- Dis le moi encore, petite fille : qu’est-ce qui m’appartient ?

- Tout.

La voix cristalline de la jeune femme résonna dans la grande pièce en pierre. Assise en tailleur près d’un trône en ruine, elle se leva avec précaution, avec douceur et crainte. Elle s’avança, sans bruit, jusqu’au milieu de la pièce, et alluma une dizaine de bougies disposées en cercle, qui illuminèrent timidement un cercle dans lequel était dessiné une étoile à six branches et qui était entouré de runes étranges.

Spoiler:

Au milieu de ce cercle se trouvait un adolescent, à peine majeur, maigre, presque nu, et couvert d’entailles. La jeune femme rejoint ses mains entre elles, rendant conscience au jeune homme qui haleta, hoqueta et supplia.

- Tu crois qu’il va fuir ?


- Ce ne sera que plus amusant, petite fille.

- Pitié…

La jeune femme, le regard froid, le visage triste et marqué, ne détourna pas les yeux de sa proie.

- Pitié, je vous en supplie…


- C’est un cœur battant que je sens-là, petite fille ? Puis-je l’avoir ?

- Peut-être. Je ressens sa frayeur. Parle : comment tu t’appelles ?

- Je… Ka… Mon… Pitié...

- Son jeu m’ennuie.

- Il ne joue pas. Il est terrifié au point d’oublier son propre nom. Il se cache derrière ses lèvres, derrière ses supplications, trop terrifié pour sortir. Ne t’en fais pas, petite fille. Je l’ai trouvé sans qu’il le prononce. Il s’appelle Kaneo.

- Kaneo ?

- Comment… Comment vous avez… ?

Les sanglots du jeune homme reprirent. Il tremblait de tous ses membres, regardant le décor qui l’entourait. Rien ne pourrait le sauver : et ce n’était pas l’endroit dont il rêvait pour mourir. Il continuait à supplier, et la jeune femme continuait à rester impassible, indifférente, glaciale. Elle joignit ses mains : les flammes devinrent vertes, une légère brise vint soulever la longue cape noire qu’elle portait.

- Pitié… Je n’ai que… je n’ai que… dix-sept ans... Pitié !

- Sais-tu ce que ton histoire a en commun avec toutes les autres, petit homme ?

L’homme ne réagissait pas à cette voix rauque, glaçante, terrifiante, comme venant d’outre-tombe.

- Elle se termine.

Dans un hurlement d’effroi, la jeune femme se jeta sur l’homme qui mourut sur le coup. Les flammes vacillèrent, puis s’éteignirent. Un silence funeste s’abattit dans la grande pièce, pendant plusieurs minutes, puis plusieurs heures. Un vent froid s’engouffra, un bruit se leva dans une pièce adjacente. La jeune femme ouvrit les yeux, respira profondément et se mit debout.

- Il est l’heure, petite fille.

Sans broncher, elle s’avança vers l’autre bout de la pièce et ouvrit une porte donnant dans une salle dont l’ambiance était complètement différente : une pièce plus petite, mais plus chaleureuse, dont les murs étaient jonchés de nombreuses torches. La jeune femme atterrit sur une scène.

- Combien de temps serons-nous ensemble, petite fille ?

Elle fit face à une dizaine, voire une centaine de personnes, toutes encapuchonnées dans une longue cape violet foncé. Sur la capuche, au niveau du front, un symbole gris clair, commun à toutes les personnes présentes dans cette assemblée : une étoile à six branches.

- Toujours…