Je travaillai, encore et encore. Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais je me contentai de le faire en m'efforçant de ne pas penser à la quantité colossal d’œuvre qui me restait à accomplir. Comme pour signer une sorte de renouveau, mais également pour me dire que je ne faisais pas tout ceci pour rien, j'étais entièrement reparti de zéro. Ainsi avais-je abandonné les premiers plans de ma moto pour me consacrer à un tout nouveau genre, plus puissant, plus rapide, plus résistant, et surtout équipé d'une balise de localisation. Je n'étais donc point en train de découper de la taule, ou d'effectuer des soudures, mais plutôt devant trois immenses tableaux à retranscrire les nombreux calcules qui défilaient dans ma tête. Je tentai de mettre au point un nouveau moteur. L'ancien système à galet cinétique était efficace, mais consommait beaucoup trop de chakra.

Je possédai une affinité raiton, mais savais à peine m'en servir. Ce genre de système directement basé sur la consommation de mon chakra atteignait rapidement ses limites lorsque je commençai à fatiguer. Deux possibilités s'offraient à moi, élaborer un moteur moins coûteux où mettre au point un résistance capable de conserver une réserve de chakra afin de me permettre d'économiser les miennes. Ce fut un véritable casse tête qui parvint à m'octroyer plusieurs nuits blanches d'affilées. La nuit, j'étais seule dans mon atelier au Kenkyuujo à griffonner à la craie sur mon tableau. Le côté extérieur à la porte d'entrée était désormais orné d'un panneau fortement éloquent, laissant clairement comprendre que je ne tenais pas à ce que l'on me dérange.

« Cet accès est interdit. Mort violente garantie. »

Dans le noir, il n'y avait que la lueur d'une unique ampoule au-dessus de ma tête pour m'éclairer. A plusieurs reprises cela me rappela cette fois ou Zanshi m'avait rencontrée, alors que j'étais en piteux état, malade et droguée à travailler de nuit. J’éprouvai toujours autant de honte quant à tout ce qui s'était passé, mais j'essayai de me conforter dans l'idée que cela m'avait permit de me lier à ma Sensei. Elle sans qui je ne serais jamais parvenue à devenir celle que j'étais à présent.

Cette fois-ci, j'étais parfaitement sereine de corps, sans aucune substance pour parcourir mes veines. Je ne pouvais pas en dire autant pour mes nerfs qui commençaient à lâcher un par un sous le poids de la fatigue. Mais j'étais fiers de moi, étant parvenue à grandement avancer dans mes recherches. Néanmoins le sommeil finit par avoir raison de moi et je m'endormais littéralement sur mon plan de travail. Je ne sus pas vraiment combien de temps s'écoula avant mon réveil. Celui-ci fut assez brut. Une présence, une main qui vint se poser lentement sur mon épaule. Je sursautai brutalement, me redressant d'un bond. Perdue, il me fallut quelque seconde pour me remettre les idées en place. Je papillonnai des yeux avant de parvenir à la reconnaître.

-Kioshi ?

La surprise était de mise. Ne m'attendant aucunement à le trouver ici, je me demandai de quoi je pouvais avoir l'air après avoir passé ces trois, non, ces quatre derniers jours enfermé au Kenkyuujo. Ainsi tentais-je de remettre un tant soit peu d'ordre dans ma coiffure totalement ébouriffée.

-Qu'es-ce que tu fais ici ? Fis-je, encore à moitié somnolente.

Mon regard se promena dans les environs. Moi qui d'ordinaire aimait tout tirer sur quatre épingles, je me rendis compte à quel point mon atelier s'était transformé en véritable déluge de paperasses entassées aléatoirement un peu partout. On pouvait y lire de nombreuses notes. Beaucoup de choses incohérentes sur la fin, mais d'autres tout à fait pertinentes, tout du moins aux yeux d'un Saibogu. J'avisais le Yamada de bas en haut comme s'il aurait put être une bête de foire ou une animal d'une espèce inconnu ce qui, dans mon sens, était un peu le cas. Nous ne nous étions pas revu depuis cette nuit au manoir Ketsueki qui s'était révélée assez... troublante... Je me grattai le haut du crâne, gênée.

-Tu veux t'asseoir ?

Je n'avais trouvé rien de mieux à lui dire et me contentai de faire glisser un tabouret dans sa direction. De mon côté je reprenais mes assises sur le miens. Je me frottai machinalement les yeux. La fatigue devait clairement se lire sur mon visage.

-Je présume que nous avons certaines choses à nous dires bien je ne sois pas certaine de vouloir aborder le sujet.

Trop épuisée pour réfléchir. Je me contentai de dire ce qui me traversait l'esprit, à savoir la franche vérité.

Ses paroles parvinrent à arracher un mince sourire sur mon visage fatigué. Il venait d'ignorer ma dernière remarque, peut-être n'était-ce pas plus mal. A dira vrai je ne me sentais pas le courage d'aborder toute cette histoire avec lui. Depuis que Yami l'avait embrassé, il... Tous deux, je n'arrivai plus à les considérer de la même façon, ce qui me donnait l'impression qu'un mur s'était immiscé entre nous. Quelque part je savais qu'il ne s'agissait que de divagations mues par la sincérité des sentiments que j'éprouvai à l’égard de la Ketsueki. Je mettais depuis longtemps faite à l'idée qu'elle ne pourrait jamais être mienne, mais je n'étais pas encore en mesure d'accepter le fait que d'autres puissent l'avoir à ma place. Mon regard s'attarda un instant sur le Yamada. J'eus à nouveau cette vision à l'esprit, celle au manoir, puis je tournais la tête, gênée.

-C'est gentil de ta part. Mais tu ne pourras pas vraiment m'aider. Je suis en train de travailler sur les plans. Peut-être plus tard.

Dis-je d'une voix un rien monocorde pour ne pas lui laisser percevoir un seul instant le fil de mes pensées. Machinalement, je me grattai de nouveau le cuir chevelue. J'ignorai quand est-ce que j'avais attrapé ce toc. Cela remontait à un moment. Toujours fut-il que j'avais tendance à répéter ce geste sans m'en rendre compte lorsque j'étais mal à l'aise ou gênée ; ce qui était précisément le cas en ce moment même. Je me redressai ensuite de mon tabouret pour m'étirer longuement toute fluette que j'étais, en poussant un bâillement silencieux. La fatigue et la somnolence continuaient encore d'engourdir mon corps.

-Mais je crois que tu as raison, je vais faire une pause. Tu viens avec moi à la cafétéria ? Ne t'en fais pas. Si je dois te tuer, je ferais en sorte que ce soit une mort rapide. En attendant, je te pardonne pour cette fois.

Un sourire malicieux ce dessina sur mon visage, beaucoup plus franc malgré la fatigue. Je faisais évidemment référence à l’écriteau sur la porte d'entrée de mon atelier. Généralement il servait à indiquer que j'étais d'humeur massacrante et que je ne tenais nullement à être dérangée, mais pour Kioshi, je voulais bien faire cet effort. Je me dirigeai vers la sortie tout en l'invitant à me suivre. Nous arpentâmes le long couloir traversant les ateliers ainsi que la salle d'usinage central pour nous rendre à l'autre bout du Kenkyuujo, dans la cafétéria, qui, elle, n'avait rien avoir avec le restants des locaux. Quand l'intérieur du bâtiment pouvait parfois se montrer, sombre, étroit, sinueux, empestant la poussière l'huile moteur et la taule brûlée, le lieu de repos des chercheurs se présentait d'une tout autre façon. Spacieuse, lumineuse avec ces grandes bais vitrée, il y planait un atmosphère assez convivial le tout accompagné d'une bonne odeur de café. Je ne manquai pas de me servir à la machine avant de m'installer à une table en face du Yamada.

-Tu n'as pas l'air de souvent venir au Kenkyuujo. Je sais que c'est très éloigné du mode de vie de ton clan, mais tu devrais prendre la peine de t'y intéresser. Comme tous les autres clan, cela fait partie intégrante de la culture et du mode de vie de Suna.

Fis-je portant ensuite ma tasse de café jusqu'à mes lèvres. Je me demandai si ce que je disais avait un quelconque intérêt à ses yeux. Pour ainsi dire, je faisais tout pour nous éloigner du sujet de conversation qui ne cessait d'occuper mes pensées depuis sa venue. Lorsqu'il posa son regard sur moi je détournai une fois de plus le mien vers la baie vitrée qui donnait directement sur l'extérieur. La journée était grandement avancée, le soleil brûlait haut dans le ciel. Pourtant, ici, la température était des plus abordables. Les systèmes de ventilation fabriqué par les miens étaient assez étonnent, ou bien était-ce tout simplement le Yamada qui me faisait face, qui réglai de lui-même la température ? Je me demandai pourquoi je me posai ce genre de question stupide. Nerveusement, je tapotai la table avec l'extrémité de la cuillère, tout en continuant de boire mon café, indifférente ; tout du moins en apparence.

-D'accord tu marques un point...

En effet, il n'avait pas vraiment tort. Je parlais de l'inciter à davantage connaître les Saibogus alors qu'en retour je n'en faisais pas autant. A dire vrai, je ne savais pratiquement rien des traditions des autres clans de Suna mit à part ce que j'avais pus constater par moi-même.

Puis il se décida à aborder le sujet qui fâchait. Cependant, il joua une fois de plus la carte de l’innocence. Je fronçai les sourcils, reposant mon regard sur lui en me demandant s'il n'était pas en train de se moquer de moi. Avait-il vraiment oublié tout ce qui s'était passé au manoir dont le fait que je lui ai révélé les sentiments que j'avais envers Yami ?

-Non tu n'as rien fais de mal...

Le ton de ma voix laissait prétendre le contraire. C'était pourtant vrai dans le fond. Je ne leur en voulais pas. Ni à lui, ni à Yami. Je n'en avais pas le droit. C'était plutôt contre-moi qu'était tournée cette amertume. En tout cas, s'il n'était pas en mesure de se rappeler toute cette histoire, je ne serais point là pour endosser ce rôle. Sûrement pas....

-En ce qui concerne le Nidaime, qu'est-il devenu ? Il semble introuvable depuis quelques jours. L'auriez-vous déjà arrêté ?

Après ma dernière altercation avec lui dans ce bar, je n'aspirai qu'à une chose. A savoir ne plus jamais le voir de ma vie et ce par n'importe quel moyen. Je ne pouvais pardonner à celui qui avait oser s'en prendre à celle que j'aimais.

Je baissai légèrement la tête telle une enfant que l'on venait réprimander après une bêtise. Il me reprochait de ne toujours pas être honnête. J'en oubliai parfois sa faculté à déjouer les mensonges. Cela ne fit qu'accentuer ma gêne et, bien que je laissai encore une fois rien paraître, je ne savais plus vraiment où me mettre, ni que faire de mes mains. L'une continuait de nerveusement tapoter la table avec la cuillère tandis que l'autre était appuyée contre ma joue. Je ne parvenais toujours pas à le regarder dans les yeux, m'efforçant de trouver un quelconque intérêt dans l'observation du fond à moitié vide de ma tasse de café. J'étais stupide...

-Comme si c'était facile...

Lançais-je d'un ton plein de reproche pour chercher à défendre ma cause. Un peu plus tard je me rendais compte qu'un ce comportement me donnait l'air encore plus ridicule. Heureusement il ne tint nullement compte de ma remarque pour me donner sa réponse quant-à ce qu'il était advenu du Nidaime. Le soudain départ de ce dernier le rendait d'autant plus coupable. Je voulus poser une autre question, mais Kioshi ne m'en donna pas le temps. Il soupirai encore, semblant lassé de moi. Il y avait de quoi. Il était toujours là pour moi, continuellement, et moi en retour, je ne faisais que le rejeter.

Malheureusement j'avais toujours vécu ainsi. Sans père, ni mère. Sans réels amis. La plupart de mes serviteurs me détestaient à juste titre car je m'étais toujours comportée comme une peste avec eux. J'avais par le passé commis de très nombreuses erreurs. Aujourd'hui je changeai, mais il me fallait encore payer le prix pour mes fautes. Yami comme Shinji n'avaient jamais été de bon confidents, alors je mettais servi du temps et de ma souffrance pour me forger cette carapace parce que je n'avais plus que cela pour me protéger des affres du monde.

J'aurais voulu pouvoir le dire à Kioshi, mais je ne me sentais pas capable, alors que depuis toujours, lui avait été en mesure de lire en moi. D'entrevoir celle que j'étais réellement et non celle que je laissai paraître.

Le temps parût se suspendre. Il se releva, posa une main chaleureuse sur mon épaule comme pour me rappeler qu'il était là. Sauf que je n'étais pas prête de l'oublier.

-Kioshi...

Je m'étais brusquement redressée de ma chaise pour lui faire face, trouvant cette fois-ci le courage de le regarder dans les yeux.

-Qu'est-ce... Qu'est-ce que Yami représente pour toi ? L'aimes-tu vraiment ? S'il te plaît, ne m'insulte pas en disant que tu ne sais pas...

Je réalisai que je n'aurais jamais eut le courage de poser cette question à Yami. Alors que je le faisais avec lui. Pourtant, je me réalisai que je redoutai sa réponse davantage que je ne l'aurai cru. Pourquoi ?

Je me sentis blêmir devant cette révélation. Mon teint était sûrement devenu livide. Ils avaient fauté ? Mes forces semblèrent me quitter soudainement et je dus prendre appuis sur le dossier de la chaise pour ne pas tomber.

Je n'étais pas vraiment surprise. Je connaissais Yami, elle n'était nullement du genre à verser dans le sentimentalisme, pas plus qu'à se contenter d'un simple baisé. Pourtant, jusqu'au dernier instant, je n'avais pas voulu y croire.

Depuis toujours elle n'avait eut de cesse de me rejeter. Je m'étais depuis longtemps faite à l'idée que quelqu'un d'autre finirait par l'avoir.

Il n'était pas question de sentiment pour Kioshi. Pas plus que pour elle, même si le doute persistait. Pourtant cela faisait si mal dans mon cœur. Peut-être qu'à trop redouter cette vérité, j'avais finis par exposer une plaie béante qu'une flèche affûtée était venue élargir.

Les mots me manquèrent. Je dégluti lourdement puis passait une main sur mon visage blême.

-Tu... Tu n'as pas à t'excuser...

Dire que je ne lui en voulais pas d'avoir trompée Zanshi aurait été un euphémisme. Dire que je ne le comprenais pas aurait été stupide. Me Sensei avait finit par me révéler son secret. Je connaissais désormais la nature du mal qui tiraillait Kioshi. Elle l'avait sûrement rejeté et lui avait cherché à oublié. Et moi ? Comment allais-je pouvoir faire pour oublier à mon tour ?

-Pour toi c'est com...

Sous l'émoi je me rappelai tardivement que j'étais tenu sous le secret. Kioshi ne devait pas prendre connaissance de tout ce que je savais.

-Pourquoi Yami à t-elle fait cela ? Il s'agit de notre Sensei...

Ce n'était que l'une des nombreuses questions qui sillonnaient mon esprit en laissant de profonds sillons sanglants sur leur passage.

Je me laissai finalement retomber sur ma chaise, posant mes mains sur les mes genoux, à bout de force. La tête base, mes cheveux fins retombaient devant mon visage, formant un rideau infranchissable à mes émotions. Je ne savais plus vraiment quoi dire. Je ne savais plus vraiment quoi penser. Il y avait tant de désordre dans ma tête.

Ses mains vinrent se poser sur mes épaules. Encore une fois. J'étais fébrile. Encore une fois... Je ne sus pas vraiment pourquoi, mais je trouvai le courage de me redresser pour le regarder dans les yeux. Une pupille blanche et une autre d'or qui, parfois, ne demandait qu'à devenir aveugle elle aussi. Je devais avoir l'air bien pathétique pour ne rien changer à ainsi me morfondre.

-J'avais promis de t'aider. Au final, je n'y suis pas parvenue et... c'est toujours toi qui vient me soutenir...

Finalement je n'étais qu'une éternelle source de problème. Pour Yami, pour Kioshi, pour mon père, pour tous les autres. Étrangement les larmes ne parvenaient à couler malgré ma peine. A croire que j'avais trop pleuré dans ma vie. D'un geste J'entourai mes doigts autours de ses poignets.

Ce n'était pas pour le repousser, mais pour le retenir.

-Que dois-je faire ? Que dois-je penser ? Dis moi Kioshi...

Ma voix était étonnement calme, mais ne rendait nullement hommage à mes états d'âmes. Parce que j'étais perdu, parce que je n'avais jamais eux de cesse de faire de mauvais choix dans ma vie. Pour une fois, je voulais déléguer à quelqu'un. Le laisser décider à ma place. Je ne pouvais le demander qu'à lui car ; depuis quelques temps déjà il était devenu le seul en qui j'avais confiance.

Musique ♫:

Non il n'était pas mon ennemi. Je ne le considérai nullement ainsi. Bien au contraire sa présence me réconfortai, mais je ne me sentais plus le courage de faire preuve de la même honnêteté que par le passé. La vie me fatiguait, j'avais tant perdu et cela continuait encore. Quand aurais-je enfin la paix ? Quand pourrais-je enfin connaître le véritable bonheur ?

Un instant, l'espace d'une seconde, je ne demandai si je ne devais pas faire un bond en arrière. Redevenir la fille égoïste et cruelle que je fus jadis. Au moins je n'aurais plus à me remettre en question, ni à regretter mes actes. Mais au fond de moi je savais que ce n'était point la solution. Parce que cela ne parviendrai jamais à soulager ce poids dans mon cœur tout en revenant à renier toutes les épreuves par quoi j'étais passé jusqu'à présent.

-Yami...

Murmurais-je simplement, le regard perdu dans le vide, comme qui ce prénom sonnait tel une fatalité. Les sentiments s'entremêlaient lorsque je pensais à elle, laissant entrevoir son visage dans mon esprit. Il y avait de l'amour, de la peine, de la colère, de la compassion et tant d'autres.

A nouveau je me trouvai dans les bras de Kioshi. Le même schéma semblait se répéter inlassablement. Je pleurais, il m'aidait. Il me serrait contre-lui puis je prenais la fuite devant la vérité.

Aider les autres seulement quand ils en ont besoin, disait-il...

-Mais tu en as besoin, je le sais !

Un instant je manquai de glisser mes mains jusqu’alors posé sur son torse, pour entourer sa nuque, mais me ravissait au dernier moment, laissant simplement l'ombre d'un geste planer au milieu de cet instant hors du temps.

Il connaissait la source de mon mal être, même si, au final, Yami n'en était qu'une infime partie.
Je me crispai un peu plus contre lui à chaque fois qu'il énumérait chacun de ces faits. C'était toujours plus douloureux à entendre comme autant d'aiguilles empoisonnées que l'on m'aurait enfoncé dans la poitrine.

Et il y eu cette remise en question. Celle-là même dont la perspective m'effrayait tant et si bien que je n'avais jamais osé l'émettre par moi-même. Mes yeux s'équarcillèrent. Mes mains se cramponnèrent à la chemise de Kioshi, comme s'il me fallait un appui, une présence à laquelle me rattacher pour ne pas m'égarer.

Me battre ? Le pouvais-je seulement ? M'en sentais-je seulement capable ? Non, c'était indéniable ? Je ne possédai plus la force, plus la volonté. Je m'étais déjà faite à cette idée...

-Elle ne pourra jamais m'aimer quoique je fasse, tout simplement parce que j'ai déjà tout fait pour elle...

Je parlais d'une voix fébrile, à peine audible, à la l’orée entre le murmure et le silence. J'avais tant souffert pour elle. J'étais passé par tant d'épreuves, tout cela par amour. Malgré cela, elle n'avait jamais été en mesure de m'aimer comme je l'aimais.

Trois années s'étaient écoulées depuis notre rencontre et je ne parvenais toujours pas à voir le bout du tunnel.

Pourtant, je ne pouvais concevoir ma vie sans elle. Elle continuait d'imprégnée mes pensées comme mes rêves. Elle était présente dans mon passé, mon présent, ainsi que mon avenir. Elle était ma raison d'être...

Sans m'en rendre compte, je m'étais lové contre Kioshi, cherchant en lui le réconfort et l'affection dont j'avais tant besoin.

Je restai longuement ainsi, réfléchissant encore et encore pour finalement donner ma réponse.

-Tourner la page...

Moi-même je ne parvenais à y croire. Était-ce vraiment la fin ? Cette histoire allait-elle se terminer ainsi ?

-Comment puis-je faire ?

Je m'écartai lentement de ses bras avec une infinie douceur et retournai m'asseoir sur ma chaise, posant mes mains sur mon visage pour soutenir ma tête. Ces trois mots m'avaient vidés de toutes mes forces. Je regardai un instant par la fenêtre. La soleil était haut dans le ciel. La journée était belle. Le monde continuait de tourner.

Moi je pleurais celle que j'étais en train de perdre.

Je me retournai vers Kioshi pour lui adresser un sourire triste. Les larmes perlaient le long de mes joues et je ne cherchai pas à les essuyer.

-Merci d'être là...

Je voulais au moins qu'il sache à quel point je lui était reconnaissante. Parce que je ne pourrais jamais être totalement honnête avec lui. Parce qu'on m'avait donné pour mission d'assassiner celle qu'il aimait et qu'il finirait un jour par me haïr.

Décidément j'étais condamnée à cela...

Aimer pour souffrir en retour. Tel était mon adage...

« C’est naturel… Et n’était-ce pas aussi notre marché ? »

J’avais ignoré sa remarque quant au fait que j’avais aussi besoin d’aide. C’était peut-être vrai. Non. C’était vrai. Mais à priori pas autant qu’elle. Chacun son tour n’est-ce pas ? Au moins, elle ne cherchait plus à dissimuler ses larmes, elle les acceptait. Elle ne cherchait plus à me repousser pour se morfondre toute seule, elle se mettait contre moi. Cela lui prit du temps, mais elle formula enfin sa réponse. Et maintenant qu’elle en avait conscience, alors elle pourra travailler là-dessus.

Il était difficile de voir une personne proche dans cet état, et surtout de la forcer à y rester pour trouver les réponses qui lui permettront d’avancer. Mais elle ne m’en voulait pas. Elle m’en remercia même. Pardon pour mes paroles cruelles, mais il le fallait. Que tu réagisses enfin.

« Comment faire… Ce ne sera pas un chemin facile. C’est un peu comme faire un deuil… »

J’avais adopté une voix plus douce qu’avant. Maintenant, il ne fallait pas qu’elle réalise quelque chose, mais qu’elle soit rassurée. Je m’étais rapproché, et je m’étais accroupi à ses côtés pour être à sa hauteur.

« A la différence près qu’elle est encore en vie. Et alors tu pourras vraiment lui formuler tes adieux… »

Cette fois, je posais une main sur sa joue humide et effaçai la dernière larme du pouce. Une main chaleureuse, une main que je lui ai toujours tendue.

« Ce ne seront pas de vrais adieux, tu continueras de la voir chaque jour, et ça ne partira pas tout de suite. Mais lui dire tout ce que tu as sur le cœur, vider ton sac pour ne plus avoir de regret, et puis brûler ce sac, qu’il ne se remplisse plus et que tu puisses passer à autre chose… Vas-y et parle-la, dis tout ce qui te traversera l’esprit, tout ce que tu veux lui dire, et embrasse-la une dernière fois. »

Tu lui reparleras ensuite, mais pas avec les mêmes mots. Tu pourras l’embrasser de nouveau, mais sur la joue ou le front. Elle restera une amie, mais la transition sera longue et difficile. Mais tu y parviendras, et n’oublies pas que tu n’es pas seule.

« J’attendrais dehors. Je t’attendrais. Et alors, nous pourrons revenir nous pencher sur ta moto. »

-Un deuil ? Répétais-je simplement.

Oui, c'était exactement cela. Il trouvait les mots justes. Je l'écoutai, me laissant portée par la caresse de sa main sur ma joue, parce que parfois, une simple attention prévalait sur tout l'or du monde.

Je comprenais ce qu'il voulait dire. Jeter mon sac dans les flammes n'était peut-être pas si une mauvaise idée. Depuis quelque temps je ne faisais que le remplir et le vider. Il me fallait m'en débarrasser pour être enfin libre, même s'il me fallait pour cela renoncer à Yami.
Je n'arrivais pas à croire que j'envisageai cela. Elle avait été présente pour moi, éprouvant une amitié sincère et profonde à mon égard. Néanmoins le gouffre sentimentale qui nous séparait l'une de l'autre rendait notre relation stérile à mes yeux. A présent je me demandais si cela n'était pas de ma faute. Peut-être lui avais-je trop forcé la main...

Si je tenais vraiment à elle, je devais accepter de la laisser partir, de la laisser aimer. Et moi je me devais de l'oublier. Non pas au sens littéral. Seulement elle ne serait plus jamais Yami mon aimée, mais simplement Yami mon amie.

Mon amie...

Cela sonnait si étrangement dans mon esprit. Je ne parvenais encore à y croire. Malgré ma volonté à vouloir changer, m'imaginer ne plus l'aimer semblait invraisemblable, comme s'il s'agissait de quelque chose d'immuable. Elle avait prit une ampleur si importante dans ma vie que je ne pensais pas pouvoir l'en écarter.

Mais je le devais si je souhaitai continuer d'avancer, auquel cas je continuerai de souffrir encore et encore de mon amour pour elle.

Heureusement et pour la première fois de ma vie, j'avais quelqu'un pour m'aider. Je me demandai si je n'étais pas en train de réaliser à quel point je me sentais seule.

-Je ne sais pas si je pourrais lui parler. Je crois que je n'aurais pas grand chose à lui dire. Elle sait déjà tout ce que je ressens pour elle. Ce n'est plus vraiment nécessaire. Il me faut juste prendre du recul...

Devant sa dernière remarque j'arborai un sourire.

Il était a moitié vrai. Il était à moitié faux.

En plissant des yeux les larmes se remirent à couler.

-Idiot ! La moto peut encore attendre !

Je posai ma main sur ses cheveux et les ébouriffait comme s'il n'était qu'un enfant. Je ne voulais plus en parler pour l'instant.

-Lorsque cette histoire sera terminée, je m'occuperai de ton cas !

Parce cela ne serait pas à sens unique.

-Un marché et un marché. Tu devras t'y tenir également.