Perdue dans ses pensées, Ori contemplait l'arène, accoudée au parapet de pierre blanche. Bien malgré elle ses pensées dérivaient inévitablement vers son ami Encho. S'en sortirait-il ? Le jeune garçon rencontré en mission méritait incontestablement le titre de chuunin. Mais s'il tombait sur un prodige il n'aurait aucune chance, la fillette ne se faisait guère d'illusions. Et si elle même tombait sur un prodige... il ne valait mieux ne même pas y songer. A moins de tomber sur un ninja faiblard ses chances de s'en sortir indemne étaient proche de zéro.
Ori secoua la tête pour évacuer toute ces idées noires. Le menton posé sur ses mains en coupe, elle suivait le combat entre deux genins inconnus d'un œil distrait. Soudain l'un d'eux plongea vers le sol, comme une pierre, terrassant son adversaire d'un coup puissant. La foule hurla, acclamant le vainqueur et huant le pauvre homme à terre. Ori ressentit une bouffée de compassion pour le vaincu. Des brancardiers se précipitèrent aussitôt sur le terrain pour évacuer son corps sans vie. C'est exactement ainsi que la fillette se voyait en cet instant: vulnérable et à la merci de tous. Fort heureusement son match ne débuterait pas avant une bonne heure; voir plus si les combats s'éternisaient un peu.


Par un étrange phénomène, plus on redoute un évènement, plus le temps qui nous en sépare prend un malin plaisir à passer deux fois plus vite, alors qu'on donnerait n'importe quoi pour qu'il ralentisse. Les dernières minutes avant la date de l'examen semblaient défiler. Puis se fut son tour de se battre. On l'appela.

Ori resta immobile, consciente que toutes les têtes s'étaient à présent tournée vers elle. Elle était comme assommée, pétrifiée. Elle était en train de rêver. Il n'y eu pas le moindre applaudissement. Une sorte de bourdonnement, comme si un essaim d'abeilles en colère montait peu à peu dans l'arène. Certains spectateurs s'étaient levés pour mieux voir Ori. Tout ce qu'elle voyait avait l'air de sortir d'un songe aux couleurs aveuglantes. Puis la fillette se tourna vers les genins derrières elle.

- Vas-y, murmura l'un d'eux en la poussant avec douceur.

Ori s’avança au centre de l'arène. Elle eut l'impression de parcourir une distance interminable. Elle sentait les regards posés sur elle, comme des faisceaux de projecteur. Le bourdonnement augmenta d'intensité. Il lui sembla avoir marché une heure lorsqu'elle se retrouva enfin en plein milieu. Elle jeta un œil sur son Kage, mais il ne lui adressa aucun geste. Puis l'autre genin entra dans l'arène à son tour. Ori la détailla du regard; elle devait avoir une vingtaine d'année tout au plus. Soit plus du double de mon âge pensa la fillette. La kunoichi paraissait soignée sur elle, sa peau mâte semblait d'ébène par ce temps sombre. Elle marchait d'une grâce quasi féline, ses longs cheveux attachés se balançaient de gauche à droite, hypnotiques, au rythme de ses pas. Enfin des applaudissements éclatèrent. Ori sursauta. C'était pire que tout ce qu'elle aurait pu imaginer. Debout là, elle entendait la foule crier, hurler, pousser des exclamations mais elle ne pouvait plus faire marche arrière.

Mahan leva la main et le bruit cessa. Le combat allait commencé. Ce fut comme une douche froide. Ori avait une plus grande conscience de son corps qu'à l'ordinaire; son cœur battait plus vite, ses doigts étaient parcourus de fourmillements et du feu parcourait ses veines. Elle se concentra, comme à son habitude, sur sa respiration. Inspirer... expirer... Son cœur, qui battait d'un rythme frénétique, ralentit sensiblement. L'état de panique dans lequel elle se trouvait laissa place à une conscience éclairée. Elle regarda son adversaire droit dans les yeux; la résolution y brillait comme une flamme étincelante.

- Tu me laisses gagner contre un choco BN ? demanda la fillette d'un air narquois.

Aucune réponse dans les 48h autorisées, le tour de Seki Yoruichi est sauté.
A toi de commencer le combat donc Ori.

La genin en face d'elle lui jeta un regard remplie de dédain. Ori eut un sourire mauvais. Aucun sens de l'humour la vieille. Enfin, il y avait peu de chance pour qu'elle abandonne en si bon chemin, et surtout pour un gâteau.

Soudain la main du Kage s'abaissa. C'était le signal qu'attendaient les deux filles. Ce que Ori perdait en taille et en puissance, elle le gagnait en ruse et en agilité. La fillette fit un bond en arrière et une brusque volte-face. Puis elle décrivit prudemment un demi-cercle autour de son adversaire, tantôt accélérant tantôt ralentissant ses mouvements, jusqu'à se retrouver dos au lac. Elle cherchait à déstabiliser sa cible, l'empêchant ainsi de se mobiliser pour l'attaquer. Un murmure agita la foule. D'un coup d’œil en direction de la tribune, la jeune fille aperçue le visage blême et immobile du Hokage qui contrastait avec l’expression de concentration intense du Mizukage. Ori revint à son adversaire; elle ne pouvait plus rien faire hormis se battre. Elle composa une série de mudra et laissa son instinct prendre le relai. La pulsation du pouvoir commença à battre en elle, au rythme de son cœur. Boom. Boom. Chaque coup devenait plus implacable, plus fort que le précédent. Elle vit l'image d'un frêle esquif balloté par les flots, incapable de résister. Ori s'immergea totalement dans cet océan et se laissa porter. Une douce sensation envahie son corps. Elle prenait des inspirations profondes, régulières. Sa volonté et son chakra se solidifiaient, donnaient forme à son imagination. Une fine chaîne de cristal, alourdie au bout, se déroula tout autour de son bras. Un voile rouge tomba doucement sur les sens de la fillette sans qu'elle en prenne conscience. Elle se mit à déclamer d'un air inexpressif.

Seul résonne dans ma tête ce battement
Machinerie infernale tout à l'unisson.
Explose dans ma tête, incessant.

Rythme de la vie qui commande dans mes veines
Le bienheureux flux sanguin ignorant l'absence.
Inodore ; impalpable ; l'absence me malmène
Ce vide toujours présent abrutit mes sens.

Dans le noir ma main est ensanglantée
Il ne veut pas s'arrêter de couler,
Apaise mon âme genin inconnue
Viens à moi que je te tue

Ori leva son arme, fit quelques pas en avant, s'arrêta et se figea. L'autre genin, déconcertée ne bougeait toujours pas. La fillette décrivit un large arc-de-cercle et fit un pas sur le côté. Puis un autre. Puis sauta en faisant tournoyer l'arme au dessus de sa tête. Plus vive qu'un chat bondissant sur sa proie elle s'avança. Elle était de nouveau proche de son adversaire. Ses yeux s'illuminèrent d'un éclat inquiétant; derrière ses dents serrées jailli un cri. Le fouet virevolta et s’abattit. Si la genin ne réagissait pas assez rapidement le fouet la percuterait violemment au sternum. Un coup qui avait peu de chance de la mettre au tapis, mais qui lui couperait la respiration quelques secondes. Un temps précieux qui permettrait à Ori se composer une autre technique. Et si jamais la genin tentait de parer, la chaîne s'enroulerait autour d'elle et l'immobiliserait. Alors son sang coulerait à flot, apaisant la soif du cristal qui la taraudait.

Citation :

Shôton : Shoton Furashawa. Rang D
Le shinobi se crée un fouet en cristal. Permet des attaques de moyenne distance et peut servir à attraper un ennemi.

Le tour est une seconde fois sauté, Seki Yoruichi est donc éliminée.
A toi Ori de conclure le combat sans pour autant tuer ton adversaire.

Un vrombissement. Un simple tremblement de l'air, comme une illusion qui s'estompe, et qui résonne au fond de l'âme. Un serpent dans toute sa splendeur qui se contorsionne et frappe dans un reflet de lumière. Le fouet de cristal.

La genin n'eut pas temps d'éviter la charge d'éviter la charge fulgurante de la fillette. La chaîne la frappa sous le plexus solaire et la fit décoller de quelques centimètres au dessus du sol sous l'impact. Elle atterrit dans un roulé-boulé mal contrôlé sur le sol irrégulier de l'arène une dizaine de mètres plus loin. Les pierres lui infligèrent des coupures superficielles et des gouttes de sang perlèrent de sa bouche, tordue dans une grimace de douleur et de surprise.
Ori, quant à elle, mis un genou à terre et composa quelques Mudra rapidement. Elle voulait en finir. Et vite. Le cristal lui hurlait de tuer, de mettre au supplice celle qui l'avait défiée, l'empêchant de réfléchir. Le fouet se rétracta et changea de forme pour laisser place à une fine épée de cristal.

La fille s'avança doucement puis accéléra le pas; son allure, d'une fluidité et et d'une souplesse étonnante, se mua en pas de course. Elle ne courut pas droit mais en zigzags de plus en plus courts. Soudain Ori disparut du champs de vision des spectateurs. La foule cria de stupéfaction et la genin, qui se remettait à peine du choc, poussa un juron. La fillette réapparut sur sa gauche et lui infligea un coup sur toute la largeur de la poitrine. Elle se plia en deux, fit quelques pas puis s’effondra.

ENCORE ! Le cristal réclamait plus, toujours plus de sang. Une lumière vive l'éblouissait, tranchante et insupportable, tandis que des vagues de douleurs lui martelait le crâne. Ce dernier semblait menacer de se fendre sous la force de la demande. La brillance dorée s'insinuait entre ses paupières serrées, mettant ses yeux au supplice. Elle abandonna son petit corps à l'agonie. Elle eut la sensation de n'être qu'un poisson en train de se débattre, transpercée par un crochet. Mais ce n'était que le fruit de son imagination. En réalité elle était parfaitement immobile au centre de l'arène. Sous la puissance impétueuse de de son chakra, elle grimaçait. Puis elle s’effondra, agitée de convulsions. A un moment, elle crut voir la silhouette d'un ninja au dessus d'elle, pareille à l'image d'un souvenir lointain que l'on ne parvient ni à retenir ni à discerner. Elle le connaissait... Un brancardier ? Puis l'intensité de la souffrance monopolisa à nouveau son attention. La conscience du monde extérieur lui parvenait par l’intermédiaire de ses nerfs fracassés, des brides de phrases. "match nul"... "urgence"... "fibrillation"... . Puis des images à nouveau. Des murs blancs, des hommes qui se pressent tout autour d'elle. Elle eut envie de leur dire qu'elle allait bien mais les mots ne franchirent jamais ses lèvres. Le voile écarlate se leva et enfin, elle perdit connaissance.

Spoiler: