Ordre de Mission:

Le Soleil s’est levé très tôt ce matin. J’ai ouvert les yeux difficilement, encore dans les nuages après une nuit infernale. Mes cauchemars sont revenus plus forts que jamais, et m’ont terrassée avec une puissance phénoménale. C’est toute secouée que je me suis extirpée de sous les couvertures pour m’élancer dans cette nouvelle journée. Comme si toutes ces conneries nocturnes n’étaient pas suffisantes, en ouvrant la boîte aux lettres, je vois … un ordre de mission ! Je les reconnais entre mille, avec la taille du parchemin et leur sceau si particulier. Et puis bon, j’ai l’habitude, à force de les recevoir. Il est possible, certes, qu’il ne me soit pas adressé, ce qui me laisse un petit espoir, cependant … Je n’y crois pas. Ou plutôt, je n’y crois plus. Après avoir simplement ouvert le parchemin, je vois mon nom inscrit à côté d’un autre nom. Genryūshimagahara Miyuki. Alors déjà, premièrement, le nom me choque un peu. Je reste bloquée un instant, à tenter de le prononcer. Manque de bol, après trois essais où je massacre entièrement la pauvre appellation de cette demoiselle, je n’y arrive toujours pas. Je laisse tomber. Je l’appellerai simplement Miyuki, c’est bien plus simple, et presque plus efficace. M’enfin bref.

Je me rends rapidement vers la chambre, pour y prendre de nouveaux vêtements, histoire d’être bien préparée pour cette petite guerre. De vilains petits hommes qui volent des grimoires, mais bien sûr. Des rangs C, comme c’est touchant. Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est que ces jolies techniques, là, ils ne sauront jamais les maîtriser, à moins d’être vachement bien entraînés. Sauf que. L’entraînement ne viendra pas. La prison, par contre … Pas pour longtemps, mais suffisamment pour qu’ils comprennent que voler, c’est mal. Oh oui, c’est mal, c’est très mal. Je devrais leur couper les mains, tiens, ça peut être une idée. Quoique. Non, faut rester gentille.

J’attrape une petite viennoiserie, de quoi boire en chemin, et hop, me voici en route pour une nouvelle mission. J’ai certainement une tête de déterrée, et je dois faire peur rien qu’avec un regard, mais cela m’importe peu. Je ne vais pas à un concours de beauté, et les effets de la nuit finiront par passer. Pour l’instant, je ne me sens pas mal, bien au contraire. J’ai une patate d’enfer, j’suis prête à casser des mâchoires ! Faudra que je reste soft, mais ça, c’est pas un problème. J’ai fini par m’habituer à la rétention. Ne pas trop frapper pour ne pas les abîmer. Han, c’est vraiment trop touchant. Ou alors terriblement chiant. Ça dépend. Je ne sais pas quoi dire à leur propos, hormis que la punition sera … adaptée à leur niveau. J’vais leur mettre la fessée, moi, ils vont pas comprendre ! Ils détaleront comme des lapins jusqu’à leur maison, et ce sera tellement beau à voir. Mon dieu quel bonheur, quel plaisir intense. Merveilleux. Je pousse un long soupir, et finis par arriver à destination.

Pour l’instant, je suis seule. Je n’ai plus qu’à attendre ma partenaire. Tranquille, alors. Je réfléchis à une petite tactique pour annihiler les forces ennemies. Eum … Non, ça fait trop d’honneur pour eux. Ils ne valent pas un clou. S’en prendre à des grimoires, sincèrement. M’enfin, certains s’entraînent comme ils peuvent. Pour l’heure, je pense que le mieux sera de séparer les malfaiteurs en deux groupes, histoire de ne pas tous avoir à les buter d’un coup. Ou alors, voler les grimoires ni vu ni connu, et repartir aussi vite. Mmh … Non. Ils ne comprendraient pas, et la mission accomplie ne le serait qu’à moitié. Autant dire que ce serait une belle plaie. Je réfléchis un peu plus. Que faire, que faire … Foncer dans le tas ne me dérangerait pas, mais je risque de taper trop fort si je ne me penche pas davantage sur la question.

Bah ! Au pire ! Deux tartes dans le bec, c’est tout aussi bien ! Une dizaine ou une quinzaine de rangs C ne me fait pas peur. À eux tous, peut-être arriveront-ils à me mettre par terre, mais pas au tapis. Yuka n’est jamais couchée ! Jamais ! Elle se relève toujours, oweh. Enfin j’crois.

Bref. Vaut mieux que Miyuki arrive, que je gère directement avec elle, ce sera tellement plus rapide …

-"Hmmm… Non… Pas ici… En’-chan… Je ne te savais pas si entreprenante… Non… Non… Tu devrais te tailler les ongles… A-Arrête… Tu m’fais mal… Itte !! OAAAAAAAA !!!"
-"… Mais qu’est-ce que tu fabriques ?"

Jes yeux complètement ouverts, mon corps complètement enroulé sous ma grosse couette, je fixais la jeune fille qui se tenait debout à côté de la porte coulissante du fond, celle qui menait vers la cour. Celle-ci était entrouverte, assez pour que de l’air passe, mais aussi… un chat. Un chaton rayé au pelage gris et aux motifs aussi noirs que du charbon se tenait contre moi, griffes sorties sur ma peau. C’était lui qui était la source de mon réveil en sursaut, un parfait inconnu dans mon futon de si bon matin. D’ailleurs, comment avait-il pu se trouver là ? Une question rhétorique dont la réponse résidait dans la position de la porte du fond, assez ouverte pour laisser passer un chat ! Mon amie de toujours était sur le point d’exploser de rire. C’était son passe-temps favori, rire de mes bourdes et de mes phrases, ces derniers temps je n’arrêtais pas de lui donner des nouvelles raisons de s’étouffer en riant. La jeune fille, après s’être calmée, s’approcha de moi, se mettant sur ses genoux et sur ses mains, comme un prédateur qui s’apprêtait à fondre sur sa proie.

-"Oaaaaa ! Ouuuuuuh ! En’-chwan ! Je ne te savais pas si… HMPF !"
-"Dégage !"

Je lui balançai un oreiller en pleine figure, tandis qu’elle repartit dans un fou rire incontrôlable. Enervée, je sortis de la chambre par le couloir intérieur, avec en main une serviette et des vêtements de rechange. Oui, les douches étaient communes, je n’avais pas le choix. D’ailleurs, je commençais à m’y faire à cette vie de pensionnaire. Les repas étaient bons, l’entrainement difficile mais utile, et j’avais une certaine liberté qui me plaisait bien. Une sorte de paradis, entre autre. Alors que l’eau coulait abondement sur ma tête, j’entendis la voix de ma coéquipière qui émanait depuis l’extérieur de la pièce. Force fut de constater que j’étais la seule personne se trouvant dans la douche, cela voulait dire qu’il était quand même assez tôt pour que les autres élèves ne soient pas encore debout. Je me demandais même comment cela était-il possible surtout après le cri que j’avais poussé tantôt. Cette fille… un jour je vais la tuer !

-"Tu as reçu une mission pendant que tu dormais, Izanami. Tu dois retrouver Mitsuharu-sempai pour obtenir plus d’informations. Je te laisse le parchemin dans ta chambre."
-"T-Tu vas où toi ?"
-"Me balader, pourquoi, je vais te manquer c’est ça ?"
-"Non ! Ce n’est pas comme si je t’avais pardonné ,hmpf !"

Dans un dernier grand rire, En’ s’éloigna des douches. Que ferais-je sans elle ? Je me sentais totalement perdue, heureusement qu’elle était là pour s’assurer que je ne m’écarte pas de cette voie que j’avais choisi. Les mots du Lutin Noble me revinrent également, je m’enfonçais dans mes pensées, jusqu’à ce qu’un éternuement éclate fortement. Moui, bon, il ne fallait pas que je reste éternellement ici. Une fois séchée et habillée, je sortais de ma nouvelle maison par la cour, en rangeant mon sabre sur mon flan. Sans le constater, le temps perdu à me préparer avait suffi aux autres de se réveiller et de s’entrainer de si bon matin. Ce dojo ne se reposait jamais, c’était un bon point pour former de bons guerriers. Il était temps d’y aller. Avec seulement quelques impulsions, je me mis à sauter de toits en toits pour me retrouver devant le tunnel sous-marin permettant de sortir du village. Mitsuharu Yuka. Cette jeune fille connue du village tout entier possédait elle aussi un sabre aux pouvoirs mystiques, avec pour unique différence la nature de leurs pouvoirs. Enfin, il y avait le fait qu’elle soit bien plus puissante et plus gradée que moi, une véritable sempai. Une bonne expérience pour ma part, rencontrer des personnes qui pouvaient m’aider à grimper en puissance.

Elle se tenait en-dessous de moi, on aurait presque dit qu’elle était impatiente de partir. Avec un petit geste gracieux, je descendis de mon toit pour atterrir juste devant elle, un genou au sol.

-"Genryūshimagahara Miyuki, à votre service. C’est un honneur de travailler avec vous, Mitsuharu-sempai. J’espère que l’on va… bien… s’entendre… ?"

Je m’arrêtais de parler, me relevant, en constatant que je faisais bien une tête de plus que la Jonin. Ça me faisait bizarre d’appeler une fille plus petite que moi "Sempai", ça devenait même marrant. Je pouffais de rire avant de mettre ma main devant ma bouche, je prenais les mauvaises habitudes de cette borgne irrespectueuse ! Je me retenais du mieux que je pouvais, avant de réussir à retrouver mon calme. La mission, la mission. De ma poche à objets se trouvant derrière mon dos je sortis le dit parchemin où l’ordre avait été écrit. Je ne l’avais pas encore lu, je ne savais donc rien de ce que nous devions faire. Un groupe blablabla grimoires blablabla récupérer blablabla punir. Très simple tout ça. Foncer dans le tas, démonter tout le monde et récupérer les livres. Facile ! Pourquoi elle était de rang B ? Un mode de pensée qui me faisait défaut, je n’avais pas du tout penser aux détails importants, comme à l’accoutumée.  Il fallait que je sache ce qu’en pensait ma coéquipière du moment.

-"Alors, quel est le plan ? On fonce et on détruit tout ? Cela me parait être la solution la plus appropriée."

Je ne pouvais pas m’empêcher de pousser mes idées vers les autres, un défaut que je ne pouvais corriger comme ça. C’était elle la patronne, elle qui décidait du plan d’action, elle qui dirigeait la mission. Posant mes mains sur mes hanches, je continuais de scruter la silhouette de la jeune fille, avec un œil véritablement indiscret.

Une jolie demoiselle. Des cheveux roses, plutôt longs. Plus grande que la jônin, et beaucoup plus formée, c’est un fait. Yuka en aurait rougi, si elle s’en souciait davantage. Un sourire amusé naît sur les lèvres de la kunoichi, qui tente d’aider sa partenaire à ne pas se sentir trop mal par rapport à elle. Les rapports de force, ce n’est absolument pas son fort. Tout le monde sur le même pied d’égalité, parce que tout le monde est au même niveau. Personne ne dépasse personne, sauf dans des cas bien spécifiques. Là, Miyuki est une genin, certes, mais une kunoichi, de la même manière que Yuka en est une. Alors déjà, premiers points à clarifier …

— Tu peux me tutoyer, Miyuki ! Je n’ai encore jamais mordu qui que ce soit, et je ne commencerai pas aujourd’hui ! Pour le reste, je suis ravie de faire ta connaissance et de travailler avec toi également.

La brune fait un clin d’œil à la demoiselle. Eh bien oui. Travailler avec une femme, c’est rare. Surtout une femme qu’elle ne connaît pas. Ce n’est pas comme si à Kiri, une kunoichi traverse le trottoir toutes les deux minutes. Au contraire. Dans le corps shinobi, les femmes sont minoritaires à Kiri, ce qui ne les empêche pourtant pas d’être très douées, et de servir le village à la manière des hommes. Tous sur un pied d’égalité, encore une fois. Et celui qui contredit ça … Se prendra une belle caillasse en plein bec. Parce qu’en attendant, des hommes, y en a à la pelle, mais tous ne sont pas au Misuto, et tous ne sont pas puissants comme Yuka ! Tiens ! Pffrt. Sortant de ses idées féministes, la brune accepte illico l’idée de sa partenaire. Déjà, c’est un moyen de confirmer son idée par rapport aux femmes, et c’est aussi la meilleure façon de se défouler.

— Le plan est simple : On vient, on intercepte, s’ils coopèrent pas, on frappe, on récupère les grimoires, on les ramène et hop, la mission est bouclée. Ravie de voir que tu partages mon opinion !

Ah, que c’est bon d’être accompagnée d’une bourrine. Elle suit les bonnes traces, cette petite. Elle deviendra une grande kunoichi, c’est certain.

La brune se tourne alors en direction des longs tunnels, prête à partir. Il est grand temps de trouver ces marmots et de leur donner une bonne leçon. Non mais. Voler des grimoires, quelle belle idée. Ils se condamnent automatiquement en faisant ça. Surtout que bon. Qu’ils volent des bouquins, d’accord, mais qu’ils volent un truc qui ne leur sera d’aucune utilité, sincèrement ! Ça ne les expose qu’à de mauvaises conséquences ! M’enfin. Ça permet à Yuka et Miyuki d’emporter une brochette d’idiots, ce qui est plutôt pas mal.

Mettant alors la machine en marche, la kunoichi lance le processus. Direction, l’ouest, un village de voleurs les attend ! Et les méchants vilains pas beaux n’attendent que ça aussi ! Tant mieux, ils vont être servis. Sur le chemin, Yuka se permet de questionner par rapport aux compétences de sa partenaire, histoire de voir comment cela se déroulera une fois sur le terrain.

— Mmmh … Comment te bats-tu, Miyuki ? Taijutsu ? Ninjutsu ? Genjutsu ? Cela peut être bon à savoir, je pense.

Tout en continuant le chemin, elles finissent par arriver au milieu du village en question. D’apparence, il a l’air très calme, et aucun problème ne semble le secouer. Bon, d’accord, ce ne sont que des grimoires, et des genins, alors il n’est nullement lieu de s’inquiéter.

— Maintenant, va savoir comment on trouve dix genins suspects. Peut-être devrions-nous commencer par-là …

La bibliothèque. Bein oui pardi ! Une enquête commence toujours par le lieu du crime ! En espérant que cela soit fructueux … Au pire, y en a tellement, des endroits comme ça, que ce sera facile de mettre la main dessus. Et puis bon. Dix genins dans la nature en quête de puissance, ça se remarque facilement.

— Allons-y. ♪