• Y’en a marre…
  

Début de la matinée, très tôt – dans les environs de la sixième heure du cycle quotidien. Une lumière dorée traversait les cieux ténébreux, le croissant de lune céda sa place à l’astre solaire. Ses radieux rayons impactèrent sur le continent entier, signifiant aux êtres nocturnes d’abandonner leur rythme de vie pour sommeiller à leur tour. Les primates commencèrent leur tâche routinière ; les Shinobis accomplissaient leurs missions journalières et les civils montèrent les diverses échoppe. Le train de vie habituel, sans grande fluctuation dans le quotidien de tous. Néanmoins, alors qu’une nouvelle journée s’amorçait pour l’humanité, pour certains, elle n’avait toujours pas connu un terme depuis un peu plus de vingt-quatre heures. La Montagne Bleue, endroit imaginaire et mystérieux pour le monde extérieur alors qu’au sein des effectifs de la brume sanglante, elle était reconnue pour être un vaste territoire sous le sol même du village et le siège des légendaires Épéiste de Kirigakure. D’ailleurs, c’est là que s’engage notre récit ; au repère de l’unité spéciale en charge de la protection directe du Mizukage actuel. Au cœur de cette luxueuse et immense infrastructure, nullement cachée à la vue des passants mais strictement prohibé aux non membres du groupuscule, six escrimeurs d’élite étaient réunis en une seule et même pièce.

Assis à leur place respective, autour d’une même table rectangulaire, chacun faisait sa part du boulot. Alors que l’un révisait les rapports sur les échanges commerciaux avec les autres nations et que l’autre signait sans vraiment lire des permissions pour ouvrir un stand quelque part dans les rues commerçantes du centre-ville, inutile de spécifier que chaque quidam en a ras-le-bol de rester coincer sur leur fessier à la longueur de journée. Les portes de la salle de réunion se rouvrirent de nouveau, laissant passer un jouvenceau qui tenait à l’aide de ses bras une pile de paperasse qui dissimulait son visage scarifié. Lorsqu’il déposa le mont de feuilles sur la table, tous poussèrent un soupir de découragement. Même notre sombre spadassin, qui ne bronche naturellement pas, manifestait de la lassitude face à ce travail. Néanmoins, la fatigue lui donnait un air sobre et modeste, faisant changement de l’aura hostile et austère qu’il dégage en permanence. Passant ses perles vaironnes sur chacun de ses compagnons, voyant qu’ils étaient tous à court d’énergie – et recherchant une tâche faite à la perfection, il proposa la fin de la journée – ironiquement alors que celle-ci débutait à la surface, offre qui fut acceptée par les autres Épéistes en une heureuse exclamation sans précédente.

Chaque sabreur d’élite sortit de la pièce et prirent leurs épées respectifs, reposant sur la sainte stèle face à la salle. Passant les bandoulières sous et sur ses épaules et les attachant à son plastron en forme de trèfle, cette minuscule pièce d’armure ne servant qu’à maintenir en place les bandoulières, ses fourreaux créèrent un tintement. Léger bruit métallique qui marqua le début d’une discussion.

• Nidaime-sama n’a toujours pas fait sa part de travail… Je suggère que vous envoyez demain le reste dans son logement, et avertissez Sandaime-sama qu’il s’est proposé pour compléter le tout.
  

• Seigneur, Nidaime Kenshi, vous êtes enflammé !
  

L’Épéiste Noir qui propose de faire une pause et de jacter le tout dans la gueule du président de la confrérie des hommes aux longues oreilles, ne sentez-vous pas qu’il y a là un truc d’inhabituel ? Bah si, et la source du problème, c’est le narrateur. Ce putain de blaireau n’a aucune idée comment poursuivre ce pavé et a tendance à de rares occasions de commencer à écrire de la merde seulement pour mettre un semblant de contenu – et avec un peu de chance, divertir le lecteur. En réalité, pour revenir sérieusement sur le sujet, Setsuna allait entamer son voyage hors des frontières du pays de l’eau dans un peu moins de quarante-huit heures. Il sait très bien que le chef des Épéistes fera toujours le mariole et le fainéant, la besogne n’aura guère progressé à son retour – même si son escapade est d’une durée de plusieurs mois. Il faut parfois forcer la progression.

Accompagnés par les autres membres de l’unité, ils passèrent tous par le hall principal avant de sortir du quartier général en unisson. Cependant, la prunelle vermillon de la fine-lame de Kiri entrevit un faible mouvement dans le bois qui entourait le bâtiment. Sa tête se tourna vers ses compagnons, leur demandant de disposer sans lui. Ce que firent les spadassins, disparaissant en une seule et même nuée de fumé blafarde.

• Godaime, tu es très négligeant, murmura l’escrimeur aux doubles lames à l’intention du seul senseur du groupe, malgré que ce dernier ne soit plus dans les parages. Posant sa main gauche sur sa hanche, son timbre monotone retentit dans un assez vaste périmètre. Tu peux sortir. Il attendit patiemment que l’individu abandonne sa cachette et se montre le bout du nez. Que fais-tu ici, Yuka ? Ou devrais-je peut-être plutôt m’adresser à toi sous le pseudonyme  d’« Akafurēku » ?
  

Mentalement, Setsuna fit un bref récapitulatif des renseignements qu’il possédait sur l’utilisatrice du sabre de cristal ; Mitsuharu Yuka : Jônin au sein du service militaire de la brume, membre de la famille des possesseurs d’épée détenant une quelconque capacité et également membre du Misuto, du secteur de la traque. À leur première rencontre, le sombre spadassin ignorait l’appartenance de la brune à cette unité qui se veut discrète et mystérieuse. Maintenant Épéiste, ayant accès aux registres les plus précieux et aux archives, il n’avait pas loupé le dossier de la jeune adulte aux iris pourpre. Beaucoup se demanderont pourquoi le Stigmate tient-il à interpeller une connaissance de la sorte ? Tout d’abord, c’est une manière pour lui de se divertir un minimum, observer la réaction de la Kunoichi. En second lieu, cette apostrophe est en quelque sorte une maigre vengeance personnelle, un sous-entendu de la part de notre protagoniste pour souligner qu'il connait son secret. Car à cet instant précis, son titre d’Épéiste qui s’est voué discret jusqu’à présent a été vulgairement dévoilé par un rat du Misuto… Oui, le talentueux Yuuki avait tout fait pour que son titre ne soit connu de personne, hormis le Mizukage actuel et les autres bretteurs. Le Martyr n’aime guère attirer l’attention et encore moins avoir une réputation.

Tôt, très tôt le matin. Il fait frais, la brise caresse la peau et laisse l’impression d’être totalement revigoré après un seul passage. Yuka se trouve là pour une raison ou une autre. À vrai dire, ses escapades matinales ont recommencé depuis un certain temps. Elle revient toujours à la maison à la bonne heure, sauf quand Yoru travaille directement, auquel cas ils se séparent tous les deux dès la matinée, et la kunoichi s’occupe pour le reste de sa journée, vaquant à ses occupations de jônin ou, dans le cas d’un moment monotone sans travail, elle se contente d’aller à droite à gauche, de se balader, de rencontrer des gens. Ou d’aider. Quand une petite vieille demande un peu d’aide ou autre. Bref. Cette fois, il s’agit simplement d’une sortie dans les bois pour se poser et être tranquille.

Adossée contre un tronc, assise sur une branche surélevée, Yuka regarde au loin. Sa respiration, lente et régulière, montre à quel point elle s’émerveille devant ce joli spectacle. Le bruissement des feuillages, le chant des oiseaux qui s’élève doucement dans l’atmosphère et rythme le tout. La fraîcheur frissonnante du vent, tout ça. Elle se sent tellement bien. Reposée. Comme si le temps s’arrêtait juste pour qu’elle profite de cet instant. C’est si agréable. Doucement, la kunoichi, bercée, finit par s’assoupir contre sa branche. Les yeux clos, le corps détendu, elle s’endort. Ses songes passent alors devant ses yeux. Elle rêve. De belles images qui apaisent un peu plus son esprit. Pendant une petite demie-heure, la brune ne bouge pas d’un centimètre, ne semblant même pas ressentir l’inconfort provoqué par sa position. Au contraire. C’est comme si, plutôt que de se sentir mal, elle se sentait mieux.

Au bout d’un instant, Yuka finit par s’éveiller. Du bruit, alentour. Des gens. Ses oreilles ont perçu un son, aussi infime soit-il, et il ne s’agit en rien du battement d’ailes d’un oiseau, ou les feuilles remuant sous l’emprise du vent. Non, ces bruits ne sont pas naturels. Les pas écrasant les branches. Il y a quelqu’un. Vu l’endroit, certainement personne d’hostile, vu que presque personne ne parvient à tenir le chemin jusque-là. Au contraire, ils sombrent tous avant, généralement. C’est dommage, hein ? M’enfin. Il n’empêche que Yuka n’est plus seule – et c’est fort dommage. Ce qui l’intéresse désormais est de savoir qui trouble sa petite sieste improvisée. Qui est le vilain qui interrompt ses rêveries !

Un nouveau son retentit. Cette fois, il s’agit d’une voix. Un chuchotement qui ne lui permet pas de reconnaître l’individu en question. Elle ferme les yeux, soupire. Et enfin, l’inconnu s’adresse à elle, en l’invitant à se présenter. La kunoichi saute de son perchoir, et atterrit gracieusement sur ses deux pattes, remettant ses cheveux en place. Face à elle, quelqu’un de bien particulier, qu’elle ne saurait oublier. Yuuki Setsuna. Le jeune musicien qui connaît la mélodie de son enfance. Ce type, qui cherchait à retrouver son passé coûte que coûte. Un grand sourire se plaque sur ses lèvres quand il utilise son nom de code. Provocatrice, elle répond directement.

— Ma présence te dérange, monseigneur l’Épéiste ? Nous sommes aussi autorisés l’un que l’autre à nous trouver là. Ne t’en fais pas pour ton petit secret, je le garde déjà depuis un certain temps, alors bon.

Avoir accès à certains fichiers, pouvoir se documenter, ç’a du bon. Ah, Yuka ne regrette pas du tout sa place au sein du Misuto d’un coup. Son sourire redevient plus tendre, plus gentil, avant de virer au sourire un peu gêné. Ah bah oui. Il a quand même demandé ce qu’elle faisait là, alors autant lui répondre.

— Je me reposais. On ne dirait pas comme ça, mais la nature est encore plus soporifique d’une berceuse. Tu ne vas peut-être pas me croire, mais c’est bien la seule et unique raison qui m’amène ici.

Et au pire, s’il ne la croit pas, elle ne s’en soucie pas. Bien à l’inverse. Qu’il lui fasse confiance ou non ne lui importe pas. Ce n’est pas comme s’ils étaient amis ou autre. Ils sont égaux, et ninjas d’un même village. Cela s’arrête ici. Sauf s’il cherche à aller plus loin, ce qui étonnerait Yuka. Trêve de bavardages incessants.

— Et toi, que fais-tu ici ? Tu n’es pas censé travailler, Monseigneur ? ~

Toujours cette petite pique fort habituelle. Presque inconsciente, elle s’échappe d’entre les lèvres de la kunoichi avec une facilité déconcertante. Tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler ? Hors de question. Surtout pas pour lui.

— Ne me dis pas que tu t’enfuis, tout de même … Ou que tu remets ta basse besogne à un autre ! Ton travail est important, j’imagine.

Un épéiste, ça sert à quoi ? La bien bonne question. Peut-être lui dira-t-il, ou alors le tombeau se refermera automatiquement. Comme à l’accoutumée. À force, la kunoichi s’y est habituée. Ce n’est plus un problème que de le regarder s’engouffrer dans le silence, encore et encore. Ils n’ont parlé qu’une fois, et elle n’a pas cherché à approfondir leurs liens, pensant que, de toutes les façons, cela n’est d’aucune utilité aussi bien pour l’un que pour l’autre.

— Bref. Dans tous les cas, tu es là, je suis là, nous nous connaissons. Tu sais que j’ai évolué, je sais que tu as également évolué. Il y a bien des choses que tu pourrais me montrer, et vice-versa, non ?

Allez. Nouer le contact, faire en sorte que les problèmes n’en soient pas, oublier. Ils restent ninjas d’un même village, donc compatriotes. Et même s’il a l’air antipathique, il a peut-être bon fond, au final, ce petit coincé. Qui sait.

Mitsuharu Yuka. Comme il le craignait, son titre n’est plus un secret pour la petite amie du Sandaime Mizukage, et s’il se fit à ses dires, ce fait est certainement inscrit quelque part dans les papiers de la glauque unité de la brume sanglante. Son supérieur hiérarchique étant le chef absolu du Misuto, cette information qu’il a tant travaillé à garder enfoui dans l’ombre a dû être dévoilé par ce même et seul homme. C’est bien quelque chose auquel il ne pouvait malheureusement rien y faire. Soit, pensa néanmoins amèrement le manieur des doubles lames. Il devait bien s’attendre à ce genre d’éventualité. Si l’information est entre les mains d’une seule poignée d’individu, non franchissable pour le reste du commun des mortels, cela ne lui dérangeait nullement, ou l’agaçait seulement un tantinet. Sur un sourire embarrassé alors que son interlocuteur la fixait toujours de ses prunelles vaironnes sans esquisser le moindre geste, ni présentant la moindre réaction face à sa provocation, Akafûreku expliqua sa présence en ces forêts, plus particulièrement au sein de la Montagne Bleue. Bien que la raison peut paraître stupide, le Yuuki choisi néanmoins de croire en ces paroles. Il lui arrivait également de tomber dans le sommeil sur une haute branche, enterré dans la quiétude et la solitude.

Berceuse. En effet, ce mot lui avait replacé quelques neurones lorsque la jouvencelle aux iris pourpre prononça ce mot. Lors de leur première rencontre – sachant que celle-ci n’était que la deuxième, ils avaient échangés une étrange conversation. Une mélodie conçue dans les ténèbres, faite pour endormir la tremblotante petite princesse qu’il chérissait tant. Une symphonie qu’il gardait jalousement pour lui-même, et pourtant, une autre personne connaissait cet air. Malheureusement, cette dernière a la mémoire bridée et ne remémorait inexactement le comment du pourquoi. Mystérieux hasard…

Cette réflexion fut coupée nette lorsque la copine du Ryuzôji demanda à la fine-lame de Kiri s’il délaissait son travail à un autre, toujours en utilisant cette petite pique en rapport avec son glorieux titre. Ah, si seulement elle le savait. Or, elle parmi tous les Shinobis au sein des effectifs de la brume, si elle a déjà côtoyée à plusieurs reprises le Lutin Bleu, comprendrait les raisons qui ont poussées Setsuna à laisser le reste du travail au Chef des Épéistes. Enfin, elle n’est pas en position de tout savoir, et ce ne sera certainement pas le guerrier argenté qui lui expliquera cette petite anecdote vieille d’à peine quelques minutes. Puis, elle continua son long discours en soulignant que eux deux ont évolués depuis leur dernière rencontre, et l’instant présent serait une excellente occasion pour partager leurs connaissances. Tirade à laquelle le Stigmate répondit en arquant légèrement un sourcil. Son air sobre disparu, remplacé par des traits fermes sur son faciès.

• « Évolué » ? Sa main droite alla chercher doucement la poignée de son sabre Soulsaber. Si elle voulait apprendre un truc de notre protagoniste, elle devait d’abord prouver sa valeur. Voyons voir tout d’abord si tu en es digne.
  
  
  
  
  

Lentement, la lame commençait à sortir peu à peu de son fourreau. L’on pouvait clairement apercevoir le crépuscule d’un combat… Juste avant que cette furie saute sur le dos de l’adolescent à la crinière opaline.

Fiche d'Aoi Misaki:

• Nyaah ~ Qu’entend-je ? Quel impoli, tu fais.
  
  
  
  
  

Si la tête blasée de l’Épéiste Noir était en soi-même un spectacle rarissime à assister, voir une fille lui gratter lui jouer dans ses cheveux argentins en est tout un autre. Aoi Misaki, toujours prête à sortir de nulle part sans que l’on détecte sa présence…

• Tu refuses donc à une fille une simple requête de ce genre ? Approchant ses frémissantes et captivantes lèvres de l’oreille de son coéquipier, la surnommée Tenchi au sein de la glauque unité spéciale du village murmura quelques mots sur un ton sensuel, exprès pour pousser au summum la tolérance de sa victime. Pourtant, tu ne m’as toujours rien refusé, à moi –
  
  
  
  

• Cesse tes médiocres sous-entendus !
  
  
  
  
  

Pivot sur sa jambe gauche en effectuant un grand slash en diagonal avec son sabre des ténèbres, coup d’épée esquivé de justesse par la cible qui se moquait toujours du Martyr, arborant à présent un sourire narquois. Un grand bond effectué par la jeune femme à la longue crinière céleste, atterrissant sur une branche voisine. Bien qu’elle aimerait bien voir la tête que fait son compagnon, ce dernier cachait malheureusement son visage sous ses nombreuses franges blafardes. Peut-être avait-elle été trop loin, le pauvre était en position de combat, ses muscles étaient tous tendus. Sa voix mélodique retentit de nouveau avant qu’elle disparaisse tout comme elle est apparue.

• Je suis venu te rappeler que nous partons dans deux jours, vu que ce n’est pas un secret pour quiconque que tu tenterais d’oublier des vacances. Amuse-toi bien avec ton amie ~
  
  
  
  
  

Un silence pénible tomba dans la région, il fallut un bon moment avant que le Lutin sous métamorphose respire normalement et se souvienne qu’il y avait une spectatrice derrière-lui. Tournant lentement la tête vers Yuka, il dévoila sa figure enflammé par l’embarras, à tel point que sa cicatrice écarlate sous son globe oculaire gauche ne faisait plus qu’un avec la couleur de ses joues. La garce avait réussit son manège, c'en était affligeant pour l'orgueil de notre héros. L’étreint de la poignée de son sabre dans la paume de sa main se referma de plus belle alors qu’il lança l’ultime phrase qu’attendait probablement la brune.

• Que veux-tu ?!
  

Spoiler:

Comme si, finalement, il ne s’agissait que d’un jeu. Une question de bataille pour déterminer qui est le meilleur, une compétition insensée. Le mérite. Le mérite de faire quelque chose, d’être assez fort pour le voir. Yuka pose une petite main dépitée sur son sabre, et attend. Cependant, lorsque le glas du combat semble près à sonner, un autre, totalement différent, résonne au loin. Un petit bout de femme apparaît de nulle part, et lui saute dessus. Cela change brutalement la donne. Elle semble le maîtriser. Le faire tourner en bourrique. Être des milliers de fois plus forte que lui, puisqu’il n’ose même pas lui tenir tête. Elle le domine plus que n’importe qui le pourrait sur cette planète. Cette situation, des plus cocasses pour Setsuna, arrache un gigantesque sourire à la Mitsuharu. Alors monsieur joue les malins, les gros durs sans cœur, mais en fait, il est aussi sensible au charme de cette demoiselle ? Quelle ironie. Les balourds ont souvent un cœur en chamallow, c’est bien connu. Il suffit de voir Yoru pour le savoir. Haha. Trêve de plaisanteries. Yuka relâche alors le pommeau de Suishô, et lance un regard des plus narquois à Setsuna.

— Ce que je veux ? Je crois que je viens de l’obtenir. ♪

Machinalement, la kunoichi se met à marcher, tournant en rond, sans but. Que cherche-t-elle ? Oh, finalement, ce n’est rien. Rien du tout. Venir ici pour se poser, où est le problème ? Si les hommes déboulent de nulle part et l’attaquent, histoire de poser leurs couilles sur une table de marbre, ce n’est en rien la faute de notre protagoniste. Non mais sérieusement, ils ont quoi, tous, à vouloir se foutre sur la gueule comme des brutasses qui n’ont que des instincts de guerriers, assoiffés de sang, leurrés par une force qui n’existe en eux que dans leurs esprits ? Yuka exhale un soupir, ennuyée. Quelle rencontre.

— Je t’ai connu moins violent, Setsuna.

Dès lors, la demoiselle entame le chantonnement de cette berceuse qui les relie. Une mélodie si simple, si facile à retenir, et qui, à leurs yeux, signifie tellement de choses. Continuant de se mouvoir entre les arbres, sans s’éloigner de l’épéiste, la Mitsuharu avance, et termine son petit marmonnement. Derechef, elle soupire, et se tourne vers l’homme à la crinière ivoire.

— Ou alors, plus froid. C’est cette fille qui te fait tant d’effets ? ♪

Stab my back.
Hit me as hard as you can.
I deserve it, right ?
Come on, let your real nature show its face.
Son sabre toujours rangé, la brune finit de se déplacer, et lui lance un regard des plus interrogateurs. Joueuse, malicieuse, elle a une folle envie de l’embêter, de lui montrer que les glaçons les plus froids ne sont pas non plus à l’abri de la chaleur, et que face à elle, ils fondent. Son cœur n’est ni en pierre, ni destiné à ne plus rien ressentir. Au contraire. Même s’il se le cache, il sait très bien qu’il est aussi faible que les autres. Sa carapace est cassée, brisée à tout jamais aux yeux de la Mitsuharu. Son sourire s’agrandit.

— Tu as évolué. Tu es devenu sensible, touchable.

Les dures réalités de l’humanité. Le fardeau des sentiments, qui écrase et use les gens qui se laissent dévorer. Ah, les caprices des émotions. Ces saloperies, qui n’hésitent jamais à vous nuire, à vous montrer que celles qui dominent, ce sont elles, pas vous. Parce que vous, au final, vous ne valez rien. Rien du tout. Elles vous rongent, vous détruisent. Et elles s’en amusent.

— Pour autant, tu n’es pas faible. Juste plus … Humain.

Sauf que. Si cela fait de lui une personne compréhensible sur le côté humain, justement, sur le côté shinobi, il en devient vulnérable. Très vulnérable. Sans crier gare, Yuka lui fonce dessus et, au dernier moment, l’évite, pour lui asséner un coup du manche de Suishô sur la tête. Pouf. Ça sonne creux. Le ris de la kunoichi devient d’autant plus coquin. Cependant, elle ne s’arrête pas. Juste après l’avoir « frappé », elle use de sa technique préférée pour se propulser dans les airs. De là, elle le domine, et se sait en position de force.

— L’humanité, hein ? Une belle connerie. Tu es faible, Nidaime Kenshi. Tu ne maîtrises tellement pas tes sentiments, qu’un seul d’entre eux suffit à te faire flancher. C’est toute la différence entre toi et moi.

Le fossé entre Yuka et Setsuna, une réalité ? Non, pas le moins du monde. Juste une vilaine pique bien placée pour qu’il s’énerve un peu plus. Ah, c’est tellement amusant de le voir ressentir les choses. Pour une fois qu’il ne reste pas statique, stoïque, incapable de caser deux phrases qui résument ses réelles pensées. Pour une fois !

• Tu parles beaucoup.

Utopique. Monotone. Absent d’émotion. Un timbre robotique. Le même, celui qui vous crée un frisson tout le long de votre épine dorsale. Stoïque et indifférent, n’effectuant la moindre mimique malgré tout le théâtre orchestré par la pseudonyme Akafurekû, l’Escrimeur des ténèbres resta immobile, son regard d’un bleu nacré et de braise figé vers la direction où était son interlocutrice initialement. Cette technique, ce déplacement, il l’a tout de suite reconnu. Or, malgré qu’il sache la nature de la technique, le Yuuki n’avait guère tenté de contrer ou même d’esquiver le coup. Tout simplement car dans la provocation de sa sœur d’arme, il ne ressentait pas spécialement une intention meurtrière ou tout ce qui se rapproche d’une soif de sang.

Évolution. Non, le jouvenceau à la crinière opaline n’a jamais changé de mentalité depuis des lustres. Dans ces plus loin souvenirs – même en compagnie de sa sœur jumelle, même lorsqu’il était esclave de l’institution de recherche – il a toujours été la chimère qu’il est actuellement. Un sur homme créé de toute pièce par des hommes. Le résultat même du principe de l’eugénisme : l’idéal. Peut-être est-il une évolution en soit au niveau physiologique depuis le début de sa procréation. ou simplement une expérimentation sans réelle valeur. Non, il n’a jamais évolué, Yuka avait tort sur ce point. Non plus, le Second Épéiste n’a jamais pour autant régresser.

Cependant, malgré qu’il soit resté insensible face à tout ce piètre monologue, l’esprit du jeune guerrier argenté tiqua sur un mot en particulier : Humanité. « Une belle connerie », voilà comment elle a défini sa race, son ethnie, son peuple. Et elle venait de mettre notre protagoniste dans le même panier que cette « blague ». Pouvons-nous définir un résultat expérimental, une aberration scientifique engendrée dans le seul but de faire couler le sang, comme étant humain ? Malgré qu’il possède un corps similaire à ceux de ses entités fragiles, Setsuna ne croyait pas ressembler à ces primates. Ou bien veux-t-il seulement rester à l’écart de ses créateurs. En entendant cela, Misaki serait dégoûté. Ils sont tous les deux des rescapés de cet endroit maudit, et pourtant, on bien une vision des choses différentes.

Dos à la sabreuse, il tourna néanmoins la tête en direction des cieux, là où le jeune brune lévitait au-dessus de sa tête. Une technique qui permet de réaliser le souhait de beaucoup : atteindre les limites de la voûte céleste azurée, volé parmi les oiseaux et les nuages. Son unique perle azur héraldique et profonde fixant la Mitsuharu, un échange visuel vide de ressentit et de définition. Le Stigmate la regardait, l’esprit vide, aucune arrière-pensée n’affluait dans son cortex. Le manège de Yuka, auquel elle semblait avoir pris autant de plaisir à jouer, venait de perdre tout son sens si le but était d’énerver notre sombre héros. Le même ton qu’il a employé précédemment retentit de nouveau, avec une légère touche de lassitude. Las de l’attitude d’Akafurekû.

• Je te l’ai déjà demandé une fois… Que veux-tu ?

Une brise vint conclure la fin de la tirade, faisant virevolter les franges argentées du Martyr avant de laisser en plan un silence religieux à beau milieu de cette forêt. Limite, elle peut tourner en rond encore pendant des heures. Mais le narrateur ne peut garantir que son personnage sera encore dans les parages. Et surtout, le narrateur commence à en avoir marre de ce RP à deux balles, alors que l’intention originale était autre part que cette comédie presque musicale !

— Faut bien que je pallie ton silence.

Une joute verbale entre deux êtres. Un jeu commencé depuis quelques temps déjà, rythmé par l’apparition d’une bien belle demoiselle, qui était venue, puis repartie aussi vite. Une bataille entre deux shinobis, qui ne se soucient même pas l’un de l’autre. Ils se fichent mutuellement de ce qui se passe dans la tête de l’autre. Il y a juste le premier, qui ne veut que de la violence, et voir si la seconde est méritante. Mais la puissance n’est pas seulement physique, pense la deuxième tête. La puissance, c’est aussi de savoir se maîtriser, savoir faire en sorte que les sentiments ne détruisent pas purement et simplement la force physique. Un homme destructible par voie du cœur est un homme faible. Il faut savoir maîtriser les pulsions, les désirs, les ressentis. Savoir cacher les faiblesses sous un masque d’orichalque, un masque indestructible. Yuka connaît la faiblesse de Setsuna, et sait parfaitement comment l’anéantir. Pourtant, malgré ce désavantage certain, l’épéiste persiste, et continue de nier. Froid, rigide, il continue de se cacher derrière cet éternel visage de glace qu’il s’est façonné. Pourquoi ? Yuka ne saurait répondre à cette question.

Elle soupire. Ce type détruit de lui-même tout ce qu’il pourrait avoir d’intéressant. Ce personnage est barbant, condamné à tourner en rond, à faire toujours la même chose. Il est le soldat sans âme qui ôte la vie des envahisseurs. La coquille sans fond qui n’a aucun scrupule lorsqu’elle doit arracher son enfant coupable à la mère victime. Il est la manifestation même du vide. En lui, il n’y a rien. Seulement ce souvenir qui le rapproche de Yuka. Oui, mais à quoi bon ? Il n’y a absolument rien à tirer de lui, hormis de l’expérience. La force physique, la puissance par la violence. Voilà ce que ce type peut enseigner à quelqu’un. Juste ça. Ce qui entoure la coquille. Ce qui se voit. C’est à en pleurer. Mais bon. Puisqu’il n’est capable que de ça, et que la kunoichi n’est pas venue pour jouer à la chasse aux sentiments, autant passer par le moyen le plus simple.

— La seule chose que tu sois capable de me donner.

Insensible. Froide. Yuka met les pieds dans le même plat que Setsuna, avançant sans broncher, bien que cette situation lui déplaise. Elle ne se sent pas du tout à son aise, contrainte de suivre les traits psychologiques de l’épéiste. Il est incapable de parler, de se confier. Il est tellement vide, qu’il n’a rien à raconter. Petit soldat, petit soldat, ton monde ne se résume à rien. Il doit tellement se faire chier dans l’univers qu’il se construit au fur et à mesure. La brune se tourne vers lui. Il n’est nul besoin de ressentir de tristesse pour ces corps sans âme, nul besoin de compatir à leur souffrance, puisqu’ils ne la perçoivent même pas.

— Tu devrais être capable de montrer à une femme comment vous vous démerdez avec votre force et votre chakra, vous les hommes, non ?

Un petit sourire naît sur ses lèvres. Autant passer aux choses sérieuses directement, elle n’a rien d’autre à tirer de lui de toute façon.

— Si tu cherches à savoir ce que tu peux obtenir en échange, hum … Peut-être ma capacité à voler ?

Donnant, donnant. Pas de jaloux. Celui qui donne reçoit, et on n’en parle plus. Alors, deal ? Ou il crachera encore une fois sur la proposition ?