La paix n'aura pas duré. Tout le monde le savait mais on en parlait pas, l'espoir était trop important pour être baffoué de la sorte. À Kumo, tout le monde se préparait, et tandis que certains s'entraînaient, d'autres profitait du temps libre qui leur restait pour relaxer et goûter encore un peu aux plaisirs de la vie, car il n'y aura peut-être pas de retour. Led avait fait sa part d'entraînement, il avait été promu et figuré maintenant parmi les principaux acteurs de la guerre. Cela impliquait plus de danger pour lui, mais en même temps, s'il est plus fort il peut tenir le coup. C'est avec cette pensée que Led se convainquit de prendre le reste de son temps libre pour se reposer et se prêter à des activités qui l'intéressent. Il commence par se promener en ville, une ville qu'il connait bien, trop bien même, se dire qu'il devait la quitter le déprimait, mais au fond il voulait vraiment s'en aller. Cette relation, cette dépendance à rester chez soi le dérangeait, il rêvait de se délaisser de ses liens et de s'ouvrir au monde et exploiter au maximum l'essence de son être. Pour cela, partir en guerre était une solution qui lui convenait, elle lui apportait danger et satisfaction, peut-être aussi de la douleur, mais elle le faisait évoluer.
Qu'allait-il devenir ? Il se posa cette question en regardant son reflet à travers la vitrine d'un magasin près duquel il marchait. Elle le tourmentait, cette question. Led a bientôt 20 ans, et sa jeunesse passe si vite, et il n'a toujours pas atteint la satisfaction qu'il recherche. Il voulait garder un bon souvenir de sa jeunesse, il voulait en être fier à chaque instant qu'il s'en rappelait, et ça l'inquiétait de penser que peut-être il ne réussira pas, peut-être qu'il regrettera tout ce qu'il a et tout ce qu'il n'a pas fait. Et c'est pour ça qu'il profite de son village, il ne veut plus se retenir, il veut l'exploiter le plus possible avant d'aller vers l'inconnu. C'est qu'il aime Kumo, mais ce n'était pas assez, il veut aimer le monde entier et se sentir à l'aise peu importe où il va, il veut, peu importe ce qui arrive dans son futur, pouvoir se cacher dans le confort de son passé, mais ce confort n'est pas encore atteint.
Il allait bientôt être placé dans une équipe pour la guerre, ce qui lui laisse un dernier jour de repos, puisque l'atmosphère du village changera dès demain, et Led aurait de la difficulté à se reposer dans ses conditions. Même si la guerre ne commence pas tout de suite, elle se fait déjà sentir. L'avant-guerre est la phase la plus difficile, parce qu'on on ne sait pas à quoi s'attendre. Une fois entré dans le bain de la guerre, on s'y habitue et on s'y donne à fond, mais en attendant cela notre cerveau tente constamment de nous inquiéter.
Led sent que bientôt, très bientôt, sa paix d'esprit va se transformer en tourment. Il va manger dans son resto favori, un restaurant dont le gratin aux patates est délicieux, et leurs morceaux de saucisses trempés dans une sorte de sauce rouge remplissent de joie le jeune ventre de Led.
Même si ça ne sert à rien de trop réfléchir, Led ressent un constant besoin de le faire, et il est conscient de chacun de ses défauts, de réels défauts. Les qualités et les défauts sont ce qui nous constituent, mais Led fait partie de ceux qui ont des défauts bien particuliers. Il a un cerveau auto-destructeur, qui tente constamment d'installer l'angoisse et le désespoir dans son coeur, il prend des pauses mais elles sont courtes, et Led passe la majorité de son temps dans l'étreinte d'une torture psychologique.
Ce jour-ci, Led ne ressent rien, et c'est l'unique occasion de relaxation qu'il aura avant la guerre, et il en profite, et ce soir, il va conquérir le plus de ses désirs qu'il peut.
