Tu sais ce que ça fait d’avoir mal ? D’être dans un tourbillon d’incompréhension et de ne pas pouvoir en sortir ? Tu sais ce que ça fait d’être abandonnée ? De ne voir qu’une faible lumière écrasée par la désillusion et la souffrance que t’infligent les autres ? Tu sais ce que ça fait d’être impuissant ? De se dire que rien ne changera malgré tous les efforts, toutes les tentatives ? Tu sais ce que ça fait de voir ton monde s’écrouler ? De te rendre compte que rien n’ira mieux et que, quoi que tu fasses, tout est toujours voué à l’échec ? Tu sais ce que ça fait d’être mal constamment, et de ne voir aucune échappatoire à la douleur ? La souffrance, mon gars. Celle que tu ne connais pas et qui te plante un poignard dans le dos, tellement fort que tu sens ton poumon être transpercé à l’intérieur même de ton corps. Moi, j’connais ça. Et j’ai même pas le choix. Si on me l’avait offert, crois-moi, ce putain de monde ne serait pas ce qu’il est. Il n’y aurait pas de souffrance, pas de trahison. Des conflits, peut-être, mais pas autant de merdes. Pas celles qui te rongent et transforment ton estomac en bouillie verdâtre. Nan, dans mon monde à moi, y aurait juste de la haine. Mais une haine versée à l’encontre des bonnes personnes. Pas de haine envers les siens. Juste envers les ennemis. Non mais c’est vrai quoi. T’as déjà vu un allié devenir ton ennemi ? Alors qu’en plus de ça il n’avait rien à se reprocher ? C’est n’importe quoi. Tellement n’importe quoi que j’ai décidé de comprendre. De remuer le ciel, la terre, les mers, tout ce qu’il faudra pour obtenir des réponses. Et si dans ma chute je ne trouve rien, alors je mettrais ce monde à feu et à sang jusqu’à ce que les plaies ouvertes dans mon cœur se referment. Jusqu’à ce que je retrouve la paix et que tout aille mieux.

« Our time is running out. »

C’est prévu. Depuis une semaine, Yuka rumine. Cet objectif se trouve dans sa tête depuis un long moment déjà, et il est temps. Il est enfin temps de retrouver Gin, et de se lancer dans cette enquête. Depuis le dialogue avec Yoru à propos de Michiki, le monde de la brune a cessé de tourner. Figé, il est le palais d’un grand nombre de souffrances, de tourments, de questionnements incessants. Raisonnements chaotiques et besoin de savoir, voici ce qui l’anime. Ça fait trop longtemps. Les plaies sont ouvertes et impossibles à fermer. C’est dur, ça lui pique la gorge et lui donne une putain d’envie de vomir, mais rien n’y fait, aucune réponse ne vient. Même Yoru est incapable de lui en donner une. Alors elle enfile sa haine, sa rancœur et ses questions, pour finalement se lancer. Il est temps de changer les choses. De donner un nouveau tournant à cette histoire.

Il est temps d’y comprendre quelque chose.

Ses pas s’enfoncent dans la neige, dans un rythme incessant, irrégulier. Sa marche est rapide, mais saccadée. Tracassée, la kunoichi s’est empressée de sortir pour se rendre aux portes de Kiri, où elle retrouvera son ami et partenaire, Hasegawa Gin, chûnin, mais aussi membre de la défunte Desu Reikoku. Si le souvenir de cette équipe est radieux, plein de rires et de combats, il est aussi très court, et particulièrement douloureux, puisqu’il est clair qu’il ne connaîtra pas de suite, et que son avenir est désormais réduit à néant. C’est fou ce que l’absence peut générer, tout de même. Tant de douleurs, toutes ces impressions d’être enfermée dans une cage et de ne pouvoir en sortir. Yuka soupire. Au moins, après tout cela, son cœur retrouvera le calme, et son retour au creux des bras de son Ange lui permettra de trouver le véritable repos. Elle a hâte, terriblement hâte.

Sa marche s’accélère, jusqu’à ce qu’elle atteigne les Longs Tunnels. Techniquement, si Shisha, le Lynx messager, a bien fait son travail, Gin arrivera plus ou moins vite. Yuka a confiance en cet animal, qui est peut-être bien le plus fidèle et le plus efficace de tous. Son travail n’est pas bien compliqué, après tout. Il la bouderait pour un jugement aussi réducteur. La brune sourit, et finit par se poser sur un rocher avant de soupirer. Tant de complications qui pourraient être évitées … Tellement, tellement trop de complications, alors que tout est si simple à effectuer, qu’il n’y a pas de raison que tout cela arrive … Si seulement tout le monde restait à sa place, aussi ! Rah ! Elle tape dans une pierre, et relève la tête en remarquant la présence de Gin. Un sourire avenant naît au premier abord sur ses lèvres, finalement chassé par une mine des plus sérieuses. C’est ici que tout commence. Yuka synthétise chacune des données nouvelles apprises par Yoru lors de leur dernière discussion à propos de Michiki et finit par se lancer.

— Salut, Gin. Eum … Bon, soyons brefs. De ce que j’ai reçu récemment comme informations, je sais que le dernier endroit où notre cher renégat a été aperçu est Oto. Donc je suppose que c’est là que nous devons nous rendre. Du coup, nous partons directement, j’espère que tu es prêt et que tu as le cœur bien accroché, parce qu’une fois que nous serons passés, pas de retour en arrière.

Non, pas de retour en arrière. Le sort en sera jeté, et il n’y aura aucun moyen d’effacer ce qui a été vu ou appris. Tout restera gravé dans leurs mémoires. À jamais. Peut-être est-ce une bonne chose, qui sait ? L’espoir hante Yuka, qui se demande encore pourquoi elle y croit. Il n’y a peut-être plus aucune lueur, plus aucune chance, alors pourquoi s’entêter ? Parce que ça fait mal, ça fait mal de l’imaginer perdu à jamais … Il n’a pas pu tourner d’un seul coup, encore moins pour une raison pareille, c’est impossible. Ah, l’espoir. Quelle belle idiotie.

Leur course les mène rapidement hors de Kiri, à l’orée d’une nouvelle bataille, où le passé, le présent, et le futur se mêlent. Le cœur de la Mitsuharu bat la chamade, partagé entre peur et foi, deux sentiments étranges qu’elle ne ressentait plus jusqu’à lors. Un soupir s’échappe d’entre ses lèvres, et elle se tourne vers Gin.

— Allez. C’est parti.

Que la fête commence. Direction, Oto !

***

Un petit village tranquille, qu’ils atteignent au bout d’un petit temps de marche tout de même. Ici se trouve leur ancien sensei, Shinda Michiki, qui a décidé de partir du jour au lendemain, qui a disparu, comme ça, sans laisser aucune trace à ses élèves, ni à qui que ce soit. C’est ici que les recherches sont censées débuter, ici qu’ils finiront par le retrouver. Rien que d’y penser, Yuka frissonne. Que se passera-t-il, une fois qu’ils le croiseront ? Et s’ils ne le croisent pas ? Tant de questions sans réponses. Le seul moyen de le savoir, c’est de chercher. Alors autant commencer par les habitants de ce petit endroit, en leur posant quelques questions. En espérant que ce soit concluant.

— Bon, maintenant que nous y sommes … Commençons par interroger ceux qui sont au bar, là-bas. Prends les devants, je te suis.

C’était comme ça depuis une semaine. Sept putain de jours, rien n’avait changé. Toujours cette même déception, cette tristesse qui s’ancre en moi et refuse de s’effacer. Un méli-mélo de sentiments incompréhensible, prôné par un seul homme. C’était comme-ci le monde n’était plus le même, il y avait quelque chose d’assez étrange, une sensation persistante qui créait un vide, un manque. En ces instants, mon impuissance s’emparait de moi, tel une dictatrice, elle me retenait prisonnier et m’empêchait clairement de faire quoi que ce soit. Et puis, que pouvais-je faire ? Etais-je dans la capacité d’agir ? Peut-être, peut-être pas. Depuis ce dîner avec Yuka, tout était différent. Et dire qu’au départ ce n’était qu’une sorte de moment de plaisir, tu parles. C’est vite tourné au drame, si bien que lorsqu’elle m’a annoncé cette terrible déclaration, je fus transporté ailleurs, désemparé. Une sensation étrange qui m’empêchait d’écouter quoi que ce soit, de comprendre même le plus simple des raisonnements, j’étais devenu vulnérable, un être faible et totalement sensible.

Shinda Michiki, auteur de ce terrible bouleversement. Homme avec qui j’ai partagé une très grande amitié, un respect incroyable et une admiration folle. Un shinobi de renommée qui n’avait presque plus aucune valeur à mes yeux, aux jours d’aujourd’hui. J’étais toujours en quête de réponses à de multiples interrogations qui se montraient tenaces et sans vouloir d’être résolue. Sa désertion n’était pas totalement anodine. Des idées, des objectifs se cachaient peut-être derrière tout cela, qui pouvait le savoir. Cette vague impression de chuter flotte en moi, je coule vers l’infini et je devais déterminer un arrêt à tout cela. Ce fracas de sentiments ne pouvait plus subsister, c’était trop fort, trop puissant pour que je puisse m’en tenir. Des réponses s’imposaient, et rapidement. Que faire ? Nous avions déjà nos idées en tête. Tout était déjà prévu depuis ce jour même où nous nous sommes parlés, moi et ma partenaire de la triste Desu Reikoku à présent réduite à rien. Tout allait s’enclencher, comme un mécanisme, nos problèmes trouveront solution, mais pour cela, un long périple nous attendait. Les obstacles seront donc récurrents, mais nous devions en faire abstraction et totalement les ignorer.

Perché à un toît, j’observais le beau village de la brume Sanglante. Une activité qui m’était grandement utile lors des moments oisifs. Je contemplais les rues, parsemées de la plèbe se pressant à leurs occupations. Dire qu’eux n’avaient pas ce fardeau à porter, ce poids dans l’estomac. Une présence vint rapidement interrompre ma petite séance de détente. Un lynx, de taille normale. L’animal de ma chère coéquipière. « Allons-y, je te suis. » lui dis-je, sachant parfaitement ce qui m’attendait. Et comme par mécanisme, l’animal m’accompagna à sa maîtresse, aux portes du village. J’étais plus que prêt. Sabre, projectiles, parchemins, tout était à ma disposition. Le nécessaire était donc là. Un sourire vint répondre à celui de Yuka lorsque je vis sa mine corrompue, montrant ses dents alors que le plus triste des fléaux nous frappe de plein fouet.

« Ne t’en fais pas pour moi Yuka, je suis déjà fin prêt. C’est resté en moi toute la semaine, ça ne veut plus me quitter. Il est grand temps que nous nous occupions de ça, je n’en peux plus. C’est parti. »

Détermination, c’était sûrement le sentiment qui me hantait en ce moment précis. Comment ne pas l’être ? Je devais savoir ce qui se cachait derrière sa tête, ce qui le poussait à quitter notre belle nation, sans même nous prévenir, nous, ses élèves. Nous nous mîmes donc en route afin de rejoindre ledit village ou siégeait notre senseï.

~~~

C’est donc après un bon petit bout de temps que nous finîmes par arriver à Oto. Un village assez calme et paisible. C’était donc ici qu’il demeurait ? Et donc il était possible que nous le croisions à tout moment ? Cette pensée me faisait frissonner. Mais notre envie de résoudre le mystère passait avant tout cela et bien que cela puisse être assez intimidant, il fallait ignorer. Des gens affluaient de toutes directions, créant ainsi une foule assez simple à traverser. Nous nous rendîmes donc à un bar, là où il était susceptible de trouver un plus grand nombre d’informations.

« Bonjour, hmm… Je recherche cet homme, l’avez-vous vu quelque part ? Il semblerait qu’il se soit installé à Oto. »

La photo ne semblait rien dire à personne et je continuais mes témoignages sans réel succès. Il fallait que je sois plus persistant. Un homme m’interpella, surement concerné par ce que j’avais à raconter. En effet, ce vieillard avait déjà rencontré Michiki. Il me dit aussi que l’ex-Kirijin n’était pas du genre à traîner dans le village, il était souvent occupé et habitait dans un endroit assez reculé, mais où, personne ne le savait.

Au final, mes interventions ne se montrèrent que très peu efficace, mis à part les informations donnés par cet homme. Nous savions au moins où chercher, et à quel moment. Peut-être sortait-il de nuit ? C’était une hypothèse comme une autre après tout. Je revins voir Yuka, lui offrant ma piètre performance. D’autres personnes en savaient forcement plus sur le Shinda. Il ne pouvait pas se fondre dans la masse sans que personne ne s’était soucié d’un déserteur.

Alors que vous commencez votre interrogatoire, vous vous rendez compte qu'il n'y a que très peu d'informations qui circulent sur le nécromancien. A croire qu'il ne se fait pas repérer si facilement. Vous parvenez néanmoins à apprendre qu'il a effectivement été aperçu dans les environs. Rien de très concluant puisque sa position n'est pas connue précisément.

Et alors que vous vous retrouvez pour partager vos informations, une sensation étrange saisit la Sabreuse et alerte ses sens. Alors que vous parlez, la signature du chakra de Michiki se fait ressentir. Et elle est toute proche. Elle vient juste de passer par la porte dont le battant se referme doucement sur l'extérieur. La trace s'éloigne ensuite à toute allure dehors. Le chakra semble étrange. Il s'agit de celui de Michiki mais il n'en a pas totalement l'aspect.

Suivez cette mystérieuse trace de chakra pour en savoir un peu plus et éventuellement apprendre la vérité.

C’est à croire que personne ne sait rien. Ils sont tous là, l’air oisif, passifs, à lorgner leur bière en attendant qu’elle leur change la vie. Comme si l’alcool y peut quelque chose, comme si ça leur offre une chance de se repentir, et de sortir de ce mauvais trou à rats. À les voir comme ça, il est clair qu’ils ont commis une grosse erreur dans leur vie, et qu’ils n’ont pas eu d’autre choix que de se retrouver là, dans un village calme mais ennuyeux, sans intérêt aucun. Ils mènent des vies de chien, à ne rien foutre, à part se murger chaque jour de la semaine, n’hésitant pas à perdre leur humanité dans un verre, pour peu que ça les arrache à leur quotidien. Si Michiki traîne ici, peut-être est-il comme ça lui aussi ? Peut-être a-t-il viré du côté de la balance où on se mord les doigts en attendant que ce soit le destin qui agisse, et pas l’inverse. Yuka réfléchit un instant. Cette hypothèse est invalide, dans le sens où c’est bien l’une des rares personnes qui ne pleurera jamais sur son sort. Il est là, mais personne ne sait pourquoi. Personne ne l’a vu, ou alors si, lui. Ce type un peu louche qui dit l’avoir remarqué, une fois, mais qui ajoute qu’il ne le croise pas souvent, que c’est plus un courant d’air qu’un habitué du bar. Ça, c’est déjà une bonne chose, même si ça ne les aide pas beaucoup.

La brune regarde Gin avec un regard déçu, sans pour autant perdre de vue son objectif. Ce n’est pas parce que ces dépressifs alcooliques n’apportent rien à l’enquête que l’espoir s’envole. Se fier à des condamnés pour avancer et passer une nouvelle salle du donjon de la vie est un peu comme tendre la main à un manchot en attendant qu’il la saisisse. C’est débile. Insensé. Et ça ne rime à rien. Pourquoi se miner, alors ? Il suffit tout bêtement d’avancer. Surtout que le village d’Oto ne se limite pas à un bar tout bête, il y a également beaucoup de maisons, et des passants. Ça devrait suffire à compléter leur échantillon d’information. Yuka hausse les épaules et décide de reprendre l’enquête en sortant d’ici, quand une sensation étrange vient la frapper.

Une étrange illumination.
Un coup de couteau en plein cœur.
L’impression de défaillir.
Et un brusque revirement de situation.

Instantanément, Yuka chope la main de Gin et se précipite vers l’extérieur du bar. Cette sensation, cette sensation étrange, celle de ressentir son chakra, de le savoir présent. D’être certaine qu’il se trouve là, si près, si près d’eux ! C’est presque impossible à imaginer, et pourtant ! La Mitsuharu tire de sa petite dextre sur celle de son partenaire et l’entraîne, suivant cette fine piste qui les mènera sûrement à Michiki. Ça paraît tellement simple qu’elle n’y croit pas, mais plutôt que de laisser filer cette possibilité, elle préfère suivre, voir ce qui arrivera par la suite. Ce n’est plus le moment de faire marche-arrière, de s’arrêter alors qu’ils sont en si bon chemin. L’emprise de Yuka se resserre, avant de relâcher.

— Suis-moi !

Deux mots, deux petits mots qui pourtant signifient tout. La kunoichi sait pertinemment que derrière cette source de chakra ne se trouve pas son sensei, mais elle est certaine que les deux sont extrêmement liés, tellement qu’ils partagent presque la même signature. Elle ne sait pas qui, quoi, comment ni où, mais cela veut tout dire. Il ne peut en aucun cas s’agir d’une imposture, ou alors elle est plus que réussie. La brune accélère, suivant la source à la trace, sans la lâcher, ne se souciant même pas de là où ils sont menés, se contentant simplement de se fier à son instinct. Cela les traînera peut-être dans les griffes d’une bestiole dangereuse, mais peu importe. S’il faut se battre, Yuka prendra les armes. Il n’est de problème pour personne, seulement pour celui qui aura l’audace de s’interposer.

En attendant, ils courent, à en perdre haleine, pour retrouver la trace de celui qui les a trahis.

Nos recherches n’avançaient pas. Toute cette populace ne portait d’attention que pour leurs verres et leur contenu, aussi ridicule que cela puisse être. Nous étions presque ignorés, des sortes de parasites qui n’avaient rien à faire ici, à un endroit où la joie et la bonne humeur trônait. Mais ces émotions avaient presque disparu de nous, et ce depuis quelques jours, voire peut-être semaines. Tous étaient sous les jougs de l’alcool et de ses effets. Car ces liquides semblaient totalement anodins et ne méritant guère de considération, mais les hommes en ont fait une chose au-dessus de toutes autres, quelque chose d’assez spécial et revendiqué. Et l’endroit où nous étions l’illustrait parfaitement. Un bar. Lieu où l’alcool en était le maître. Tous ces gens vous observaient, de leurs yeux exprimant parfaitement leur ressenti. Ils vous méprisent, vous ignorent. Parler avec un mur aurait sans doute été quelque chose de plus intéressant que communiquer avec cette foule ridicule. Bien heureusement, quelques individus sensés avaient répondu à nos questions en nous fournissant des informations assez floues, mais cela prouvait que la stupidité n’atteignait pas tout le monde. Comment Michiki a-t-il pu se rendre dans un endroit si ennuyant, si insensé ? Peu importe… Il était là, quelque part autour de nous, peut-être posait-il à ce moment même ses pupilles sur nous, peut-être se terrait-il dans un endroit des plus reculés.

Mes yeux se portaient à présent sur ma partenaire, qui semblait m’observer depuis un petit moment, assez déçue. Notre enquête n’était pas terminée, pas maintenant, il nous restait encore tant de chose à apprendre, nous ne pouvions nous permettre de partir d’ici avant d’avoir reçu quelque chose de concret, de plausible. Il faut donc passer outre ce ridicule bar, ce village ne s’arrêtait pas à un endroit si riche en stupidité, il y avait d’autres lieux publics avec qui converser était quelque chose d’envisageable. Mais à ce moment précis, durant une petite seconde, je sentis quelque chose. Au plus profond de mon être, mes sens avaient reconnu une trace familière. Je n’avais aucun talent de sensorialité, mais quelque chose me traversait l’esprit, comme pour m’indiquer sa présence, celle du nécromancien déserteur. Cette seconde avait totalement ravivé mon être en motivation et en persévérance. Yuka m’attrapa la main, me guidant, moi et mon âme perdue dans la signification de ce signe. Ses talents de sensorialité lui permettaient de reconnaître les chakras et de les suivre. Parfait. Ma confiance était à elle, je savais ce que la Sabreuse faisait et je n’allais pas être déçu car c’était elle qui me guidait vers Michiki, du moins c’est ce que j’espérais.

C’était donc dans l’ombre que nous avancions, nous lançant dans une course folle vers notre but qui était tout proche, peut-être ayant déjà eu ouï de notre venue. Tout semblait être fait pour que Michiki nous rencontre. Rien ne pouvait être tiré au hasard, le déserteur était un homme assez précis dans ce qu’il faisait, il avait conscience que ses élèves seraient à long terme des shinobis capable d’intervenir et d’éventuellement contrer ses plans. Il n’était pas totalement stupide. Les talents de Yuka étaient très utiles dans un sens. En ce moment même, c’était elle qui menait la danse et qui nous sortait de l’aveugle. Son utilisation de la sensorialité était d’une grande utilité pour une situation comme celle-ci. « Allons-y, allons retrouver celui qui nous a offert tant de faux visages pendant tout ce temps et qui s’est éclipsé, comme si de rien n’était. Il est grand temps que la vérité éclate et que toutes nos interrogations trouvent réponse. ». Je voulais que tout cela prenne enfin forme, que cela ne s’apparente plus à un mystère complexe et tordu.

Il faudrait peut-être se battre pour obtenir ce que nous voulions. Il était évident que tout ne s’obtiendrait pas d’un claquement de doigt. J’étais totalement prêt pour cette éventualité, nous étions prêt pour cette éventualité. Rien ne pouvait nous faire obstacle à présent, c’était juste nous contre lui, élèves contre maître. Notre course finit par prendre fin, après de longues minutes. Mes yeux scrutèrent lentement les alentours, cherchant à travers les arbres qui formaient cette petite forêt. Mes pupilles s’impatientaient puis finirent pas trouver ce qu’elles cherchaient.

Michiki… Il était là, perché en hauteur, nous observant de son regard hautain, arborant presque fièrement l’insigne de notre village, souillé d’un trait aux significations multiples. J’étais presque tétanisé. Non pas de peur, mais de le voir ainsi, si différent, de le voir comme un ennemi à présent. Ma main glissa près de ma ceinture, posant ses fins doigts sur le manche de l’arme que je gardais enfermée depuis si longtemps. Je ne savais quoi dire, quoi faire, je restais là, à observer sa silhouette svelte, avec un air de mépris. « S… Senseï, pourquoi ? » débutais-je, résumant ce qui nous emprisonnait depuis son départ.

L'endroit ressemblait à un tombeau. Domaine de prédilection de l'être tant recherché à l'origine de ce périple. A la différence que les arbres apportaient une touche plus naturelle et sylvestre. Mais le silence qui planait était comparable à celui que dégageait la Mort. Silencieuse, sinueuse et dangereuse. Le nécromancien de Kiri se tenait sur la branche d'un arbre face à vous. Seule la question du Sabreur vient perturber l'équilibre auditif de la scène.

La tête du Shinda se penche sur le côté à la question alors que ses yeux scrutent ses élèves, l'air impassible. Puis surgi de nulle part, un sourire. Le plus dément et carnassier qui soit. Michiki émet un ricanement alors qu'il se saisit d'une lame dans une de ses sacoches.

- Pourquoi ? Pour ça.

Et sur ses mots, le kunaï termine dans la poitrine du nécromancien, à l'emplacement du cœur. Et son ricanement perdure. Comme si de rien n'était. Pas une goutte de sang, pas la moindre grimace de souffrance. Juste un sourire tout droit venu des Enfers. Et alors que son rire prend fin petit à petit, une brume emplit les bois environnants alors que des silhouettes se dessinent dans l'épais brouillard qui se forme. Les cadavres encerclent l'endroit et s'arrêtent à l'orée du couvert des arbres. Spectateurs sinistres et macabres de la scène.

Et alors que Michiki descend de son perchoir, l'arme retiré de sa poitrine sans aucun éclat de sang et à présent au poing, il se tient face à vous:

- Prouvez moi que je n'ai pas eu tort. Montrez moi que vous méritez le titre de membres de Desu reikoku, dit-il en se mettant en position d'attaque.

Les masques tombent. La démence reprend son droit, et écrase tout le reste. Tout est fou, tout est flou, mais tout est vrai. Si cela ressemble à une grosse blague de très mauvais goût, il n’empêche qu’au final, il s’agisse d’une réalité complètement tordue. Tout a l’air totalement détraqué, et les plus beaux mensonges deviennent les vérités les plus douloureuses. C’est insupportable, mais c’est tellement ridicule. Comment un homme, qui a aidé les siens, finit par devenir un véritable monstre ? Oh, oui, c’est toujours si drôle de se planter des couteaux en voyant que ça ne fait rien, c’est toujours tellement hilarant de tout foutre en l’air pour avoir un corps qui ne crève pas ! C’est toujours tellement mieux !

Toute la haine et la douleur se mêlent en Yuka pour créer un mélange dévastateur. Ses membres tremblent sous l’impulsion de la colère, et elle a furieusement envie de se jeter sur lui pour lui trancher la gorge. Ça n’aura aucune utilité, puisqu’il n’est pas humain, mais tout de même. Rien que l’acte, la haine qui s’en dégage, tout ça, devrait lui remettre les idées en place. Michiki veut la guerre ? Soit. Il l’aura. Yuka dégaine rapidement son sabre et se met en position de combat.

— Alors c’est ça, hein ? La force de la connerie qui anéantit tout le reste. C’est drôle, hein ? Quelle divine comédie.

Se battre pour une raison totalement débile. Voir un modèle s’effondrer, devenir un monstre. Pourquoi cette situation rappelle-t-elle à Yuka des scènes horribles de son passé ? Kyurei. Il est exactement comme Kyurei. Aussi con et poussé par des instincts débiles, incompréhensibles. Il est le monstre sanguinaire qui a oublié ce qu’il était avant, et a préféré s’enfoncer dans un univers auquel il n’appartient pas. L’y arracher serait trop simple, trop idiot. L’y laisser, tout autant. L’y condamner, pourquoi pas. S’il n’a aucune raison à leur donner, autant le plonger dans le pire des calvaires et l’y enfermer à double-tour. Bienvenue en Enfer.

La suite est encore plus drôle. Prouver qu’ils sont méritants d’être de la Desu Reikoku. Si ça, c’est pas une excellente blague ! Si ça, ce n’est pas la plus belle idiotie jamais entendue ! Personne n’accepte de membres dans son équipe sans savoir, personne. Ou alors, il s’agit d’être con et impulsif. Ah tiens, mais Michiki est comme ça, après tout. Il ne réfléchit pas toujours, et frappe comme une brute. Ça peut avoir du bon d’être un monstre, puisque cela empêche de ressentir quoi que ce soit, y compris la douleur physique. Mais même ! Cela est trop faux, trop idiot ! Yuka ne veut pas y croire. Elle ne peut pas y croire, tout simplement. Elle ferme les yeux, et soupire. Irréel, irréel. Tout ça est irréel. Pourtant, tout ça est vrai. Et il n’est plus temps de reculer. Les portes se sont fermées. Plus d’échappatoire. Il est temps de mettre dans la gueule de Michiki ce qu’il a pu leur faire subir avec son absence, sa stupidité. La brune ouvre les prunelles, et l’incendie du regard. Ses rubis rougeoient de haine et de bestialité.

— Amène-toi !

La kunoichi s’élance avec beaucoup de violence sur son adversaire, prête à le désosser très lentement pour qu’il sente la douleur, pour qu’il souffre autant qu’ils ont tous deux souffert. Que l’empathie se fasse. De gré ou de force. Yuka fait un petit mouvement de côté, et commence par envoyer une large lame de vent sur la zone.

— Gin ! Pas de quartier ! Ne pose pas de questions, laisse-toi porter ! Il ne nous aura pas !

La haine, comme un serpent dans vos âmes.
La haine, qui vous fait juges, mais vous condamne.
Transmettre ce sentiment, le donner à l’autre, le lui imposer par la violence. Par la colère. Lui montrer que cette bataille ne sera pas une victoire pour son camp, mais bien pour celui des opprimés. Yuka ferme les yeux, et s’élance rapidement sur une branche d’arbre. Comment faire, maintenant, hm ? La kunoichi réfléchit un court instant, et décide de s’armer d’un partenaire. Elle se mord le pouce de manière à saigner, et compose les signes. Lorsque sa main est apposée au sol, un sceau noir se dessine, et dans un nuage de fumée grise, apparaît une silhouette fine, assise. Tsukiyo. La brute de la meute. Il suffira pour un début. En espérant que la suite tourne en leur faveur.

HRP:

Toute cette scène était surréaliste, ce n’était qu’une illusion, une pure illusion, cela ne pouvait être vrai… J’étais plongé en plein cauchemar, un mauvais rêve, voilà tout. Mais je me trompais. Ce n’était que la triste réalité, à mon plus grand désarroi. Que lui était-il arrivé ? Alors c’est ça que ça fait ? Lorsque quelqu’un déserte et que vous ne pouvez plus le résonner ? Mes fins doigts étaient toujours sur le manche de mon sabre. La lame émit un son strident, semblant crier toutes les émotions qui traversaient mon être, elle déchira l’air, coupant totalement notre conversation. Je la tins devant moi, pointé vers notre nouvel ennemi. Il n’était plus des nôtres à présent, il fallait passer à autre chose et faire disparaître tous ces souvenirs de ma mémoire. Mes pupilles toisaient les yeux saphir de mon opposant, me plongeant dans un océan de mystères et de troubles. Perché sur sa branche, nous méprisant presque de ses airs hautains, son être était devenu détestable à présent. Une personne totalement différente que je ne voyais plus du tout de la même manière. Un ennemi, voilà tout. Une menace à éliminer, un danger que la nature ne se pouvait de garder.

Alors que mes yeux ne cessaient de décortiquer cette nouvelle personne, lui attribuant dégoût et rejet, vint une scène très étrange, voire même digne du shinobi qu’il était devenu. J’étais presque dubitatif, ne sachant quoi dire, et lorsqu’il vint à me répondre, l’ancien Kirijin s’empara d’un kunaï. L’arme vint littéralement transpercer sa poitrine, à l’emplacement exact de son cœur. Pas une seule goutte de sang, l’arme pénétrait la peau, la froissant sous le métal, il ne ressentait rien, pas une grimace, pas une once de douleur ne semblait le traverser. Cet être avait perdu toute humanité, aussi infime qu’elle puisse être. Il ne représentait plus rien. Si, un monstre, voilà tout. Une abomination que tout le monde éviterait. Etait-ce ainsi qu’il souhaitait poursuivre sa « vie » ? Après tout cela m’intéressait-il vraiment ? Pourquoi continuer à prendre en considération cette triste entité ? Mon seul but à présent était d’en finir avec lui, de lui arracher la vie, comme il a arraché une bonne partie de la nôtre.

Après l’étrange, vint le comique. Michiki nous provoquait. Nous demandant, de sa voix presque amusée de la situation, de nous montrer que nous étions dignes de notre ancienne équipe. Desu Reikoku, de son nom. Etait-ce une blague ? Je veux dire, cela tient presque du ridicule de nous demander une telle chose. Notre trio était, à présent il est démantelé, trahi par celui qui semblait nous guider aveuglement. Lui déchirer les membres, les trancher sous les coups de mon sabre. Je veux qu’il souffre, qu’il goûte à une belle torture, longue et douloureuse. « Je vais te buter… ». Des mots que je chuchotais presque, mais que je savais qu’il entendait parfaitement. J’exprimais une telle haine envers lui, quelque chose d’inimaginable. Mes cheveux cachaient mes yeux fermés, mes poings serrés. J’étais finalement prêt.

Yuka vint me signaler le départ de ce combat. Un simple mot qui enclenchait tout mon être. Je fis rapidement tournoyer ma lame quelques instants pour en reprendre le contrôle, replaçais correctement les quelques mèches rebelles qui pourraient me gêner durant l’affront. Je m’élançai à grande vitesse en direction de l’abomination, mélangeant agilité et vitesse. Quelques arbres séparaient nos deux camps. C’était parfait, cela m’offrait plusieurs possibilités. Je m’appuyai sur les branches qui se présentaient à moi pour atteindre le déchu. Ma lame prolongeant mon bras, s’opposant à la course pour ne pas m’offrir de handicap. J’étais à quelques mètres du renégat. Yuka était un peu derrière moi. Elle avait pris soin d’utiliser son Fûton pour balayer la zone, nous offrant une bonne visibilité. Ma lame vint se placer en face de moi, je fis un bond pour attaquer le nécromancien. Dans les airs, je n’avais aucun appui, et par conséquent, j’étais totalement vulnérable. Il fallait que je prévois mes mouvements, et aussi les siens, même si cette dernière tâche s’avérait plus difficile. Ma main dirigea l’arme vers son épaule gauche, traçant un trait rapide avec le métal, sur sa peau. Echec ? Réussite ? Peu importe. Je poursuivais l'offensive. Mon but était de tester ses défenses et de voir quelles en étaient les failles. Mes mains composèrent une série de mudras avant que je ne lève un doigt au ciel. De là, l'orage éclata, les nuages déjà présent nous offraient quelques flashs lumineux. Un bruit assourdissant, déchirant l'atmosphère. De là, une forme se dessina, un dragon plus précisément. Celui ci vint écraser toute sa force sur le nécromancien. La kunoichi se joint à la bataille, peu de temps après, épaulée d’un lynx, un Kuchiyose apparemment. Nous ne pouvions nous permettre d’échouer, ce n’était pas une option. « Montrons lui qui nous sommes Yuka, offrons lui toute notre rage et toute notre haine. »

Spoiler:

Le duo Kirijin ne semblait pas avoir compris la situation. Lancer des assauts contre un immortel… Leurs facultés de compréhension et d’analyse s’étaient autant rouillées avec le temps ? C’était légèrement, voire beaucoup, décevant. Mais bon on y peut rien après tout. Le nécromancien pousse un vague soupir d’exaspération alors que les attaques convergent vers lui pour le réduire en petites particules de poussière. Mais de ce néant, les particules commencent à se reformer. Néanmoins, ce n’est plus le nécromancien qui se tient à présent devant eux. face au trio Kirijin, car la fille avait invoqué un compagnon lynx, se tient une jeune femme aux cheveux noirs et yeux jaunes. Vêtue d’une robe verte claire, elle observe alors ses interlocuteurs armés, ses pupilles entourés de noirs pour remplacer le blanc habituel.

Spoiler:

Je me retrouve alors dépossédée de mon camouflage. Le démon aux yeux violets l’avait prévu après tout. Je le sens quelque part dans ma tête en train de me dicter mes mouvements. Mais il reste encore clément. Il ne m’a pas totalement réduit à l’état de légume obéissant au moindre de ses caprices. Cela ne devrait pas tarder même s’il ne semble pas intéressé par ça. Ces jeunes gens l’intéressent bien trop. Il m’en a parlé brièvement avant de m’envoyer et j’avoue ne pas avoir tout retenu. Cela ne m’intéresse guères. J’en retiens seulement les prénoms et encore. Je sais que le garçon s’appelle Gin comme la fille l’a interpellé mais impossible de me souvenir du sien. Pas grave. Avec la reconstitution de mon corps, l’illusion de la brume et des cadavres en bordure de forêt s’est dissipée.

Avec l’attaque, tout s’est dissipé en fait. Mais ce n’est pas important. Obéissant aux ordres de ce manieur de cadavres, je me retrouve à plonger mon regard dans celui du garçon. Et le résultat est inévitable. Le Genjutsu fonctionne à merveille et le voilà qui plonge dans un profond sommeil. Etalé au sol, son abdomen se soulève au rythme de sa respiration. Je me retrouve donc seul avec le félin et sa maîtresse. J’observe cette jeune fille et une remarque me vint de suite à l’esprit :

- Voilà une bien ravissante jeune fille. Le démon aux yeux violets me l’avait caché. Enchantée, je suis Fujimi.

Je ressens dans les tréfonds de mon esprit, ce malade qui gromelle. Il renforce son emprise sur mon corps et me voilà agissant encore une fois contre mon gré. Ma main se lève en direction de la demoiselle mais je parvins à prononcer quelques mots. Le contrôle exercé sur moi n’est pas total. Ou pas parfait, difficile à dire. Mais en tout cas j’arrive à mettre en garde mon interlocutrice à temps :

- Eloigne toi le plus rapidement possible, ça risque de piquer.

De mes manches jaillissent la vapeur que j’utilisais pour me battre. Voilà mon don mis aux services d’un parfait déséquilibré faisant mumuse avec les défunts. Le nuage emplit une bonne partie de l’espace et vient ronger chaque matière organique dans la zone où il se trouve. J’espère au moins que la demoiselle a pu se mettre à l’abri avant. Elle pourra peut-être m’aider à mieux comprendre ce psychopathe.

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