Le soleil se lève à nouveau sur townsville Suna. Mais aujourd'hui il apporte avec lui un délicieux vent de changement. Il est parfois dur de réaliser le chemin accompli et j'ai encore de la peine à imaginer qu'aujourd'hui le village se dirige vers de meilleurs lendemains. Peut-être me suis-je trop habitué aux jours sombres pour savourer comme il se doit une journée aussi radieuse que celle-ci. Mais si les choses ont bien avancé et que Kaze se dirige à présent vers le meilleur, je reste conscient qu'il reste encore beaucoup à faire. Malgré les changements dans le pays la guerre contre Konoha fait encore rage. Et puisque les ennemis de l'intérieur ont été muselés nous devons à présent faire face à ceux de l'extérieur.

J'arpente les ruelles encore désertes sur mon nuage de sable. La nuit a été longue mais la transition s'est passée dans le calme. Alors malgré mon désir d'envoyer six pieds sous le sable quelques Yamada mes hommes et moi avons découvert que ces derniers étaient favorables au remplacement de Kibo. Une situation quelque peu inattendue qui me laisse encore perplexe. Je supposais que ces clochards allaient soutenir l'élève de leur ancien chef de clan et qu'ils opposeraient au moins une résistance symbolique. Mes espoirs ont, il faut le dire, été douchés. Mais il y a trop de points positifs pour que je laisse ce fichu clan assombrir cette splendide journée. Je suppose qu'on ne peut jamais tout avoir...

Le village s'éveille peu à peu et les civils se joignent aux soldats qui maintiennent le calme. Là encore les visages ne sont pas si tirés que je m'y attendais. J'ai toujours considéré Suna et son peuple comme des ennemis. Mais je suis forcé de constater que d'autres partageaient peut-être mon avis sur Kibo. C'est une bonne chose! Et ce n'est pas si inattendu que ça dans le fond: qui souhaite suivre un chef dont la première action est de plonger une nation entière dans la guerre et ce, pour des raisons personnelles? Je suppose que même les inférieurs sont capables d'un brin de discernement. Voilà qui est plutôt encourageant!

Finalement la massive bâtisse où siègent depuis des années les dirigeants du village se dresse face à moi et me recouvre de son ombre menaçante. Je crois que c'est la première fois que je suis ravi de m'y rendre. Peut-être parce que je sais que je rencontrerai alors une personne digne d'intérêt, qui partage en grande partie mes objectifs pour ce pays. Et mine de rien ça fait un bien fou. C'est également la première fois que j'ai l'impression de m'y rendre en allié.

"Je souhaite..." dis-je à l'adresse des gardes avant de me reprendre. "Non, en fait je veux voir le Régent! Il est au courant de ma venue!"

Les deux hommes échangent un regard perplexe mais je suppose qu'ils savent que j'ai été l'un des artisans de cette grande victoire pour le village. Et dans tous les cas ils n'ont guère le pouvoir de refouler le chef de l'un des clans les plus influents de Kaze. Je croise donc les bras en passant un regard blasé sur les deux hommes jusqu'à ce que l'un d'eux s'écarte de notre petit groupe pour aller avertir l'intéressé de ma venue. Quelques minutes plus tard je suis donc en train d'arpenter les couloirs du dernier étage jusqu'à la double-porte abritant le bureau du Toshiro.

Un secrétaire m'annonce puis me libère l'accès à la pièce dans laquelle je rentre sans me faire davantage prier. La dernière fois que je suis venu ici c'est pour que Kibo me parle de l'avancée des travaux de réparation de Suna. Aujourd'hui nous pourrons certainement traiter de sujets plus ambitieux. J'adresse un signe de la main au nouveau Régent et vais même jusqu'à le gratifier d'un sourire. Pourquoi être avare en politesse alors qu'aujourd'hui est un jour de fête?

"La décoration laisse à désirer..."

Ce n'est pas vraiment un reproche, juste la manifestation d'un caractère quelque peu rugueux. Mon sourire va en s'accentuant, signe que je plaisante. Après tout il fait ce qu'il veut de ses locaux. Maintenant c'est lui le maître! Loin de moi l'idée de lui donner des conseils au sujet de la décoration. Déjà parce que je laisse ça aux efféminés mais aussi parce que je ne souhaiterais pas qu'il vienne me dire comment décorer le Hall du Sable. Chacun chez soi, quoi!

Je termine ma rapide inspection du bureau puis vient m'installer sur la chaise en face du Toshiro. Je ne tarde pas à la trouver inconfortable. Mon divin fessier méritant mieux, j'aspire du sable en dehors de la bâtisse et forme ensuite mon habituel trône de silicium. Un peu tape à l'oeil? Pas grave!

"Je crois qu'il est temps que nous abordions certains sujets toi et moi! Je suppose que mon... aide ne se limite pas à ta prise de pouvoir n'est-ce pas? Tu sais très bien ce que je pense de Suna et je ne m'en cache pas! Mais j'ai foi en ta capacité à gérer l'avenir!" je marque une pause et hausse les épaules. "Je souhaite faire parti de ce que tu construis ici en attendant que je puisse me tourner vers mes propres objectifs! La question est... qu'envisages-tu pour ton plus proche allié?"

Droit au but, comme toujours! Je veux savoir à quoi m'attendre, ne pas être pris à contre-pied. Cela relève de la plus élémentaire prudence mais aussi de l'exigence diplomatique. Car finalement le temps où nous imaginions l'avenir dans un bar perdu n'est plus. Aujourd'hui nous ne sommes plus ces rêveurs. Nous sommes à la tête d'un village et d'un clan. Et à ce titre l'amitié seule ne peut plus suffire à renforcer le socle qui nous uni...

De ma position, j'avais une vue d'ensemble sur le village. Je me trouvais sur le toit du Palais et j'observais Suna. C'était une habitude pour moi, je le faisais déjà auparavant sur le toit du Midorhato et du Kakumeigun. Mais depuis que la capitale m'avait nommé régent, ça me semblait légèrement différent. Je sentais comme un poids supplémentaire, comme si on comptait plus sur moi ; C'était en effet le cas. Je m'étais d'ailleurs engagé auprès du peuple afin de régler les conflits majeurs qui menaçaient notre nation. La guerre ? Je n'en voyais pas l'utilité en ce jour, elle ne pouvait apporter que malheurs à notre village. Sans être un rêveur qui ne jurant que par un monde parfait, je me voyais plutôt comme le moyen d'unir. L'unification était peut-être le remède dont avait besoin Suna pour se relever. Pouvais-je faire cohabiter des personnes si différentes ? Pouvais-je apporter une paix durable à Suna ? Ces réponses là, je ne les avais pas. Ce que je pouvais dire par contre, c'était que j'étais prêt à tout pour réussir.

Je m'étais égaré dans mes pensées mais tout à coup je me focalisai sur un sujet bien précis : mes capacités. Aujourd'hui je ne pouvais plus produire de Shôton, chose que je regrettais amèrement. Comme une contrepartie, j'avais dorénavant des pupilles dorées. Je n'arrivais pas encore à contrôler ces dernières et pourtant je m'y étais essayé. Il restait encore tant de mystères que je ne pouvais résoudre qu'avec un membre du clan Jisetsu. J'excellais dans le domaine du Shôton, perdre toutes mes capacités avait été quelque chose de dur pour moi ; Ce qui l'était encore plus, c'était le fait de ne pouvoir maîtriser correctement ce don héréditaire... Allié à ça, mon Henka Akuma était toujours terré au fond de moi. J'avais réussi à le réprimer mais je ne pouvais toujours pas l'utiliser convenablement. Il avait beau sommeiller en moi, je ressentais son impatience, il attendait le bon moment pour reprendre le dessus-..

Malgré ça, j'étais tout de même parvenu à répondre à une attaque de Konoha. Je n'étais donc pas inutile, cela ne m'enchantait guère mais j'avais mis à genoux les deux partenaires d'un Inuzuka. Ces détails n'allaient pas m'empêcher de respect mon serment envers les Kazejins. Enfin, je soupirai un grand coup avant de m'étirer. Quelques minutes plus tard, je me trouvais dans mon bureau. J'avais quelques dossiers à lire et à signer, une personne était présente pour m'assister dans mes tâches et surtout me guider. Même si j'en avais l'habitude avec les Toshiro, je devais tout de même être formé. Alors que j'étais concentré sur mes dossiers, je vis entrer Kawaguchi Kira, un camarade. Comme à son habitude, il laissa échapper une petite remarque. C'était sa façon de me saluer, j'esquissai un sourire avant de refermer les dossiers et les déplacer à ma droite. Je croisai les bras comme pour attendre la suite, le connaissant je pouvais m'attendre à tout. L'apprenti décorateur prit finalement face à moi après son inspection pour prendre la parole.

Mon interlocuteur se posait quelques questions quant à son rôle au sein de notre nouveau Suna. Pour moi la réponse était plus qu'évidente, elle l'était sûrement aussi pour lui ?

«  Pour mon plus proche allié, j'envisage une place dans les cuisines... Tu serais un merveilleux chef tu le sais ? »

Dis-je d'un ton sérieux avant de laisser échapper un petite rire. Je me doutais que cette phrase n'allait pas lui plaire et c'était le but. Cela dit, je ne mis pas longtemps à reprendre la parole pour cette fois répondre correctement à sa question.

«  Il est logique de penser que je souhaite avoir à mes côtés un homme qui a mis la vie des siens entre mes mains. C'est ce à quoi j'aspire, je veux que tu sois un membre du conseil. Le Conseil aidera à prendre des décisions en toutes circonstances et sera composé de plusieurs personnes d'horizons différentes. Je veux que tu sièges à celui-ci et que tu continues à aider le village. »

Je marquai une pause de quelques secondes pour le laisser réfléchir à sa nouvelle fonction au sein du village.

«  Certains penseraient que je suis fou à nommer un homme aussi radical comme toi et pourtant je pense que c'est ce sont tes avis tranchés qui pourront nous faire avancer. Je veux les confronter à d'autres avis afin de pouvoir dégager les solutions qui permettront à Suna de grandir et de reprendre sa position d'antan. Bien sûr, je ne te l'ai pas encore proposé officiellement...  »

Je me levai de ma chaise avant de tendre ma main droite, c'était ma façon à moi de le remercier pour son aide. Le Kawaguchi avait tant contribué et prit sur lui, qu'il méritait d'être estimé.

«  Kawaguchi Kira, acceptes-tu d'être un membre du conseil et de promettre de faire tout ton possible afin de protéger les Kazejins au travers de cette fonction? »

La frustration - aux cuisines? Moi? - laisse place à la réflexion. Il est vrai que l'une des places de ce... conseil me revient de droit. C'est même la moindre des choses. Mais une institution comme celle-ci est soumise à une règle des plus évidente. Plus il y aura de personnes pour occuper ces postes et moins ces derniers auront de valeurs. S'agit-il d'un conseil restreint? D'une assemblée offrant la possibilité de s'exprimer à des dizaines de voix? Comment m'assurer que la mienne vaudra plus que celles des autres? Car il est déjà évident pour moi que je ne tolérerai pas d'être remis en question par un inférieur qui dormait tranquillement chez lui tandis que nous délogions du pouvoir le digne héritier de Kioshi...

J'observe ainsi la main tendue du Toshiro puis croise son regard. Je ne suis pas un chien à qui l'on balance une friandise parce qu'il s'est montré docile. Avant de sceller un accord dont je ne sais rien, je veux obtenir des réponses. Et surtout satisfaire mes propres intérêts via cette négociation. Car si je suis venu avec l'espoir d'obtenir une récompense digne de l'aide offerte, je souhaite également m'approprier certaines facettes de Kaze. Une, en particulier.

"Quand tu me dis que ce conseil sera composé de... personnes d'horizons différents... Qu'entends-tu exactement par là?" dis-je en haussant un sourcil. "Et de combien de personnes parlons-nous exactement?"

Si j'ai la réputation d'être une personne radicale - comme le dit si bien le noiraud! - ce n'est pas non plus un hasard. Disons que j'ai ma propre notion du partage et une vision plutôt étriquée lorsqu'il s'agit de la hiérarchie qui devrait régir la nation. Ogami le sait très bien. Et à travers mes simples questions il perçoit sans doute ce qui me gêne véritablement. Nous allons gagner du temps!

"Et puis tu sais très bien que je ne ferai pas ce serment! Je ne souhaite pas protéger le peuple de Kaze! Ce que je souhaite protéger, moi, c'est le sol qu'ils foulent. Le désert est la véritable âme de notre nation!" Et, par extension, les Kawaguchi. "Néanmoins mes desseins s'accordent avec les tiens. Que ce soit le peuple ou le désert, nous souhaitons tout deux protéger ce qui nous est cher. N'est-ce pas l'essence-même de notre alliance?"

Mon trône pivote lentement pour m'approcher des ouvertures dans le mur. Mon regard se pose sur divers édifices religieux puis vagabonde sur les imposantes murailles qui séparent ce que certains appellent "la civilisation" de l'océan doré. Mes ambitions sont semblables aux sables: elles ne se limitent pas à la Voie Illusionnée. Elle envahissent tout, débordent sur les rêves des autres. Et il est temps de concrétiser une partie de l'avenir que je me vois embrasser.

"Je résiderai à Suna pendant un certain temps et mes meilleurs guerriers seront à ton service jusqu'à ce que la guerre dure et sans doute après. Je respecterai ainsi l'accord que nous avons conclus. Mais le village est ton fief. Le mien, c'est le désert. Et quel meilleur endroit pour symboliser cette évidence que le Temple d'Ichibi?"

Je me masse machinalement le ventre. Les sceaux imbriqués ne me calcinent plus depuis longtemps maintenant. Mais j'ai toujours l'impression de ressentir la douleur des premiers jours lorsque j'évoque la créature terrée au fond de mon être. Je sens son intérêt pour cette discussion et s'il ne se manifeste pas c'est qu'il y trouve certainement son intérêt. Je crois d'ailleurs savoir lequel. Il faut dire qu'il est plutôt évident compte tenu des plans que j'ai en tête.

"Suna est une arme émoussée mais sous ton règne elle retrouvera l'état d'antan. J'en suis pratiquement certain. Enfin... Disons que je le suis à quatre-vingt pour cent!" une précision que j'agrémente d'un sourire aussi amusé que narquois. "Mais l'aspect militaire n'est que l'une des facettes de Kaze, aussi importante soit-elle en temps de guerre. Et je crois que la religion doit être au service du pays lorsque une situation comme celle que nous vivons aujourd'hui se présente."

J'en arrive au point critique, celui où j'expose clairement mes exigences. Il est probable que le Régent ait déjà compris où je veux en venir. Mais dans le doute il s'agit de formuler clairement mes exigences. Après tout même si le Toshiro est particulièrement vif d'esprit et de bonne compagnie, il n'en reste pas moins un inférieur. Il faut toujours être concis avec ces gens-là pour être certain qu'ils vous comprennent. Expérience faite!

"Je vais étendre mon influence sur les prêtres, moines et autres bigots de notre merveilleuse nation. Il est grand temps de remettre de l'ordre dans ce foutoir spirituel qu'est devenu la religion et que les gens se rappellent la puissance de la foi. Je ne te demande pas ton aide mais plutôt que tu ne te mettes pas en travers de mon chemin! Chacun chez soi comme on dit n'est-ce pas?" j'agrémente ma référence d'un léger haussement d'épaule. "Si tu trouves que ma demande est acceptable alors je n'ai aucune raison de considérer que la tienne ne l'est pas!"

C'est ainsi mon tour de mon lever pour tendre ma main à mon ami. Les choses sont certes un peu formelles mais nous portons sur les épaules les poids de nos propres fonctions désormais. La simplicité n'égaiera sans doute plus nos dialogues désormais. Mais nous avons enfin les moyens de nos ambitions respectives. Et de celles-ci naîtront une Suna et une Kaze dignes de leur glorieux passé commun...

« Cinq tout au plus et oui ce que je recherche, c'est la diversité. J'entends par-là, des personnes qui n'ont pas forcément les mêmes idées et qui pourront les confronter aux autres. »

Bien sûr, cela impliquait des origines différentes, des clans différents-.. Cela dit, un conseil devait être composé de personnes expérimentées et donc à même de pouvoir apporter des conseils sur un problème donné. Je ne pouvais me permettre de collaborer sur certains points avec des personnes n'ayant pas encore été confronté à certaines choses. Cela était simplement du bon sens. À côté de ça, je me trouvais face à un homme qui avait préféré s'asseoir sur un trône de sable plutôt qu'une chaise. Kira était spécial et peut-être unique dans son genre, c'était ce qui faisait sa force mais aussi sa faiblesse. Encore aujourd'hui il le prouvait en ayant choisi un trône, se sentait-il supérieur à nous ? Je pouvais répondre sans l'ombre d'un doute que oui, son caractère bien que spécial pouvait être interprété de bien de façons mais moi, je voyais clair dans son jeu. Il avait ses propres objectifs, il souhaitait protéger le désert et donc les siens. Nous avions ce point en commun qui avait fait que nous avions pu collaborer ensemble.

De plus, il ne fallait pas oublier que cet homme détenait en son corps une des armes la plus puissante au monde, Ichibi. À une époque, je considérai peut-être cette entité comme une divinité mais au final ce n'était qu'un démon qui avait essayé d'attenter à la vie des nôtres. J'avais d'ailleurs appris une nouvelle à ce sujet, il avait soit-disant partager aux siens ce secret. Enfin, ce n'était pas le sujet à aborder à ce moment précis-..

Pour répondre à sa question sur l'essence de notre alliance, je ne fis qu'un signe de la tête. Il en vint alors à dire que le village était mon fief, me comparait-il à un seigneur ? J'écarquillai les yeux et l'observai d'un air interrogatif. Où sont esprit allait-il encore nous mener ? J'eus ma réponse que très rapidement, il voulait symboliser le fait qu'il considère le désert comme sa propriété en s'appropriant le temple d'Ichibi. Mon interlocuteur commença par m'expliquer que Suna allait retrouver son éclat avec moi à sa tête, il n'était pas entièrement convaincu cela dit et me laissai une remarque en plus d'un sourire narquois pour me le faire comprendre. Je répondis à cela par un sourire moi aussi, légèrement amusé par son comportement. Cela dit, il me fit comprendre que la religion devait aussi être au service de son pays et je ne mis pas longtemps à faire le lien entre Ichibi et cela. Autrefois je vénérai le démon du sable moi aussi, qu'avait-il vraiment derrière la tête ?

Le Kawaguchi en vint au fait en expliquant qu'il souhaitait étendre son influence et donc utiliser le démon enfoui en lui. Il me demandait de laisser ce nouveau projet voir le jour, de ne pas me mettre en travers de sa route.

«  J'ai beau ne pas avoir les détails de tes projets que je vois déjà où tu veux en venir. Je vais te répondre de la façon la plus simple possible. Tant que tes projets ne menacent pas la sécurité de notre pays et les résidents de ceux-ci, je ne me mettrai pas en travers de ta route. Dans le cas contraire, j'utiliserai toutes la force à ma disposition afin de régler le problème. »

Je marquai une pause de quelques secondes et pointa du doigt son ventre. Celui qu'il avait touché auparavant en prononçant simplement le nom du démon.

« Appelons cette chose comme elle doit être appelée, un démon. Ce démon devait rester secret et j'ai entendu dire que tu avais divulgué ce secret. En plus, tu veux maintenant l'utiliser-... Sais-tu ce que ça va provoquer ? De la convoitise dans le monde entiers et ça risque d'être très problématique dans le futur. Seule notre collaboration pourra t’éviter la perte des tiens et que ton désert reste intact, tu le sais n'est-ce pas ou peut-être es-tu simplement trop fier pour l'avouer ? »

Dépendre de quelqu'un n'était pas dans son habitude et cette situation pouvait sûrement le déranger mais au fond ce n'était qu'une suite logique à notre collaboration.

« Alors maintenant que je suis disposé à répondre à tes attentes, l'es-tu aussi ? Tant que tu respecteras ta part du marché, j'en ferai de même. »

Souhaitait-il toujours sceller cet accord par une poignée de main ?

Cinq personnes, moi inclus? Ça pourrait être pire je suppose. Il suffira de faire pression sur deux personnes pour m'assurer la majorité. Même s'il faudra vraisemblablement composer avec l'avis d'inférieurs. Un conseil composé exclusivement de Kawaguchi a peu de chance d'être, je le concède. Ce qu'Ogami appelle diversité, je le nomme médiocrité. Et il semble évident que j'y serai constamment confrontée. C'est un inconvénient qui me donne purement et simplement envie de refuser.

Mais dès le moment où l'on s'élève dans la hiérarchie d'une nation ou d'un village il s'agit de composer avec des gens qu'on préférerait voir ramper à vos pieds. Je pourrais plutôt me concentrer sur le fait que j'aurai l'oreille du Régent et un regard sur ce qu'il se passe dans le village. Et puis cette place dans ce conseil n'est qu'un moyen et certainement pas un but. J'arriverai à m'en contenter. Et si je ne supporte plus la présence de quatre abrutis à mes côtés je n'aurai qu'à abandonner mes fonctions. Mon présent est certes à Suna. Mais mon futur ne se limite pas aux murailles d'un simple village militaire...

De plus Ogami semble d'accord avec le fait de me laisser carte blanche. Du moins tant que je ne mets pas en danger la nation. J'ai une idée des limites qu'il imagine tout comme je suis conscient que nos visions sur le "bien" du pays divergent lorsqu'on les développe. L'accord me semble néanmoins acceptable. Ainsi je sais à quoi m'en tenir et ça me permettra de poser les bases d'un nouvel avenir spirituel pour le Vent.

"Évitons simplement de nous retrouver sur le chemin de l'autre, donc!" dis-je avec un léger sourire. "De toute façon ni toi ni moi n'avons à gagner quelque chose en optant pour la confrontation! Nous sommes alliés après tout..."

Un simple rappel qui me semble pourtant nécessaire. J'attendais peut-être un peu plus d'enthousiasme de sa part. Mais peu importe la forme après tout. Le fond me satisfait. Du moins jusqu'à ce que le sujet dévie sur le démon prisonnier de ma chair. Mon scepticisme se traduit par un sourcil levé tandis que je laisse mon partenaire poursuivre sa réprimande. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas eu l'impression d'être un petit garçon qui a commis une bêtise. Pour qui se prend-t'il?

"Je n'ai aucun secret pour mon clan et tu le sais très bien!" je me penche quelque peu en avant. "Le Daimyo ne m'a pas laissé le choix avant d'enfermer ce démon dans mon corps. Mais maintenant qu'il y est j'entends bien l'utiliser comme je l'entends. Et certainement pas dans le but de servir un quelconque but politique. Je ne suis pas un... outil dont on dispose à sa guise!"

Je sais que ce n'est pas le sens des propos d'Ogami. Malgré tout il est l'une des rares personnes avec lesquelles je partage certaines de mes émotions. Il semble juste de laisser échapper ma frustration en sa présence. Peut-être parce que je sais qu'il fera l'effort de comprendre même si de nombreuses responsabilités pèsent à présent sur ses épaules.

"On s'est servi de moi pour garder Shukaku prisonnier. Alors en retour j'entends bien me servir de lui pour donner au Vent un avenir dont il pourra être fier. Si je dois le payer de ma vie, soit. Mais je ne vivrai pas caché!" et puis quoi encore? "Et puis franchement je doute que quelqu'un soit assez stupide pour tenter sa chance contre moi..."

Quoique... Il y a un peu de tout dans ce monde. Je ne devrais pas pêcher par excès de confiance, je le sais. Mais je vois mal comment quelqu'un pourrait m'atteindre en plein milieu de ce désert, épaulé par les miens et les alliés. Que ces derniers m'apportent leur soutien par envie ou par obligation... Après tout je suppose qu'il est désormais de la responsabilité du Régent que de veiller à ma sécurité.

"Les Kawaguchi ont besoin de Suna, c'est vrai. Mais la réciproque est vraie. Ce n'est pas seulement pour mes beaux yeux que tu t'es allié avec moi... Nous gagnerons cette guerre et celles qui suivront si nous savons rester unis. C'est ce que nous souhaitons tous les deux pas vrai?"

J'ajoute un sourire à ma remarque avant de finalement lui serrer la main. Maintenant que nous savons l'un et l'autre à quoi nous en tenir nous allons pouvoir nous concentrer sur la redressement du pays.

"C'est toujours un plaisir de faire affaire avec toi!" et je le pense! "Maintenant si tu veux bien m'excuser! Tu as sûrement une longue et pénible journée qui t'attends et je l'ai déjà assez égayée pour aujourd'hui! Amuse-toi bien le Régent!"

Je n'imagine même pas le nombre de choses qu'il va devoir gérer ces prochains jours. Je lui adresse un signe de la main puis un regard amusé avant de quitter le grand bureau. Peut-être devrais-lui envoyer Tali pour le détendre un peu...