La jeune femme traversa l’embrasure de la porte en bois qui donnait accès à une grande pièce, si vaste qu’elle pouvait y accueillir une bonne cinquantaine de personnes voir un peu plus. L’élégante et ravissante femelle déposa son long manteau brun chocolat sur le comptoir à l’entrée avant de glisser dans le verre placé intentionnellement à la vue des arrivants une pièce d’argent. Vêtue d’une robe rouge cramoisi, cette dernière déambula à travers la foule pour se frayer un chemin jusqu’à une petite table au fond de la salle où l’y attendait patiemment un jeune homme à la chevelure blonde et au regard d’un bleu azuré. Ils ne semblaient pas se connaitre, cependant elle avait instinctivement été attirée par celui-ci, d’une beauté exquise. La déesse lui échangea un enthousiaste « Bonjour, comment ça va ? » suivit d’un sourire tombeur avant de s’installer sur la chaise située en face de lui.

Du siège sur lequel je me tenais, j’avais pu observer toute la scène, avais eu l’occasion de percevoir chaque mouvement ainsi que chacune de leurs réactions mutuelles. Quoi, vous avez-cru que c’était moi ainsi qu’un parfait inconnu ? Eh bien vous êtes tombé dans le panneau. Ce genre de présentations m’énerve au plus haut point, elles me paraissent fausses, sans réelle conviction et dépourvues d’intérêt. Dans la majorité des cas, je dirais à quatre-vingt-dix-neuf point neuf pourcent, les gens finissent par s’ennuyer et décident de partir chacun de leur côté, chose qui s’avère plutôt décevante. Il arrive toutefois dans certaines situations que les individus soient confrontés l’un à l’autre pour une raison précise, et c’est dans ces conditions-là que cela devient davantage intéressant. Les relations durent plus longtemps et l’intérêt de chacune des deux personnes s’accroit au fil des rencontres.

Mais nous ne sommes pas tous choyés, oh non. Parfois la malchance s’empare de nous et à ce moment-là il est trop tard pour faire marche arrière. Est-ce le fruit du hasard ou simplement une vilaine mise en scène de ce que l’on appelle destin ? Difficile de parier là-dessus. Tiens, aujourd’hui j’ai envie de m’amuser. J’ai envie de faire ce que font tous les êtres humains : Être hypocrite.

Règle numéro 1, se trouver une cible. Une proie facile à atteindre, un petit gibier qui n’attends que de se faire avoir dans une entourloupe à la con. De préférence il faut se concentrer sur les personnes seules et qui semblent légèrement distraites. Il ne faut pas qu’elle vous voit venir. C’est comme ça que font les lionnes quand elles chassent, elles se dissimulent dans les herbes avant de bondir pour prendre par surprise leur victime. Bon, dans ce bar il n’y a pas d’herbe, pas de bol.

Je me levai de mon siège, me faufilant doucement entre les individus se trouvant dans la taverne. Il est là, il regarde ailleurs… Et je saisis l’occasion, BIM je lui fonce dedans intentionnellement pendant qu’il est distrait. La puissance de l’impact le fait trébucher et m’emporte dans la chute par la même occasion. Je tombe sur lui.

Oh pardonnez-moi, j’ai trébuché par mégarde sur la chaussure de quelqu’un… Je suis bête, est-ce que vous êtes blessé ?

Règle numéro 2, jouer le jeu à fond. Bien sûr, sinon ce ne serait pas crédible. Mon regard plonge dans le sien, ne serai-ce qu’une fraction de secondes, avant que je ne le détourne. Maintenant, attendons de voir la réaction. On laisse l'effet se faire...

Naturellement, la suite de mon plan était de l’enrouler dans ma toile, comme le font les araignées avec les mouches. J’invitai donc le jeune homme, qui était vêtu d’un drôle d’accoutrement faisant penser à un pyjama, à boire un verre tranquillement installé à une table du fond. Alors que je croyais que le garçon prendrait un truc légèrement alcoolisé, je fus un tantinet déçu quand il indiqua à la serveuse qu’il désirait un… Thé. Quel genre de mec était-il pour consommer un thé à cette heure-ci et dans un endroit comme celui-ci. Meh, j’étais tombé sur un type bizarre, malheureusement pour moi. En plus de cela je ne pourrais probablement pas m’en débarrasser rapidement maintenant que le Plan de la Moria est enclenché. Note à moi-même : La prochaine fois, se renseigner davantage sur la cible avant de lancer l’attaque. Cela permettra de sauver du temps et de ne pas sombrer dans l’ennui total…

En plus de boire une boisson de vieillard, le garçon ne m’écoutait même pas parler… Bon sang, dans quel merdier je m’étais mis moi. La prochaine fois j’essayerai de viser mieux, de ne pas me fier à mon instinct quoi. Aux vues des situations dans lesquelles il me met parfois je me demande pourquoi je l’écoute encore aujourd’hui… Mon regard marron se posa sur le jeune homme lorsque ce dernier m’interrompit dans mon monologue. La rage montait en moi, cette colère qui vous brûle l’œsophage lors de sa montée. S’en était trop, j’allais exploser. Par pitié quelqu’un, retenez-moi. Mais bien évidemment il n’y avait personne d’assez intelligent pour lire dans mes yeux cette fureur qui s’apprêtait à exploser. Allez, contient toi, ressaisis toi, on s’en fout de ce connard de merde qui sort d’on ne sait où. De toute façon c’est les risques, on les connaissait en arrivant ici, hein. C’est au moment où je frappai la table de mon poing que je compris qu’il était trop tard.

Eh le lutin, t’en as pas marre de te foutre de ma gueule là ? Je te paie à boire, tu ne prends même pas la peine de m’écouter. Limite ça je peux comprendre, mais le fait que tu me coupes la parole… Gnyan, vas-y dégage de mon chemin minus si t’as pas envie de te faire exploser.

Je me levai de mon siège, regardant pour la dernière fois le jeune homme à la chevelure blonde avant de me diriger en direction de la sortie. Cette auberge était pourrie, son bar était pourri et les personnes qui s’y trouvaient étaient, comme vous l’aurez deviné, pourries… Lorsque Sunagakure sera un village à part entière, je ferai de cette petite bourgade POURRIE un village bien meilleur. Sans salaud qui foutent la merde au cœur d’une conversation neutre et normalement sans prise de tête. Impulsive direz-vous ? Oui, vous avez raison. Parfois on n’a pas le choix d’agir ainsi. Les gens sont cons.

Ça, c’est ce que j’aurais fait si je n’étais pas aussi polie. Non, malheureusement, je me trouvais toujours en face du jeune homme, bouche bée. Je me calai dans mon siège, une expression dédaigneuse sur le visage.

Je viens du Désert. Mon nom est Nishimura Kusanagi, membre du Kakumeigun. Tu dois en avoir entendu parler, je suppose ?