L'endroit est un étrange mélange de force naturelle et de puissance technologique. Saori n'avait jamais réellement pu observer de ses propres yeux la technologie de ceux que l'on nomme Saibogu mais force est de constater qu'elle a un petit côté effrayant. Ou peut-être que la puissance tranquille d'Ootoke ainsi que ses vrombissements incessants amplifient ce sentiment. En tout cas la noiraude n'est guère à l'aise depuis qu'elle est arrivée sur cette îles noircie par les cendres. Et ce n'est pas uniquement dû aux installations du Kyomu ou aux volcans qui projettent leurs ombres menaçantes sur la terre comme dans les cieux. La jeune femme sait que quelque part sur Haï, il y a maintenant des années de ça, elle était elle aussi emprisonnée, à la merci d'autrui.

Ce qui est le cas de ce Hoheinheim Van que Yami a capturé dans le cadre de la guerre entre le Shûkai et Kaminari. Saori a rencontré le Ketsueki une seule fois, lors de son examen médical d'entrée au Kyomu. Et si la chose n'était guère agréable, elle a de la peine à imaginer ce que le prisonnier a pu subir bien que les multiples plaies qu'il porte encore lui en donnent une idée assez précise. La jeune femme ne se laisse pas pour autant aller à la pitié: s'il est ici, sous terre, c'est qu'il l'a mérité d'une manière ou d'une autre. Il faut savoir choisir son camp, celui qui sera le plus à même de vous garantir la liberté. Et à ce jeu-là il semblerait que Hoheinheim ait parié sur le mauvais cheval...

Ainsi donc l'eisenin se trouve dans la cellule de l'homme en question avec la ferme intention de garder un oeil sur lui. Pour l'instant il semble encore sauvegardé de la réalité par les divers calmants qu'elle lui a injecté pour l'éloigner de la douleur. À moins que ce ne soit le choc ou la fatigue? Difficile à dire... Pour l'heure elle se contente de réduire les doses nécessaires à son bien être. Et, tôt ou tard, il ouvrira les yeux. Et à ce moment-là une autre épreuve commencera pour lui. L'enfant de Kaze sait qu'il n'est pas aisé d'être privé de sa liberté. Mais elle a de la peine à imaginer ce que cet état de fait signifie lorsqu'en plus vous avez été privé d'un bras et d'une jambe.

En attendant elle se contente de lire un ouvrage détaillant les légendes et autres informations qui ont été recueillies sur les Bijuu au fil des siècles. Un sacré pavé! Mais un pavé des plus passionnants! Ces créatures sont fascinantes et ce, sous bien des égards. Ho Saori en avait déjà entendu parler, bien sûr. Comme tout le monde. Mais les récents événements semblent les avoir extirpés des tréfonds du passé. Une bonne chose? Peut-être...

"Je me demandais si vous alliez vous réveiller un jour!" s'amuse-t-elle lorsqu'elle remarque finalement le regard du prisonnier posé sur elle. "Et aussi si ce serait une bonne chose pour vous... Pour être honnête je reste mitigée sur ce point!"

Vaut-il mieux vivre ou mourir lorsque l'on se trouve dans cet état? Elle n'a pas la réponse et encore moins la prétention de l'avoir. Ça doit dépendre des individus, de leurs forces mentales. Saori referme l'épais volume et le scelle dans l'un des sceau de sa ceinture avant de s'approcher du Hoheinheim. Elle le dévisage quelques instants avant de laisser son regard vagabonder sur les blessures qu'elle connaît déjà. Les soins qu'il a reçus ont été sommaires, dictés par les impératifs du moment. Il revient désormais à la jeune femme d'achever le travail.

"Ne tentez rien de stupide d'accord?" l'avertit-elle avant de s'agenouiller à ses côtés. "Vous êtes peut-être un guerrier réputé au Shûkai mais ici vous n'êtes pas grand chose. Et puis vos blessures auraient tôt fait de vous achever s'il vous venait à l'idée d'essayer de vous échapper..."

Chose dont elle ne le croit pas capable. Pas dans son état. Mais on ne sait jamais: mieux vaut prévenir que guérir, comme on dit. L'eisenin porte aux lèvres du captif un sceau qu'elle déverrouille lentement et qui déverse de l'eau fraîche dans la gorge du patient. Le tout en tenant sa main gauche en retrait, prête à l'affubler d'une lame de chakra au cas où ses avertissements se seraient heurtés à un mur.

"Je m'appelle Saori et on m'a chargée de prendre soin de vous pendant toute la durée de votre... séjour en ces lieux!" se présente-t-elle tandis qu'elle continue de l'abreuver. "J'apprécierais que vous me facilitiez la tâche en restant docile. Mais quoi qu'il arrive je remplirai la mission qu'on m'a confiée! Vous comprenez ce que ça signifie n'est-ce pas?"

Elle pose son regard dans le sien pour être certaine qu'il saisit bien la réalité dans laquelle il se trouve. Soigner est un devoir pour la jeune femme. Mais que ses patients soient d'accord ou non lui importent peu dans le cadre du Kyomu. Elle fera tout simplement ce qu'on lui demande. Et si elle préférait que ce soit avec l'aide du patient en question, elle se passera tout aussi bien de sa coopération si cela s'avère nécessaire.

La noiraude commence par retirer les bandages du bras gauche - ou plutôt de ce qu'il en reste - tranché à hauteur d'épaule. La plaie n'est pas infectée, elle y a veillé. Mais elle nécessitera un brin de travail supplémentaire pour que le moignon se forme correctement. Ce qui implique un travail de précision et de longs moments passés en compagnie du prisonnier. Peut-être même des semaines si ce dernier n'entend pas raison...

Saori commence ainsi par déposer un sceau destiné à neutraliser les nerfs du patient et à lui éviter une souffrance bien inutile. S'il gigote à chaque coup de scalpel elle n'a pas prête de quitter l'île. Et puis malgré ce que cet homme peut peut-être penser le Kyomu n'est pas une organisation de monstres. Enfin... pas seulement! Il a de la chance dans son malheur:
il aurait pu tomber sur bien pire qu'elle!

"Comment est-ce arrivé?"

Elle désigne d'un mouvement de tête l'étrange prothèse en bois que le Hoheinheim porte à l'endroit où se trouvait son bras droit. L'enfant de Kaze continue ensuite à se concentrer sur le nettoyage de la plaie, recourant au fuinjutsu lorsque cela s'avère nécessaire. Elle devrait se réjouir: si l'homme est familier des amputations, il saura plus facilement s'acclimater à la perte de deux membres supplémentaires. Voilà qui devrait quelque peu l'aider...

Encore une fois Van rouvrit les yeux dans cette cellule sombre. Il s'était assoupit quelques heures après avoir découvert pour la première fois l'endroit où il était enfermé. Dans son état il lui arrivait régulièrement de tomber de fatigue. Il n'avait eut vent d'aucune nouvelle de la guerre, ni de la façon dont elle s'était conclue. En attendant et toujours très affecté par sa nouvelle condition, le Lumineux semblait avoir perdu quelque peu de son éclat... Il passait le plus clair de son temps à somnoler et à tenter de récupérer.

Pourtant cette fois à son réveil, la silhouette d'une jeune femme assise dans sa cellule attira aussitôt son attention. Elle était en train de lire un recueil dont Van ne parvenait pas à lire le titre sans ses lunettes de vues. Après quoi celle-ci remarqua que le prisonnier s'était réveillé et décida d'engager la conversation. Elle n'avait pas manqué de faire un bref topo de la situation dans laquelle se trouvait l'ancien Seigneur de Guerre. Sa présence ici paraissait être rattachée aux soins qu'elle était venu lui prodiguer. Apparemment Van était plus utile au Kyomu en vie plutôt que mort... Une nouvelle qui comme l'avait suggéré la jeune femme, pourrait s'avérer être aussi mauvaise que bonne.

En tout cas le Trentenaire resta bien sagement allongé et sans bouger le temps de ses soins. Malgré la méfiance dont pouvait faire preuve la jeune femme à son égard, celle-ci ne risquait pas grand chose à s'occuper d'un tel infirme. Van la laissa donc poursuivre sur les présentations et pu ainsi apprendre son nom. Elle s'appelait Saori et prenait la peine de quelques attentions courtoises vis à vis de sa personne. Le Trentenaire pu boire quelques gorgées d'eau puis se voir changer ses anciens bandages. Il était reconnaissant que l'on vienne s'occuper un peu de lui et ce quand bien même cela puisse être un ordre.

Van ~ " Dans mon état je crains fort qu'il me soit difficile de tenter quelque chose... Tout cela n'a tellement plus d'importance désormais... "

Hoheinheim était réaliste et quand bien même le Kyomu se déciderait à le libérer, sa condition physique ne lui permettrait même pas de se déplacer jusqu'à Taki. Tout ce qu'il pouvait faire était d'attendre que l'on vienne lui exposer les conditions de sa survie dans cette guerre et qu'on finisse par lui dire que le Shukai avait échoué.

Van ~ " J'ai perdu ce bras lors d'une expérience. Une erreur de calcul... La science sait se montrer cruelle pour qui s'y intéresse. Parfois nous croyons toucher au but, puis nous perdons une chose à laquelle nous tenions... Vous est-il également arrivé d'échouer Saori ? "

Quel genre d'expérience est à même de vous délester d'un bras lorsqu'elle échoue? Cette dernière était-elle semblable à celles que j'ai subies quelques années plus tôt? Est-ce que cet homme ressemble plus à Tengoku que ce que j'imaginais de prime abord? L'idée de faire dévier mon scalpel de chakra de quelques millimètres pour causer à notre hôte une souffrance inutile m'effleure l'esprit. Puis je me rappelle que mes considérations personnelles n'ont pas à interférer dans la mission confiée par Red. Si je suis ici c'est au nom du Kyomu...

Je marque néanmoins quelques instants de pause avant de daigner répondre à la question du captif. Si j'ai échoué? Constamment... J'ai l'impression que les rares victoires que j'ai pu obtenir ont maintes fois été assombries par la déception de l'échec. Si je considère cet état fait négativement? Pas le moins du monde! Car après tout ce sont les épreuves qui vont font avancer, non les réussites qui vous confortent dans votre immobilisme.

"Oui, j'ai échoué... À maintes reprises..." que je lui avoue d'une voix douce. "Et je m'en félicite! C'est ce qui m'a permis d'avancer et peut-être même d'être du bon côté du miroir aujourd'hui, dans cette cellule."

À supposer que l'on puisse résumer le monde en des termes aussi simplistes que bon ou mauvais. L'échec est salvateur dans bien des occasions. Mais lorsqu'il met directement votre vie en jeu comme c'est le cas pour ce prisonnier alors il doit être fui comme la peste. Si cet homme avait eu un peu de bon sens il ne serait pas battu contre la Ketsueki. Et il ne serait alors pas dans cette situation aujourd'hui. C'est un raisonnement des plus logiques. Seulement il existe quelques mots dans ce monde qui éloigne les Hommes de la logique: devoir ou honneur comptent parmi eux.

Je me remémore alors ses mots: tout ceci n'a plus vraiment d'importance aujourd'hui. Est-ce un aveux susceptible de prouver qu'il ne tient plus spécialement à la vie? Un comportement qui m'agace mais que je peux comprendre. Après tout l'Empire achève de s'écrouler. Les rêves d'un homme aussi ambitieux que fou a enfin trouvé son épilogue. Et il ne pourra plus mener ses soldats se faire tuer au nom d'une quelconque fierté.

"Si vous êtes en vie je suppose que c'est pour une bonne raison. Alors laissez-moi vous donner un petit conseil vous voulez bien?" pure rhétorique, évidemment. "Quelle que soit la raison pour laquelle vous respirez encore, soyez-en digne. Si l'on vous questionne, répondez par la vérité! Si l'on vous demande de vous taire, gardez le silence! Et peut-être alors que vous aurez à nouveau l'occasion de contempler autre chose que les murs de cette prison à l'avenir..."

Un simple conseil amical. Elle n'a rien contre ce prisonnier. Elle n'en sait rien, par ailleurs. Ou si peu... Mais personne ne devrait être privé de sa liberté. Et puisqu'elle peut aisément se mettre à la place de Hoheinheim - bien que son corps à elle puisse encore se vanter d'être en forme - il lui semble normal de lui dispenser ces quelques conseils guidés par le bon sens. S'il souhaite mourir, il n'obtiendra pas gain de cause et se réfugiant dans la défiance. Et si sa fierté ou son honneur lui commandent de rester fidèle à cet Empire en ruine alors il convient de mettre certaines choses au point.

"L'Empereur est mort, en fait! Tué par Red!" ajoutai-je sur le ton de la discussion. "Et Taki - c'est de là que vous venez, je crois? - a été annexée par les forces de Kumo! J'ai pensé que vous aimeriez le savoir..."

Je ponctue mes déclarations d'un mouvement brusque des doigts qui lui ôte un morceau de chair particulièrement gênant. Puis j'appose un énième sceau qui commence alors à déployer de nombreux filins sombres. Ces derniers se chargent alors de cautériser la blessure selon un schéma complexe destiné à garantir la pérennité de ce qui sera bientôt un moignon. Au tour de la jambe, maintenant.

"Si je vous le dis c'est aussi parce que je tiens à ce que vous sachiez que quelle que soit la fidélité que vous portiez à votre Empereur, elle n'a plus lieu d'être. On ne doit pas obéissance aux morts!" ça me semble évident, non? "En revanche une personne avisée évite de froisser son hôte. Peu importe la façon dont il est reçu..."

Je balade mon regard sur les épais murs renforcés de métal de la pièce pour appuyer mes propos, bien qu'ils soient sans doute suffisamment clairs. J'insiste sur la réalité de sa situation car j'espère qu'il ne commettra rien de stupide. Je n'aime pas voir les gens mourir. Fussent-ils mes ennemis. Ce qui explique sans doute pourquoi mon champ lexical tourne autours de la prudence.

Je m'accorde une pause dans les soins que je lui distille et vais prendre place contre le mur. Le corps à ses limites et il faut savoir lui accorder une pause lorsque c'est nécessaire. Ce qui vaut pour lui comme pour moi. Je m'allume alors une cigarette - merci Nihilem pour la mauvaise habitude! - tout en me promettant de purger mes poumons du poison qu'elle charrie à la prochaine occasion. Puis je lève le paquet en direction de notre invité. Peut-être qu'il appréciera aussi s'empoisonner? Vu les circonstances, il n'est plus à ça près...

Toujours allongé, Hoheinheim écoutait attentivement chacune des réponses formulées par Saori. Elle semblait comprendre ce que pouvait traverser Van et réussir à faire preuve d'une grande empathie à son égard. Le Lumineux n'attendait pas tant de clémence de la part de ses ennemis. Il avait pensé croupir dans sa cellule un long moment encore avant qu'enfin on ne daigne venir le voir. Pourtant cette femme médecin était là à s'occuper de ses blessures. Bien qu'elle ne fusse pas magicienne, ses soins n'en restaient pas moins les meilleurs que l'ancien Seigneur de Guerre du Shukaï pouvaient espérer recevoir en ces lieux. Il tira enfin une première grimace lorsque celle-ci vint travailler sur ses moignons. Van n'était habituellement pas très sensibles à la douleur mais devait bien reconnaître souffrir de sa triste condition...

Enfin les quelques conseils de la membre du Kyomu n'étaient finalement pas plus surprenants que ça. Van devinait bien qu'il ne serait pas dans son intérêt de tenter de mentir ou de cacher des informations à ses détenteurs. Le fait qu'il soit encore en vie le laissait encore entrevoir de réussir un jour à se relever. En attendant il devrait se plier aux conditions de sa survie et faire preuve d'une certaine coopération. Car si une chose était sûre désormais; c'est que le Kyomu devait attendre quelque chose de lui.

Van ~ " Peut être bien... " Rétorqua-t-il simplement comme pour la conforter dans son idée.

Puis vint alors la suite et la terrible nouvelle concernant Taki et l'Empereur. Hoheinheim ne su retenir sa surprise en découvrant ce qu'il s'était passé. Ainsi même le grand Kakeshuou était tombé lors de la guerre. Le Shukaï n'était plus et le pays des cascades - pour lequel il avait tant sacrifié - avait été conquit par Kumo... Le monde du Lumineux venait littéralement de s'écrouler dans son esprit. Tous les pires scénarios qu'il s'était imaginé venaient de se réaliser et de prendre forme dans la seule bouche de Saori.
Il s'agissait sans aucun doute de son plus grand échec. Jamais Van n'aurait imaginé que perdre ce combat lui coûterait aussi cher... Peut-être avait-il mal évalué sa détermination et ses propres capacités. Il était resté muet pendant quelques minutes après l'annonce de Saori. Silencieux et complètement immobile, il n'avait fait que dévier son regard lentement vers le plafond.

Van ~ " Alors tout est terminé... " Souffla-t-il à demi mot. " Et dire que même l'Empereur est mort... Le Shukaï ne s'en relèvera jamais c'est une certitude désormais... Quelle ironie. "

Encore une fois il resta silencieux le temps d'un instant. Le temps sans doute pour lui d'accepter la nouvelle et de se faire à l'idée qu'il ne possédait désormais plus rien si ce n'était sa seule vie.

Van ~ " Kumo a tant de fois été mon ennemi.. Et voilà qu'après avoir tuer bons nombres de mes compagnons ces derniers s'emparent de mes terres... Grâce au Kyomu. " Ponctua-t-il. " Votre organisation était sans doute la plus crainte par l'Empire. Je le concède. Pour en avoir affronter trois de vos membres je peux dire que leur puissance n'a rien à voir en comparaison de celles des Kumojins... Et vous Saori ? Avez vous participer à cette guerre ? "

Saori ne peut qu'approuver d'un léger mouvement affirmatif de la tête les dires du Hoheinheim: l'Empire ne se relèvera jamais de la perte de l'homme qui était jusqu'à présent son socle. Est-ce une mauvaise chose? Elle ne le croit pas! À vrai dire elle devrait plutôt s'en réjouir si l'on considère qu'elle est convaincue que l'humain n'est pas fait pour vivre avec un maître au-dessus de lui. Mais elle a de la peine à se satisfaire de la mort d'une personne. Fusse-t-elle l'incarnation de tout ce qu'elle déteste. Cet antagonisme la pousse simplement à éviter le sujet tandis qu'elle poursuit le nettoyage de la plaie du captif.

"Lorsqu'une chose se termine une autre commence!" se contente-t-elle de commenter. "Le changement n'est pas une mauvaise chose..."

La conversation dévie alors sur Kumo et Taki. À l'entendre la noiraude a l'impression que le destin du Shûkai est secondaire pour le pensionnaire. Est-ce l'amour pour ses gens ou ses terres qui prédomine? S'accroche-t-il à l'amitié ou à un territoire? Saori plisse les yeux comme pour mieux capter les sentiments que l'homme exprime à travers ses mots. Il ne tarde pas à reconnaître la valeur de Kyomu et de ses membres, faisant parler son expérience personnelle pour appuyer ses dires. Il termine en lui demandant si elle a pris part à cette guerre. L'enfant de Kaze continue de l'observer en se demandant si c'est le désir d'en apprendre plus sur l'organisation qui le pousse à la questionner ou simplement le désir de converser. Que risque-t-elle à lui répondre? De toute façon il ne sortira jamais d'ici s'il persiste à être un ennemi de Red...

"Je ne fais pas la guerre!" lâche-t-elle avec un dégoût perceptible pour ce mot. "Je me contente de sauver des vies ou, si vous préférez, de réparer les dommages causés par le Shûkai, Kumo, le Kyomu ou n'importe quelle autre autorité se vantant d’œuvrer pour la paix... S'il faut des gens pour tuer, il en faut également pour sauver des vies!"

Elle regrette simplement qu'ils ne soient pas plus nombreux. Comme si tout le monde s'était accordé sur le fait qu'il faille verser le sang pour offrir un avenir digne de ce nom à l'humanité... La plupart des gens abondent dans ce sens sans jamais se questionner sur le bien fondé de leurs convictions. À se demander s'il n'existe qu'un seul chemin. Un chemin le long duquel les vies et les corps se font briser au nom de la sacro-sainte paix. Un non-sens parfait aux yeux de la noiraude qui continue son oeuvre curative sur les moignons du Hoheinheim.

"J'apprécie le fait de pouvoir m'endormir chaque soir sans être assaillie par les regrets ou les visages des morts dont je serais responsable!" conclue-t-elle.

Pourtant, des regrets, elle en a. Mais ils ne sont pas de cette nature. Et si elle ne trouve pas aisément le sommeil elle estime qu'il vaut mieux ne pas alourdir inutilement ce fardeau. Pour autant elle ne place pas réellement le Kyomu sur un pied d'égalité avec l'empire. Si Red et les autres ont décidé de prendre part à ce conflit, c'est pour éradiquer une menace bien plus dangereuse que celle qu'ils représentent. Entre deux maux, il faut savoir choisir le moindre. Et c'est ce que Saori estime avoir fait.

L'intéressée dépose ensuite précautionneusement un sceau sur l'une des plaies dont la chaire commence à se régénérer. Insuffisamment bien sûr pour reformer le membre disparu mais suffisant néanmoins pour former une cicatrice propre. Une partie de la noiraude lui commande d'éprouver de la pitié ou de la compassion pour cet homme mais elle n'oublie pas que si le Hoheinheim évoque ses gens ou ses terres, il n'est sans doute pas aussi blanc qu'il semble le croire. À l'entendre il n'est rien de plus qu'une victime de plus. Victime d'une guerre à laquelle il a pourtant choisi de prendre part:

"Est-ce que tout ceci en valait la peine?" le questionne-t-elle en tentant d'adopter un ton neutre. "Je veux dire... Vous êtes à présent prisonnier du Kyomu et vos terres appartiennent désormais à la Foudre. Pourtant nombres d'hommes et de femmes valeureux sont tombés au nom de frontières que l'histoire se chargera sans doute de remodeler à sa guise. Alors je ne peux m'empêcher de me demander: est-ce le désir de vengeance ou les regrets qui vous animent aujourd'hui?"

Elle dépose une jambe pliée sur son genoux et y déploie ses mains, attendant la réponse du captif. Elle n'attend pas grand chose de la réponse qu'elle demande mais... qui sait? L'Homme est animé par la violence, c'est un fait. Mais il reste également capable d'apprendre...

La conversation se poursuivait tout comme les soins que Saori était en train de prodiguer au Lumineux. Van apprit que la jeune femme n'était pas intéressée par la guerre, mais bien plus par le fait de sauver des vies. Elle n'avait donc pas participer au conflit ni n'était responsable de la mort d'un Shukaijin. Pour elle la mort n'entrainait que des regrets et la culpabilité d'avoir ôter une vie. Voilà donc une vision bien à l'antipode de ce que pouvait penser Van sur le sujet. Lui était plus sournois et avide dans ses intentions. Il ne trouvait en règle générale l'intérêt d'une chose, qu'à travers le bénéfice qu'il pourrait en tirer. Certainement était-ce pour ça d'ailleurs que l'ancien Seigneur de Guerre n'avait jamais hésité à accomplir les ordres du Kamui. Il avait gagné Taki de cette façon et bien d'autres choses encore. Pourtant aujourd'hui beaucoup de ces précieux biens lui avaient été retirés.

Van ~ " Sans doute les deux ma chère. J'ai cru à tord que la volonté de l'Empereur était plus forte que Kumo. J'ai pensé que le Shukaï pourrait s'étendre davantage et être une réponse à mes questions. Aujourd'hui mon plus grand regret est d'avoir perdu Taki et laissé Kumo s'en emparer. Pour le reste, je n'ai rien à regretter. " Faisait-il en faisant référence à toutes les vies qu'il avait pu ôter. " Et pourtant si je n'avais pas choisi de participer à cette guerre, Taki aurait sans doute été ravagé. Cette attaque sur Shimo et ma défaite auront au moins épargner le Pays des Cascades de connaître des dégâts conséquents. Je ne pouvais me résoudre à prendre le risque que Taki soit détruite. Surtout pas après tout le temps que j'y ai consacré... "

Certainement le Lumineux essayait-il de se rassurer lui même en disant cela. Le Pays des Cascades se situait après tout entre le Shukai et Kumo et aurait pu tout comme Shimo, souffrir du passage de la guerre. A la place et en son absence, Kumo n'aurait aucun intérêt à déclarer la guerre au Pays. Aussi croyait-il que les ninjas de Kaminari tenteraient tout d'abord de les approcher par la voie diplomatique afin de les rallier bien gentiment à leur cause. Ce qui pouvait encore lui laisser une chance un jour de récupérer ses terres...

Van ~ " Kumo est à l'origine de bien des morts parmi mes proches. Plusieurs de mes élèves et compagnons du Shukaï ont perdu la vie face à eux. Ne pas me battre aurait été un blasphème à leur mémoire. Je reconnais avoir mes tords, mais jamais je ne rendrais vain leur sacrifice. Je suis né à Mizu il y a maintenant presque quarante ans. Kiri a l'époque, était déjà en guerre contre Kumo. L'action de l'Empereur était donc en parfait accord avec ma volonté d'en terminé définitivement avec la Foudre. "

Finalement le regard de l'estropié captif se reporta dans celui de Saori. Il ne s'attendait pas à ce qu'une nukenin comprenne son ressentit à ce propos ni ne partage son point de vue. L'expérience de chacun était bien différente selon les origines. Demander à Van de reconnaître que cette guerre était inutile, serait comme demander à un kumojin de cesser subitement de haïr un membre de l'Empire.

Van ~ " N'avez-vous donc jamais perdu quelqu'un a qui vous teniez à cause de l'une des grandes nations ? Samui Kakeshuou était au moins un homme ambitieux qui n'avait que faire de la volonté des autres villages. Il est le seul à avoir tenter de dominer le Yuukan afin d'y instaurer une paix durable et unie. Hélas il a échoué et d'autres comme moi certainement souffriront de cet échec. Je connais peu d'homme dont la volonté à elle seule aura permit de rallier tant de Pays à sa cause... Et sans doute n'y en aura-t-il plus avant un long moment... "

Elle écoute. Elle écoute la folie d'un homme qui tente de se convaincre que la violence était justifiée. Voir nécessaire... Ho bien sûr elle garde le silence et continue de nettoyer patiemment les plaies avant de les résorber. Et elle souvient qu'elle n'a pas la science infuse. Elle a beau considérer qu'elle est dans le vrai ou que sa vision du monde est plus aboutie que celle du Hoheinheim, elle n'oublie pas qu'elle peut être en tort et que l'homme a sans doute passé plus de temps qu'elle a arpenter le Yuukan qu'elle. Est-ce par idéalisme ou par manque d'expérience que son esprit lui commande de contredire le captif? Ou est-ce simplement qu'elle n'a pas encore été souillée par cette atmosphère sur malsain qui règne sur le continent?

Toujours est-il qu'elle retient les mots qui lui brûlent parfois les lèvres pour se focaliser sur son travail. D'une certaine façon elle se sent coupable de soigner cet homme pour ensuite l'abandonner entre les griffes de ses supérieurs. Et peut-être qu'il est plus simple de se concentrer sur les torts de son patient que sur les siens. Quoi qu'il en soit elle n'est pas là pour faire un procès au Hoheinheim. Comment le pourrait-elle alors qu'elle n'a jamais dirigé une nation ou même des congénères? Le pouvoir implique des responsabilités. Et ces dernières ne rimes malheureusement pas toujours avec le respect d'autrui. Est-ce une nécessité? La preuve que la vie exige la destruction pour pouvoir s'épanouir?

*De la lumière naît l'ombre...* se rappelle-t-elle.

La noiraude s'accorde finalement une pause et lâche un léger soupire en posant le regard sur le blond. Elle aimerait lui prouver qu'il se trompe mais les preuves, justement, lui font défaut. Elle ne peut opposer que son propre ressenti à ses affirmations. Et elle a déjà pu se rendre compte que ce n'est guère suffisant dans un monde tourné vers l'individualisme. À croire que ses congénères ont jeté l'éponge. Qu'ils ont oublié qu'il existait une autre voie que la violence. Elle se demande parfois s'ils ont oublié que la force de l'humanité repose sur sa capacité à régir ses instincts les plus primaires. N'est-ce pas ce qui les distingue des animaux?

"Vous évoquez la mort de vos proches pour justifier vos actes?" s'amuse-t-elle. "Ce que je vois, c'est une personne qui nourrit elle-même sa propre haine en se basant sur le passé pour la légitimer. La paix ne naîtra jamais de la rancoeur mais plutôt de la capacité à pardonner. Vous excuserez ma... naïveté mais si chaque être humain ayant souffert cherche à se venger alors comment espérer que demain soit meilleur que hier? Comment briser ce cercle vicieux si personne ne souhaite y mettre un terme?"

Est-ce si... basique? On souffre alors il faut faire souffrir en retour? Chacun évoque la paix comme une nécessité mais personne ne s'applique réellement à la mettre en oeuvre. Elle n'est qu'un faire-valoir au nom duquel toutes les atrocités sont permises. Ça en serait amusant si des vies n'étaient pas sacrifiées par centaines voir milliers - au nom de cette fameuse paix. Ironie, quant tu nous tiens...

"Quant à Kakeshuou... Rassurez-vous: il n'était pas le premier ni le dernier à imaginer un monde uni sous une même et seule bannière! Il y en aura bien d'autres comme lui!" avance-t-elle, prenant l'Histoire à témoin. "Je me demande: est-ce que la propagande impériale était efficace au point que vous n'ayez pas su voir que son ambition ne servait nul autre que lui? Ou en tiriez-vous suffisamment d'avantages pour fermer les yeux?"

La jeune femme n'a jamais rencontré l'homme et c'est peut-être mieux ainsi. Mais elle ne peut pas regretter sa disparition. Aujourd'hui nombre de nations du nord du Yuukan sont à nouveau libre de choisir leurs destinées. Peut-être que Hoheinheim verra les choses comme elle en côtoyant des personnes ayant eu un point de vue extérieur sur les agissement de l'homme dont il défend la mémoire. Ce dont elle est sûre, en revanche, c'est que ambition, domination et paix ne sont pas des mots qui peuvent décemment être placés dans la même phrase.

"Pour répondre à votre question: non, je n'ai jamais perdu quelqu'un à cause d'une grande nation. Du moins pas à ma connaissance!" avoue-t-elle, ne sachant pas grand chose de son passé. "Mais je ne crois pas que les morts se préoccupent de notre monde vous savez? Et s'ils le faisaient je suppose qu'ils seraient affligés de voir ce que nous faisons en leurs noms. Ce n'est pas eux que nous cherchons à apaiser. C'est seulement notre tristesse ou notre rancoeur..."

Et pour une fois elle peut justifier sa phrase par l'expérience. Si aucune nation n'est directement responsable de la mort de l'Autre il n'en reste pas moins qu'elle a connu la douleur provoquée par sa disparition. Elle sait ce que cela fait lorsque le coeur est rongé par la haine et la souffrance. Mais elle se félicite de ne pas avoir répondu à leurs sirènes et d'avoir épargné Tengoku alors qu'elle avait sa jugulaire à portée de son scalpel de chakra. Aujourd'hui elle peut se regarder en face et être fière de ne pas avoir propagé davantage de rancoeur.

"Enfin... Quoi qu'il en soit le passé est le passé, n'est-ce pas? Nous n'avons aucune influence sur lui. Ce qui, fort heureusement, n'est pas le cas du futur!"

Elle se relève et se dirige vers la porte de la cellule. Il vaut mieux laisser les sceaux agir et ne pas trop brusquer l'organisme du captif. La noiraude reviendra dans quelques heures afin de poursuivre le traitement. Pour l'heure il faut du repos à l'homme. Fort heureusement il ne risque pas d'avoir un emploi du temps trop chargé entre les murs de cette prison... Saori frappe quelques coups contre la porte, donc, et attend que le garde vienne lui ouvrir. Ceci fait elle croise à nouveau le regard du prisonnier.

"Vous savez... Je ne les connaissais pas mais je ne crois pas que vos proches auraient voulu que vous terminiez votre vie dans cette cellule..." se hasarde-t-elle. "Gardez cela à l'esprit lorsque vous devrez répondre aux questions de Red!"

Cette discussion était instructive. Voir passionnante. Il est vrai que la noiraude ne partage pas du tout la vision du Hoheinheim mais il n'en reste pas moins qu'il lui a donné matière à réfléchir. Et inversement. La porte finit par s'ouvrir et la noiraude décoche un sourire qui se veut encourageant au prisonnier avant de disparaître dans l'ouverture. Elle espère sincèrement qu'ils auront l'occasion de poursuivre cette discussion...