Un saké ! Un autre. Je le portais à la bouche et cul sec j’en vidais le contenu. C’était bien le dixième verre que je me payais et je peux vous dire que je commençais à me sentir comme plus… léger. Ouais, le genre de sensation intérieure qui te brule. Je ne sais pas si vous connaissez ça ? On se sent directement plus libre. Plus détendu, on est plus proche de notre nous véritable. Et là, je peux vous dire que mon moi véritable c’est proche de la pure bestialité.

_ Ramène m’en en deux !

Je frappais sur la table tel un sauvage et parlais à voix haute comme si j’étais seul dans mon salon. Et pourtant, il y en avait du monde dans ce bar. Mais dans la mesure où il s’agissait d’un de ces bars mal famés, je pouvais hurler, dégueuler, débiter toutes les insanités que je voulais, les autres s’en foutraient. Après tout, les ¾ étaient dans le même état que moi. Dead sur le carreau !

Une bonasse passait par là. Une fille de joie. Je frappais sur son cul rebondit et la coquine me répondait par un sourire mi outré, mi amusé.

_ Combien la passe ?

_ Pas beaucoup pour toi chéri !

Et hop ! C’est parti ! Je laissais ou plutôt j’oubliais sur place le verre de saké et m’en allais dans une pièce à côté, spécialement conçue pour les besoins pressants afin de faire la vidange complète. En mode accéléré et brutal. Parce que je le vaux bien. La bonasse me tympanisa les oreilles pendant près d’une heure. Mais vu que c’était pour la bonne cause… Après cette petite performance, je me rabillais, payais ce que je devais, et revenais allégé vers le bar.

_ Je bois pas de ces saloperies ! Amène-moi un nouveau verre !

Et je jetais quelques ryos à la gueule du barman en partant d’un franc rire. Ah putain ce que je me sentais bien. Il y a des journées dingues comme ça, où je me sens vivre. Où je me sens libre. Mais, alors que tout marchait comme sur des roulettes et que jusqu’ici je passais une journée tranquille, pépère, un gougnafier choisi de venir m’importuner. Un espèce de blond qui choisi de venir s’asseoir à mes côté en affichant un gros sourire. Je fronçais les sourcils.

_ Heu… Attends je crois que t’as du me confondre avec un autre. Puis si c’est un péd* que tu cherches ya l’autre là !

Je pointais du doigt un mec au fond de la salle : musclé, blond aussi, au visage et aux gestes tout de même efféminés. Je le sifflais en l’appelant par son nom. Il releva la tête, adressa un sourire fort à propos à mon interlocuteur, le tout ponctué d’un clin d’œil entendu. Voilà. Dans ce bar, il y en avait pour tous les gouts. Ceux qui veulent ramoner un trou pouvaient le faire à leurs frais. Ceux qui souhaitaient se faire ramoner, le pouvaient aussi. Mais… à leurs risques et périls. Une tape amicale sur l’épaule de l’inconnu, que je n’avais même pas pris la peine de bien regarder, puis je buvais à nouveau une gorgée de saké.

Là, j’étais bien. J’étais chaud ! Comme la braise !

J’en avais terminé avec ce gus. Il devait être en manque de sensations et par expérience, je sais que ce n’est pas d’un gars comme moi qu’il a besoin. Il a besoin de quelque chose de chaud, de potentiellement gros qui pourrait lui faire mal. Rien à voir avec ce que je pouvais lui apporter. Sans plus me soucier de lui, quasi certain qu’il irait directement voir son pote l’autre gus, je me mis à boire à nouveau de ce délicieux saké. De la main gauche, allez hop ! Cul sec ! Et c’est alors que mes sens se mirent en éveil. Un tintement familier. Des sourcils qui se froncent, une tête qui se tourne lentement du côté où se trouvait ce dérangeur né… Un kunai… mais c’est trop tard. Une vive douleur me rappelle l’existence de cette main que j’avais laissé trainer là sur cette surface de bois. J’ai un sursaut de douleur, mais je ne peux que me rassoir bien conscient de cette douleur, de ce piège dans lequel ma main est prise. Du sang s’écoule sur la surface du bois tandis que je serre les dents lançant une lueur furieuse sur ce… bâta***

_ Je vais te liquider !!!!

À peine a-t-il fini de retirer le kunai et de jouer au petit malin avec ses airs de fanfarons que je me laisse aller un accès de rage que je n’avais plus ressenti depuis si longtemps. Un fou. Un fou qui ose s’en prendre à moi : Ozaï. Mes pupilles virent au doré. Des nerfs creusent le blanc de l’œil le rendant presque immaculé. Un phénomène se passe. Quelque chose que seul les Jisetsu peuvent expliquer. Cependant, avant même qu’il ne puisse comprendre sa peine, son sort était scellé. On allait lui raconter, au paradis ou en enfer comment s’est déroulé le film de sa fin, mais surtout cette fin de vie qu’il allait lui échapper en moins d’une seconde. Une impulsion. Me voici dans les airs tandis que lui est cloué au sol. Nous sommes déjà proches l’un de l’autre et le voilà ralenti. Il ne reste qu’à lui défoncer la mâchoire proprement.

Mon pied s’élève haut au-dessus de son crâne, telle une sentence, tel le jugement final en rétribution de ses actes. Et tel le marteau qui s’abat sur l’enclume, lui fracasse le crâne de mon talon gauche. La violence du coup, multipliée par la rapidité du mouvement et son ralentissement personnel donneraient probablement un beau spectacle. Allait-il finir mort pour avoir heurter le bout de table à laquelle j’étais assis ? Ou allait-il tout simplement la fracasser puis se relever et oser m’affronter ? Mieux, pourrait-il seulement esquiver ?

Au moment de l’impact, ma vue se fait plus précise. Je fronce des sourcils. J’ai déjà vu ce bougre quelque part. Oui. Je l’ai déjà croisé. Dans une zone peu recommandable en mode sursis. Oui, l’île inconnue. Le… Le Jisetsu qu’Hiro avait failli rendre aveugle !

Spoiler:

Je me disais bien que je l’avais déjà vu. Et j’en eu la preuve assez rapidement. J’avais affaire à un Jisetsu. Un vrai, un peu gars plutôt puissant, en tous cas plus que moi. Ma technique de ralentissement n’eut aucun effet. Je sais que ça a l’air incroyable et pourtant c’est la pure vérité. Une réalité limpide dont je pus faire les frais en un rien de temps. Des pupilles couleur or étaient apparues sur le visage de mon adversaire et avant même que je ne puisse comprendre que j’étais dans de sales draps. Comme si ma technique était sans effet, je vis Demon, car c’est ainsi qu’il avait dit s’appeler l’autre jour, littéralement fondre sur moi à une vitesse largement supérieure à la mienne. Un contre, pur et simple. Je me retrouvais propulsé plusieurs mètres plus loin, fracassant tables et bancs avant de heurter un mur.

Il me sembla perdre le « réseau ». On aurait dit un blackout de quelques secondes, sinon quelques minutes. Je ne sais pas. M’étais-je évanoui ? Ou avais-uniquement perdu le nord comme on dit ? Quoi qu’il en soit, je ressentais une énorme douleur dans l’abdomen et, de ma bouche, s’écoulait une perle de sang. Ma tête s’était mise à tourner. Il me semblait voir flou tandis que la douleur, de plus en plus importante me grisait les sens. Même ma respiration en devenait difficile. Je pose une main à terre, celle sanglante. Comme un éclair, ressenti de la paume à mon cerveau en passant par ma colonne vertébrale. J’ai mal et je suis bien obligé de changer de stratégie. Je pose l’autre main, celle encore valide. Puis je me redresse. Vaillement, mais difficilement.

_ Tu es ce qu’on appelle un bon petit [l’insulte que tu veux] Demon !

Je dégaine un katana. Et aussitôt je fonce sur cet adversaire. Un coup en diagonale, je glisse en avant et me retourne. L’ai-je atteint ? Belle illusion, car en réalité, je n'ai pas bougé d'un pouce, je suis bien trop amoché pour celà, même si ma combativité et mon habitude de la souffrance me permette de résister encore un peu au doux appel, d'un état comateux que je sens venir à grande allure.

La douleur est grande. Je ressens chaque parcelle de mon tronc, comme jamais. Ma vue semble floue et les battements de mon cœur sont rapides. Pourquoi est-ce que je m’entête face à ce shinobi autrement plus puissant que moi ? Par fierté. Rien d’autre. Pure fierté. Le gouffre est bien trop grand, mais je ne peux me permettre de fuir. Je ne suis pas un couard. Je ne crains ni l’adversité, ni la mort. Le sang coule ma main sur le manche du katana et tout au long de cette lame ensanglantée. Est-ce mon propre sang ou celui de cet adversaire ? Je ne saurais le dire. Tout ce que je sais, c’est que je suis debout, mais je suis mal. Très mal. Est-ce l’image que je renvoie ?

Aujourd’hui, pour une fois, je ne dispose d’aucun temps d’avance. Je dirais même que je suis considérablement en retard face à cet homme de mon clan d’origine. Échec ! Mon katana glisse de ma main. Le ciel s'écroule et avec lui tout ce qu'il y a autour de moi dans le plus profond des coma.

Spoiler: