À nouveau je me retrouve face à une feuille vierge. Elle n'est pas faite du même papier que celui que j'ai utilisé pour menacer Oniri. Une simple mesure de précaution. J'ai également banni la cigarette de la pièce de la demeure de Tsukiko dans laquelle je suis installé. La Saibogu a très clairement fait référence aux Tsunamo lors de notre dernière rencontre et si je ne peux être certain que ce soit lié au fait que j'en fumais lors de la rédaction de ma précédente missive, je ne peux pas non plus l'exclure. L'être humain est ainsi fait: il commet des erreurs dont il se sert pour évoluer et apprendre. Chaque défaite est en soi une victoire qui se dessinera dans l'avenir...

Une défaite... Voilà pourtant bien ce que je compte infliger à Oniri. Une défaite telle qu'elle n'aura aucun moyen de l'exploiter à son avantage. Une défaite qui la condamnera à la chute, à l'oubli et - je l'espère - à la mort. Je lui ai pourtant laissé l'occasion de s'en sortir à faible coût: il lui suffisait de tuer Ketsueki Yami, l'incompétente à la tête du Kakumeigun. Celle-là même qui n'a pas été capable de voir que sa partenaire au sein de l'équipe de la Godaime et la femme qu'elle côtoie régulièrement au palais était la responsable de la mort de notre précédente dirigeante. Ils ont tous été aveugles. Et il importe aujourd'hui d'ouvrir les yeux de celui qui est pourtant sensé ne pas ignorer ce qu'il se passe dans son propre village. L'ironie réside dans le fait que ce soit un simple genin qui doive s'en charger...

Ma main gantée se promène sur la surface de la feuille tandis qu'elle y trace des rangées verticales de kanjis. Et pendant ce temps j'ai à nouveau la même sensation que lorsque j'écrivais la missive à Oniri: un stress intense mêlé à de la peur mais également à un indicible espoir: celui de faire changer enfin les choses dans ce village. Lui rendre sa fierté et sa puissance d'antan pour le seul profit de Kazekage. Quitte à ce que Suna existe, autant qu'elle soit forte, à même de protéger ses citoyens et sa nation. Et le seul qui puisse pour l'instant répondre à mes désirs se trouve être le Kazekage lui-même. Ironique quand on sait que je rêve de tuer cet homme pour le remplacer. Mais chaque chose en son temps... Il arrive parfois qu'on doive se servir de l'ennemi pour arriver à ses fins. Ce n'est guère agréable. Mais c'est obligatoire en certaines circonstances. Tout ce que je peux faire, c'est espérer que Kioshi puisse se montre à la hauteur de la charge qui pèse sur ses épaules. Reste à savoir si ce sera le cas...

Je m'adosse finalement au dossier de ma chaise et écarte une mèche de cheveux blonds de mon visage. J'observe alors mon oeuvre et la relit rapidement. L'écriture est irrégulière, à nouveau proche de celle d'un enfant lambda. Ce qui est évidemment volontaire. Tout ce qui peut compliquer la tâche d'éventuels enquêteurs est bon à prendre. Bon et nécessaire...

Kazekage-sama,

je vous prie de m'excuser par avance pour la teneur de cette lettre et sur l'absence d'indications quant à son auteur. Mais je crois que vous comprendrez aisément que les révélations que je vais vous faire mettent ma vie en danger et qu'à ce titre la plus élémentaire des prudences doit être appliquée. Mais ce ne sont pas seulement les précautions qui me poussent à rester anonyme: je ne sais pas si je peux me fier à vous. Et croyez bien que je le regrette... Vos actes futurs me permettront cependant d'y voir plus clair et de savoir si j'ai eu raison de m'adresser directement à vous.

Voici de nombreux mois maintenant que la Godaime a été lâchement assassinée lors de son discours d'instauration de la démocratie à Suna. Et que son assassin présumé a trouvé la mort. Toutefois il est de mon devoir de fidèle shinobi de Suna que de vous faire part d'une terrible nouvelle: vous avez été dupé. Nous avons tous été dupés. Car la personne à l'origine de tout ceci est encore en vie. Et, pire encore, libre de ses mouvements. Libre de semer à nouveau la mort lorsqu'elle le souhaite. Car cette personne se trouve être Saibogu Oniri, la Conseillère à la défense de Suna. Je suppose que, comme moi, vous appréciez l'ironie de la situation. Et que vous comprenez que l'autorité dont elle jouit dans le village lui permet non seulement d'agir à sa guise mais également de réitérer un acte odieux comme celui qui a coûté la vie à Habashi Zanshi.

Vous vous demanderez sûrement où se trouvent les preuves qui pourraient étayer cette révélation. Et vous aurez sans aucun doute raison de le faire. J'en ai quelques-uns à vous fournir. Et je vous prie de croire qu'elles sont irréfutables. Mais avant de les partager avec vous j'attends quelque chose de votre part: que vous agissiez! Faites surveiller Oniri. Épluchez son emploi du temps ou faites-la interroger par des senseurs qualifiés et fidèles. Vous arriverez alors à cette triste conclusion: cette femme est bel et bien responsable de la mort de la Godaime Kazekage.

Suna et son peuple attendent de vous que vous rendiez la justice. Et vous avez le pouvoir de le faire. Lorsque vous serez alors vous-même convaincu que Saibogu Oniri est l'assassin de Zanshi-sama et que vous lui aurez fait payer le prix de sa trahison, je me dévoilerai alors à vous. Et je ferai la lumière sur toutes les zones d'ombres qui pourraient alors rester. Vous vous demanderez sans doute pourquoi vous devriez me faire confiance? Et je vous répondrai alors que vous avez bien accordé votre confiance à une tueuse ayant trahi Suna et Kaze et qu'il ne sera sans doute pas si difficile de croire un inconnu.

Vous avez un mois à partir d'aujourd'hui pour vous forger votre propre opinion. Pour rassembler des preuves et faire tomber l'assassin qui a pris une trop grande part de pouvoir dans ce village. J'espère sincèrement que vous me laisserez le bénéfice du doute malgré la méthode peu orthodoxe que j'utilise pour vous contacter ainsi que le peu de choix que je vous laisse. Mais j'ose espérer que vous et moi désirons la même chose: la justice. Ces trente jours passés et Oniri libre, je ne vous donnerai pas les preuves de l'implication de la Conseillère mais les remettrai au peuple de Suna ainsi qu'au Daimyo. Ce sera alors à lui de rendre la justice...

Croyez bien que je regrette d'en arriver à de telles extrémités mais le laxisme des autorités a déjà permis à une criminelle d'obtenir un poste à responsabilités. Et pour le bien du village mais également de la nation, il est tout simplement impensable qu'un tel manquement au devoir puisse se reproduire. Je ne peux dès lors qu'espérer que vous prendrez les mesures qui s'imposent avant que d'autres les prennent à votre place.

Respectueusement,
X

Parfait! Il ne me reste plus qu'à glisser ce pli dans une enveloppe et délivrer le tout à la tente de Kioshi. Il me suffira de payer un quelconque messager après m'être métamorphosé en une personne lambda. Simple et efficace. La seule inconnue à l'équation, dans le fond, est la suivante: Le Kazekage sera-t'il à la hauteur des glorieuses responsabilités qui pèsent sur ses épaules? Une question à laquelle j'espère obtenir rapidement une réponse...