- Vous vous déploierez tout autour de l’hôpital et vous bloquerez entièrement l’accès à l’aile ouest. Seuls les médecins agréés sur cette liste pourront entrer et circuler dans les couloirs. Miko arrivera aux alentours de 23H : la consigne lui a été donnée de rester la plus discrète possible. Dès qu’elle sera aux portes de Konoha, elle sera directement escortée jusque dans sa chambre d’hôpital. L’opération est prévue aux alentours de 2H du matin. Privilégiez la prudence au laxisme : au moindre doute, intervenez. Pendant l’acte médical, la Daimyô sera totalement vulnérable, et plus le temps passera, plus la fatigue me prendra. Aucune faille n’est permise.
- Oui, Hokage-Sama !

19H. La quinzaine d’ANBU réunis pour l’occasion répondirent en même temps et disparurent à l’unisson dans un bruissement discret au vu du nombre de shinobis ayant bougé en même temps. Dans quelques heures, Miko arriverait pour se faire greffer les yeux Jisetsu du dieu fromage, une opération délicate et inédite orchestrée par mes soins et par des eisennins triés sur le volet. J’avais également demandé à Satochi – avant qu’il ne parte pour sa mission seigneuriale – de me donner une quinzaine de ses meilleurs éléments, tant en terme de puissance que de confiance. J’avais fait en sorte de sécuriser le périmètre plusieurs jours auparavant. Et pour que la sécurité soit montée à son paroxysme, l’opération se ferait en pleine nuit, dans le secret le plus total.

21H. Non, rien n’arriverait. J’avais regroupé toutes les informations et toutes les données que je pouvais sur la greffe de Dôjutsu : des écrits parfois très anciens mais Ô combien précieux. Les systèmes propres aux yeux, les vaisseaux sanguins, les nerfs, les différentes parties de l’œil : ces parties devraient être les plus simples. La complication va provenir, une fois de plus, du réseau chakratique, inexistant dans les yeux actuels de Miko mais qu’il faudra cependant connecté. Les différents écrits que j’avais récolté ne mentionnaient pas comment procéder exactement, mais avec le peu d’éléments que j’avais et après quelques tests, j’avais réussi à trouver des parades et des moyens qui permettraient peut-être de réussir la greffe. Quitte ou double, de toute manière : Miko connaissait les risques.

23H. La lune éclairait le ciel d’un éclat malsain. Allongée de tout mon long sur le toit du palais, je regardais les étoiles, les jambes croisées l’une sur l’autre, les cheveux laissés libres. Devant l’astre lunaire, deux oiseaux passèrent, signe de l’arrivée de la Daimyô. Soupirant, je me levai et, rapidement, me retrouvai face aux grandes portes qui s’ouvrirent. Habillée toute en noire, j’arborai, comme habituellement, juste la veste blanche et rouge d’Hokage. Accompagnée de deux ANBU – minimum – de sa garde personnelle, que je reconnus comme étant Kimimaro et Senwashi, l’Aburame était encapuchonnée, preuve que son voyage s’était fait de la manière la plus discrète possible. Lui adressant un large sourire, je plongeai – pour la dernière fois peut-être – mon regard dans le sien. Derrière moi, je sentais la présence des ANBU qui se déployaient dans le village à des endroits stratégiques.

- Ne nous attardons pas trop ici. Une chambre est prête pour que tu fasses les premiers examens d’usage avant une opération d’envergure. Le gros du travail commencera dans trois heures.

M’avançant vers elle, je pris les yeux dans un bocal qu’on me tendit, puis disparus en direction de mon bureau pour les derniers préparatifs. Observant les yeux baignés dans un liquide que je devinai comme étant une substance Aburame, je les étudiai moi-même, pour confirmer les écrits envoyés par les médecins personnels de Miko mais pour également m’imprégner et – peut-être – trouver de nouvelles choses.

2H. Miko était allongée sur son lit d’hôpital ; j’avais quant à moi troqué ma tenue d’Hokage contre une blouse d’Eisennins blanche. Mes cheveux étaient attachés, et je portais des gants.

- Prête ?

Elle y était enfin … Regardant se dessiner les centaines de petites lumières qui illuminaient la pénombre qui était tombée depuis quelques heures déjà, Miko inspira profondément. Accompagnée de ses animaux de compagnie, l’Aburame gratouillait d’un air distrait la tête du félin qui s’était lové devant elle sur le dos de l’aigle gigantesque qu’elle chevauchait le plus naturellement du monde. Fashionista qu’elle était, l’Aburame avait tout fait pour suivre la dernière tendance qui était sur toutes les lèvres à la capitale : les Gekei étaient les nouveaux « pets ».

Atterrissant devant les portes, la Daimyo sauta d’un mouvement leste, le chat à sa suite, ce dernier reprenant son apparence humaine tout comme l’aigle. Remerciant Senwashi de la tête, elle abattit sa capuche sur sa tête afin de garder un semblant d’anonymat pour le premier badaud qui passerait la tête par la fenêtre une fois à l’intérieur du village. Anxieuse mais ne voulant pas l’afficher, elle s’avança en direction des portes, celles-ci s’ouvrant pour y laisser entrevoir Mizuki qui l’attendait. Petit sourire en coin face à l’esbroufe de son ancienne élève qui voulait probablement montrer par ce geste qu’elle était au courant de son arrivée à la seconde près, Miko s’avança, répondant à la rouquine.

Bien, guide moi. Senwashi, Kimimaro si vous le souhaitez, vous pouvez vous reposer ou faire autre chose ce soir et tant que je serai à Konoha. En toute logique rien ne devrait m’arriver.

Les pauvres … chargés de sa protection sans une minute à eux. Bon ce n’était pas vraiment le cas, elle était assez souple sur de nombreux points, de quoi leur permettre de s’épanouir au lieu de surveiller une vieille femme affairée à jardiner ou développer de nouvelles techniques d’apiculture. Suivant Mizuki, elle lui remit au passage le bocal. Que de sérieux pour cette occasion. De nombreuses ombres les surveillaient au loin et une sorte de tension régnait dans l’air. Une bonne chose sans aucun doute. Peu envieuse de faire ce genre d’opération sans anesthésie, elle serait totalement dans les vapes les prochaines heures et peut-être même en ressortirait aveugle en cas d’ échec … Cependant si l’opération réussissait, les ennemis de Konoha n’auraient qu’à bien se tenir…

* * * * *

2H. Les examens passés, elle était prête, allongée qu’elle était sur la table d’opération. Inspirant et exhalant lentement afin de garder son calme, l’Aburame n’était pas très sereine. Elle était parfaitement au courant des risques qu’elle encourrait … En plus d’être vulnérable, elle risquait au final d’en ressortir avec un handicap qui ne la quitterait que très difficilement. C’était de plus la deuxième chirurgie de grande ampleur que son corps supporterait. Prochaine étape ? Ravoir une main en chair et en os bien sûr, un jour. Mais bon, à chaque chose son moment. Pour le moment, seule la greffe des yeux de Jean-Jacques Jisetsu (car on lui avait souffleté de ne pas nommer leur véritable propriétaire au risque qu’il se retourne dans sa tombe et revienne continuer à la hanter plus que nécessaire) importait.

Prête.

- Bien. préparez-la.

Du simple gaz Sabakyô allait l’endormir totalement pour quelques heures. La pièce était grande, paisible, silencieuse, et le médecin s’empressa de mettre le masque de fortune sur la bouche et le nez de Miko.

- Normalement, tout devrait bien se passer. J’ai passé plusieurs jours à étudier les systèmes oculaires, j’ai récolté les informations sur les Jisetsu et les travaux orchestrés sur les Hyûga m’ont permis d’en apprendre plus sur les Dôjutsus.

Autour du lit, un sceau était formé : toutes les précautions étaient prises. Cliniquement, Miko allait mourir pendant plusieurs secondes : on ne rattache pas une arme à un cerveau comme on répare des os. Trois Eisennins s’assirent en indien sur les rebords du sceau. Toujours aux côtés de Miko, je lui souris.

- On va t’endormir. Tu peux compter jusqu’à 10.

D’un léger signe de tête auprès de mon assistant qui se chargerait de lancer le gaz, il activa un sceau alors que Miko commençait à décompter. Perdant tout sourire, je me rapprochai ensuite de l’oreille de ma Daimyô et de ma senseï.

- Au fait. Je suis sous tes ordres, mais Satochi et Takeo sont sous les miens. J’ai horreur de l’ingérence.

Totalement à ma merci, Miko me lança un dernier regard avant de sombrer dans les abysses les plus profonds du sommeil. Un temps, la pièce se figea. Je remis une mèche derrière mon oreille, puis eus un sourire.

- Bien. C’est parti.
- Oui, Hokage-Sama.

Le sceau s’illumina, les trois Eisennins s’embrasèrent de chakra. Les signaux de Miko allaient être contrôlés du début à la fin. Première étape : dénerver ses yeux. Ma main remplie de chakra vert se positionna au-dessus de ses yeux pendant que les écritures montèrent jusque sur ses bras. Quelques minutes suffirent : ouvrant les paupières de la Daimyô, je ne pus que constater la première réussite de l’opération, la plus simple : ses yeux ne réagissaient plus à la lumière ni à aucun stimulus. Une victoire insignifiante mais qui mettait en confiance pour la suite de la délicate entreprise.

Deuxième étape : les enlever. Sous mon contrôle, et toujours dans le sceau de protection, mon assistant forma un scalpel de chakra et, délicatement et avec précaution, enleva de leurs orbites les deux yeux de Miko. Là encore, aucune complication ne fut relevée, si ce n’est ma propre angoisse à voir ma senseï sans aucun œil. Je me repris rapidement : l’étape la plus cruciale allait arriver.

Troisième étape : créer les vaisseaux chakratiques permettant de relier son cerveau à ses Dôjutsus. Me mettant au niveau de sa tête, je mis mes deux mains sur ses tempes. L’opération était dangereuse, compliquée et pouvait se révéler mortelle à ce stade. Miko pensait que son seul souci proviendrait de sa cécité : j’avais omis volontairement de lui dire que toutes les manipulations qu’on ferait dans son cerveau pouvait la tuer. Le chakra irradia mes mains, puis sortit par tous les pores de ma peau. La dose que j’injectai à la Daimyô était impressionnante : le but était que ses vaisseaux chakratiques, saturés, finissent par créer d’eux-mêmes de nouvelles voies pour soulager les existantes. Mon chakra étant dirigé vers les yeux, les nouveaux vaisseaux devraient apparaître à cet endroit. Les minutes passèrent, puis les heures. Bientôt 5H du matin, et je sentais mon corps s’engourdir : mais le résultat escompté était là. Après deux heures et trente-sept minutes de diffusion de chakra dans le système de Miko – contrôlé – ce ne fut pas la mort qui lui ouvrit les bras mais de nouveaux vaisseaux. L’opération était, pour le moment, un succès.

Quatrième étape : greffe de Dôjutsu. On m’apporta le bocal contenant les yeux Jisetsu, puis on me les sortit. Cette dernière étape devait être moins compliquée que la précédente. On plaça les deux yeux dans les orbites vides, puis le chakra allait lier les différents vaisseaux et autres nerfs aux Kinnegan. Quelques minutes passèrent, mais je sentais que quelque chose n’allait pas. Malgré nos différentes tentatives, aucun des deux yeux ne réagissait un tant soit peu à la lumière ou autre stimulus… Mais finalement, les deux yeux s’activèrent : les pupilles se dilatèrent, et Miko sembla retrouver peu à peu la vue.

Puis, peu après 7H, la catastrophe arriva. Le sceau bleu qui protégeait et veillait sur Miko vira au rouge. Les Eisennins paniquèrent.

- Hokage-Sama ! Les constantes de Miko s’affolent !
- Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Selon nos premières analyses, c’est un GVH. Nous devons arrêter maintenant la greffe, ou Aburame-Dono pourrait mourir !

Un GVH. De tout ce que j’ai étudié pour cette greffe, cette maladie était la moins à même de se produire. Graft Versus Host : la maladie du greffon contre l’hôte, la maladie inverse du rejet de greffe – que j’avais prévue. Pour faire simple : la surdose de chakra qu’a reçue Miko avait une très faible chance d’abîmer son système immunitaire – ce qui est arrivé. Dès lors, les lymphocytes T des Kinnegan attaquent et détruisent les tissus de Miko… dont l’organisme ne peut se défendre.

- Hokage-Sama, il faut lui retirer les yeux !
- Non, il est trop tard pour lui remettre ses anciens yeux, elle deviendrait aveugle.
- Hokage-Sama, soit vous lui retirez les Dôjutsus, soit Miko-Dono finira par mourir dans quelques jours et dans d’atroces souffrances. La cécité ou la mort.

Pourtant, il me semblait que plus rien n’existait autour de moi. Mes mains toujours positionnées au-dessus de Miko, je réfléchissais à vive allure. Réfléchis, réfléchis, réfléchis… Miko ne mourra pas, et hors de question que je la prive de la vue. Blaffarde, devenant pâle, j’ignorai les recommandations des Eisennins alors que je sentais moi-même les organes de Miko se décomposer, attaquer de l’intérieur par les défenses immunitaires de Demon. Comme un baroud d’honneur du démon de Kiri qui reviendrait se venger. Serrant les dents, sentant mon cœur battre comme jamais, j’eus les larmes qui me montèrent aux yeux, déversant inutilement encore plus de chakra. La greffe avait prise, le souci ne venait pas de là.

Puis, comme dans les séries, j’écarquillai les yeux. La cause du GVH était la présence de lymphocytes étrangers dans l’organisme de Miko – aucune médecine connue ne pourrait débarrasser son système immunitaire uniquement des globules blancs de Demon. La solution alternative serait alors de lui supprimer tout système immunitaire : mais à quelle fin ? Un rhume la tuerait. Non, la seule solution était de détruire le reste de défense du Jisetsu.

- Briser le sceau de protection, maintenant !
- Mais, Hokage-Sama…
- C’est un ordre !

Réticents mais obéissants, le sceau de contrôle et de canalisation fut brisé. Toujours occupé à garantir la sécurité de ses nouveaux yeux, une nuée d’insectes sortit par tous les pores de ma peau et pénétrèrent dans l’organisme de Miko… par ses yeux. Mes parasites allaient se nourrir des lymphocytes présents dans les Kinnegans puis se disperseraient dans le corps de la Daimyô pour en enlever toute trace. Mes mains tremblaient : j’avais utilisé bien trop de chakra. La fatigue m’éreintait, mais je ne devais pas sombrer maintenant. Encore quelques secondes. Les Eisennins derrière moi s’affolèrent. Le chakra de mes mains devint plus faible. Les parasites sortaient en trombe de l’organisme de Miko pour y retourner. Puis, plus rien.

*****

Deux jours étaient passés depuis cette nuit compliquée. J’étais assise, encore faible, dans un fauteuil à côté du corps inerte de Miko dans sa chambre d’hôpital. Le silence était pesant, lourd. Je somnolais à moitié, le coude sur le bras du fauteuil, la tête dans la main. Je fus réveillée par l’insistance d’un regard que je connaissais bien, alors que ce n’était plus les mêmes yeux. Je lui fis un grand sourire.

- Alors ? On voit vraiment le monde d’une façon aussi sombre à travers ces yeux-là ?

Il y a deux jours, Jisetsu Demon a tenté une dernière fois de s’en prendre à Aburame Miko. Il y a deux jours, Jisetsu Demon y est presque arrivé. Mais il y a deux jours, une fois encore, Jisetsu Demon a été défait. Une page se tournait désormais, pour tout le monde. Il faudra aller de l’avant. A bon entendeur.

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