Arpentant les dossiers sur le bureau, Michiki était à la recherche d’un document qu’il avait fait demandé il y a de cela quelques heures. Ce fut sous quelques piles de factures et compléments d’informations qu’il retrouva l’objet de sa quête. Un rapport d’une simple mission de bas rang. Le genre de documents auxquels il ne prêtait d’ordinaire qu’une attention mineure, voire nulle. Mais celle-ci était un peu plus particulière que les autres puisqu’elle avait été accomplie par une membre du clan Kosobayui.

Récemment devenue propriétaire d’un rade dans le village, la dénommée Yu semblait s’être fait une place dans la cité. Et comme si cela ne lui suffisait pas, elle s’était en plus permis de faire la leçon à ses supérieurs en profitant de son rapport pour faire passer un message à peine subliminal sur les compétences médiocres des hauts gradés. C’était bien sûr un résumé des phrases alambiquées employées mais le résultat était là.

En tout cas cet acte avait valu au rapport de finir sur le bureau du Mizukage qui lui-même n’avait pas compris au début en réalisant que c’était le rapport d’une mission aussi peu importante sur l’échelle des missives distribuées à ses shinobis. Mais l’administration avait insisté pour qu’il consulte ce recueil. Faisant confiance à ses agents, il s’était plongé dans le dossier qui en effet valait le détour. Il avait donc épluché les faits et les propos de la Kosobayui pour en tirer un constat très simple. Il l’avait fait demander dans son bureau quelques jours plus tard.

Ce fameux jour pour être précis. Remettant donc en évidence le rapport, il le cala sur le haut d’une pile avant d’en revenir à ses occupations premières. Il continua ainsi pendant une heure ou deux. Avec la guerre qui pointait le bout de son nez, il avait pas mal de travail bureaucratique à fournir dans un premier temps. Mais le temps passait à une vitesse folle car déjà quelqu’un toquait à sa porte. Il releva la tête, constata l’heure et invita la jeune femme à entrer. C’était bien elle.

Il s’était rapidement renseigné sur son interlocutrice suite à la lecture de son rapport. Il n’allait pas cependant lui déballer sa vie, ce qui mettrait mal à l’aise la kunoichi. Elle aurait déjà l’occasion de l’être au cours de l’entretien à venir alors autant ne pas la brusquer immédiatement. Il lui indiqua une des chaises face à lui, terminant de parapher un papier. Puis il déposa sa plume pour plonger son regard dans celui de son invitée du jour. Sans la moindre entrée en matière, le moindre salut ou même la moindre explication, il saisit le dossier qu’il déposa face à elle sur le bureau en relâchant vivement le paquet de feuilles.

- Pouvez-vous m’expliquer ce que signifie ceci ?

Il insista bien sur le dernier mot et lui adressant son faciès le plus fermé qui soit. Un sérieux implacable qui devrait déboussoler la demoiselle si elle ne se préparait pas d’emblée à cet échange verbal qui allait suivre.

Une main encore déposée sur la surface du bureau, face à lui, Michiki écouta la réponse de la kunoichi, l’observant attentivement alors qu’elle reprenait distraitement connaissance de son document. Son ton était assuré. Pas de bégaiement ni d’interruption. Une vraie petite soldat qui récitait son texte. Ce qui était pas mal en soit car ça leur ferait économiser bien du temps.

L’origine de ce rapport que le Shinda avait bien lu était à propos d’un problème de communication des informations ainsi qu’un recueillement de ses dernières. Pour un homme qui avait fondé une organisation essentiellement basée sur la valeur des renseignements, c’était soit paradoxal soit honteux. Il n’avait pas non plus des yeux partout. Il fallait qu’une Genin en charge de missions D ou C se charge de quelques missives pour réaliser ce qui se déroulait sous le nez de sa bureaucratie. Soupirant du nez, il se recula dans son siège, plaçant ses bras à l’endroit qui leur était réservé.

La Kosobayui avait réalisé son exposé avec exploit. Une concentration à toute épreuve. Une qualité que le Shinda savait reconnaître et apprécier. Une fois qu’elle eut terminé, il resta un léger instant silencieux. Les coudes toujours sur les accoudoirs, il avait remonté une de ses dextres au niveau de la branche de ses lunettes pour les remonter. Son air toujours fermé ne laissait rien transparaître de ce qu’il pouvait penser ou de ce qu’il ressentait, au grand dam de la malheureuse Genin. S’était-elle attendue à un tel entretien en rédigeant ce rapport ? Qu’une attention particulière soit attribuée à son papier qui était généralement destinée à l’oubliette. Fort heureusement le Législateur avait bien fait son travail. Ce maudit Janome avait ses défauts, nombreux, mais aussi ses qualités, plus rares.

Il avait eu le bon réflexe de lui faire parvenir ces papiers car il soulevait un problème important. Akudoi Janome n’aurait manqué pour rien au monde de faire remarquer au Rokudaime qu’il avait commis une faute quelque part. Quand bien même n’était-il pas personnellement impliqué, il était le responsable de ce village. Ce genre d’erreurs était de son ressort même s’il ne pouvait pas y faire grand-chose sur le coup. Mais il comptait bien changer la donne et cette kunoichi aurait un rôle à y jouer.

- Vous n’avez pas répondu à ma question, déclara-t-il simplement. Je vous ai demandé ce que signifiait un tel rapport perdu parmi bien d’autres. Si nos instances administratives ne faisaient pas admirablement leur travail, cet exposé m’aurait échappé et je n’aurais pu prendre pleinement connaissance des problèmes qui rongent mon archipel. Et ça c’est une faute grave.

Il avait pris un ton et un air plus grave sur ces derniers mots. Pour le simple et bon plaisir de faire une petite frayeur à son interlocutrice. Mais il n’était pas sadique et n’allait pas faire durer ce sentiment bien longtemps. Il fit table rase devant lui pour se rapprocher et y déposer ses coudes. Fixant plus intensément la manieuse de plumes, il reprit la parole :

- Mais je suis ravi de voir que la Brume peut compter des soldats aussi impliqués et consciencieux. Votre expérience peut nous permettre d’éviter de lourdes pertes. Cette fois-ci on ne gradera pas ça sur des missions C ou D mais en missions nationales si nous n’agissons pas rapidement.

C’est là que commença à poindre un sourire que l’on connaissait bien au Fossoyeur. Un signe de bonne humeur mais qui chez lui s’apparentait plus à de l’amusement ou un certain sadisme qui pointait le bout de son nez. Il désigna d’un doigt le rapport puis la kunoichi :

- Etant donné que vous êtes à l’origine de tout ceci, vous allez emplir la responsabilité de régler ce problème. J’espère donc que ce rapport était suivi de suggestions pour améliorer la situation.

Cette fois Michiki attendait un véritable exposé. Le premier n’avait fait qu’énumérer les faits qu’il connaissait déjà. Pour le coup il était pur spectateur et juge de ce qui lui serait présenté.