« Redresses-toi. Plus haut les bras, il faut qu’on sente que tu es sur de toi. Une hésitation dans un vrai combat et c’est la mort quasi-assurée, aller corriges-moi ça et recommence. » Voilà à quoi je servais depuis quelques heures et malgré mon titre de chef de clan. « Non non, les jambes toujours légèrement fléchies ! Tu dois toujours être prêt à bouger ! Recommence. »

Le but de l’exercice ici était de réussir à percuter une plaque en os sans la craqueler. Seule la forme de la main devait apparaitre sur le lieu de l’impact, et pour ça il ne suffit pas juste de jeter son poing comme un gorille. Tout le corps est sollicité, l’équilibre plus que la force d’ailleurs. Et pour le prouver je passais de temps en temps derrière ma dizaine d’élève en le faisant des croches-pattes. Ça rallait à force, mais c’était pour leur bien et quasiment tous le savait. Quasiment oui, parce que le morveux tout au fond, il n’écoute pas un mot et se contente de tabasser l’os comme un punching-ball. Peu importe combien de fois je le fais tomber, il continue. C’est marrant, on dirait moi à une époque. Têtue au possible, n’écoutant que soi, et encore … jusqu’à faire la rencontre violente avec un sanglier. Ça déconne pas ces bestioles, et quand ça vous charge alors que vous avez à peine une dizaine d’année, je peux vous assurer que tout le monde fait dans son pantalon.

« Redresses-toi ! Encore ! Et les jambes, j’ai dit quoi ? Fléchis-moi ça, encore. Encore. Encore.

- Mais je tiens plus de debout après ! » Rétorqua le plus récalcitrant.

« C’est ton équilibre que tu dois corriger alors. Recommence, y a pas de raison que tu n’y arrives pas alors que les autres s’en sortes. »

À votre avis, je fais bien mon boulot en tant que prof ? J’ai longtemps tout appris toute seule, y a eu seulement ma mère au début pour les bases, avant la tragédie de Kiri et des Furyous. Donc c’est tout à fait possible que je manque de pédagogie. D’ailleurs la doyenne devait y voir quelques traces d’un agacement naissant, ce pourquoi elle vint me remplacer en me remerciant. Il n’y avait pas de quoi voyons, si je pouvais aider dans les moments où j’étais là. Les rares fois où j’étais là hein.
Je me retrouvai ainsi seule à errer sans but au milieu des troupes, dans cette mini-ville que s’était construit les rescapés Kaguya depuis la chute du village de la brume, à l’abri des regards, à l’abri du Shukaï, dans cette caverne autrefois d’ours et maintenant nettement agrandit, creusée dans la roche et les profondeurs de cette petite île à l’écart de l’archipel. Nous ne manquions pour autant pas de lumière, par endroits au plafond des trous laissaient filtrer la lumière au sommet des rochers en surface, et d’innombrables torches enflammées faisaient le reste, apportant autant de chaleur et de visibilité que nécessaire.

C’est un bon coin, mais uniquement si c’est temporel. Ça ne peut pas être permanant, ça ne doit pas l’être. Notre terre a été prise par des étrangers nettement plus fort et nombreux que nous. Les Kaguya ont beau être des monstres de puissance taïjutsu, on ne fait pas le poids contre tout un Empire. Le besoin d’alliés se fait de plus en plus sentir, mais à qui demander ? Qui serait assez puissant pour nous soutenir sans essayer de nous la mettre à l’envers ? Très peu de personne, si peu que là comme ça, il n’y a aucun nom qui me vient. Un voyage risque d’être nécessaire très prochainement, en quête de soutien contre un adversaire beaucoup trop puissant pour nous seuls. Et même si ce n’est pas l’idée de mourir au combat qui les effraye, au contraire d’ailleurs, je préfère tout de même que mes Kaguya ne disparaissent pas tout de suite.

« Cheffe ? » Fit soudainement une voix dans mon dos.

Je me retournai pour voir de qui cela venait. Un jeune homme aux cheveux courts, pantalon et t-shirt noir, chaussure en partie rouge et de la poussière un peu partout. Bah alors ? On dirait qu’il sort d’une activité de minage, tellement il en a partout. Qui est-ce ? Sa tête me dit vaguement quelque chose mais retrouver son nom, ça impossible.
J’acquiesçai d’un mouvement de tête, me demandant ce qu’il me voulait. Le boulot ne manquant pas, je n’avais pas franchement le temps de trainer. Il n’en fut rien, le garçon qui devait sans doute avoir le même âge que moi, souhaitait savoir si je pouvais lui apprendre quelques techniques spécifiques du clan. Il rajoutait en plus qu’il avait du mal à le faire tout seul, du fait que malgré notre âge équivalent, nos niveaux n’avaient rien de comparables.
J’esquissai un sourire et fis mentalement un rapide listing de ce qu’il restait à faire. Mmh ça devrait être faisable, tant que ça ne prend pas la journée.

« Pourquoi pas. Faisons ça vite, j’ai encore pas mal de pain sur la planche. Retrouves-moi sur la plage, à la surface. Et prends-toi une bouteille d’eau. »

Ceci étant dit, je montai rapidement à l’étage d’une des bâtisses incrustés dans les murs de la caverne, poussai la porte battante et fis le tour du bureau au milieu de l’unique pièce. C’était ici, en quelque sorte que se discutait les idées pour les prochaines actions du clan, si on devait attaquer de front le Shukaï, ou se mettre d’abord dans la poche la population civile, des trucs comme ça. La doyenne et son fils avaient leur mot à dire sur les initiatives mais seulement en tant que conseillés. Le choix m’appartenant toujours, tel était le pouvoir et le fardeau du chef de clan.
Sur la table, une carte marine de Mizu no Kuni y était étalée, avec des post-it ici et là, et des pions d’échec en os. Une loupe couchée dessus, je cherchais une faille à exploiter en utilisant au mieux le terrain. L’archipel nous appartient, et ce n’est certainement pas un Empire dictatorial qui va nous dire le contraire !
Mais bon, pour le moment allons prendre l’air. J’attrapai une serviette, une bouteille d’eau bien fraiche et une casquette, puis direction la plage ! En plus il fait super beau aujourd’hui ce sera un régal. Je m’attrapai de tout mon long et sans la moindre pudeur sitôt l’océan en vue, baillai et partie ensuite à la recherche du garçon de tout à l’heure. Ce n’était pas l’envie de se baigner qui manquait mais nous n’étions hélas pas là pour ça. Ah le voilà.

« Bien, hum excuses-moi j’ai oublié ton nom … Avant tout, il va falloir quelques échauffements. Toujours s’échauffer, même avant un combat c’est très important. Se prendre un claquage au moment où on doit se défendre, ça ne fait vraiment pas du bien. Donc je t’en prie, commence et expliques-moi en même temps ce que tu sais déjà faire. Quelles sont tes bases et qu’est-ce que tu voudrais apprendre en particulier. Le temps est compté donc ça m’arrangerait qu’on n’ait pas besoin de passer sur chaque chapitre. Au pire des cas, on pourra refaire éventuellement ce genre d’entrainement une prochaine fois. Mais déjà oui, échauffes-toi et parles-moi de tes capacités, tes affinités et tes souhaits. »

J’ouvris ma bouteille d’eau et en bus une longue gorgée. Le regard se posant sur un crabe qui s’approchait lentement, je n’attendis pas qu’il me pince pour donner un gros coup de pied dedans, le faisant voler sur plusieurs mètres et retomber en ricochet dans la mer. Non mais oh, sale bestiole. En plus les animaux ici sont gros et plus puissant que ceux du continent. Un simple crabe là-bas fait presque le double en taille ici. Même chose pour les ours ou les phacochères.

Les bras croisés, je l’écoutai répondre en même temps que s’étirer. Il ne connaissait et maitrisait que le minimum syndical en termes de combat. Effectivement y a du boulot … Je retins difficilement un soupire en le voyant galérer à toucher ses pieds sans plier les genoux. Mon dieu ouais il va falloir beaucoup de boulot. L’info tout de même intéressante c’est qu’il avait une affinité avec la foudre, bien. Ça peut donner lieu à de sacrés bons combos, mais encore faut-il travailler cette partie, ce qui risquait de ne pas être pour aujourd’hui. Nop pour cette fois c’était quelques pratiques de taïjutsu qui allait être traité.

« C’est bon, c’est bon arrête. Tu me fais peine à essayer de toucher tes pieds. Mets-toi plutôt en position ? Je n’ai pas énormément de temps donc je vais déjà t’apprendre à te défendre au corps-à-corps. On verra peut-être un autre jour pour une autre technique, si tu le mérites. Et puis rien ne t’empêche de bosser tout seul aussi. Et puis il y a toujours la doyenne, a qui tu peux demander des conseils. »

Je fermai les poings, écartai un peu les jambes en même temps que plier les genoux, et soudainement je pivotai sur moi-même, faisant voler le sable m’entourant avec le pied.

« Voilà, une technique qui permet de faire perdre l’équilibre à ton adversaire sitôt qu’il est au corps à corps. Il faut savoir que si tu arrives à le, ou les, faire trébucher tu as une opportunité en or de remporter la victoire. Quelqu’un sans plus aucun point d’appui ne pourra quasiment plus de défendre contre ta prochaine attaque. Évidemment ça dépend aussi du timing, il faut que tu sois capable d’enchainer les attaques très rapidement, mais ça je ne peux rien y faire, ce sera à toi de t’y entrainer en solitaire, à répéter encore et encore les mêmes mouvements pour qu’ils soient plus rapide et plus précis. »

Je me décalai ensuite et d’un geste de la main, présentai la place au garçon.

« Vas-y, essaye de faire la même chose. Il faut que tout ton poids soit fixé sur ta jambe la plus forte, et que l’autre soit aussi rigide que du béton. Tu peux t’aider en sortant un bout d’os au bout de ton pied, ça te permettra d’accroitre le rayon d’action de la technique. »

À nouveau je croisai les bras et attendis qu’il s’exécute, observant avec attention chacun de ses gestes pour le conseiller au mieux ensuite. C’était le mieux à faire, lui montrer l’exemple, lui expliquer comment faire et corriger les détails pendant qu’il s’entraine. Tout le reste ne dépendra que de lui.