J’étais présent lors de ce moment… Pour ainsi dire, j’étais le principal concerné : je venais de commettre une erreur – la première depuis mon arrivé au sein du village et probablement la dernière si jamais l’Hokage souhaitait me voir partir. Il avait voulu m’enfermer et me tabasser à mort prétextant que je n’avais rien à faire ici : je ne voulais pas de problème, je m’étais laissé faire. Il m’avait emmené dans un lieu calme, isolé de toute population… Sa main m’avait empoignée le bras au niveau du biceps et je marchais à sa vitesse sans émettre la moindre résistance. Je le suivais, pensant à ce qu’il allait me faire et surtout si j’allais réussir à garder mon calme.

Arrivé au fond d’une forêt dense dans laquelle la lumière passait à peine, il me jeta à terre : je me retrouvai au sol, le regard vide fixant les feuilles mortes au sol. C’est alors qu’un pied me heurta au niveau des côtes me renversant sur le côté. J’étais couché à terre, l’observant me haïr me rappelant toutes ces sensations que j’avais presque oubliées. Je tentais de me relever, mais un coup de poing me frappa la mâchoire : du sang fut projeté de ma bouche et tomba contre le tronc d’arbre… Quelques secondes plus tard, après m’être prit maintes insultes et maintes coups dans la figure celui-ci imbibé par mon sang, une sensation très étrange mais familière grimpa en moi : cet homme devait penser que je n’étais qu’un civil nouvellement arrivé mais il se trompait lourdement.

Alors qu’un coup de pied allait me frapper pour la énième fois, je le retins rapidement avec mon poing et serrai son tibia relativement fort. Un craquement résonna dans la dense forêt suivit d’un cri qui me rappelait celui de ma mère. C’est alors qu’avec la paume de ma main, je lui assainis un coup au niveau du thorax le projetant en arrière et le fit tomber au sol. Il se tint le torse, le souffle coupé. Je me relevai enfin, et me rapprochai de lui : levant ma jambe formant un angle droit, mon talon vint heurter le visage de ce malheureux qui criait de douleurs. Du métal glissa sous forme de flaque dans ma paume tandis que je saisis le pic qui en découlait. Je me mis à genou à ses côtés avant de le planter au niveau du cœur : mais c’est ainsi que tout s’arrêta. Une troupe de quatre hommes masqués arrivèrent sur place et deux d’entre eux me saisis au niveau des aisselles et me fit reculer de plusieurs mètres – loin de mon agresseur.

Les deux autres s’étaient dépêchés d’aller aux côtés de la victime tandis que je fis menotté et cagoulé… Je ne voyais plus rien et j’étais prisonnier : aucun mouvement ne m’était possible… C’est ainsi que ce moment s’arrêta tandis que mes frissons disparurent…

Après un instant qui me sembla être une éternité, j’entendis les hommes masqués prononcer quelques mots, une porte venait de s’ouvrir et ils me jetèrent à terre… La cagoule fut retirée, les menottes aussi : mes yeux devaient s’habituer à la lumière qui faisait à nouveau son apparition… Puis ils partirent après avoir fait un semblant de rapport sur ce qu’ils avaient découvert – ce que j’avais fait plus précisément. Quelques secondes de silence passèrent, je pouvais voir petit à petit. Mon visage bougeait dans tous les sens, je devais savoir où ils m’avaient emmenés. Puis je vis une personne, en face de moi qui ressemblait à l’Hokage : non, c’était lui… Les hommes masqués étaient-ils des ANBU ? Pour le moment, là n’était pas là question, mais je n’avais pas réussit à empêcher ce mot de sortir de ma bouche…

« Merde… »

- Comme tu dis. Tu es en plein dedans, répondit On' avec amertume.

Accoudé à son bureau, il regardait le prétendu malfrat avec la plus grande des lassitudes. C'était donc le genre de quotidien auquel il devait s'attendre : juger des truands à vue, dans son bureau. Fini l'intimité de la lutherie où seuls quelques clients venaient le déranger de temps en temps : sorti de l'ombre, c'était un tout nouveau rythme de vie qui lui tendait les bras.

La patrouille d'ANBU lui avait rapidement expliqué la situation. Une simple réaction allergique de la part de cet individu, face à un autre qui l'avait provoqué. Il ne voulut pas savoir les circonstances, il aurait été bien trop facile de donner raison à l'un comme à l'autre. Ce n'était pas le but.

L'homme était ligoté, le visage ensanglanté. On' se dit qu'il en avait assez vu pour la journée.

- Merci messieurs, vous pouvez retourner vaquer à vos occupations...

Les ANBU s'exécutèrent. Ils énervaient Onpu, qui ne s'était pas encore habitué à les voir débarquer dans son bureau comme une bande de cambrioleurs masqués. Pour lui, ces figures avaient toujours représenté l'autorité dans ce village, et maintenant voilà qu'ils lui obéissaient.

Ils n'étaient plus que deux dans la salle. Le dernier ANBU s'était éclipsé sans fermer derrière lui. Onpu soupira, et expulsa une onde de la main qui fusa droit vers la porte qui se claqua d'un coup sec.

- Enfin un peu de calme.

Il ouvrit un placard sous son bureau, et en sortit un nécessaire à thé. Il se servit une tasse, puis, en remplissant la deuxième, apostropha le fauteur de trouble :

- Je t'en sers un peu aussi ?

Quelques secondes de silence.

- Oh, pardon, suis-je bête.

Il se leva, fit quelques pas vers l'homme, et fendit ses liens d'un coup sec du tranchant de la main, pour libérer les siennes.

- Voilà, tu peux prendre ta tasse maintenant. Pas de mouvements brusque par contre, j'espère qu'on est d'accord...

Il s'éloigna dans un calme déconcertant, et retourna s'asseoir à son bureau.

- Alors, bonhomme... Je veux rien savoir de ce qui s'est passé, j'en ai assez entendu. On a beau dire que Konoha est un lieu de vie agréable au croisement de toutes les cultures du continent, il faut reconnaître que ce genre de dérapage arrive assez régulièrement aux immigrants. D'où tu viens, d'ailleurs ? Et comment faut-il que je t'appelle?

Il souffla délicatement sur son thé brûlant, et invita l'homme à prendre le sien d'un geste de la main, sans relâcher son attention.

On m’avait posé sur une chaise, devant le bureau de l’Hokage sans me retirer mes liens. Mon regard incliné vers le bas, je n’osais pas lever la tête par le charisme libéré par le chef de la feuille. Je préférais garder le silence, et éviter d’envenimer les choses. Les ANBU quittèrent la salle tandis qu’un son passa près de mon oreille et la porte fut claquée derrière moi. Mes paupières se soulevèrent, je ne m’attendais pas à une telle prestation. En gardant mon sang froid, je ne disais strictement rien, je ne bougeais pas. Même quand il me demanda si je voulais du thé, je n’ai prit la peine de répondre. Il se leva, et se dirigea vers moi : je me demandais ce qui allait bien pouvoir se passer et à tout étonnement, il me libéra de mes liens en soulignant le fait que je ne devais pas faire de geste brusque. Un simple soupire sortit de ma bouche tandis que je tournai les poignets enfin libéré de cette étreinte.

Ma tasse de thé était en face de moi. Mon bras se leva timidement, je saisis mon breuvage avant d’en prendre une légère gorgée : l’eau chaude me brûla la plaie qui m’avait été infligé à la lèvre mais je n’émis aucune image de douleur. Puis l’Hokage reprit la parole en m’appelant « Bonhomme ». De toute évidence, il ne me connaissait pas. De facto, il me questionna sur mon identité et mes origines : je ne pouvais lui en vouloir, c’était normal qu’il s’intéresse à la vie de ses Shinobi… Il buvait une gorgée rapidement tandis que je posai ma tasse… Le silence qui régnait après les interrogations de mon chef fut brisé par le claquement du récipient sur le bureau. Je relevai ma tête légèrement et observai l’Hokage : il semblait si jeune mais l’expérience qu’il avait ressortait par tout les pores de sa peau.

De ma manche, j’essuyais la goutte de sang qui coula le long de ma lèvre : je n’étais même pas présentable ! D’habitude, je m’en foutais mais là c’était une occasion très spéciale… Il était temps de lui répondre, bien que je n’en avais aucune envie…

« Le pays du givre… C’est de là que je viens… »

Aucune conviction dans mes propos, le poids de la culpabilité était bien trop lourd sur mes épaules. J’étais dans l’incapacité de faire une phrase construite remplit d’arguments… J’étais réduit à l’état d’esclave tant l’indifférence avait prit possession de mon corps. Mais je devais encore faire quelques efforts : il ne connaissait pas mon nom… Je saisis une nouvelle fois ma tasse remplit d’un thé délicieusement bon… Après avoir bu le liquide et tout en gardant le récipient par la hanse je répondais brièvement.

« Et… Je m’appelle Kamejirô. »

C’était tout ce dont j’étais capable de dire, mais je sentais une force intérieure qui m’obligeait à en dire plus. Je devais me justifier sur ce qui c’était passé : au moins lui dire que je n’y étais pour rien, que je ne voulais pas d’ennui mais que le traitement qu’il m’avait infligé été indigne d’un membre du village de Konoha… Aussi, et avec le plus grand des courages…

« Pour l’incident, ce n’est pas ce que vous croyez… »

Les efforts nécessaires à une conversation avec l’Hokage venaient d’être fait – et bien d’autre encore vont devoir être effectués…

La chaleur confortable de la vapeur du thé léchait le bout du nez du Rokudaime. Les yeux mi-clos, il se livrait docilement à son devoir, et se faisait un plaisir d'appliquer la doctrine qu'il avait toujours voulu transmettre aux Konohajins, l'écoute.
Kamejirô n'avait pas beaucoup de mots à déclamer, mais derrières cette population réduite de mots, il y avait des idées, des émotions à la pelle.

- Tu m'en vois ravi, Kamejirô. Malheureusement, ce que je crois n'est pas l'important dans cette histoire. Actuellement on a un Konohajin aux urgences, il risque d'y rester. Que ce soit toi, ta tante ou un ornithorynque des steppes qui lui aie troué le bide, pour moi ça change pas grand chose.

Il actionna un autre tiroir, et se saisit d'une petite boîte de carton beige...

- Là où tu es chanceux, c'est que les seuls témoins dans cette affaire sous sont mes ordres, et que si je leur dis de la boucler, ils la bouclent... tu fumes ? Lui fit-il en lui tendant une cigarette.

Non-fumeur lui-même, il crut de bon goût d'en proposer au Shimojin. Il s'assit en tailleur sur son bureau.

- Pays du Givre, hein ? je suis du pays des Rizières, perso. J'ai pas eu autant de problèmes que toi à mon arrivée, je me suis vite rangé. Le village a du changer depuis, j'imagine... Enfin, l'essentiel c'est qu'on soit encore capable de faire une place pour des gens comme toi. Même si on peut tomber sur le meilleur des civils...

Pendant ces mots, il remarqua qu'il n'avait pas encore prit le temps d'évaluer le potentiel de chakra de l'individu. Le simple fait d'y songer le mena à effectuer un scan malgré lui, comme par réflexe. L'écho de chakra qui lui revint lui fit hausser un sourcil.

- … comme sur le pire des shinobis.

C'était pas mal. Plutôt balèze, même.
Civil ou shinobi, là n'était pas vraiment la question, au final. Ce type avait un potentiel, restait à voir s'il l'avait dompté ou pas.

- Tout ceci n'est pas grave, oublions cette fausse note et parlons sérieusement. Les raisons qui t'ont poussé à quitter Shimo ne me regardent pas, mais je suis curieux de savoir si le reste de ton intégration à Konoha s'est bien passée. As-tu été sujet à d'autres incidents de ce genre depuis ton arrivée ? T'es-tu fait des amis, des ennemis ? As-tu pensé à te faire recenser en tant que shinobi ? Comment comptes-tu gagner ta vie, apporter ta brique à l'édifice ?
Je t'écoute.

Un moyen détourné de sonder simultanément sa philosophie et son expérience de combattant. La réponse n'allait pas mettre en péril sa situation de résident permanent au village, mais elle pouvait avoir un certain impact sur son orientation au sein de celui-ci.

L’atmosphère qui régnait actuellement au sein du bureau de l’Hokage était indescriptible : malgré ce que j’avais fait, je ne me sentais plus menacé comme je l’ai été auparavant, lors de mon entrée dans son antre. Je pris ma tasse, plus confiant et moins timidement que tout à l’heure, et bu la dernière gorgée de mon thé qui était désormais tiède. Je restais tout de même silencieux, comme à mon habitude, le laissant divulguer son discours sans lui couper la parole. D’après ses propos, ce n’était pas important ses croyances quant à la situation qui s’était déroulée quelques minutes avant. J’étais déçu quelque part dans la mesure où je souhaitais me justifier afin qu’il n’y ait pas de malentendu…

J’avais donc raison : il s’agissait bien d’ANBU sous les ordres de l’Hokage. Et ce dernier avait raison : j’étais chanceux sur ce point… Il sorti une boite en carton d’un tiroir avant de me proposer une cigarette : je n’aimais pas réellement la nicotine, je ne supportais pas du tout ça même. Aussi, tout en gardant le silence, je lui fis un petit signe de la main appuyant la négation, refusant sa requête.

L’entrevue avec le chef de la feuille commençait à devenir une conversation entre deux personnes responsables : il me racontait sa vie… Il venait du pays des rizières, il n’avait pas eu « autant » de problème que moi lors de son entré au village, et que l’essentiel était qu’ils étaient capable de faire une place pour les gens, je cite : comme moi… Que voulait-il dire par là ? Etais-je si différent des autres ? Qu’avais-je de différent ? Je ne pensais pas l’être : j’étais juste peut-être un poil plus impulsif…

Enfin, et le plus important : il souhaitait que nous oublions cette fausse note afin que je lui parle de moi… Cela allait être compliqué sachant que depuis ma plus tendre enfance, je n’étais pas du genre à me livrer comme cela et je m’étais renfermé sur moi-même. Mais j’allais jouer le jeu et relever le défi : j’allais répondre avec franchise ! Dans ma tête, je listais rapidement l’intégralité de ces questions avant de réfléchir à la construction d’une réponse laissant un silence de quelques secondes. Après une profonde inspiration, essuyant une énième goutte de sang qui coulait le long de ma lèvre, je décidai de prendre la parole.

« C’est la première fois que je suis confronté à ce genre d’incident. Mais… J’ai bien peur que si ce genre de situation recommence, je réitère malgré moi ce genre d’acte. Je ne suis pas du genre à chercher les embrouilles, en revanche si elles me tombent dessus, j’agis en conséquence… »

Je repensais à ce que j’avais fait à mes parents, ce que j’avais fait à cet individu qui avait souhaité ma mort dans une partie de la forêt… Des frissons me parcoururent le corps, un petit sourire discret et malsain arborait mes lèvres : ce n’était pas de la psychopathie, mais cette sensation d’adrénaline, de pouvoir me laissait sur ma faim.

« Je ne me suis pas fait spécialement d’amis, juste quelques connaissances. Je suis un solitaire depuis ma tendre enfance et j’ai toujours vécu ainsi. Je n’ai ni ami, ni ennemi… Quelques partenaires professionnellement parlant mais ma relation avec les autres s’arrête à la profession. »

J’étais sûr d’une chose : la personne qui était actuellement aux urgences était un ennemi – par la force des choses, ce n’est pas moi qui l’avait décidé.

« Je suis actuellement Jônin de Konoha, depuis peu. Je n’ai pas encore eu l’occasion de réaliser des missions vu la récente promotion. Aurais-je été si discret que même l’Hokage ne m’ait pas remarqué ? » Dis-je d’un ton ironique. « Ce sont les hauts dirigeants de Konoha qui m’ont attribués ce grade lorsque Konoha était sans Hokage. Je souhaitais changer de vie après avoir quitté Shimo… C’est pour cela que m’engager dans la voie du Shinobi me semblait être une opportunité que je ne devais pas louper… Pour le moment, je me sens bien malgré le fait que je n’ai pas encore l’habitude d’agir de façon public : le regard des villageois sur le mien respire parfois le dégoût pour certain dans la mesure où – comme vous l’avez stipulé précédemment – je suis un immigré. A part cela, je ne pense pas être à plaindre… »

Voilà qui était fait. Je respirai une nouvelle fois profondément : c’était la première fois que je me livre autant à une personne. Est-ce que l’effort que j’avais fourni serait apprécié ? J’allais le savoir très rapidement…

Cet homme avait le discours que de nombreux immigrés avaient eu avant lui. En effet, l'appel de la voie du shinobi avait séduit bien des âmes et fait basculer bien des vies. Là où il se démarquait, c'était par son grade.
Jônin. Rares étaient les nouvelles recrues à être propulsées à des niveaux de responsabilités aussi élevés. C'était certainement des ANBU ou d'autres shinobis de rang équivalent qui lui avaient fait passer le test ; en théorie, ils n'auraient pas attribué un rang aussi élevé à un immigrant sans s'être assuré qu'il avait vraiment les compétences requises. Cela réglait la question de son niveau de chakra.

Il avait également l'air assez lucide sur sa situation d'étranger, même si évidemment il ne voyait que l'aspect négatif des choses. Difficile toutefois de le lui reprocher, puisque vraisemblablement cela lui causait des soucis... en était-il la victime ou le détonateur ? Pour éviter que cela se reproduise, il fallait approfondir.

Ou lui permettre une remise à zéro.

L'idée avait germé spontanément dans la tête du Rokudaime, comme une évidence.

- Je ne te cache pas qu'en général, la plupart des étrangers finissent par s'en sortir... les temps sont peut-être plus durs, surtout depuis la disparition de Daïki-dono, les villageois ont du développer une xénophobie un peu plus aiguë. Ton cas n'est pas aisé, puisqu'à peine arrivé tu reçois les mêmes responsabilités qu'un vétéran. C'est sûrement un des facteurs de tes difficultés d'intégrations.
Aussi, Kamejirô, laisse-moi donc te proposer quelque chose. Comment pourrait-on appeler ça...

Il rangea le paquet de cigarettes qui n'avait finalement servi à rien, prit une interminable gorgée de thé, finissant sa tasse et la posant lentement sur son bureau.

- Une offre de stage.
En revêtant un costume de l'ANBU, tu pourras mettre en application tes compétences et assumer ton devoir envers le village sans subir les regards méprisants des xénophobes et des envieux. Cela te demandera peut-être un peu plus d'investissement que ton travail actuel – même si tu auras toujours une vie en tant que shinobi «classique» de temps en temps – mais plus personne n'aura la possibilité de te juger derrière ce masque.
Tu serais en période d'essai jusqu'à la fin de la saison, mais ton quotidien sera le même que celui de tes collègues.

Il retourna sur son fauteuil de l'autre côté du bureau pour s'avachir dessus, ouvrir un troisième tiroir pour cette fois-ci en sortir une grosse boîte en carton dont il vida le contenu dans un élégant petit bol. Des gâteaux sablés, made in Maïka.
Il en fourra un dans sa bouche, fit glisser le bol vers Kamejirô en reprenant :

- Si ça t'intéresse, tout ce que tu auras à faire c'est choisir une branche – protection intérieure ou affaires extérieures, selon le profil que tu penses avoir. Et un masque, mais on verra ça plus tard.
Ah, et un nom de code. Ça, tu peux déjà commencer à y réfléchir par contre, ahaha.

Il eut alors une pensée émue pour Suguato. Ses yeux se perdirent sur le parquet légèrement noirci par l'encre du Hyô qui avait essayé de l'assassiner. Des travaux avaient caché le reste des dégâts, mais cette tache sombre était l'unique cicatrice laissée par « Taïga » et « le Huit » dans leur attentat désespéré.

Je buvais la moindre des paroles du Rokudaime. Cet homme était doué pour mettre les gens à l’aise : mon sentiment de culpabilité s’était littéralement envolé laissant place à une confiance aveugle en lui. Dans ses propos, il laissa entendre que depuis la disparition de Daiki – qui fut le précédent Hokage – la xénophobie était plus présente et pesante au sein du village. Malgré le fait que j’étais l’un des concernés, je comprenais les villageois : les immigrés sont parfois sources d’ennuis, mais il ne fallait pas tous les mettre dans le même panier… Je n’étais pas du genre à m’embrouiller avec tout le monde, je voulais juste faire mon travail, et que l’on me laisse tranquille…

Mon sourcil droit se releva, intrigué, lorsqu’il voulait me proposer quelque chose. Mon cœur commençait à battre plus rapidement, mes pupilles se dilatèrent… Le tout s’arrêta net lorsqu’il me proposa – en réalité – une offre de stage. Sur mon visage se dessina un air curieux – curieux de savoir ce qu’il avait derrière la tête… Je n’avais pas attendu longtemps : il souhaitait que je revêtisse la tenue de l’ANBU en période d’essai jusqu’à la fin de la saison. Ses arguments : je n’aurais plus à subir le regard et la xénophobie des habitants… C’était un argument qui tenait clairement la route et auquel je pouvais difficilement être contre… Mon quotidien ne serait pas des plus tranquilles, mais c’était une chose qui ne me faisait pas peur : il n’était déjà pas facile actuellement, difficile de faire pire.

La suite me fit sourire, avouons-le. Il sortit un paquet, le vida dans un bol : il s’agissait de gâteaux sablés. Comment pouvait-il savoir que je raffolais de ce genre de gâterie ? Je ne pus m’empêcher d’en saisir un avant de croquer dedans : quelques miettes tombèrent sur mes vêtements que je tapotais afin d’y faire disparaitre ces dernières. Le goût était juste somptueux ce qui augmenta ma quantité de salive. J’avalai tout en fermant les yeux savourant la descente de cette nourriture jusqu’à mon estomac. Ce sentiment me faisait presque oublier la proposition que le Rokudaime m’avait faite… Il était temps de lui répondre…

« Avant toute chose, je tiens à vous remercier pour me laisser une chance de montrer ce que je sais faire sans avoir à subir la xénophobie des autres. Ainsi, je serais plus à l’aise pour pouvoir exercer, et c’est une proposition qui me touche. »

Je repris un gâteau sablé, gourmand que je suis, avant de continuer après avoir dégluti.

« Pour la branche qui me conviendrait le plus, je pencherais pour les affaires extérieures dans la mesure où je suis un immigré : aussi, je pense pouvoir convenir pour m’occuper de tout ce qui est externe au village. »

Je devais à présent réfléchir à un nom de code… J’aimais bien devoir réfléchir à ce genre de chose… Les idées fusaient dans ma tête mais je devais prendre un nom de code logique : les ANBU sont des Shinobi anonymes, je voulais l’être aussi… Je sélectionnai dans ma tête une idée avant de la divulguer au Rokudaime.

« Pour le nom de code, si je peux me permettre, j’ai une petite idée… »

Je me levai de ma chaise, me fis craquer quelques membres avant de me diriger lentement vers le Rokudaime. Je me penchai près de lui afin de lui chuchoter à l’oreille.

« Anonymous… »

Je me redressai et me dirigeai à nouveau sur ma chaise.

« Nous ne sommes jamais trop prudent… Je ne souhaiterais pas que quelqu’un entende ce genre de détail qui à pourtant son importance… Comment allons-nous procéder pour la suite, Rokudaime Hokage ? »

Je ne savais pas s’il y avait des oreilles indiscrètes, je ne pouvais me permettre de prendre le risque et j’étais du genre méfiant – méfiant au point de penser qu’il s’agissait d’un test du chef de la feuille… Marquerais-je un point ?

Ha. Tout le monde avait un point faible. On' avait vu juste en sortant les gâteaux sablés. Il fallait dire que cette fournée était particulièrement réussie.

Le Shimojin avait eu le bon sens et la présence d'esprit d'accepter cette offre en or. Il aurait fallu être assez tourmenté ou pessimiste pour la refuser. Le nom de code qu'il proposait témoignait de sa volonté de se mouvoir dans la population, de se fondre dans un univers qui lui était étranger jusqu'alors. Par ailleurs, en se montrant aussi enthousiasmé, Kamejirô venait de montrer au Rokudaime qu'il n'était pas venu à Konoha pour se tourner les pouces, et qu'il avait bien l'intention d'apporter sa contribution. Seul l'avenir pourrait dire s'il avait réfléchi aux conséquences, et s'il serait capable d'assumer ses responsabilités.
La branche des affaires extérieures était la plus risquée pour un débutant, surtout dans le contexte politique actuel. Mais comme il n'était qu'en période d'essai, ça ne changerait pas grand chose.

Enfin, sa précaution le fit sourire. Comme quoi, malgré son titre de Sennin, la réputation d'Onpu ne s'était pas propagée jusqu'au fin fond de tous les pays. Kamejirô ne semblait pas savoir à qui il avait à faire.

- Pour la suite ? Laisse-moi faire pour la paperasse, je te recontacterai bien assez tôt pour te mettre dans le rang.
Concernant la prudence, j'admire la philosophie qui dit qu'il n'y en a jamais trop, mais tu n'as pas à t'inquiéter avec moi. J'ai l'ouïe la plus fine que tu puisses imaginer, si les murs avaient des oreilles, j'aurais été le premier à m'en rendre compte, et nous aurions rapidement changé d'endroit. A ce sujet, pas la peine de venir à mon oreille pour me murmurer quelque chose, je l'entendrai de toute façon. Ha ha ha.

Pendant son discours, il s'était levé pour se diriger vers la porte du bureau et l'ouvrir grand, comme pour certifier ses propos. Le hall était vide : aucun ANBU, aucun garde. Personne.

- Mais c'est une bonne approche. Je vois d'ailleurs en cela un progrès, et une belle note d'espoir pour la suite : à mon sens, la première chose qu'un shinobi devrait apprendre, c'est à ne pas se faire remarquer. T'étais mal barré au début, mais je pense que tu as de l'avenir.
Maintenant, si tu veux bien, j'ai d'autres dossiers à éplucher.

Il le laissa sortir avec un sourire amusé. Même si la perspective de se replonger dans les formulaires ne le ravissait pas le moins du monde, elle était compensée par le sentiment jouissif d'avoir réglé un problème.