Shino se réveilla en sursaut, manquant de tomber de l'arbre où il s'était assoupi. Il se frotta machinalement les yeux et étira ses membres les un après les autres en provoquant un craquement à chaque fois. Shino prit le temps de regarder les alentours et de contempler les couleurs chaudes d'un crépuscule tant attendu. Ces vagues jaune-orangés qui ornaient l'horizon lui rappelaient les soirs d'été qu'il passait dans les bras de son grand-père; à cette pensée lui fit serrer les poings si fort que ses blessures antécédentes relancèrent une légère douleur. Son visage grimaça sous ce pincement et le jeune homme déposa une main sur son flanc droit, comme pour apaiser le mal. Il resta dans cette position quelques instants, une minute, peut être deux, avant de se laisser tomber de cette majestueuse colonne de bois. Shino plia instinctivement les jambes pour amortir sa chute et se redressa naturellement, dépoussiérant son tablier de cuir usé d'un revers de main. Il glissa sa main droite dans ses cheveux noirs et les tira en arrière en laissant ainsi apparaître des mèches de couleur cendre, comme à son habitude après un réveil mouvementé. Scrutant les nombreuses habitations qui s'étendaient à perte de vue sous la lueur du croissant d'argent, le jeune homme s'avançait d'un pas lent mais décidé vers cette horizon aux contours aléatoires. Il avait l'habitude de ces escapades nocturnes; il aimait partir des heures durant à errer dans les bois. Le silence et les odeurs naturels apaisaient son esprit après une rude journée de travail. Shino était enfouit dans ses pensées et ne remarqua pas la noirceur s'imposer complètement. Il faisait nuit.

La nuit. Demeure obscure des ombres et autres esprits malsains. La voûte céleste étincelait sous son champs d'étoile, orné d'une splendide lune qui jouait avec les nuages. A l'inverse des petites ruelles, les grands boulevards de Konoha étaient bien éclairés. Parsemées de rangés aux torches flamboyantes, les rues animées contrastaient avec la noirceur du ciel et jouissaient des divers commerces qui veillaient encore. Konoha était un important village, tant par la taille que la renommée. Shino traversait le village, titubant dans les rues, telle une âme errante à la recherche de son corps. Fidèle à son tablier et ses outils qui le caractérisaient lui ainsi que sa boutique. Il n'y avait pas une grande foule et pourtant, les habitants (et même les autres) trouvaient quand même le moyen de se taper les un dans les autres en marchant. C'était aussi une technique utilisée par les voleurs de bas étages pour subtiliser les objets de valeurs que portaient les veilleurs. Quoi qu'il en était, Shino ne possédait aucun artefact n'ayant assez de valeurs à leurs yeux, et plus aucun à ses yeux. Il vagabondait dans les ruelles, songeant à la journée du lendemain, des images encore floues d'un être cher à présent perdu.. Le jeune homme continua d'errer ainsi, durant plusieurs minutes, peut être même plusieurs heures. Qui savait ? Plus rien ne le retenait à Konoha, surtout après ce que lui avait dit son grand-père. Et pourtant, il restait là, à travailler dans village. Parmi les habitants, les sourires, et les amis.

A peine l'aube était levée que Shino revenait de sa promenade matinale, se préparant à ouvrir son petit commerce. Ce dernier était l'unique héritage de son défunt grand-père qui lui même était son seul parent. A sa mort il lui avait fait la promesse que ce lieu continuerait à illuminer le sourire des clients et qu'il assurerait la relève aussi bien derrière les fourneaux qu'aux côtés de la clientèle. Shino entreprit donc de mettre les bouchées doubles pour conserver son emploi et satisfaire la clientèle. D'ailleurs il disait toujours que son travail n'était pas de leur faire payer un repas, mais de leur offrir un instant de saveurs. Le jeune homme entreprit comme à son habitude de parcourir la forêt avant la laurée du jour à la recherche de champignons avant de retrouver le petit potager érigé dans l'arrière-boutique. Shino tenait particulièrement à cultiver ou à se procurer des produits frais de lui même car il voulait montrer à ses clients que la cuisine était à portée de tous et que les plats les plus simples pouvait s'avérer être un chef d’œuvre pour les papilles si le cœur y était. Mais même en sachant cela, le nombre de client ne diminuait pas et Shino revoyait quotidiennement les fidèles au petit restaurant. C'était tout à son avantage, il le savait et ne regrettait rien.

Le jeune cuistot fit une dernière étape chez le charcutier du coin afin de lui prendre les quelques viandes dont il avait besoin, seul ingrédient qu'il ne se procurait pas par ses propres moyens. Il avait trop de cœur pour chasser les pauvres bêtes et préférait laisser cette tâche ardue aux autres professionnels. Bien que sa détermination était à la limite de l’inébranlable, c'était un acte que Shino se refusait d'accomplir. Cela ne l'empêchait pas pour autant d'éventrer et de dépecer l'animal une fois mort, afin de le préparer au rituel de la cuisine.
Shino avait, comme tout lieu de consommation, sa spécialité et qui portait le même nom que celui de la boutique : le Mikazuki.
Une sorte de mélange entre une soupe miso et les traditionnels ramens. Les ingrédients sont découpés en forme de croissant de lune, d'où le nom du plat.

Shino avait à présent retiré le large rideau de l'entrée, signalant l'ouverture du restaurant. Les premiers clients ne se firent pas attendre, et les habitués prirent place autour du meuble-bar ou des tables rondes avant d'entamer des discussions à tout va, sans pour autant bruyantes. Shino préparait les plats devant consommateurs pour plus de convivialité, ceux-ci pouvaient ainsi demander de rajouter à leur guise tel ou tel ingrédient. La réserve quant à elle se trouvait dans son dos, dont seule une porte battante en bois usée la séparait du reste du restaurant, et qui grinçait à chaque passage du jeune homme. Shino était en pleine préparation de sa spécialité lorsqu'un nouvel arrivant fit son entrée. Le jeune cuistot leva la tête et sourit à la vue de la personne qui pénétrait dans le restaurant. Cette dernière n'était autre qu'Atasuke, un jeune Genin dont l'âge se rapprochait de celui de Shino et dont l'habitude de venir se restaurer ici était presque devenue un rituel quotidien.
Il appréciait particulièrement Atasuke avec qui il avait tissé des liens au fil des semaines. Toujours aussi ponctuel, toujours aussi souriant, le Genin racontait ses missions que Shino adorait écouter, le trouvant admirable de faire un pareil travail au service de Konoha. En fin de service il lui arrivait de temps en temps de dîner avec lui ou de lui offrir un repas de réconfort en retour de mission.
Atasuke s'assit donc à son emplacement habituel avant d'annoncer sa commande :

"Salut mec, ça va ? Tu me mets comme d'hab au matin steup' ?"

Shino lui répondit de son rictus habituel, et sans prononcer mots, il s’éclipsa dans la réserve avant de rejoindre le comptoir de cuisine. A peine quelques minutes plus tard, le jeune homme apporta la pitance à deux clients avant de déposer le bol de Mikazuki sur la table où se tenait son ami. Ce dernier attendit que son plat soit apporté pour reprendre :

"C'est moi ou t'es.. Ailleurs ce matin ? Ca va pas ?"

Evidement, depuis le temps qu'ils se connaissaient, Atasuke s'était forcément aperçu que quelque chose ne tournait pas rond. Cela ne surprit aucunement Shino qui essuya machinalement les mains sur son tablier avant de soupirer doucement.

"T'en fais pas, ce n'est rien."

Il s'efforça de sourire à son ami avant de poursuivre.

"Alors aujourd'hui ? C'est entraînement au programme ?"

Shino attrapa le chiffon qu'il gardait toujours dans sa poche arrière pour essuyer le reste de la table qui n'était pas encombré par le plat, bien que celle-ci était encore propre du nettoyage de la veille. Le jeune cuistot resta ainsi pendant quelques secondes, le regard figé et vide, et la main frottant presque la table jusqu'à l'usure. Le tintement de pièces sur le comptoir le fit sortir de sa transe, se retournant rapidement vers un client qui repartait en faisant un signe d'au-revoir au jeune cuistot. Shino se courba instinctivement avant d'aller prélever la monnaie déposée sur le comptoir.

"Merci de votre venu et à bientôt."

Le jeune homme ne prit pas le temps de faire le compte des pièces, car il jugeait la relation avec ses clients comme un lien de confiance mutuelle, et il avait raison, car aucun n'avait tenté de le tromper. Il débarrassa la table des différents plats avant de les laisser emporter derrière le comptoir pour une future vaisselle. C'était une journée habituelle qui commençait.. Ou presque..

"Non pas aujourd'hui, j'ai pas très envie là"

"Tu sais, j'suis pas si naïf que ça.. Je vois très bien que y'a quelque chose qui va pas. T'es sûr de pas vouloir en parler ? On se connait depuis longtemps, tu sais que j'suis pas le genre de mec à aller crier sur tout les toits la vie des autres, et que je privilégie l'amitié avant tout.. Et peut être que je pourrais t'aider qui sait !"

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