Hiriko était dévasté. En un instant, en une fraction de seconde, la première personne qui lui avait fait voir autre chose que sa mélancolie avait, elle aussi, rejoint le passé. Il avait suivi son histoire, était conscient de son dangereux penchant pour les ténèbres, néanmoins cela n'enlevait rien à son idéologie, et à sa volonté de faire un monde nouveau. Cette voie qu'il avait lui-même tracé était devenu la sienne, le jour où il comprit que son cœur ne battait que pour lui. Peut-être que c'était à force d'être un confident ? Qui sait... Mais aujourd'hui, est-ce que cela avait une quelconque importance ?

I n'en avait aucune idée. Tout ce qu'il savait, c'était que la pire chose à faire était de laisser tomber. Surtout, il ne fallait pas laisser tomber, sinon à quoi bon tous ces sacrifices, qui avaient coûté jusqu'à la vie de celui que beaucoup admiraient ? Oui, il n'y avait aucun doute que se relevait serait difficile, que celui qui allait succéder à la place de Tsugurike allait avoir du pain sur la planche pour égaler Seitô... Mais il fallait garder espoir en un avenir meilleur...

Marchant d'un pas rapide, Hiriko se dirigeait vers un le dernier souvenir vivant de l'ancien dirigeant : son élève. Kôhei était la dernière personne en qui subsistait une des flammes de volonté pure du Sabakyô.

« Kôhei. »

La voix du Nousagi était claire, mais teinté de tristesse. Face à lui,il n'avait pas vraiment à prendre de gant.

« Avant de mourir... Seitô ma donné une lettre pour toi. Il faisait toujours se rituel, au cas où il ne rentrerait pas... »

Depuis sa mort, le Yamanaka ne fermait plus les yeux. Il fixait l'ancien élève de Seitô avec un regard émeraude, avant de lui déposer la lettre dans ses mains.

« Je viens d'apprendre que Nozomi a décidé de partir. De quitter le rêve de Seitô... Je ne le ferai pas, je ne compte pas bafouer sa mémoire. Pour sa mort, je compte continuer son œuvre. Mais aucun de nous est capable de diriger le Shôraizen sauf une personne... Une personne qu'il a choisi lui-même. »

Il fixa Kôhei du regard décidé.

« Mais avant j'aimerais savoir ce que tu comptes faire... Et surtout, le nom de son assassin. »

Les heures passaient, mon état ne s’améliorait pas. Pas ma condition physique, non. Je parlais bel et bien de mon état... mental. Depuis cet événement, je n’arrivais pas à me faire à cette idée. Il n’était plus là... c’était un fait, et pourtant cela restait inconcevable pour moi. On vivait dans un monde où la mort venait fréquemment. Elle frappait, et mettait fin à nos jours, les uns après les autres, sans que l’on ne s’y attende. Je le savais très bien, j’en avais conscience. Et pourtant, je ne pouvais me résoudre à son départ... si soudain. D’autant plus que j’y étais. Sur place, lorsque cela s’est passé... je n’ai rien pu faire pour l’aider, pour le sauver... pour le venger.

La dernière image qu’il aura de moi, c’est celle d’un gamin faible, impuissant, et incapable de sauver son maître de la mort qui l’attendait.

Silencieux, dans ma chambre, je n’en étais pas sortie de la soirée, pas après mon passage à la clinique, et ma discussion avec Nozomi. Et c’est dans ce silence le plus total, qu’un son extérieur se faisait entendre. Un chakra puissant s’approchait, et semblait se diriger vers ma porte. Cette signature... ne m’était pas inconnue. Avant qu’il n’arrive, je lui ouvris la porte.

Hiriko. C’était bien lui.

Bonsoir... Hiriko.

Un ton monotone. Néanmoins, on pouvait bien voir sur mon visage que ça n’allait pas. Inutile d’essayer de ne pas le faire paraître, je n’en avais pas la force. J’écoutais le Yamanaka, entendant ce qu’il avait à me dire. Une lettre, hein... j’ignorais qu’il prenait cette peine, avant chaque mission. J’observais l’enveloppe, maintenant dans mes mains, silencieux. Ainsi, à l’intérieur... il y avait ses dernières paroles. Les dernières qu’il aurait à mon égard...

… merci. Je la lirai... au calme. Entre.

Au calme, oui. Prochainement... une dure épreuve m’attendait. Celle de me résoudre, à recevoir ses dernières paroles... les dernières. Il n’y en aurait pas de prochaines...

Le Nousagi reprit alors. Nozomi partait... oui, je le savais. J’hésitais à suivre son chemin. Ou du moins, à suivre le mien, et partir d’ici. Il n’y avait plus personne en qui je pouvais avoir confiance, ici. Peut-être... lui ? Ce serait bien le seul alors. Ce qui d’ailleurs se confirma, par le fait qu’il ne voulait pas lâcher, il voulait encore se battre, pour continuer son oeuvre, en sa mémoire. Ambitieux. Mais à quoi bon, si c’est pour se faire détruire de l’intérieur ? Et d’autant plus que... Seitô lui aurait désigné un nouveau chef, en cas de problème de ce genre. Une personne qui était capable de reprendre la tête ? Qui ?

Et en écoutant sa dernière phrase, mon regard s’assombrit légèrement...

Miko. C’est Aburame Miko qui l’a tué. Elle a profité d’un excès de confiance à son égard, pour l’achever plutôt que de le sauver.

Miko... quoique je fasse, que je reste ou que je parte, tu ne t’en sortiras pas comme ça. Et ce que je compte faire, hein...

J’ai été le premier à la rencontrer, après sa désertion. C’est moi qui ait certifié qu’elle pouvait être digne de confiance, qu’elle n’était pas une traître. C’est encore moi qui l’ait menée jusqu’à nous... j’ai eu confiance en elle. Et elle nous a trahit, prenant avec elle la vie de Seitô...

Respirant un bref instant, je repris.

J’ai failli à ma tâche, Hiriko. J'ai ma part de responsabilité dans sa mort. La trahison, venant d'une personne de confiance, est bien dure à encaisser... surtout lorsque cela coûte la vie de mon maître. Comment avoir confiance aux autres, après ce qu'il s'est passé ? Hormis toi... je ne vois pas à qui je pourrais me fier ici. Et Nozomi, mais... elle part. Je sais pas quoi faire.

Partir. C’était une éventualité à laquelle je pensais... fortement. Il était la seule personne en qui je pouvais avoir confiance... parmi tous les autres membres du Shôraizen. C’était beaucoup trop peu, pas après ce qu’il s’est passé. Il n’y avait aucun autre nom qui me venait à l’esprit. Néanmoins, j’en venais à un autre point qu’il avait soulevé... la succession d’un nouveau chef.

Je ne vois pas qui pourrait prendre la relève de Seitô. Pour moi, personne n’en est capable. Alors... qui est-il ?

J’étais bien curieux de le savoir. Qui pouvait égaler, voire faire mieux que mon propre maître ? Parmi nous, il n’y avait personne qui était de ce calibre. Il fallait se rendre à l’évidence... la fin approchait.

Miko. C'était donc elle. Elle contre qui toute cette froide rage destructrice teintée d'une tristesse inconsolable allait s'abattre. Elle le paierait, Hiriko y tenait et y veillerait. Jamais elle ne s'en sortirait comme ça. C'était une traîtresse, dans leur propre rang, une sœur d'arme, qui avait mis fin trop tôt à la vie de celui qui lui avait tendu la main. Que ce soit lui ou quelqu'un d'autre, il agirait pour la première fois dans l'histoire pour la détruire.

Tel son Maître, Kôhei lui confia sa peine, sa douleur et ses doutes. Comment ? Pourquoi ? Tant de questions qui se bousculaient dans sa tête, entremêlées a cette tristesse que tout deux partager. L'amour d'un maître et de son élève était quelque chose de mystérieux. Il s'agissait d'un lien immuable, une transmission de volonté que rien ni personne ne pouvait altérer. Et de la volonté de Seitô, seul Kôhei avait réussi à assimiler cette lourde et imposante flamme qu'animait Seitô...

Il était le dernier d'entre tous ceux qui avait essayé, à être aujourd'hui vivant.

« Je l'ignore Kôhei. Je sais simplement que tu peux faire confiance aux Aizuyake. Peut-être que Seitô avait en tête de faire d'Aburame Miko une Aizuyake, c'est pourquoi il a placé sa vie entre ces mains. Mais les autres Aizuyake sont encore de confiance... De plus... Je suis sûr que cette lettre te donnera les réponses que tu cherches. Tout ce que je sais, c'est que tu es Hyô Kôhei... Le dernier élève de Sabakyô Seitô encore vivant, celui qui porte l'entièreté de sa volonté. Car tout porte à croire que Hyô Matawa est mort dans l'exercice de ses fonctions. »

Hiriko ferma les yeux quelques secondes, écoutant la question de Kôhei. Qui était celui que Seitô avait jugé capable de le remplacer hein ?

« De ce que je sais, il s'agit d'un Homme qui se nomme... Mitsumori Yahiro. Il fut et demeure le dernier homme ayant suivi l'entraînement du Maître de ton Maître, de notre Tsugurike. Le troisième du trio qu'étaient Sabakyô Seitô, Sabakyô Saya, et Mitsumori Yahiro. C'est cet homme que nous devons chercher et trouver... Mais ce n'est pas ma mission, je dois rester ici et garder le contrôle jusqu'à ce que tu retrouves cet homme... »

Il sortit de la chambre, mais avant quoi, il posa une dernière fois son regard sur lui.

« Seitô avait confiance en lui, et pensait qu'il serait le plus apte à le remplacer le jour de son départ. Je faisais confiance à Seitô, c'est pourquoi je crois en ces dernières paroles, et placerais cet homme à la tête du Shôraizen. Aussi... Une dernière chose... »

Il prit une pause, un silence... Avant d'annoncer difficilement.

« Le Shôraizen est une lumière, une puissante lumière pour la libération de l'humanité. Mais qui dit puissante lumière, dit puissante ténèbres. Seitô était cette Ombre, mais désormais, j'ignore à qui il a offert ce lourd fardeau... »

Il sortit de la pièce. Ce n'était pas une question, il ne voulait pas de réponse. Il ne voulait que suivre, une dernière fois, les instructions de celui qu'il aimait...

Faire confiance aux Aizuyake. Peut-être, je n’en savais rien. Seitô avait placé sa confiance en eux, tout comme il l’avait fait avec Miko, durant ses derniers instants. Ce n’était pas raisonnable. Pourquoi aurais-je confiance en eux ? Ne sont-ils peut-être pas comme elle, après tout ? Je n’en savais rien. Personne n’en savait rien. Les mauvaises intentions de chacun sont, malheureusement, inconnues aux yeux de tous. Et lorsque l’on s’en rend compte... on en tombe de bien haut. Je ne peux pas tolérer que l’histoire se répète, une fois de plus.

Seulement, ses derniers mots eurent un tout autre effet... comme celui d’une nouvelle lame, que l’on enfonçait profondément dans le coeur. Le dernier élève, encore en vie. Il ne voulait quand même pas dire, que... oui, c’était bien ça. Lui aussi, était mort.

Matawa...

C’est insensé... ce n’est pas possible. Pas lui aussi. En si peu de temps, perdre autant... qu’avais-je fait pour mériter ça ? Pourquoi était-il mort aussi ?! Mon maître, mon cousin et coéquipier... mon amie qui nous quittait... quelle était la prochaine étape ? Pourquoi ne pas me prendre moi, pour en finir avec cette torture ? Qu’est-ce que je devais accomplir, sans eux ? Quel chemin devrais-je prendre... ? Je n’en avais aucune idée. Chaque minute qui passait était une torture, et apportait son lot de mauvaises nouvelles. Je redoutais la suite.

Désolé cousin, toi non plus, je n’ai pas su te protéger... ah, je suis pitoyable.

Le Yamanaka me parla ensuite de l’homme dont il était question. Cet homme qui allait prendre la tête du Shôraizen. Cet homme qui allait prendre la place de mon maître. Tss. Comme si quelqu’un en était capable. Il ne pourrait pas l’égaler, et encore moins le surpasser... c’était peine perdue. Même si ses paroles m’intriguaient tout de même, à son sujet. Le dernier élève, du maître à Seitô ? Je savais qu’il y avait sa soeur jumelle dans le lot, mais il ne m’avait jamais parlé du troisième de l’équipe. Je me l’étais imaginé disparu, voire mort. Et il serait encore en vie... prêt à diriger le Shôraizen, à sa place ? Pourquoi ne resurgirait-il que maintenant ? ... Qui était-il ?

Si Hiriko lui faisait confiance... je n’étais pas du même avis. Pas tant que je n’aurais vu de mes propres yeux qui il était réellement, et ce qu’il valait.

Il commençait à sortir de ma chambre, parlant d’une dernière chose. Quelque chose de plus... mystérieux. Une part de ténèbres... une ombre... un fardeau... Seitô. C’était ce qu’il avait enduré... il partit néanmoins sur une dernière exclamation. Qui allait en hériter ? Je ne savais pas quoi répondre, et tout laissait à penser qu’il ne voulait pas de réponse particulière, puisqu’il partit directement. Il m’avait dit ce qu’il avait envie de dire, et avait eu la réponse qu’il attendait.

Merci, Hiriko.

Je n’étais pas totalement en accord avec le discours qu’il m’avait tenu. Seulement, son intervention m’était bénéfique dans un sens... il arrivait à garder la tête froide, malgré ça. Et pourtant, ils étaient proches également. Lui ne voulait rien lâcher, en mémoire de Seitô. Était-ce ça, le chemin que je devrais également prendre ? Je n’en savais rien. La réponse ne se trouvait pas dans les interrogations que je me posais... mais dans cette lettre, que je tenais entre mes mains.