Acculé dans un petit coin des Archives de l’Académie, je farfouillais dans l’un des nombreux dossiers qui s’empilaient autour de moi. Ce n’était pas la première fois que je passais à travers ses dossiers dans l’espoir de trouver des jeunes pousses à qui je pourrais insuffler, mais à chaque fois il y avait une raison différente que ce soit parce que le jeune en question manque d’intérêt ou parce que je me suis fait couper l’herbe sous le pied. Et pourtant ce n’était pas parce qu’il manquait de jeunes shinobis à l’Académie, Kihran-san avait fait un travail de maître en modernisant l’Académie et celle-ci attirait encore plus de jeunes espoirs qu’auparavant. Non, décidément le problème ne venait pas de là. Venait-il de moi? Ayant moi-même été en présence d’un sensei absent – ou quasi inexistant même – pouvais-je vraiment aider la future génération à pousser? Cela faisait quelques années que j’étais Jônin et j’avais plusieurs missions derrière la cravate, en théorie j’avais tout ce qu’il fallait pour pouvoir guider nos jeunes Konohajins et pourtant quelque chose semblait me bloquer. Ma concentration maintenant totalement ailleurs que sur le dossier devant mes yeux, mon regard était plutôt concentré à l’intérieur de moi-même.

Je me rappelais encore comme hier l’attitude distante et désintéressée avec laquelle Mogura-san nous avait accueilli Tenshi et moi et pendant les quelques missions que nous fîmes ensemble je n’eus jamais vraiment l’impression d’en retirer le moindre enseignement. Puis, après à peine un an, elle nous annonça que notre équipe était dissoute et qu’elle partait s’occuper d’autres tâches qui lui convenaient mieux. Cela ne m’empêcha pas de continuer de faire des missions avec Tenshi comme si nous étions encore une équipe, mais sans sensei cela n’était pas la même chose. Bien que nous faisions une mission ensemble de temps à autres en mémoire des bons vieux temps, nous sommes tous deux passés à autre chose. Malgré ce passé peu glorieux, Miko-dono et Mizuki-sama croient toutes deux que j’ai le potentiel de former la prochaine génération de Konohajins. À défaut de savoir comment je vais m’y prendre, je vais devoir croire en leur confiance et faire comme j’ai toujours afin de faire ce qui va me paraître le plus juste : suivre mon instinct.

Au moment où je faisais cette réalisation, ce serment envers moi-même, ma vision se focalisa sur le dossier ouvert devant mes yeux et je réalisai qu’il s’agissait là d’un visage familier. Cela devait faire quoi… quatre ans? Ouais, quatre ans que j’avais fait une mission avec lui et voilà qu’il réapparaissait devant moi. Je feuilletai son dossier un peu plus attentivement et un sourire commença à s’élargir sur mon visage. Peut-être qu’un cas désespéré comme le sien était en plein ce qu’il fallait pour un autre cas désespéré qu’était le mien. Les pattes de la chaise frottèrent sur le plancher tandis que je la poussais vers l’arrière pour me lever, faisant résonner un bruit d’enfer dans le silence des Archives, et mes ninkens se levèrent aussitôt comme sortis d’une torpeur. Je mis un peu d’ordre dans le fouillis que j’avais fait pour faciliter la tâche des archivistes – Dieu savait jusqu’où elles pouvaient se rendre – avant de quitter l’Académie, ma tâche ici terminée. Une autre était toutefois juste en train de commencer.

* * * *

Me rendant d’avance au Terrain d’Entraînement mentionné dans la missive que je lui avais envoyé, j’éliminai mon stress avec une série d’exercice afin de me garder actif. Quoi de mieux pour se libérer de ses tracas que de se concentrer sur son entraînement? Je savais toutefois que je ne faisais que repousser ce stress qui revenait inéluctablement vers moi. Après tout, cette rencontre serait décisive pour le lien qui se formerait entre nous deux et je ne voulais surtout pas que cela se termine comme la mienne. Mais à force d’y penser ne faisais-je qu’augmenter les chances de refaire les mêmes actions? Ou bien devais-je les garder en tête pour être certain de ne pas que la même chose n’arrive avec lui? Vous voyez le genre de stress auquel je faisais face? Tout d’un coup, je stoppai net dans mes mouvements et me contentai d’exercices de respiration. Je venais de me rendre compte qu’il ne servait à rien de trop réfléchir, il faudrait que j’agisse comme je pensais ce qui était juste et comme je voudrais qu’un sensei agisse en face de son élève. Tant que je gardais cette image mentale, tout devrait bien aller.

Mine de rien, cette session de méditation improvisée avait fait exactement ce que je cherchais à faire depuis le début et c’est plus calme que lorsque j’étais arrivé ici que je rouvris les yeux et allai m’installer près de mes ninkens qui, eux, avaient passé l’entièreté du temps à me regarder de démener comme un beau diable d’un œil amusé. Facile pour eux, ce n’était pas eux qui allaient parler à ma future recrue dans ma Meute. Enfin, il était un peu trop tard pour tout bonnement abandonné – il devrait arriver d’un instant à l’autre – et je devais garder cette conviction que je faisais la bonne chose si je voulais passer à travers cette aventure. Comme de fait une odeur familière me titilla les narines et je sus que le jeune homme était sur le point d’apparaître. Quelques secondes, une touffe apparut au loin et lentement mon futur élève se profila à l’horizon. Lorsque ce dernier fut à portée de voix, je le saluai.

- Bonjour, Shine-kun, et merci d’avoir accepté de venir me rencontrer ici. Avant de commencer j’aimerais te présenter mon nouveau compagnon, qui m’a rejoint depuis notre dernière rencontre : Seimori. Le principal concerné s’ébroua la tête et aboya joyeusement, heureux de faire sa connaissance. Évidemment, les salutations étaient toujours ce qui avaient de plus simples; nous étions maintenant rendus à la partie plus difficile. Tu dois bien te demander pour quelle raison je t’ai convoqué aujourd’hui… Et bien, saches qu’à partir d’aujourd’hui tu feras partie de mon équipe, la Meute. J’ai regardé ton dossier à l’Académie et je pense que je peux t’aider à te développer. Si tu veux bien entendu, je comprendrai si tu ne veux pas d’un sensei…

Mais qu’est-ce que j’étais en train de dire là? Voyons, du nerf, Takeo! Tu as décidé de le prendre sous ton aile et d’essayer de lui insuffler la Volonté du Feu alors tu vas le faire jusqu’au bout! Pas question de te faire marcher sur les pieds, c’est toi le sensei c’est toi le patron. Devant le mutisme du jeune homme, je poursuivis avant qu’il ne décide qu’il en avait assez entendu.

- Bon, je sais que nous nous connaissons déjà et que j’ai pu voir de quoi tu étais capable, mais c’était il y a presque cinq ans et j’espère que tu n’es pas le même shinobi qu’il y a cinq ans, est-ce que je me trompe? Dis-moi donc qu’est-ce que tu es devenu, Shine-kun.

Je lui offris un sourire chaleureux qui avait pour but le rassurer et de le sécuriser à parler. Je ne pensais toutefois pas qu’il aurait de la difficulté à s’ouvrir et à accepter l’idée que je serais son sensei considérant que nous nous étions déjà rencontré. Au final, cette rencontre avait plus des airs de réunion entre deux amis qu’une rencontre entre un sensei et un élève inconnus. Au lieu d’être celui qui demandait froidement à son élève ses capacités, nous rattrapions le temps perdus et nous mettions au courant des plus récents développements chez l’autre. Après tout, c’était la première fois qu’il voyait Seimori et j’étais impatient de voir comment il s’était développé pendant les dernières années et le potentiel qu’il pouvait avoir sous ma tutelle.

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