Kumo, printemps de l'an 2.

Hikari, était tout ce que son nom pouvait indiquer. Une femme d'une vingtaine d'années, resplendissante de lumière et de clarté. Violoniste professionnelle, elle a fait une grande quantité de concerts dans tout le pays avant de prendre une retraite anticipée, ici, à Kumo.

Elle était amoureuse de Ban, luthier à Kumo. Lui aussi avait un prénom qui correspondait à sa personnalité. Discret et assez sombre, mais protecteur et conseiller comme la nuit.
C'est cet artisan de renom qui lui a fabriqué son magnifique violon en choisissant très précieusement ses matériaux. Une table d'épicéa, un corps en érable et une touche en ébène.

Ce soir-là, la jeune femme rentrait chez elle sous un coucher de soleil abondamment orangé, la tête plongée dans son livre de partitions. Arrivée au niveau d'un pont en bois remplis d'ornements, son attention fut captée par des sifflements familiers. Elle leva la tête, regarda de l'autre côté de la plate-forme. Surprise était sa réaction puisqu'il s'y trouvait son bien aimé.
« Comme si tu perçais mon cœur à jour, tes apparitions sont toujours soudaines et inattendues. » pensait-elle.

Le soleil du printemps, qui jetait profusément sa lumière sur les ornements du pont et sur les reflets de l'eau, éclairait pleinement ces deux figures timides.
Le silence fût bref. Ban salua d'un air gêné son adulée qui lui répondit aussitôt.

« Que sifflais-tu ?
-Oh, rien de plus qu'une vieille musique de Monjara. Ce n'est pas vraiment intéressant. Mais, peut être penses tu que nous pouvons la rendre intéressante si nous l'interprétions à deux ?»

Hikari fut choqué. Son cœur se mit à battre à une allure quasi-mortelle.

« Je ne peux pas.
- Pourquoi ? Tu as bien réussi à jouer la dernière fois. Tu as toujours peur ? Tes yeux sont encore baissés.
...Ça fait peur à tout le monde, la montée sur scène. On peut échouer ou se faire complètement rejeter. Pourtant, on serre les dents et on monte quand même sur scène. Parce que quelque chose nous pousse à jouer.
- J'ai jeté loin de moi mes précieuses partitions, c'est derrière moi tout ça. J'ai échoué en tant que musicienne. J'ai joué de toutes mes forces pour rendre Kumo fort et puissant à travers tout le pays, en vain. »
Ban rit du nez.
« Je suis sûr que ça arrive à beaucoup de musiciens et ils se contentent de dire '' Je ne peux pas le jouer ! Fais-le, toi ! " mais ils finissent toujours par ramasser la partition et l'affronter. C'est comme ça que naît l'art :le plus beau des mensonges ! »
Les yeux d'Hikari flambaient d'admiration aux propos de l'artisan.

« Propose tes services de musicienne à Kumo en tant que kunoichi ! Si tu es acceptée, je te rejoindrais ! On a encore que vingt-cinq ans ! C'est l'âge où on se jette à l'eau sans hésiter ! »

Ban se jeta du pont et plongea droit dans l'eau claire du ruisseau découlant de la montagne avoisinante.

« Ça fait peur ! Mais ça fait du bien ! j'ai toujours voulu essayer !», dit-il en riant aux éclats.

«  Toutes tes paroles, tous tes actes, sont si lumineux, si flamboyants... Serait-ce ta vraie nature Ban de la nuit ? Je suis si ébloui que je ne peux que fermer les yeux, mais, je ne peux m'empêcher d'être émerveillée. Allons-y, rejoignons les forces armées en tant que musiciens et luthiers de guerre !»

Hikari, prise d'un élan de courage sans faille, sauta sans hésiter du pont et plongea juste à côté de son bien-aimé.
Tout deux rirent aux éclats de longues minutes avant de sortir de l'eau et de rentrer ensemble.