Je venais d’entrer dans une taverne. Un endroit tout ce qu’il y a de plus classique dans le style de coin où il est bâtit. Un coin paumé dans un quartier miséreux. L’endroit parfait pour débusquer des gens énergiques, plein de vie, hargneux comme pas deux ! L’endroit rêvé aussi pour tomber sur tous type de bouseux, d’alcooliques et j’en passe. Je marquais une pause, constatant du regard en le promenant de part en part, que je ne m’étais guère trompé. L’endroit était bruyant et plutôt bondé. Et comme le veut le vieux stéréotype de la taverne mal famée, le niveau d’alcoolémie des uns et des autres battait des records. Cela sautait aux yeux. Une belle poudrière qui pourrait exploser à tout moment sur un geste déplacé, une insulte, un regard de travers. Et là… Un embrasement d’énergie qui n’inquiéterait nullement les plus habiles ou tout simplement les plus puissants.

Je m’avançais à l’intérieur du bâtiment me dirigeant droit vers le comptoir. Une fois assis sur un tabouret qui pouvait me permettre d’avoir une bonne vue sur cette masse d’inconnus, je commandais une liqueur tout en prenant le soin de continuer mon investigation. Là-bas au fond de la salle, deux hommes que je devinais aisément être des ninjas, à leur attitude froide et à leur self-control. L’un capuche sur la tête masquait avec soin son visage même lorsqu’il consommait le contenu du verre posé sur la table à laquelle il était attablé. De temps à autres il murmurait quelque chose à son voisin assis à ses côtés dos au mur et par conséquent faisant face au comptoir. Après quelques secondes passé à les observer, je m’intéressais à un autre lot de combattant. Des hommes habillés de façon classique : kimono, avec des ninjas-to ou des katanas ostensiblement noués à leur dos à la ceinture. Ils faisaient peur à en juger par leur allure martiale et certaines anciennes blessures, vestiges de leurs actions guerrières. Plus loin, mon regard tomba sur une femme. Toute vêtue d’une armure, armes également bien visible, elle semblait calme dans son coin, loin du brouhaha général contenu en ce lieu. Je perdais quelques secondes à l’observer lorsque soudain un verre fusa d’une table en direction du comptoir, se fracassant sur un des piliers en bois de la bâtisse et envoyant des tessons sur le crâne dévêtu d’un homme assis non loin. Ce dernier aussitôt se leva. La goutte d’eau qui fait déborder le vase… L’étincelle qui amène l’incendie…

Un souk formidable se déclencha presque aussitôt dans la taverne. Groupe contre groupe, homme à homme et femme contre femme –des fois des gens de sexe opposés aussi, s’en donnèrent à cœur joie. Les tables se mirent à voler, accompagnées des chaises et de tout ce que l’on pouvait trouver à disposition. Assis à ma table, je me contentais d’activer mes pupilles et de laisser faire. Lorsqu’une personne, un objet dangereux s’avançait trop près de moi, je ralentissais alors le temps subtilement et faisait dévier l’objet en question ou alors mettais hors combat la personne qui subitement avait souhaité me mêlée au brouhaha. Le tollé se poursuivit une minute encore. Une minute en trop qui se termina presque aussi subitement que tout ce bordel fut déclenché. Une flèche d’arbalète fusant au milieu de nulle part fit s’envoler le premier malheureux qu’elle trouva sur son chemin. Ce fut un homme, la trentaine perforé en pleine poitrine et à présent cloué au mur. Tout le monde se tut arrêtant net le mouvement qu’il faisait et se tournant vers l’auteur de ce méfait qui n’était autre… que mon humble personne. Je venais de me servir de l’arbalète du tenancier probablement trop apeuré pour lever le petit doigt tandis que son commercer partait en vrille. Tranquillement je chargeais une nouvelle flèche tandis que je constatais sans surprise qu’un téméraire tentait de s’en prendre à moi en surgissant d’une table annexe. Même procédé que d’habitude : ralentissement du temps, visée et on en parlait plus. Puis à nouveau je chargeais une nouvelle flèche en me levant du tabouret sur lequel j’étais assis. Je tenais à faire une annonce :

_ C’est bon là ? Tout le monde s’est calmé ? Ou il vous en faut plus ? Auquel cas, que le prochain qui souhaiterait une bonne dose se signale…

Une seconde, deux, trois, quatre… Dix… personne. Certains même se rasseyaient après avoir tiré une chaise encore validé pour poser leur popotin. J’affichais pour ma part un sourire satisfait.

_ Bien ! Alors je vois que tous autant que vous êtes, n’accordez probablement pas grand prix à votre vie. Et c’est certainement normal car vous avez conscience qu’elle ne vaut rien. Voilà pourquoi je vais vous faire l’offre de votre vie. Joignez-vous à moi, et je m’assurerai de vous fournir une solde mensuelle plus que correcte contre des prestations, un gîte et des couverts. Oh… Ne vous inquiétez pas, vous gagnerez bien plus que la misère que vous êtes obligés d’arracher à d’honnêtes gens tels les coupeurs de route que vous êtes probablement.

Une pause. Je posais le regard vers la foule.

_ J’attends !

Et déjà j’entendais les murmures au fond de la salle. Probablement les premiers récalcitrants. Normal.

Spoiler:

Une nouvelle fois, la paix avait été de courte durée. La guerre reprenait toujours, que ce soit de par un village shinobi ou un autre. À croire qu'ils avaient ça dans le sang, car ils recommençaient encore et encore. Pour des raisons que chaque côté jugeait bonnes, évidemment. Tous les moyens étaient bons pour obtenir l'information qui donnerait le coup de pouce afin de battre le côté adverse. Les informations, c'était ce qui se vendait le mieux. Et dans ces temps troublés, certains tiraient leur épingle du jeu. Ceux qui n'avaient qu'un seul parti : l'argent. Et peu de scrupules à faire gagner un parti plutôt qu'un autre.

Aika faisait partie de ces gens là. De ces mercenaires ou informateurs cherchant la moindre information pouvant se vendre à prix d'or. C’était pour cela qu'elle arpentait les différents tripots des pays se trouvant entre le Shukai et Kumo. Car c’était dans ces établissements que l'on trouvait ce genre de choses, ou des contacts. Et il était facile de tirer les vers du nez à quelqu'un qui avait trop bu. Shimo et Yu n'ayant rien donné, la Gekei s’était donc rendue à Ta no kuni, terre des moines. Et c’était comme ça qu'elle s’était retrouvée dans cet établissement empli de gens louches : ce qu'il lui fallait.

Attablée dans un coin de la salle, Aika observait la pièce et les gens la peuplant. Et surtout elle laissait traîner ses oreilles dans l'espoir d'obtenir une ou deux informations intéressantes. Mais depuis une heure qu'elle était là, elle n'avait rien eu à se mettre sous la dent mis à part son repas. Enfin, il y eut un peu d'action permettant de mettre fin à cette monotonie. Elle ne bougea pas pour autant, évitant simplement d'un geste agile les éventuels projectiles arrivant vers elle. Rapidement son regard se porta vers un homme arrivé un peu plus tôt.

Il n'avait pas bougé de sa place non plus, mais n'esquivait pas les objets. Ceux-ci semblaient dévier miraculeusement de leur trajectoire quand il les regardait de ses pupilles dorées. N'étant pas vraiment en face et au vu de l'activité autour, elle ne pouvait pas affirmer ce qu'elle soupçonnait. Ce fut ce même homme qui mit fin au vacarme. Il n'aimait visiblement pas la discrétion car il venait de s'afficher devant toute la salle. Aika, elle, n'avait toujours pas bougé. Et tandis qu'elle écoutait l'homme parler, elle porta même tranquillement son verre à ses lèvres.

- « Hey, toi ! Pour qui tu t'prends ? Tu t'crois p'têtre meilleur que nous ? »

L'un des « coupeurs de route » ne s'était pas ré-assis et vint se planter devant lui, l'air menaçant. Un autre se leva et poussa violemment l'opportun pour prendre sa place.

- « Tu proposes quoi, l'ami ? »

Les deux shinobis à l'autre bout de la pièce semblaient attentifs, et la femme aussi. Elle ouvrit grand ses oreilles pour écouter la suite, tout en faisant mine de ne pas s'y intéresser. Un homme proposant de l'argent, c'est toujours bon à prendre. Il fallait maintenant attendre de voir les conditions tout en sachant rester discrète.

Spoiler:

Je m’intéressais à cet individu qui le premier avait répondu à mes propos. Bien entendu il se trouvait dans un état de doute quant à la réalisation de mes doutes. Chose normale après tout. L’être humain a ce défaut de toujours chercher la fin avant même d’avoir trouvé le début ; toujours tenter de se rassurer en voulant constater, toucher du doigt des choses qui par moments doivent se faire progressivement. C’est comme vouloir arriver au bout du voyage sans avoir posé le premier pas. Il faut par moments un minimum de foi pour accepter des choses peut être intéressantes, voir rassurantes sans pour autant pouvoir les vivre ou les voir ou encore les constater.

_ Je suis meilleur que toi en tous, ça je n’en doute pas une seconde !

L’index de ma main droite était pointé vers l’homme qui m’avait interpellé. Sous mes yeux, juste après ma tirade, il fut bousculé par un autre qui à son tour m’interpellait. On aurait dit des gamins… J’évaluais déjà leur niveau et leur probable utilité : au bas de la hiérarchie du Youhei no Sekai exécutant les plus basses besognes. Eh oui, il faut de tout pour faire un monde : des grands, des petites, des forts, des faibles, des riches, des pauvres… Et ceux-ci avaient démontré qu'ils ne seraient probablement pas importants.

_ Je propose de vous engager contre pièces sonnantes et trébuchantes. Je vous propose un endroit à vous, où vous pourrez vous reposer après un dur labeur et sans vous soucier de questions de sécurité, je vous propose à bouffer gratuitement, tout ça si vous me prêtez la force de votre bras et que vous travaillez pour moi, mais aussi pour vous...

Mes mains s’étaient écartées comme si je comptais tous les prendre dans mes bras.

_ Une rémunération selon le niveau des missions que je vous confierai allant de la solde d’un Jonin à celui d’un Genin selon l’importance de la requête. Je vous propose d’intégrer un réseau que j’ai conçu qui sera à même de vous rendre aisé d’ici un an sans plus avoir à bouger le petit doigt pour vous enrichir…

Le timbre de ma voix laissait entendre à suffisance combien j’étais convaincu moi-même de ce que j’avançais. Oui j’avais bel et bien imaginé tout ça et en réalité j’avais déjà commencé à l’expérimenter notamment dans le lopin de terre sous mon contrôle au sein de ce pays : le village de Sonumi.

_ A vous de choisir, prendre le risque de tenter l’aventure avec moi, ou continuer votre train-train quotidien sans jamais pouvoir espérer atteindre la plus infime évolution dans votre vie.

Puis je me mis à attendre une énième réaction. Mais déjà il me sembla que mes premières paroles avaient fait mouche. Deux s’étaient levés, puis trois… Mon petit discours avait fait mouche ne serait-ce qu’un tout petit peu. J’essayais d’en rajouter une couche :

_ Souvenez-vous de ce jour et de mon nom, vous qui hésitez encore. Je suis Ozaï et tous ceux marchent avec moi se trouveront bientôt dans des positions intéressantes dans un avenir proche au sein de ce pays. Ceux qui rateront le train en marche ne pourrons que s’en prendre à eux-mêmes.

Je ramenais mes bras à moi-même tandis qu’il me sembla que le nombre de ceux disposés à me suivre s’accru légèrement. Cependant, les trois individus particuliers que je vis au fond de la pièce ne semblaient pas intéressés le moins du monde à moins qu’ils cachent leur jeu ou que contrairement aux autres, leur vie n’était pas si dénuée de sens et de but… Qui sait ?

Spoiler:

Suite aux doutes émis par l'un des hommes , celui qui avait fait sa proposition promit richesse à ceux qui souhaitaient le rejoindre. Il offrait gîte et couvert ainsi que solde régulière à qui le suivrait. Une proposition intéressante pour les plus démunis. Pour les autres, cela amenait à se poser des questions. Et si cela était un piège ? Mais les deux qui avaient pris la parole semblaient ne pas avoir besoin d'autres arguments car ils lui tendirent la main pour sceller un accord. Même celui qui avait été jeté par l'autre et se relevait.

- « Moi j'suis partant ! »
- « Moi aussi. »

Un autre homme présent dans la pièce s'avança vers lui d'un pas lourd. Celui-ci ne prononça pas un mot, il n'avait pas l'air du genre bavard. Mais il hocha simplement la tête pour signifier qu'il en était. Il y eut ensuite quelques instants de flottement, comme si chacun attendait que d'autres réagissent. Puis il se présenta ensuite, indiquant même avoir des projets pour Ta no kuni. Il était vrai que suite à la mort du patriarche, certains pourraient avoir l'idée de le remplacer. D'autant plus que ce Ozaï semblait avoir un port altier et que l'actuel Daimyo se désintéressait complètement de son pays. Se pourrait-il que ce soit l'idée qu'il avait derrière la tête ? Et qu'il soit en train de recruter des soldats pour sa future armée ?

À vrai dire, la réponse importait peu à la Gekei. Tant qu'il avait l'argent, le reste ne comptait guère. Même s'il était toujours utile d'avoir de bonnes relations avec lui s'il devenait le prochain dirigeant... Ceux qui étaient accompagnés chuchotaient entre eux, certainement pour peser le pour et le contre. Deux femmes qui se connaissaient – et avaient joyeusement participé à la bagarre l'instant d'avant – vinrent rejoindre le dénommé Ozaï.

- « J'en ai marre des auberges miteuses. J'espère que tu proposes mieux que ce trou à rats. »

La seconde lui offrit son plus beau sourire en le regardant de haut en bas. Et bientôt l'on se détourna de lui pour retourner à d'autres activités. Ses paroles ne semblaient pas avoir convaincu d'autres personnes. L'aubergiste servait de nouveaux verres à ceux qui le demandaient et certains sortirent. Aika attendit encore quelques instants, regroupa ses affaires et baissa sa capuche devant ses yeux. Puis elle se dirigea vers le comptoir et paya son dû. Ensuite elle marcha droit vers le Jisetsu et s'installa à sa table, prenant place sur la chaise en face de lui et sans lui demander son avis. Plantant son regard dans le sien, elle s'adressa à lui :

- « Qu'en est-il des contrats occasionnels ? »

Elle n'avait pas besoin de pied-à-terre, et ne souhaitait pas s'engager dans n'importe quoi. Il n'avait pas précisé ses ambitions, ni montré la couleur de son argent. Il avait pourtant l'air d'être bien sûr de lui. Elle émettait des réserves mais ne crachait pas sur un employeur de plus. C'était comme cela qu'elle fonctionnait, elle n'était qu'une mercenaire, après tout. La seconde femme qui avait rejoint Ozaï lui jeta un regard noir mais Aika l'ignora complètement, elle attendait simplement la réponse à sa question.

Je constatais un plaisir non dissimulé que mes mots avaient fait mouche. J’étais parvenu à convaincre une poignée d’homme et de femmes par mon discours enchanteur présentant des lendemains pour le moins heureux à ceux qui oseraient prendre le risque de s’engager avec moi. Une prise de risque qui au fond n’en était pas vraiment une car, que perdaient-ils à tenter l’aventure avec moi ? Que pouvaient-ils perdre à opter pour ce choix plutôt que de poursuivre leur probable vie sans but. Un homme ne réalise et ne se réalise que lorsqu’il avance dans le temps en étant conscients de ses objectifs. Un homme sans but, sans nindô est une âme en peine qui erre sur la terre.

Avec un large sourire et les bras écartés, j’accueillais mes nouveaux hommes tandis que mon bras droit entrait dans la pièce. De sa démarche féline et sûre d’elle, elle subjugua probablement bon nombre des mâles présents en ce lieu. Après tout n’était-elle pas une de ces femmes fatales ? Une de ces femmes au caractère de chat, douce un jour et agressive un autre, soumise un jour et exigeante un autre. Le genre de folle furieuse impossible à cerner dont raffole la plupart des hommes. C’était bien elle que j’avais choisie comme bras droit. Et malgré ses atouts non négligeable et sa beauté froide, je n’étais pour ma part intéressé que par sa forte personnalité. Aussi curieux que cela puisse être, mes yeux ne pouvaient voir ses atours et tant mieux !

_ Ma chère ramène ces cinq là au campement. Paye une charrette que nous puissions les mener sans difficulté à Sonumi.

Entre temps, une femme était parvenue jusqu’à moi et après avoir réglé certaines choses au comptoir s’était assise près de moi. Elle s’adressa à moi en me questionnant sur d’éventuels contrats occasionnels. Je pivotais, afin de me présenter face à elle histoire de lui signifier que moi aussi je m’intéressais à elle. Mais avant de répondre, tandis que je me rapprochais, mon regard se porta sur le duo de ninjas au fond. Ces deux hommes n’avaient toujours pas bougé malgré le fait que je les savais pleinement concernés par la discussion que je venais d’amorcer avec cette femme qui, depuis le début, m’avait intrigué également.

_ Oui bien sûr, je suis également preneur de ce type d’engagement même si je préfère les engagements durables. Néanmoins cela sous-entend une certaine attitude par après de la personne ayant été engagée, vis-à-vis de nos affaires. Voyez-vous l’information est une chose fort importante en ce monde est nous sommes plutôt regardants sur le profil de ceux qui souhaitent s’engager partiellement avec nous.

J’appelais un serveur tout maintenant le regard sur mon interlocutrice. De haut en bas je la détaillais tentant de deviner des choses sur elle. Mais après tout je disposais d’une bonne méthode pour le faire. Mais pas maintenant…

_ L’on vous sert quelque chose à boire ? Un dernier verre avant mon départ. C’est moi qui paie !

Un sourire. Le serveur était parvenu à notre table. Je procédais à ma commande et attendis qu’elle en fasse de même ou pas avant de poursuivre une fois le sieur parti.

_ J’ai bien quelques affaires à confier à quelqu’un comme vous mais d’abord, dîtes moi tout : qui êtes-vous, d’où venez-vous, quelles sont vos compétences principales que savez-vous faire particulièrement ? Le négoce ? Le travail manuel ? Le maniement des armes… L’assassinat ?

Ces derniers mots étaient évidemment prononcés faiblement avec un regard cependant brillant laissant entendre bien des non-dits.

Mon bras droit était partie avec les hommes pour le moment mobilisés. Le barman s'agitait avec quelques uns de ses sous-fifre pour ramasser les corps à terre et nettoyer le sang qui coulait au sol.

Spoiler: