Peut être deux jours après...

Ces cinq années passées dans le Yuukan m'avaient permis de murir, j'étais un peu plus patiente et réfléchie qu'auparavant. Mais ces cinq années, aussi prolifiques furent elles, ne m'avaient pas fait changer de garde-robe. Je m'habillais toujours de la même façon, du moins les beaux jours, quand il ne faisait pas trop froid. Un éternel short en jean et un simple débardeur noir pour accompagner mes entrainements, un tenue simple qui me laissait parfaitement libre de mes mouvements. Un accoutrement pour certains qui était indécent, faisant de moi une originale voire une marginale. Mais bon, cela n'avait aucune influence...

Même si je paraissais pour beaucoup assez "originale", s'il était une chose qui ne l'était pas, c'était bien mes paroles. Quand je disais ou promettais quelque chose, je m'y tenais toujours. Cependant, dans cette situation-ci, la bonne marche de ce que j'avais dit dépendait surtout des deux énergumènes que j'avais rencontrées la veille, ou le soir d'avant, je ne me souvenais plus. Enfin, refuser de venir représentait plus un risque pour eux que pour moi; et s'ils ne venaient pas on ne pourrait pas dire que j'avais failli à ma parole. C'était déjà ça.

J'avais commencé mon entrainement au petit matin, dès que le soleil s'était levé. En fait, je ne les attendais pas vraiment, puisque je ne leur avais pas donné d'heure de rendez-vous. En revanche quelqu'un avait dû les prévenir, puisque j'en avais fait la demande. D'ailleurs, ce fut ce juunin qui avait ouvertement critique ma méthode d'enseignement, qui était chargé de la faire. Alors, quelle ne fut pas sa surprise en me voyant arriver, lui demander ça, ou plutôt le lui ordonner. Oui, parce qu'entre temps, apparemment, j'étais devenue juunin moi aussi, et j'inspirais auprès de ceux qui m'avaient un tant soit eu connue, un certaine nouvelle forme de respect.

Enfin, quoi qu'il en fut, cette journée serait pour moi une bonne journée. Avec ou sans élèves. Et ce ne serait pas non plus une mauvaise journée pour eux aussi s'ils se décidaient à venir.

Malgré tout, je ne pus m'empêcher de scruter le long des grillages du terrain d'entrainement à chaque que quelqu'un passait, en espérant finalement voir l'un d'entre eux arriver. Parce que dans le fond je plaçais pas mal d'espoirs en ces deux Konohajin... Pourquoi ? Allez savoir...

Sans dire que j'étais rassurée de les voir finalement arriver, j'était quand même plutôt contente. Le premier, Shigo, resta silencieux mais fit tout de même l'effort de me saluer; même si je n'en attendais pas tant. Le Yamanaka semblait... motivé. Enfin, il devait bien l'être un peu pour être ici. Il avait dû comprendre, entre temps, ce que voulait dire "s'améliorer". Ce qui serait, ma foi, un grand progrès, ou un bon début tout au moins. Ainsi réunis -quel grand mot- nous attendîmes son comparse, Notsuu; lequel arriva tout juste quelques secondes après. Nous étions donc au grand complet, formidable.

La joie et la bonne humeur que dégageaient ces deux shinobi auraient fait pâlir d'envie le ménestrel le plus doué du Yuukan. Mais bon, je pouvais comprendre qu'ils n'apprécient pas la situation. Après tout, ils n'étaient que des shinobi; des êtres payés et formés à faire valoir leurs talents dans bars pas vraiment fréquentables, qu'un ninja voulait aider à devenir plus forts... Quel supplice. Et les suppliques qui s'évadèrent de la bouche du Gekei abondèrent dans ce sens. Et me firent sourire, inévitablement. Je revoyais cette scène avec mes précédents élèves, il y a plus cinq ans. Des pleurnicheurs contestataires. Enfin, pour le moment, je ne pouvais les mettre à égalité avec ceux-là. Parce que sa plainte était légitime.

"Je comprends ton point de vue, Notsuu. J'ai vécu ça aussi. En fait, je ne sais pas si je peux vous apporter quoi que ce soit car ça dépend de vous surtout, et de la façon dont vous appréhendez la chose. Je n'ai, franchement, plus rien à prouver à personne dans ce village, j'ai amplement servi Konoha, et suffisamment sacrifié en très peu de temps. Et malgré mon âge, à vrai dire, il ne me reste qu'une chose à faire : léguer mon savoir, ou plutôt, ma combativité, ma rigueur et ma dévotion."

On aurait pu croire que cette tirade répondait à côté de la question, et ce ne serait pas complètement faux que de le penser. Mais dans le fond, si on lisait entre ligne, on pouvait alors comprendre ce que ça représentait pour moi. Ce n'était pas un moyen d'obtenir une reconnaissance que de décider à transmettre une expérience chèrement payée à une autre génération. Même si dans la forme je faisais partie de cette génération. Ce n'était pas non plus par plaisir de faire des efforts bien au-dessus de la moyenne pour s'améliorer, non, pas du tout. Mais bel pour faire perdurer quelque chose dont sont animés, en théorie, tous les Konohajin.

"Je ne me proclame pas sensei ou capitaine de qui ou quoi que ce soit. Je vous ai fait une proposition, vous avez été effectivement convoqués sur ma demande; mais rien ne t'empêche, maintenant, de refuser, de faire demi-tour, et de retourner à tes activités. Takeo est un excellent senseï d'après ce que j'ai pu comprendre. Mais en tout cas, je salue ta franchise."

Raki s'était couché, la tête reposant sur ses deux pattes avant, et observait les deux ninjas avec une grande attention, toujours très calme. Moi, je soupirai profondément puis repris.

"Oué, finalement, je pense que vous n'êtes pas prêts... Ou, que je ne le suis pas encore... Ajoutais-je avec une grimace. C'est ça d'être aussi exigeant avec les autres qu'avec soit même... Dommage.. Bref. Dis-je en observant un instant Raki. On y va Raki."

Puis nous disparûmes dans un nuage de poussière, destination : ailleurs.

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