérêt pour celle-ci. Tout cela avait l’air si … Si irréel ! Elle le regarda avec des prunelles brillantes.

— Incroyable …

Et là, la question de l’essai. Cela ne lui coûtait rien et, surtout, lui faisait grandement envie. Se jeter sur ce pantin pour tester cette « illusion d’optique », comme le disait Shinichi, révélait en elle une malice et un faux talent inné, qu’elle se recherchait depuis très longtemps ! Alors, la demoiselle hocha vivement la tête et se tourna vers le Mizukage, un air fasciné plaqué sur le visage.

— Bien sûr !

La voilà partie. Elle s’élança vivement sur le pantin, et le contourna de quelques pas avant de … tomber. Ses pieds s’emmêlèrent et pouf, plus de Yuka. Juste une crêpe, étalée par terre, sa maladresse exposée au grand jour. Elle leva les yeux pour voir Shinichi et rougit doucement, avant d’exploser de rire.

— Je réessaye !

Persévérer, toujours. Ne jamais s’arrêter avant d’avoir trouvé la solution. Continuer, encore et encore, à en perdre le souffle, la tête. À en avoir des courbatures à ne plus pouvoir marcher. À se sentir vide de toute énergie. À vouloir en mourir. Il lui fallait se battre, mener bataille contre ce stupide pantin pour maîtriser cette super technique ! Une acquisition aussi belle, cela ne se ratait pas ! Surtout pas devant le Mizukage ! Bon, OK, ils se connaissaient d’une bataille de nourriture, suite à une réunion qui semblait si importante que cela aurait pu la stresser mais … en quoi cela importait-il ? Son grade montrait qu’il jouait un rôle important au sein du village et Yuka savait que cela ne tombait pas du ciel. Rien que pour lui montrer qu’elle n’était pas bonne qu’à jeter des boules de riz, la brune recommença. Cette fois, elle se jeta bien sur le pantin, mais ne fut pas assez rapide. Dommage, non ?

— Eum … Je t’avoue que j’aimerais bien savoir comment tu fais …

Elle rougit doucement et détourna le regard, embarrassée. Eh ouais, fallait que je me rende à l’évidence, c’est pas si facile !

Persévérer. Dans chaque jeu, les erreurs amenaient à la persévérance. Une bataille contre l’échec, menée pour amener à une victoire. Cela serait difficile, Yuka le savait pertinemment, mais elle ne pouvait s’arrêter maintenant. Maîtriser cette technique avec quelque chose de glorieux, mais, surtout, elle la savait extrêmement pratique pour la suite. Une illusion d’optique ? Haha, rien de plus amusant, surtout pour surprendre un ennemi. Et elle avait plein d’autres utilités, cette technique ! Un vrai petit bijou. Yuka se devait de la réussir. Vraiment. Même si cela passait par de très nombreuses gamelles, des occasions de se donner une image extrêmement ridicule. Elle s’en contrefichait, le résultat importait plus. Après tout, personne ne gravissait une montagne en un jour et, à en voir la réaction de Shinichi lorsqu’il l’avait réussie, elle n’était pas si simple à maîtriser.

La brune regarda le Mizukage, qui semblait enclin à l’aider pour assimiler correctement la Devil Obake Ghost. Que de bonté, que de bonté. Ce type n’était donc pas qu’un simple idiot jouant joyeusement avec la nourriture. Il y avait quelque chose de plus, comme la Mitsuharu le savait déjà. Ah, un bon Kage. Kiri pouvait s’en vanter. Elle suivit les gestes de ce dernier d’un œil attentif, tentant de s’imaginer les prochains gestes à faire. Avec ce repère, Yuka aurait plus de chances de parvenir à son objectif. Elle respira longuement et se prépara. La rapidité importait plus que le reste. Mais il fallait également maîtriser cette même rapidité. Se jeter dans une course folle sur le pantin sans réussir à l’éviter sur la fin ne servait à rien.

Courir. Atteindre la ligne. Dévier la trajectoire de quelques pas et attaquer le pantin.
La brune réfléchit et finit par hocher la tête. Déjà, elle devait courir vite. Très vite. Ensuite, calmer sa course brutalement pour contourner le morceau de bois. Cela s’avérait déjà beaucoup plus compliqué que la première étape. La dernière, quant à elle, venait plus naturellement. De ce fait, il s’agissait juste d’avoir une excellente maîtrise de son corps. Ce serait légèrement ardu, mais pas impossible.

Yuka se concentra et, après un petit instant de réflexion, s’élança le plus rapidement possible sur le pantin. Elle rata la ligne de quelques pas. Trop rapide. Comme si Shinichi n’existait plus, elle recula et réitéra. Cette fois, sa course la mena juste au bon endroit, mais elle bloqua au moment du ralentissement. Cela l’arrêta net. Au moins, quelque chose de bien se passait : Désormais, Yuka connaissait la vitesse idéale. À nouveau, oubliant totalement l’existence du Mizukage, la Mitsuharu recommença. Cette fois, tout concordait. Ou presque. Elle ne le savait pas. Mais son déplacement l’amena au bon endroit et au bon moment. Cependant, de sa place, comment savoir si l’illusion fonctionnait ? Ahah. Dommage, mais la brune n’était pas omnisciente ! Dès lors, elle se retourna et regarda Shinichi, avec une mine interrogative.

— Eum … C’est déjà mieux ? Je ne sais pas si j’ai complètement réussi, en fait. J’ai l’impression qu’il me manque quelque chose …

La brune revint vers le Mizukage, prête à écouter ses conseils avisés. Haha. En tant qu’entraîneur, ce shinobi était plutôt doué. Ses élèves avaient de la chance, tout de même. Enfin. S’il guidait des shinobis, évidemment. Yuka sourit.

— Je ne sais pas où. Si c’est dans l’exécution du dernier mouvement, ou dans la rapidité.

Comme si elle parlait d’une danse. Aaaah …

« Euh... Je ne crois pas non. Je ne t’ai pas vu transpercer le pantin. C’était trop lent ! T’as donc failli ! Allez, femme, remets-toi au travail tout de suite. Et que ça saute !»

« Je blague bien sûr ! C’était un poisson d’Avril. »