Je venais d'endormir Satomu dans mon lit à l'hôpital. J'allais pouvoir sortir sans lui et prendre l'air. Je devais récupérer de mes blessures et m'occuper de mon fils, autant vous dire que ce n'était pas évident. Ce gamin m'épuisait, mais j'aimais passé du temps avec et pour une fois qu'il dormait, je devais en profiter pour passer un moment seul. Enfin, deux gardes allaient sans doute m'accompagner, mais je pouvais penser et réfléchir sans me préoccuper des potentielles conneries que pourrait faire mon fils.
Je tirais les rideaux, ouvrais gentiment la porte et la refermais de la même manière. Les gardes me regardèrent d'un air interrogé et moi, je leur souriais.
— Il vient de s'endormir, je peux enfin respirer.
Je marquais une pause avant de reprendre.
— Je comptais aller prendre l'air, je suppose que je dois être accompagné ?
Les deux ninjas acquiescèrent en même temps.
— J'attendrais à l'entrée de la cour alors.
Déclarais-je avant de quitter cet étage pour me rendre au rez-de-chaussée. Mon corps allait de mieux en mieux. Je n'avais plus besoin de prendre l'ascenseur - si ça existe dans notre univers -, je pouvais emprunter les escaliers sans trop souffrir. Une bonne chose, non ? Bien sûr, je ne pouvais pas avoir contact avec ma peau, elle était encore très sensible. Une légère brise était menaçante pour moi, c'était comme si on me griffait légèrement.
J'arrivais à l'entrée ou plutôt la sortie pour la cour qui donnait sur le jardin de l'hôpital. Le soleil était présent, j'appréhendais la chaleur sur mon corps. Heureusement que j'avais les bandages pour me protéger, mais j'allais avoir chaud. Je n'osais imaginer le soleil de Kaze, impossible de m'y exposer avant de longues semaines, voir des mois.
Les deux gardes arrivèrent enfin. Un homme et une femme. J'attendais qu'il se rapproche, mais au fur et à mesure qu'ils avançaient, je me rendais compte que je connaissais la demoiselle. Yell. L'amour de Tetsui. Et moi qui pensait passer une après-midi tranquille dans ce jardin...
— Bonjour
Disais-je en regardant l'homme.
— Yell...
Ajoutais-je en détournant mon regard sur elle.
— Comment vas-tu ?
Celui qui était le plus mal en point posait la question, drôle, non ? Cependant, je n'avais aucune idée de comment vivait la Konohajin depuis la disparition de mon élève suite à la guerre que j'avais déclenché. J'allais sans doute avoir ma réponse cette après-midi.
Bien que salvateur pour l'esprit, le retour à Konoha n'était pas de tout repos. Tout comme à Nami, bon nombres de choses étaient a faire ici et j'essayais d'y aider le plus possible avant de repartir pour Umi.
Aujourd'hui, c'était en tant que membre de l'ANBU que j'officiais dans l'hôpital, pour la garde rapprochée de l'ancien Kazekage. Cette annonce m'avait serré l'estomac, me refaisant inéluctablement repenser à l'altercation que j'avais eu avec Ema au sujet de la mort de Tetsui dont elle m’incriminait et pour laquelle j'accusais Kibo.
Pouvais-je lui en vouloir alors qu'il n'était pas maître de ses décisions ? Bien sûr que non, et, avec le recul, j'avais simplement réalisé que trouver un fautif était bien plus simple pour se donner bonne conscience. C'était Mizuki qui avait demandé l'exécution de Tetsui, moi et Kihran qui l'avions intercepté à Nami mais c'était lui qui avait mené son assaut, lui même missionné par Suna, par un Kibo fou, fou par la faute de Jiseyama. S'il devait y avoir un responsable de la mort de Tetsui c'était lui...
Mais à quoi bon chercher des coupables ? Cela ne ramènerait pas le Yamada. Malgré le cours des choses et leurs évolutions, cela restait une plaie légèrement pansée qui, je le savais, ne guérirait jamais totalement. Pourtant, en voyant Kibo si amoindri, et malgré qu'il échappait lui même à la mort, se battant sans doute lui aussi pour protéger le reste du monde : je ne parvenais pas a éprouver une quelconque once de sympathie à son égard. Je n'étais plus haineuse non plus, simplement neutre bien que satisfaite de voir qu'il ressemblait davantage à l'homme chez qui nous avions dîné un soir, peu avant l'attaque du Kaiho-sha.
M'approchant de lui, je remarquai son visage changer en me reconnaissant alors que le mien encore serti de traces éparses de brûlures, demeurait toujours fermé.
« Je suis en vie. »
Et avec les récents événements, cela témoignait de ma chance de l'être quand bien même les images de l'affrontement avec Rokubi et de son estomac qui m'avait servi de prison, resteront gravées dans ma mémoire. Observant son état et un banc libre, je le lui désignai.
« Assis toi, si tu veux. »
Je l'avais côtoyé avant qu'il devienne Kazekage, le tutoyant alors, et malgré sa prise d'importance, au vue de ses actes bien qu'incontrôlés, je n'estimais pas avoir a le porter en respect au point de le vouvoyer. Au contraire, je préférais le voir simplement comme le Kibo de l'examen Chuunin de Suna plutôt qu'autrement...
Finalement, le silence s'installa un peu avant que je ne soupire, n'aimant pas la situation dans laquelle nous nous trouvions. Il y avait eu bien pire. Toutes ces morts causées par la fureur des Démons et de leurs adorateurs : l'heure n'était plus aux conflits entre les hommes ou leurs vieilles rancœurs. Ces dernières années m'avaient apprises la réelle signification de la vie. Tetsui non plus ne serait pas pour tous ces conflits inutiles. Lui qui en avait toujours voulu à Konoha pour la mort de sa mère, je ne pouvais qu'honorer sa mémoire en passant outre mes ressentis : en allant de l'avant. Konoha et Suna devait faire la paix, s'entraider face à une menace bien plus grande...
« Et toi ? Comment te portes-tu depuis que tu as retrouvé tes esprits ? »
Je ne parlais pas de son réveil à l'hôpital mais bien depuis qu'il était redevenu lui même.
« Et les Yamada ? Et …. Arashi ? »
Bien que mon expression demeurait neutre, je ne pouvais cacher l'émotion qui animait mon regard. Aucune larme ne coulait mais il n'y en avait pas besoin. Le père de Tetsui souhaitait sans doute ma mort alors que je compatissais à sa peine.
« Savais-tu que c'était moi qui était sur place lors de l'attaque que Tetsui a lancé sur Nami ? Que... c'est moi qui ai dû l'immobiliser pour en faire notre prisonnier de guerre ? »
Mon poing se serra. Je n'étais évidemment pas toute seule et cela Kibo devait s'en douter mais je refusais de mettre Kihran en danger si Arashi venait à l'apprendre. Que la haine du père de famille soit tournée vers moi m'allait : il avait un coupable et cela l'aiderait a cicatriser à sa peine.
Sa réponse en disait longue sur sa situation. Mentalement, cette "guerre" avait épuisé beaucoup de personne. Nous avions survie, alors que d'autres étaient morts. Pourquoi eux et pas nous ? Une question qui ne possédait aucune réponse. Par conséquent, les survivants cessaient de vivre, ils erraient sur le continent vidés de toutes émotions. Yell faisait partie de ces personnes, était-ce sa première guerre ? L'expérience m'avait appris qu'il fallait continuer de savourer la vie et de se battre pour les personnes qui nous avaient quitté. Il serait injuste pour eux de ne pas profiter de cette chance d'être encore en vie.
Je m'asseyais après qu'elle m'ait indiqué un banc. Un bref silence s'installa, je fus légèrement pris de court en l'ayant vu, je n'étais pas prêt à l'affronter, pas aujourd'hui, pas dans mon état. Elle soupira, montrant que cette situation la dérangeait autant que moi. La Gogyou prit la parole pour me poser une série de questions sur : moi, le père de Tetsui et sur mes connaissances. Je soupirais à mon tour.
— Je suis en vie.
Répondis-je en reprenant ses mots. Par contre, j'allais étoffer ce sentiment qui m'abritait.
— J'ai déclenché une guerre, moi qui oeuvre pour la paix. J'ai tué, indirectement, d'innombrables personnes, civils et ninjas. J'ai perdu un élève. Mon peuple me renie. Ma femme a déserté. Et les Bijuus sont apparus pour détruire ce monde.
Cependant, je gardais le sourire, j'avais une motivation, une personne qui me tenait sur le droit chemin. Satomu, mon fils, voilà pour qui je me battais. Je voulais lui offrir un avenir meilleur, sans guerre, sans conflit. Il était hors de question qu'il mène une vie similaire à la mienne. Je posais une main réconfortante sur l'épaule de la demoiselle, j'étais au courant de tout et j'avais déjà discuté avec Arashi.
— Tu n'y es pour rien. Je suis le seul et unique responsable de cette guerre. Tu as protégé ton peuple, tu as fait ton devoir.
Elle avait suivi les ordres, bien que son cœur était contre. Cependant, elle ne pouvait pas laisser le Yamada ravager une ville sans porter secours aux civils. Et puis bon, ce n'était pas elle qui l'avait tué, elle l'avait simplement remis à ses supérieurs.
— J'ai déjà discuté avec Arashi, Nuzuro, le maître de Tetsui était également présent. Arashi s'est défoulé sur moi, il ne porte pas Konoha dans son cœur, mais il ne se vengera pas, c'est déjà une très bonne chose. Le temps soignera sa blessure, cette nouvelle menace nous unira tous. Il le faut, sinon ça sera la fin pour nous.
Concluais-je alors que j'avais déjà retiré depuis un moment ma main de son épaule. Mon regard était dirigé contre le ciel bleu, je songeais à mon avenir, que devais-je faire pour arrêter ce fléau ?
Si j'en avais un jour voulu au Nanadaime Kazekage pour sa folie, le tenant responsable de la mort de Tetsui, ce n'était plus le cas aujourd'hui. Avec ce qu'il m'énonça concernant sa situation, je compris qu'il en avait déjà suffisamment payé le prix. Un prix lourd et injuste pour des ordres proférés alors qu'il n'était plus lui même : cela avait été avéré et il en avait été soigné.
Sa patrie lui en tenait rigueur, ce qui ne m'étonna pas. En revanche, je fus plus surprise d'apprendre qu'Ema avait déserté. Je me souvenais parfaitement de notre mise au point : elle avait fini en larmes. Comment espérait-elle survivre en dehors de la sécurité d'un village et surtout, quelle folie ou quel courage l'avait touché pour qu'elle s'enfuit de cette façon ? Cela ne ressemblait pas à la Ema sensible et pacifiste que je connaissais. Etait-elle à son tour contrôlée ? Je fronçai les sourcils : Kibo y aurait de toute façon déjà pensé.
Nonchalamment, mon regard vint se porter sur mes genoux lorsqu'il expiait mes fautes, se contentant de dire qu'il était le responsable de la situation – bien que partiellement vrai – mais au moins il en avait conscience. Je soupirai une nouvelle fois.
« Oui... J'ai protégé les miens, que ce soit Tetsui n'a rien changé à mes convictions. J'ai juste... été déçue de le voir s'en prendre aux miens et d'écouter tes ordres qu'il aurait dû lui même trouver stupides, pacifiste qu'il était... »
Et pourtant...
« Tu le sais que ce n'est pas vrai , hmm ? Tu n'es pas le responsable de cette guerre. Je l'ai cru pendant longtemps sans comprendre tes motivations et m'a haine a été presque entièrement tournée contre toi. Mais le responsable, c'est cet homme qui t'a contraint à son emprise. C'est envers lui que la haine qui t'est adressée à ce sujet devrait être tournée. »
Ce n'était pas juste que ce soit lui qui en fasse les frais.
« C'est du gâchis... »
Les conséquences dans leur globalité ; bien que l'une d'elle me pesait plus particulièrement.
« Il ne méritait pas ça... »
Je ne pouvais m'empêcher de repenser au Yamada. Ses sourires, sa façon de voir la vie et de la vivre au jour le jour sans se prendre la tête... Arashi voudrait sans doute m'étriper rien que pour oser penser à son fils quand bien même Kibo assurait qu'il ne se vengerait pas...
Je soupirai une nouvelle fois en l'entendant parler d'unification face à la menace de Bijuu. Je l'espérais sincèrement mais les rancœurs ne disparaîtraient pas, pas plus qu'elles ne s'apaiseraient, même en faisant front commun. Une trêve, un temps mort, c'est tout ce que nous aurions ! Pourtant, nous devions quand même aller de l'avant...
Maintenant que la guerre avait cessé entre nos nations, nous devions faire en sorte que cela perdure pour que plus jamais cela ne se reproduise. Sa mort, son sacrifice ne devait pas être vain... Cela appartenait de toute façon au passé, immuable : il n'y avait que comme cela que les choses devaient être vues pour avancer. Après tout, le monde était vaste mais nous partagions tous le même ciel... Un seul ciel et une seule destinée...
Elle avait raison, Tetsui ne devait pas agir de la sorte de par son caractère et surtout, me connaissant, il devait savoir que les ordres reçus ne venaient pas de son maître. Malheureusement, il était un Shinobi et exécutait les ordres qu'on lui donnait. Il avait confiance en moi, il pensait peut-être que c'était la bonne chose à faire pour répandre la paix, objectif que je m'efforçais d'atteindre depuis le début de ma carrière.
— Comment aurais-tu réagis si ton Kage et qui serait par la même occasion ton Senseï , t'aurait ordonné ça ? Tetsui s'est montré être un ninja et élève de confiance, mais sa confiance pour moi l'a mené à sa perte...
J'essayais de me convaincre que ce n'était pas de ma faute, mais qui avait été assez faible pour se faire manipuler, qui avait aidé des ennemis à réaliser un rituel au lieu de les tuer, qui avait organisé un examen qui fut facilement infiltré par un groupuscule ? J'étais à la base de tout, même si sans l'intervention de Jiseyama rien de tout cela ne serait arrivé. Quand bien même je parvenais à me convaincre, rien n'effacera mon nom de cette guerre. Les Kazejins me verront inconsciement comme un potentiel danger pour la nation, un chef irresponsable et fou. Les Hijins verront en moi un ennemi, un homme qui devait payer pour toutes les vies emporter lors de cette guerre. Ce n'était pas si simple de se dire que je n'y étais pour rien.
— Ma vie, vos vies, la vie des miens, elles sont bouleversées à tout jamais et mon nom sera lié à ce changement. Je suis condamné à assumer ses actes, qu'il soit miens ou ceux d'autrui.
Je me devais de changer les choses et associer mon nom à autre chose que cette catastrophe, mais pour se faire, j'allais devoir réaliser une emprise bien plus importante et salvatrice. Mon rêve prenait de plus en plus de sens, non seulement la Paix serait répandu, mais mon âme pouvait par la suite reposer en paix, sans avoir le remord de n'avoir accompli que du mal. Tetsui sera venger, tous les innocents seront venger. Jiseyama payera pour ses actes, peut-être qu'un jour moi aussi, mais pas avant que cet inconnu ne perde la vie.
— Ensemble nous pouvons changer les choses et répandre la paix. Seul, nous serons voué à l'échec et à la guerre.
Concluais-je tout en posant mon regard sur les paumes de mes mains encore bandées.
