Le Jaguar est un pur enfoiré. Pendant que Monsieur se balade Dieu ne sait où, Michiki se retrouve comme un con à devoir passer le temps comme il peut. Tout en se faisant discret. Ce qui est difficile dans la situation actuelle. Se contenter d’attendre sans rien faire. une idée insoutenable alors que son esprit n’est hanté que par son désir de réponses quand à ce qu’il s’est passé à Kiri. Mais pour l’heure, il ne peut faire grand-chose mise à part se balader comme le dernier des touristes.

Les paysans parlent beaucoup de ce petit village appelé Ikazuchi. Très touristique, il semble attirer la foule. S’il y a du monde, Michiki ne craint rien à s’y rendre. Au moins personne ne pourra se dire d’un coup : « Tiens mais il est bizarre celui-là ». En même temps il ne compte pas attirer l’attention. C’est pas comme s’il allait se pointer en plein centre-ville pour faire poper une montagne de cadavres. L’escorte macabre serait un peu trop voyante. Il devra donc privilégier la discrétion la plus absolue. Mihawk lui avait conseillé de tout faire pour ne pas se faire prendre. En même temps, il ne pouvait que le comprendre. Si l’un tombait, il entraînerait l’autre dans sa chute.

Les services d’interrogation de Kumo doivent bénéficier de moyens pour soutirer les infos. En tout cas c’est ce qu’il y avait à Kiri. Michiki était même en charge de ce genre d’opérations. Mais le monde a changé et il ne serait pas étonnant de croiser un Yamanaka Kumojin. Ce qui ferait plonger les deux hommes. Autrement, Michiki ne doutait à aucun moment de son silence quant à l’implication de l’Hakushi et il savait parfaitement que ce dernier le protégerait s’il était susceptible de se faire prendre. Mais dans le doute, prudence est mère de sûreté.

C’est donc une balade tranquille qui s’engage dans ce petit patelin animé. Le marché attire une masse de monde dans laquelle le nécromancien peut se fondre sans trop de soucis. Même si l’esprit festif ne lui sied pas, cela occupe son temps. Il prend une brochette par ci, observe tel numéro par là et continue son chemin. Mais il se lasse vite et préfère déserter les lieux pour retourner s’isoler en rase campagne. Mais le centre-ville est loin de la bordure du village. Il y a donc un peu de chemin avant d’y arriver. Et c’est lors de ce trajet qu’une désagréable sensation traverse sa moelle épinière. Comme si un regard ne cessait de le fixer. Il accélère très légèrement le pas, c’est à peine palpable. La sortie n’est pas très loin. Il en aura pour pas longtemps. Une fois l’enceinte du village quitté, il pourra user de son Ninjutsu pour s’échapper plus vite. Plus que quelques mètres. Il y est presque.

Mais alors que le bout du tunnel approche, la désagréable sensation dans son dos disparaît un milllième de seconde. Puis elle revint à la charge, fracassante, alors qu’une voix lui fait remarquer qu’il ne semble pas d’ici et lui proposant une blanquette. Pfiou juste un paysan un peu bourré. Il s’apprête à l’envoyer gentiment bouler, mais les mots qui suivent le font déchanter tout de suite. La voix lui demande de le suivre pour discuter sérieusement et loin des civils. Là ça pue la merde. Un simple ivrogne ne dirait pas ça. un seul type de personne pour s’adresser à lui comme ça : un shinobi.

Cet enfant de salaud le précède et le mène vers un lieu plus tranquille dans une ruelle reculée. Déjà l’arme en main, Michiki est prêt à intervenir. Mais pas de suite. Un dernier passant titube vers eux avant de disparaître dans l’angle d’une maison. Maintenant qu’il n’y a plus qu’eux, le Shinda dévisage cet homme mystérieux. Une épaisse masse de cheveux et le regard caché derrière des lunettes. Une odeur de clope également. Dommage, ils auraient pu bien s’entendre. Mais le nécromancien ne peut prendre aucun risque.

Il saisit sa chance. Une seconde d’inattention de la part de cet étranger. Voilà Michiki sautant vers lui, kunaï en main avant de venir l’appliquer sous sa gorge, le tenant fermement pour qu’il ne se sauve pas comme ça. Son geste est fluide, vif et assuré. Il n’hésitera à aucun moment. Ça se joue entre lui et ce type. Et le choix est vite fait. Alors que la tension est à son paroxysme, Michiki se risque enfin à parler à ce gars qui semble en savoir trop :

- Parlons sérieusement oui. Ta première bêtise aura été de vouloir t’éloigner de la foule. La seconde est d’être venu importuner le mauvais gars. Je veux pas d’histoire. J’ai déjà assez souffert en taule je veux pas y retourner.

Il faut bien un mensonge pour espérer s’en sortir. il est nécessaire de rappeler que ce type est probablement shinobi. Dans un cas, il est d’un niveau inférieur à Michiki et cette petite menace suffira. Dans un second cas, il est du même niveau ou plus fort que le nécromancien, et là i pourrait peut-être éventuellement compter sur un coup de chance pour s’en sortir. Ce gars ne semble pas être non plus le BCBG parfait. Un ancien taulard pourrait lui inspirer de la pitié et il le laisserait partir. Et puis, Michiki ne ment qu’à moitié lorsqu’il dit ça !

Cet étrange gars a de quoi faire s’interroger le nécromancien. Il a du mal à savoir ce qu’il est ou même ce qu’il veut. Déjà une chose est sûre, il ne l’a jamais croisé auparavant. Les rares Kumojins ayant croisés sa route ne réagiraient pas comme ça en le voyant. Mihawk serait la seule et unique personne à ne pas vouloir l’envoyer six pieds sous terre.

Alors était-ce réellement un membre des Nuages ?! Ou bien un vagabond de passage ?! Non impossible. Il ne lui aurait pas tenu ce discours lui demandant de se mettre à l’écart pour pouvoir « discuter ». Il y avait forcément d’autres raisons derrière un tel acte. Mais elles échappaient à l’esprit d’analyse du Shinda. Il devait également gérer l’instant présent. S’assurer une survie à tout prix. Il ne pouvait pas mourir ici et maintenant. Aussi bêtement. Si cette éventualité ne le dérangeait pas plus que ça par le passé, aujourd’hui il en était tout autrement. Sa soif de savoir le poussait à tout faire pour y parvenir. Y compris y laisser sa vie. Mais au moins mourir en ayant accompli quelque chose pour obtenir ses réponses. Alors que là. Au détour d’une balade : hop capturé, menottes, prison et ne touchez pas 200 000 yens.

Il en était hors de question. Pas ici et pas comme ça. Le Shinda aurait le droit à une mort plus mémorable que ça. Il fallait donc se sortir de cette situation plus que délicate. Et rien ne s’arrangea lorsqu’il en apprit plus par rapport à ce que l’étranger commença à lui raconter.

Il lui expliqua n’être qu’un inconnu au pays de la Foudre. Mais là n’était pas le plus important. Il avait appelé des renforts grâce à un clone. Ainsi, il ne laissait plus trop de choix au nécromancien. Néanmoins, ce dernier ne put s’empêcher de mettre certains éléments en corrélation. Ce discours ne tenait absolument pas debout. Truffé d’incohérences, il ne pouvait dire vrai. Michiki ne se gênerait pas pour le faire remarquer mais il s’attarda sur autre chose. Il se demandait pourquoi ce type mettait autant de moyens pour lui mentir et « discuter » avec lui. Que cherchait-il précisément ? Qu’une manière de le savoir en même temps.

Le nécromancien ne relâcha pas la tension guidant ses mouvements et son corps. Tant et si bien que le kunaï n’avait pas dévié d’un pouce. Il gardait bien en ligne de mire la glotte du type et l’avant-bras était prêt à partir au moindre mouvement suspect. Puis la disparition du corps serait rapide. Un petit parchemin et il finissait dans la poche du Shinda qui pourrait ensuite reprendre sa route et quitter l’endroit avant que les hypothétiques renforts n’arrivent. Car oui en effet, Michiki ne croyait pas un mot de tout cela. Rien de ce que cet étrange personnage avait pu lui dire n’avait d’impact. Son discours n’avait ni queue ni tête.

La réflexion n’avait pas pris longtemps. Ce qui fit que l’échange entre les deux hommes ne fut séparé que de quelques secondes tout au plus. Quelques secondes avant que Michiki ne s’exprime :

- Je vois. Et la version sans mensonge maintenant ça donne quoi ?

Le nécromancien renforça son emprise avant de reprendre :

- Si tu es réellement un étranger pour ce pays, pourquoi les autorités interviendraient à ta demande ? Je connais un minimum les troupes Kumojins pour savoir qu’ils ne réagiraient pas non plus au premier inconnu demandant de l’aide pour intercepter un suspect.

Le ton s’était montré impassible pour bien présenter sa réflexion. Mais la suite se fit plus dure. Michiki ne souhaitait pas perdre du temps inutilement. Il y avait encore une infime chance que ce qu’il raconte soit vrai. Et quand bien même ça ne l’était pas, ils pouvaient se faire surprendre à tout moment. Le Shinda finit donc par ajouter une dernière chose avant d’écouter ce que l’étranger avait à dire pour sa défense :

- Je te laisse une dernière chance. Dis-moi clairement qui tu es ainsi que ce que tu me veux. Je te l’ai dit je ne suis pas là pour faire de sales histoires. Ne m’oblige pas à en commencer une.

Mais c’était qui à la fin ce type. Il le baratine d’abord prétendant n’être personne puis il est censé avoir alerter les autorités ensuite et finalement son absence risquait d’être remarquée par la population de ce village. Michiki n’avait aucune idée de l’identité du gars qu’il tenait fermement sous son emprise mais une chose était sûre. Bon deux en fait. La première c’est que ce type l’intriguait. Et la seconde, aussi curieux soit-il, il ne lâcherait pas pris pour un simple doute. La moindre faille dans sa vigilance et s’en était fini. Case prison sans passer par la case départ. Ce ne serait qu’un retour à sa vie de bagne d’il y a quelques temps. Et la savonnette c’est pas pour lui !

Se refaisant le discours dans sa tête, un élément vint rafraîchir automatiquement la mémoire du nécromancien. Il tenait là un responsable de patrouille. Ce qui pouvait logiquement expliquer tout ce qu’il venait de dire. Peut-être avait-il enfin décidé de se montrer honnête. C’était une éventualité mais il fallait toujours se méfier de l’eau qui dort. Du coup la poigne resta ferme et le kunaï ne cillait pas. La dextre le tenant craignait tellement de finir enchaînée qu’elle ne tremblait pas d’un poil.

Il lui avait laissé une heure avant que son absence ne soit remarquée. Il devrait peut-être faire attention au temps. Pas le temps de décompter les secondes dans sa tête en même temps qu’il réfléchissait à la situation. Il devait choisir avec minutie ce qu’il faisait pour ne pas commettre un faux pas. Pas maintenant et pas ici. Mais l’interlocuteur du binoclard titillait encore plus sa curiosité dévorante. L’étranger reconnaissait que le mode opératoire et la pensée du Shinda ne semblait pas provenir de cette région. D’ailleurs il avait signalé être originaire de Shimo no kuni et non de Kaminari. Ce qui expliquait ses dires d’auparavant le caractérisant comme un étranger. Le puzzle commençait à se remettre en place.

Puis enfin, ce qui laissa Michiki dépourvu. Psychologiquement bien sûr. Son corps restait sur le qui-vive, réglé automatiquement à tuer au moindre pet de travers. L’homme de Shimo s’en rendait à son sort. Il acceptait la suite de cet entretien qui semblait signifier un kunaï dans la gorge. Michiki s’était arrangé pour lui faire croire ça mais il avait été sincère sur un point lui aussi : il ne tenait pas à faire d’histoire. Et assassiner froidement un membre patrouilleur de Kumo n’était pas le meilleur moyen pour y parvenir.

En échange de cette fatalité, l’inconnu demanda deux choses : l’identité de son bourreau et une cigarette. Etrangement, ces paroles atteignirent le nécromancien. La curiosité était tellement à vif qu’elle s’écriait en lui comme un adversaire écorché et dépecé de sa peau alors qu’il était encore pleinement vivant. Michiki était quelqu’un de déterminé mais il n’était plus ce tueur assoiffé prêt à éliminer la terre entière qu’il avait été fut un temps. Il s’était calmé avec le temps. Seulement calmé. La bête rôdait encore mais elle ne semblait pas décidée à refaire surface pour l’instant. Tuer donc aussi lâchement cet homme qui se rendait honnêtement à son triste sort lui apparaissait comme une insulte à ce même type. Il se montrait courageux face à lui. Le nécromancien lui devait bien la pareille pour ce comportement.

Sans pour autant lâcher son arme, la voix du binoclard trancha net le léger silence qui s’était instauré dans la ruelle toujours déserte. Ce qui risquait de ne plus être le cas alors il ne fallait pas traîner. D’où les propos du nécromancien :

- Je te l’ai déjà dit, je ne veux pas de ça. Je te propose un marché. Je t’accorde tes requêtes mais pas ici et pas dans ces conditions. Je vais t’escorter jusqu’au bar le plus proche que j’ai vu en arrivant. On va se mettre bien en vue de tout le monde où on pourra parlementer et s’en griller une autant que tu veux. Ça te va ?

L’offre était plus qu’honnête pour un homme qui s’attendait à périr dans une ruelle insalubre. Il était donc inimaginable qu’il refuse. Le Shinda continua sur sa lancée :

- Bien sûr, si tu bouges d’un cil sur le trajet, ta mort sera celle d’un bouffon ivre perdu parmi les poubelles. Tu ne m’as pas l’air de mériter ça et je ne tiens pas à t’offrir cela. Un verre, une clope et quelques mots. Voilà ce que je t’offre.

Il n’attendit pas vraiment la réponse qui semblait évidente. Il n’écouta même pas si son otage répondait d’ailleurs puisqu’il se mit en route. Une main sur l’épaule gauche du bonhomme, il se tint derrière lui pour garder le bout de son arme pointé vers ses fonctions vitales. Et non il n’y a là aucune référence à son entre-jambe ! Le duo finit par arriver au bar en quelques secondes sans embûches. A peine arrivés, Michiki commande deux verres ainsi qu’une bouteille au barman avant de se diriger vers une table. Il a relâché son emprise pour pouvoir discuter au calme parmi une foule qui l’aidera à exercer une pression au cas où. Les deux hommes prirent place et le nécromancien engage le discours :

- Mon nom ne t’aidera en rien je pense. Shinda Michiki. Quel est le tien ?

Un nouveau mensonge. Si ce type était présent dans les rangs de Kumo lors de la dernière guerre contre Kiri, il y a des chances qu’il connaisse malheureusement Michiki. Mais s’il se montre violent, le nécromancien n’hésitera pas à utiliser les clients autour d’eux pour exercer une pression efficace. Espérant bien sûr qu’il n’aurait pas besoin d’en arriver à de telles extrémités.

Le bar était plein de vie et d’animation. Ce qui permettrait aux deux hommes de discuter en toute impunité sans risquer d’être épié par des oreilles indiscrètes. Et surtout l’assurance de repartir sur un pied d’égalité tout en offrant une échappatoire au nécromancien si jamais il y avait anguille sous roche lors de cette discussion.

Ce type l’intriguait toujours autant. Il lui avait murmuré sur la route qu’il était loin d’être un débutant ou un simple shinobi banal. Il en avait même déduit que Michiki avait dû avoir des hommes sous ses ordres. Il n’avait pas tout à fait faux. Toutes les paroles de cet inconnu laissaient le nécromancien perplexe quant à la personne lui faisant face. Ce cadre serait privilégié pour pouvoir en savoir un peu plus sur la personne lui faisant face. Il se présenta sous le simple nom de Perseus, enchaînant cependant directement sur une question concernant sa venue à Kaminari. Il caractérisa l’endroit comme peu important dans le monde shinobi. C’était peut-être un peu exagéré. Mais la remarque fit rire Michiki brièvement.

Perseus lui avoua également qu’à l’instant où le binoclard avait honoré sa parole, tout ce qui avait pu se produire ou dire avant qu’ils ne rentrent dans ce bar était de l’histoire ancienne. Enterrée dans un coin attendant qu’un salaud comme Michiki ne vienne s’en emparer. Mais l’homme face à lui ne semblait pas comme ça. c’est d’ailleurs lorsqu’il évoqua sa parole que le nécromancien se souvint d’un détail qu’il n’avait pas honoré. Il fouilla dans sa poche, en sortit un paquet de cigarette et en prit deux. L’une pour lui et l’autre qu’il glissa à Perseus malgré le fait qu’il en avait déjà une dans le bec.

- Comme ça j’honore réellement ma promesse ! Et avant de continuer on va mettre une chose au clair. Je me suis permis de te menacer alors on va dire qu’on se connaît bien et que tu peux me tutoyer.

Le barman arriva avec la boisson. Perseus servit les verres et en tendit un à Michiki. Les deux hommes burent en même temps une gorgée correcte. L’alcool vint réchauffer les boyaux du Shinda qui n’oubliait pas pour autant les interrogations du Kumojin. Ce dernier en rajouta d’ailleurs une puisqu’il voulait savoir d’où il venait. Là par contre ça s’annonçait plus épineux comme question. Mais il allait répondre au reste en attendant :

- Je te trouve un peu dur de dire que Kumo n’est pas un pôle important de ce monde ! Même si je ne suis pas là pour le tourisme ou autre, j’ai choisi cette destination dans le seul et unique but de retrouver quelqu’un. Un ami de longue date pour être précis. Mon senseï pour être encore plus précis.

Il vida ensuite son verre. Son esprit tournait à plein régime malgré l’alcool. Il n’en abuserait pas pour garder tous ses moyens au cas où. Pouvait-il lui révéler ses origines ? C’était une très bonne question. Il se souvint de la parole du Kumojin sur la discrétion qu’il mettrait pour ne pas balancer la présence du Shinda aux autorités. Il utilisa ceci pour rebondir et se laisser du temps pour réfléchir.

- Je te remercie par ailleurs de ne pas me balancer à tes supérieurs. Il était normal que je respecte ma part du marché. Menacer un confrère shinobi de la sorte n’est pas respectueux du tout. La prochaine tournée est pour moi par conséquent. D’autant que tu ne m’as pas l’air d’être le genre de type à te laisser marcher sur les pieds ou surprendre aussi bêtement. Tu m’as laissé faire ?! ironisa Michiki.

L’alcool avait tendance à détendre les mœurs. Il devait vraiment faire attention à sa consommation sous peine de commettre une bourde monumentale. Mais entretemps, il avait pu repenser à sa grande question. Pouvait-il lui dire pour Kiri ? C’était un choix cornélien. Mais sa curiosité prenait le dessus. S’il n’était pas un minimum honnête avec son interlocuteur, il prenait le risque que ce dernier s’en rende compte et qu’il ne le soit pas non plus par la suite. Autant jouer cartes sur table. Michiki n’avait rien à se reprocher et il n’était pas là en tant qu’ennemi de la nation. Si une personne ici pouvait le comprendre, c’était bien ce gars.

- Je viens de Kiri. Tu comprendras donc ma réaction globale depuis que nous nous sommes rencontrés. Tu m’as un peu surpris et je suis réellement ici incognito. Les affaires qui m’amènent ne nécessitent absolument pas que les autorités du pays s’en mêlent. Je ne suis ici que pour retrouver mon ami. D’ailleurs il m’a fait faux bond et ne semble pas ici. Je devrais donc sûrement quitter le pays d’ici peu.

Il se resservit un verre. Il but une gorgée plus modérée que la première fois avant d’enchaîner à son tour une question à l’attention du dénommé Perseus :

- Mais parle-moi un peu de toi également. Comment un gars de Shimo no kuni en est venu à défendre le pays de la Foudre à des lieues de son foyer ?

A l’évocation du nom de Kiri, un petit sourire jaillit sur les lèvres fines du nécromancien. Il aurait presque pris le compliment pour de la flatterie. Seulement, son interlocuteur ne semble pas de cette trempe. Tout comme Michiki ne compte pas user de compliments mielleux pour endormir sa cible. Il n’y a là que deux hommes discutant en tête à tête, yeux dans les yeux. Et plus cette conversation progresse, plus cet homme attise la curiosité du nécromancien. Pourrait-il se révéler être un allié précieux. Il était encore tôt pour le décider.

Il réagit également sur sa boutade. Avec la carrure du bonhomme, ça ne pouvait qu’être une erreur de ce Kumojin pour que Michiki le contrôle aussi rapidement et aussi aisément. Quelque chose lui disait que s’il réessayait là tout de suite, il aurait bien du mal. Maintenant qu’il est au courant que le nécromancien peut se montrer productif et réactif, il risque fort de ne pouvoir le maîtriser une nouvelle fois. De toute façon, ce n’est pas à l’ordre du jour pour l’instant alors inutile de s’inquiéter de cela.

Il lui expliqua ensuite comment en était-il venu à arriver à Kumo. Un senseï. Ils pouvaient en faire des choses ceux-là ! Michiki était passé par plusieurs enseignants dans sa carrière de shinobi. Chacun lui avait laissé des enseignements importants et ils l’avaient tous marqués d’une certaine façon. Pour celui qui l’avait mené ici, on pouvait dire qu’il portait ses traces physiquement ! C’était pas passé loin qu’il se prenne quelques coups de griffe dans le temps. Il s’était épargné ça mais il avait reçu quelques autres coups.

Perseus avança ensuite un élément qui fit tiquer le nécromancien. Il se sentait comme rejeté par la population. Ce discours n’était pas sans lui rappeler sa conversation avec Mihawk. En même temps les deux hommes semblaient se connaître d’après ce qu’il lui avait dit un peu plus tôt. Etait-ce une spécialité de Kumo de rejeter ses guerriers ?! A force, Michiki se posait sérieusement la question. Quelle horreur pour un homme de devoir défendre une cause qui ne vous reconnaît même pas. Il y avait déjà pensé lors de son entretien avec l’As et cette annonce l’avait assez dégoûté. Mais il ne manquerait pas de tenir le même discours ici-même avec ce nouveau concerné par la convivialité Kumojin.

Perseus lui avait également demandé quel était son rôle au sein de Kiri avant sa destruction. Il n’oublia pas cette question. Mais auparavant, il tenait à clarifier ce point dont il avait déjà discuté avec l’Hakushi :

- Je n’oublie pas ta question sur mon rôle de l’époque à Kiri. Et je ne l’évite pas non plus. mais je tiens à éclaircir quelque chose que tu viens de me dire.

Coinçant une clope entre ses lèvres, Michiki huma une bouffée de tabac avant de la souffler en épais volutes devant lui. Il se ravança un peu sur la table et continua à parler :

- Tu dois être la deuxième personne en une semaine de temps qui me dit qu’il ressent un rejet au sein de Kumo. Peux tu m’éclairer sur ta vision de la chose. Pourquoi te rejeterrait-il ? Mais surtout.

Une nouvelle taffe accompagna cette question importante :

- Pourquoi te battre pour un village qui ne t’accepte pas ? Quelle valeur as-tu à prouver à ses ingrats qui ne savent pas la reconnaître naturellement ? Un shinobi met sa vie en péril tous les jours. Les shinobis rattachés à des villages le font pour leur nation. Mais quel intérêt y a-t-il à se sacrifier pour des gens qui n’en ont aucun intérêt ?! Je t’avoue ne pas trop comprendre cela.

Il laissa le temps nécessaire au jeune homme pour lui répondre avant de finalement en venir à la question qu’il avait posé. Il n’avait qu’une parole, il y répondait :

- Il faut savoir que j’ai découvert Kiri après trois ans d’absence. Je m’étais mis à découvrir le monde sans devoir répondre à une autorité. Je ne parlerais pas de désertion. Plutôt un pèlerinage à la recherche d’une nouvelle force et d’une puissance toute aussi innovante. Et à mon retour, je suis tombé sur les ruines de mon village.

Un léger silence plana entre les deux hommes. Pas dans le bar naturellement puisqu’il y avait toujours un ivrogne pour gueuler que la prochaine tournée était pour lui. Des mots que plus personne ne prenait au sérieux à force. Puis Michiki reprit enfin :

- Avant tout cela, j’ai été l’élève du chef de l’unité spéciale. Il a disparu lors de la guerre contre votre village. J’ai donc été vu un peu comme le successeur de ce dernier. Même si mes supérieurs n’en pensaient pas autant. Mais les autres shinobis de mon niveau ou les subordonnés me voyaient déjà comme la digne relève de mon senseï. Je ne serais pas resté assez longtemps pour que tout ceci soit officiel. Au moins avec cette nouvelle vie de vagabond, je n’ai de compte à rendre qu’à moi-même. Et une telle liberté m’inspire des projets de grande envergure.

Un véritable sourire de démon ornait maintenant le visage du nécromancien. Ses yeux venaient au-dessus de ses lunettes pour fixer Perseus dans les yeux véritablement. Sans faux-fuyant. Comme une provocation. Ou plutôt : une invitation.

Un sourire naissant aux mots de Perseus. Comme si Michiki ne pouvait pas comprendre ! C’était tout le contraire ! Il voyait parfaitement ce qu’avait pu vivre l’homme face à lui. Il avait eu le droit à la même chose lors de ses débuts à Kiri. Mais lorsque vous devenez puissant et influent, tout de suite, on ne vous regarde plus de la même façon. Vous devenez indispensable. On compte sur vous. Puis on se repose sur vous. On vous laisse gérer ce qui ne va pas pour que derrière…rien du tout. C’était le problème qu’il avait rencontré en tant que Kirijin.

Au sein d’un village ne l’acceptant pas forcément, Perseus s’était accroché et s’était battu pour son senseï ainsi que pour le peu de personnes qu’il estimait. Comme Michiki. Sans Pô, il n’aurait pas pu devenir cet homme connu au sein même de Kiri. Il lui devait beaucoup. Il semblait en être de même pour le Kumojin. Il devait beaucoup à son maître à qui il tâchait de faire honneur. Et en parlant de cette notion, ce type en avait. La discussion s’était installée sans qu’il ne tente une esquive à droite à gauche pour s’esquiver. Michiki vit en lui un homme semblable à l’As. Un véritable homme de confiance. Les conflits internationaux ne devraient pas déchirer les hommes ainsi alors qu’ils pouvaient parlementer en buvant un verre.

L’alcool étant retombé, Michiki se resservit un peu de l’élixir de luxure. Il vida le contenant d’un coup. La chaleur dégagée le requinqua agréablement. Perseus l’ayant resservi en même temps, il était impoli de refuser !

Puis, comme prévu, le récit du Shinda suscita chez son interlocuteur une curiosité non dissimulée. Il souhaitait en savoir plus. Michiki gardait ce fameux sourire qui avait conclu ses paroles. Pouvait-il en parler ici ?! Il faisait confiance à Perseus du peu qu’il avait pu voir de ce shinobi. Mais ils n’étaient pas à l’abri d’oreilles indiscrètes. C’est pourquoi le Fossoyeur fouilla sa poche. Il sortit quelques billets qu’il alla déposer au comptoir au barman. Puis d’un signe de tête, il signifia au Kumojin qu’il était temps de bouger. Ils seraient bien mieux dehors.

Une fois à l’extérieur, ils reprirent la direction de la ruelle de leur première rencontre. Toujours aussi peuplée. Pile poil ce que cherchait l’ex Kirijin. Une fois-là, il reprit finalement la parole après ce long silence :

- Je préférais parler de ça ici. Du moins pour le peu que j’accepte de partager.

Il s’alluma une cigarette avant de reprendre.

- Ce qui est arrivé à Kiri, je ne le souhaite à personne. Je ne désire qu’une chose aujourd’hui : éradiquer cette menace que représentent les Furyous. Bien sûr, je ne peux y arriver seul. J’ai besoin d’alliés puissants. Mon senseï dont je te parlais en fait partie. Il devrait être sous peu à Kaminari. A ce moment, nous pourrons commencer à organiser quelque chose. En attendant, j’en profite pour réfléchir à comment ordonner tout cela. Et même à deux, malgré la valeur de notre tandem, nous ne pourrions rivaliser. C’est pourquoi je recherche plus que deux personnes. J’ai déjà quelques noms ou pistes.

Il tira une latte avec un nouveau sourire. Il se doutait que Perseus voyait où il voulait en venir :

- Serais tu intéressé par un tel projet ? Dans un premier temps bien sûr. Quelque chose me dit qu’une telle coalition ne serait que le début de quelque chose de bien plus ambitieux. C’est encore un doux rêve que je caresse mais je mets le plus de moyens en marche pour y parvenir à terme. Si ceux prêts à m’accompagner dans la chasse aux Furyous me suivent, alors j’aurais de quoi arriver à mes fins.