Aïe. Je souffre. J’ai mal. J’ai une envie de meurtre viscérale, mais je ne peux strictement rien faire. Je ne suis pas là pour m’attirer des emmerdes. Alors résultat des courses, j’encaisse, encore et encore, j’attends que l’orage passe, priant pour ne pas perdre connaissance dans les secondes à venir. Mais bon normalement je suis un dur à cuire. Enfin c’est bien gentil de dire ça, mais quand on prend taquet après taquet, on fait moins le fier. Mon instinct me dit de riposter, d’attraper Ketsuatsu et les tailler en pièces. Mais mon cerveau qui marche parfois sur courant alternatif me dit que pour cette fois, il vaut mieux ne rien faire, même si j’en ai diablement envie.

J’imagine que quelques questions doivent vous sauter aux yeux ? Premièrement, que se passe-t-il ? En gros, je suis en train de me faire tabasser. Pourquoi ? Pour une raison qui m’échappe. Par qui ? Je ne sais pas, mais si je riposte, je sens que ça va se terminer dans un bain de sang et je ne veux pas ça. Primo parce que tout le monde au Shozaichi est - légèrement - à cran depuis les récents événements. Notamment parce que le centre-ville et le palais ne ressemblent plus à grand-chose. Segundo, parce que je viens d’entrer dans l’armée et je n’ai pas envie de me faire une mauvaise réputation. Résultat, je suis en train de me prendre coup sur coup par une bande de… je ne sais même pas comment les qualifier. Je suis cependant en train de réaliser que ce que je suis en train de faire est ridicule. Je pourrais tout aussi bien esquiver les coups, ou bien m’enfuir en courant. Mais non faut que je fasse le bonhomme. À moi et ma stupidité, hip hip hip ? Hourra ! Je résume rapidement la situation pour que je comprenne bien à quel point je suis idiot. Je me promène dans le centre-ville… enfin ce qu’il en reste. Je croise une bande pas spécialement amicale qui me reluque méchamment et j’essaye de les esquiver le plus possible. Problème ? Je suis un aimant à emmerdes ! Du coup, qui se coltine la bande ? C’est moi ! Et pour éviter de m’attirer les foudres de mes supérieurs, bah j’encaisse.

Ça fait au moins cinq bonnes minutes que je suis debout contre un tas de débris en train de me prendre des poings à la figure, des coups de pied dans le ventre, la routine quoi. Bien que mon regard assassin croisait de nombreuses fois mes agresseurs, cela ne les empêchait pas pour autant de continuer leur petite sauterie dont je suis l’invité d’honneur. Sauf qu’au bout d’un moment, je craque et je finis par tomber à genoux, devant ce qui semble être le chef de la bande. Le sang dégoulinant de mon visage, celui-ci fit soudainement face au sol, sans doute parce que le peu de force qui me restait commençait à s’en aller. Le chef de la bande saisit alors ma tignasse avant de me relever la tête pour qu’il puisse me regarder dans les yeux. Soudain, je le vis lorgner sur mon sabre pendant quelques instants, avant qu’il ne prenne la parole, d’un ton agressif et moqueur :

— On s’amuse bien avec les nouveaux dis-donc. Mais bon en même temps vous êtes là pour ça, faut bien qu’on vous intègre.

Ce à quoi je répondais du tac au tac :

— Aha… ravi de voir qu’ils y en a qui s’amusent. Par contre, tu devrais enlever tes yeux de mon arme. Je vois qu’elle te fait envie, mais le truc avec ce genre de jouets, c’est que ça coupe vachement. Ça serait dommage que ta tête se détache de ton corps parce que tu ne sais pas manier ça avec précaution.

Est-ce bien le moment de faire dans l’intimidation ? Non, mais je suis un imbécile et y’a rien faire je suis incorrigible. Sauf que voilà, bien évidemment quand on interdit quelque chose à quelqu’un… il a encore plus envie de le faire. Je déteste l’esprit de contradiction dont certains font preuve… et la personne en face de moi en avait un des plus aiguisés. Il allait répondre à mon intimidation par une nouvelle provocation. Et tandis que je voyais sa main se rapprocher du manche de mon arme, mon cœur s’animait soudain de pulsations extrêmement plus rythmées qu’à l’accoutumée. Non. Ne fais pas ça. Éloigne ta main du manche, tout de suite. Ah putain… désolé pour mes nouveaux camarades du Shûkai, mais trop c’est trop.

— Ton joujou est à moi.

Même pas en rêve. Puisant dans le peu de force qu’il me restait, dès lors que mon interlocuteur essaya de prendre mon arme, ma main droite alla saisir le manche de Ketsuatsu d’une poigne ferme et décidée. Mon sang ne fit alors qu’un tour et je dégainai mon sabre d’une vitesse ahurissante, avant de donner un violent coup de tête à mon assaillant en puisant sur l’impulsion de mes genoux qui m’aidèrent à me relever d’une traite. À la suite de quoi, ma main droite et ma lame allèrent s’abattre sur mon agresseur dans une violence inouïe. Merde… qu’est-ce que je suis en train de faire ? Je vais le buter. Je ne peux plus stopper mon geste. Je vais le tuer. Merde, merde, merde. Que quelqu’un m’arrête !

Une plaque de glace ? Sérieusement ? C’est quoi ce délire ? J’eus à peine le temps de réfléchir que mon sabre alla percuter de plein fouet la plaque, laissant une belle signature dessus. D’un geste vif bien qu’un tantinet hésitant, je retirais Ketsuatsu de la plaque avant de le ranger dans son fourreau pour finalement retomber d’épuisement, les deux genoux à terre. Je ne sais pas ce qu’il vient de se passer, mais j’ai le sentiment que quelqu’un vient de jouer les super héros. Une voix féminine se fit alors entendre et une demoiselle apparut soudainement non loin de nous. Étant donné que la demoiselle n’était pas moche, on pouvait bien entendu entendre les politesses de mes agresseurs, qui semblaient visiblement ravis de l’intervention surprise de notre belle inconnue. Quoique… je dis ça, mais j’ai l’impression que je l’ai déjà vu quelque part cette fille. Attends une seconde, la maitrise de la glace… c’est propre au clan Samui ça ? Oh pince-moi je rêve ! Mais je la reconnais celle-là ! Samui Yuki ! De mémoire c’est la boss du clan d’ailleurs. Mais oui… depuis que je suis entré au Shûkai, on me tanne avec ça ! Je l’ai déjà vu quelque part, je me demande bien où, mais bon j’imagine que maintenant ça n’a plus d’importance. Oh… une main aux fesses… ce n’est pas une bonne idée ça ! Bah voilà qu’est-ce que je disais ?

— Ça vole bien les imbéciles en fait. Par contre ça n’esquive pas bien les murs... il y a du travail à faire!

Dis-je d’un ton moqueur. Je fais mon malin là, mais en vrai y’a quelques secondes j’étais en train de prendre cher quand même. Mais bon se faire secourir par une personne comme elle au final ça égaye un peu ma journée. Et voilà qu’elle me tend la main pour m’aider à me relever. Oh bah c’est sympa comme attention ça. D’une traite, je me relevais à l’aide de la demoiselle, avant de répondre à sa question en ces termes :

— Ouais. Enchanté. Pas la peine de te présenter… je pense savoir avec certitude qui tu es. Enfin après je peux me tromper. Je suppose que c’est le moment où je dois te remercier ? Eh bah… tu me tires d’un sacré pétrin, merci ! À en juger par le vol plané que l’autre a fait… j’ai la permission de leur donner une leçon non ?

Et voilà qu’elle me demande comment je souhaite qu’on les punisse. Je ne crois pas en Dieu vous savez, mais là si jamais il existe je lui dis merci d’une part et je jure de lui ramener un coup à boire quand on se verra ! Si jamais on se croise un jour. Je me demande quand même comment je peux être à la fois aussi malchanceux et son contraire dans la même journée en l’espace de quelques minutes. Je remets cette interrogation à plus tard cependant. Je dois maintenant trouver une idée plaisante pour une punition adéquate. J’en ai bien une… mais c’est méchant quand même.

— On a le droit de geler leurs parties génitales ? Je suis sûr que tu peux faire ça !

C’est en voyant les mines déconfites de mes agresseurs que j’éclatais de rire. C’est de la méchanceté gratuite, mais j’adore ça ! Remarque ils l’ont bien mérité tout de même alors je pense que je peux m’accorder ce petit plaisir. Non plus sérieusement je ne vais pas leur infliger ça quand même je sens déjà que certains sont en train de faire pipi dans la culotte là. Je me contentais de me débarbouiller un peu le visage avec mes vêtements avant de reprendre la parole d’un ton plus sérieux :

— Tch. Fais-en ce que tu veux. De toute façon je ne suis pas là pour me créer des ennuis. Et puis… j’avais comme intention de les tuer, alors si je m’écoute, la punition va mal se terminer. Je dirai juste ceci, messieurs… la prochaine fois que vous apparaîtrez dans mon champ de vision. Vos castagnettes j’en fais de la bouffe pour chien.

Ça a le mérite d’être clair. C’est immature au possible, mais que voulez-vous… je ne suis pas un symbole de maturité bien au contraire. Alors que mes agresseurs commençaient à déguerpir en courant, mes saphirs vinrent se poser une nouvelle fois sur Yuki. Je lui adressais alors un sourire radieux avant de reprendre la parole d’une voix soudainement plus calme et enjouée :

— Rassure-moi... tu viens juste d’arriver pas vrai ? T’étais pas en train d’admirer le spectacle comme tout le monde autour de nous ?

Parce que si elle a assisté à toute la scène et n’a choisi de débarquer qu’au moment où j’allais les taillader… clairement je vais mal le prendre.

Voilà une bonne chose de faite, les agresseurs s’en étaient retournés dans les jupons de leur maman. De ce fait, me voilà seul avec Yuki. Elle en profita pour me choper le poignet avant de m’ordonner de m’assoir près d’un muret. Sans faire le moindre geste de mécontentement ni même prononcer la moindre parole, je m’exécutais dans un silence presque mirobolant tellement je suis connu pour avoir une grande gueule. Je m’étonne moi-même de ce mutisme, peut-être que Yuki a des propriétés apaisantes qui font que tu n’as pas envie d’ouvrir ta bouche tant que tu n’en ressens pas le besoin. Je dis ça bien sûr sur le ton de la plaisanterie, mais le fait est que pour le moment, mon bec est cloué. Il faut dire aussi qu’elle était en train d’appliquer une sorte de compresse sur mes plaies et donc le moment était mal choisi pour ouvrir la bouche parce qu’elle s’attaqua soudainement à mes lèvres, qui avaient tout aussi bien dégustées que le reste. Finalement, pendant qu’elle m’appliquait ses premiers soins, la réponse à ma question fut aussi brève qu’insatisfaisante. Voir de quoi je suis capable ? En combat je veux bien qu’il soit possible de prouver de quoi je suis fait… mais là je ne saisis pas l’intérêt. Je répondais alors à sa dernière réplique d’une manière presque cinglante :

— Je suis capable d’encaisser comme tu as pu voir. Je ne savais pas que c’était un prérequis pour entrer dans l’armée, mais bon…

Je n’eus même pas le temps de terminer ma réplique qu’elle compléta la sienne avec un compliment, qui bien qu’agréable, sonnait presque oiseux tellement elle venait de tout gâcher en n’omettant pas de me préciser que j’avais aussi perdu mon sang-froid. Or, c’est mon point fort d’ordinaire. Un sabreur se doit de garder son calme en permanence, sans quoi, la main tremble lorsqu’on veut atteindre sa cible. Une main hésitante est une main impuissante à mon sens. Bref, inutile de dire que je me sens pitoyable depuis le début de cette conversation entre moi et Yuki. J’imagine que cela n’était pas son but, mais bon. Et voilà qu’elle m’annonce que je vais avoir besoin de sutures en plus. Ah chienne de vie. M’enfin ça me donnera l’occasion de rester un peu avec elle c’est pas plus mal. Au moins j’aurais un peu de compagnie, ce n’est pas comme ci elle m’abandonne à mon sort d’estropié. Je sais j’exagère. Mais alors qu’elle me tendait une nouvelle main certes bienveillante, je la refusais en la repoussant d’un geste vif. Je me relevais alors lentement mais surement, non sans faire quelques grimaces à cause de la douleur.

— Ça va je ne suis pas non plus mourant. Je veux bien accepter ton aide une fois pour être poli. Mais là ça commence à faire beaucoup. Bon cela dit j’imagine que tu vas me traîner par la peau des fesses jusqu’à l’hôpital si je décide de prendre un autre itinéraire. Alors comme je suppose que je n’y échapperai pas… c’est parti.

Je détachais alors mon fourreau de mon dos avant de me servir de celui-ci comme d’une espèce de canne pour m’aider à marche plus facilement. Oui c’est con je sais, mais j’ai ma fierté merde ! Déjà que je passe pour l’imbécile de base qui ne fait qu’encaisser les coups, je ne vais pas non plus aggraver mon cas. Pis bon… Yuki n’est pas spécialement grande donc je vais éviter de me servir d’elle comme une canne, ce n’est pas très classe quand même. Nan je plaisante elle n’est pas si petite que ça non plus. Bref, alors que je me sentais prêt à ouvrir la marche, je me suis soudainement souvenu d’une chose essentielle :

— Merde… il est où l’hôpital déjà ?

Ouais c’est quand même important là pour le coup. Bon bah finalement je vais fermer la marche ça sera mieux. Je n’ai pas envie de me perdre dans un tas de débris.

Ouais ouais j’ai finis de jouer les durs et blablabla, ça va me casse pas la tête déjà que d’autres s’y sont collés. Huh, les femmes… je n’ai aucun argument valable à annoncer maintenant alors attendez un peu que j’en cherche et je reviendrais à la charge plus tard. Finalement, je me contentais de suivre la demoiselle, sans émettre le moindre son durant notre brève marche jusqu’à l’hôpital qui bien heureusement n’était pas spécialement loin. Ça semblait tout de même une éternité pour moi sachant que je marchais comme une vieille, mais ne nous attardons pas sur ce petit détail. Une fois que nous fûmes arrivés dans l’établissement, Yuki n’hésita pas une seule seconde et m’emmena dans une salle d’examen. Elle me proposa alors de m’installer sur la table… rectification, c’était un ordre pas une proposition. Mais comme j’avais envie de faire dans l’humour, il a fallu que je ramène ma grande bouche :

— Oui maman.

C’est simple, concis, efficace et ça a le mérite d’être clair. Ah oui c’est nul, mais bon c’est à mon image donc c’est pas comme-ci y’avait un changement extraordinaire qui venait de s’opérer. Pour faire bonne figure, j’acceptais la main de la demoiselle avant de m’allonger délicatement sur ladite table, non sans émettre quelques gémissements de douleur : légers certes, mais une oreille attentive pouvait cependant l’entendre à la perfection. J’essayais de jouer au dur, mais là pour le coup je passe pour une guimauve. Je sens déjà que la demoiselle est secrètement en train de jubiler, elle qui me reprochait de faire mon bonhomme tout à l’heure. Bref, elle me sortit alors quelques mots dans son jargon médical, tandis que moi j’acquiesçais comme un débile, sans dire le moindre mot. Je la laisse faire, ça a l’air d’être son domaine la médecine. Moi c’est l’inverse, c’est pour créer des plaies que je suis fort, même sur moi-même, c’est vous dire si je suis un expert. Ce n’est que quand je vus tout son attirail que je ne pus m’empêcher de refaire dans l’humour. Attention préparez vous, blague lourde en approche :

— C’est le moment de faire de la couture ?

Je pouffais alors de rire comme un gamin, il n’y a que moi pour rire à ce genre de plaisanteries. Mais bon je rigolerais certainement moins quand elle commencera à enfoncer l’aiguille dans ma peau. Ah cool, je ne sentirais rien, voilà une bonne nouvelle. Pas que je fasse ma chochotte, mais ce n’est pas agréable de sentir ça dans sa peau. Oh je rêve ou elle vient de dire « beau visage » ? Non je crois que j’ai bien entendu. Bah merci Yuki c’est bien gentil tout ça, mais là pour le moment je ressemble à que dalle alors j’aimerais bien que ça redevienne comme avant, quand j’étais beau gosse et tout. Ouais je sais me le raconte. Tandis que la demoiselle s’attelait à désinfecter la plaie comme elle pouvait, une nouvelle question s’abattit sur moi. Une que je peux malheureusement occulter. Je peux mentir, mais je peux aussi dire la vérité. Je vous rappelle quand même qu’il n’y a pas si longtemps, j’exerçais des activités illégales en famille. Bon ça à la limite je ne suis pas obligé de le dire. Je prenais alors une légère inspiration avant de commencer ma longue tirade, dans un ton calme et posé :

— J’suis né à Urawa. J’suis le benjamin d’une fratrie de 3 frères et 2 sœurs. Pour résumé, les plus âgés c’est des ratés et moi je suis celui qui doit rendre papa et maman fiers du petit fiston. Enfin… devait. Disons que maintenant je n’aurais certainement plus de nouvelles d’eux. Pas par obligation, plutôt par choix. Ce qui est dommage, car je considérais ma mère comme un ange. C’est elle qui m’a donné le trésor de la famille et c’est elle qui m’a convaincu de rejoindre l’armée. Enfin… c’est plus compliqué que ça réellement, mais… bref, ce n’est pas important. J’ai rejoint l’armée depuis… je ne sais pas exactement, mais, c’était bien avant l’attentat, il me semble. Et si tu ne m’as jamais vu ici, c’est pour une raison simple, je me fais discret pour le moment. Disons qu’il faudra qu’un jour je devienne un bon soldat, mais… ce n’est pas pour tout de suite. Du moins j’estime que c’est le cas. On verra bien d’ici quelques mois si je change un peu.

Ouais en gros je viens de dire que je suis un feignant quoi, mais bon je ne suis plus à ça près. Mais c’est peut-être plus compliqué que ça quand on y pense. J’ai quoi comme but dans ma vie et dans l’armée ? Que dalle. Nada. Alors peut-être que ça va venir. Qui vivra verra…

Aussi beau qu'avant, c’est mignon. Elle me cherche un peu la demoiselle quand même je ne voudrais pas dire, mais faudrait pas que l’examen dérape si vous voyez ce que je veux dire. Nan je déconne. De toute façon je suis tellement cassé de tous les côtés que je crois que je vais rentrer chez moi et dormir pendant quelques jours. Oui je suis un Shinobi incroyable, dormir, rien foutre de la journée, mon dieu que c’est exaltant cette vie. Je suis un peu mauvaise langue c’est vrai, mais il faut reconnaître que pour le moment les événements récents ne sont pas spécialement glorieux pour moi. Mais ce n’est pas grave, mine de rien je le prends bien quand même. Fin… je le prends comme je peux on va dire. Alors que j’étais éperdument perdu dans mes pensées, je n’avais pas fait attention au fait que Yuki venait de revenir vers moi. Mais alors que je refocalisais mon attention sur elle, celle-ci me fit signe de me mettre torse nu pour qu’elle puisse continuer l’examen. Oh attendez… vous la sentez cette blague lourde que je m’apprête à sortir ? Oh que si je vais le faire… non en vrai je plaisante. Mine de rien, un léger rictus s’afficha alors sur mon visage, je riais intérieurement de la blague que je m’apprêtais à faire avant de me raviser. Halala… je suis bon pour finir à l’asile moi je vous le dis.

— Oui chef bien chef ! Après ça on a en terminé rassure-moi ? Ce n’est pas que je m’ennuie, mais passer ma vie à l’hôpital c’est pas spécialement mon projet de vie.

Depuis quand j’ai un projet moi ? Bon allez, fin de la rigolade, je vais arrêter de ramener ma grande bouche à chaque fois qu’elle me demande quelque chose. J’exécutais alors ses ordres non sans émettre une nouvelle fois quelques petites plaintes à cause de la douleur que me provoquaient les mouvements que j’étais en train de faire pour enlever mes différents vêtements, mais c’est compréhensif après tout. La prochaine fois je les tabasse… je ne réfléchis même pas. Armée ou pas armée rien à foutre, je les défonce. Oui c’est bien beau de dire ça maintenant, ça aurait été mieux de le faire tout à l’heure, mais à ce moment-là je ne me doutais pas que j’avais aussi le droit de flanquer une raclée aux énergumènes qui me cherchent des problèmes. Une fois mes vêtements enlevés et mon torse totalement à découvert, je posais mes saphirs une nouvelle fois sur mon infirmière, qui semblait mine de rien un tantinet émoustillée par ce qui était en train de se passer. Moi j’essayais de faire en sorte de ne pas faire attention au fait qu’elle soit mignonne, parce que c’est quand même une personne ayant un certain grade, je ne veux pas qu’on m’accuse de faire de la promotion canapé. Les enfants vous irez chercher ce que ça veut dire dans un dictionnaire. Je ne suis pas responsable de la suite. Alors que j’attentais que Yuki continue son examen - qu’on en finisse avec ça - j’en profitais pour lui poser quelques questions, parce qu’il n’y pas que moi qui y a le droit quand même :

— Et toi alors ? Ça fait longtemps que tu es dans l’armée - bon j’imagine que oui - ? Tu penses avoir trouvé ta « voie » ? Ça m’intéresse de le savoir parce que tu as l’air d’une guerrière aguerrie, tout le contraire de moi qui manque d’expérience au combat. C’est bien gentil de me dire que ça viendra avec le temps… mais ça me saoule d’entendre ça à longueur de journée. J’ai quand même envie de prouver ce que je vaux d’une part et d’autre part…

Ketsuatsu doit avoir faim. Ça fait longtemps qu’il n’a pas mangé un peu de sang… Ouhla… je suis en train de penser à quoi moi ? Mon regard se tourna alors vers mon sabre, posé contre le mur non loin de moi. Je rêve ou je viens de me surprendre en train d’avoir une envie de voir le sang couler ? Huh… ça me fait froid dans le dos cette sensation. Je secouais alors la tête comme pour chasser cette idée de mon esprit avant de reprendre la parole d’une voix hésitante :

— Tch. Nan rien laisse tomber.

Ouais, vaut mieux. Si je dis ce que je pense réellement, je vais commencer à l’inquiéter. Et je ne pourrais compter sur personne pour me soigner après.

— Bon tu te magnes ?

Monsieur macho bonjour, ravi de vous revoir.

Si je devais résumer les cinq dernières minutes passées avec Yuki, ça serait plutôt simple : Aouch ! Aïe ! N’appuie pas là bordel ! Ça fait mal ici putain ! Mais touche à tes fesses ! Jusqu’à ce qu’elle me demande de m’allonger pour qu’elle continue son examen. Sauf qu’à ce moment-là, au lieu de me plaindre, comme la demoiselle était en train de me raconter un peu de son vécu, je n’ai pas émis la moindre plainte, je me contentais de l’écouter, dans un silence complet. Ça ne m’empêchait pas de faire quelques grimaces à chaque fois qu’elle appuyait là ou ça faisait mal, mais au moins je ne me plaignais plus. D’ailleurs elle avait raison sur un point : c’est à moi de me bouger le cul. Je n’ai jamais attendu que tout me vienne tout cuit dans le bec, mais il faut reconnaître que j’avais beaucoup bénéficié de l’aide de mes parents et de ma fratrie à chaque fois qu’il nous arrivait de commettre le moindre larcin. Il n’y a que quand j’ai dû partir que j’ai dû apprendre à me débrouiller tout seul. Maintenant je sais que je ne peux plus compter que sur moi, mais ce n’est pas grave, je commence à y être habitué. Bref, alors que je venais de faire comprendre - à ma façon - que je m’impatientais, Yuki eut malheureusement pour moi une mauvaise réaction. Et là ça fait mal…

— AÏE BORDEL DE…

Mais il t’emmerde le cirque ! La sal…eté ! J’aurais dû fermer ma gueule moi aussi ! Elle me fait un examen gratuitement et moi je fais le bonhomme ! Si j’avais su qu’on pouvait me faire aussi mal juste en appuyant à un endroit précis ! L’examen s’était alors brutalement arrêté. Sauf que je n’arrivais pas à décider si c’était à cause de moi ou bien tout simplement parce qu’elle en avait fini avec moi. Dans le doute je vais choisir la mauvaise option, je mise sur le professionnalisme de Yuki. Mais je dois reconnaître que je n’ai pas été classe avec elle. Je ne vais pas rejeter la faute sur Ketsuatsu qui me donne de mauvaises idées, mais quand même ! Oui je parle de mon sabre comme s’il était vivant et alors ? Y’en a bien qui se parle à eux-mêmes sans aucune raison alors bon. La demoiselle m’expliqua alors soudainement ce qui clochait chez moi. Ah ouais quand même… mais en fait j’ai pris sacrément cher tout à l’heure. Repos complet et médicament contre la douleur… j’ai l’impression d’être à la retraite. Yuki signa alors ce qui semblait être une ordonnance avant de me la tendre, d’une manière plus que dédaigneuse. Je crois que j’ai fait une connerie. Je fais quoi du coup ? Deux solutions, je fais mon fier et je me casse sans rien dire ou je suis un peu plus intelligent et je m’excuse. Je ne sais pas. On va faire ça au hasard. Je tire une pièce dans ma tête… si c’est pile, je m’excuse, si c’est face, je me casse. Non je plaisante.

— Merci docteur ! Bon… comme je me suis mal comporté avec toi, je te présente mes excuses. Promis la prochaine fois si je me fais salement amoché tu me rafistoles quand même hein ?

J’essaye d’être un minimum charmant avec elle même si ce n’est pas mon point fort. Mais bon je pense qu’elle va m’en vouloir quand même un petit peu. Surtout qu’on vient de se rencontrer si je ne m’abuse, je n’ai pas spécialement envie d’avoir d’autres ennemis au sein de la capitale. Yuki, dis-moi que tu me pardonnes qu’on en finisse avec ça ? Dans le doute, j’allais tout de même reprendre mes vêtements avant de les enfiler rapidement. Parce que je ne vais quand même pas me promener torse nu dans toute la ville, je n’ai pas envie de rendre les autres jaloux. J’en profitais également pour geindre à propos de mes blessures, tout en ramassant mon arme avant de l’attacher rapidement à mon dos. Je bifurquais alors une seconde fois vers la demoiselle avant de lui dire :

— Je ne t’apprends sans doute rien, mais t’es plutôt douée dans ce que tu fais. T’as raison sur un point au passage, c’est à moi de me bouger le cul. Loin de moi l’idée de me trouver des excuses, mais j’ai un certain poids sur les épaules qui m’empêche d’aller de l’avant autant que je le voudrais. Bref ! Tu m’accompagnes jusqu’à la sortie chef ou tu me laisses me perdre dans l’hôpital ?

Aha ! T’as pas le choix tu dois venir ! Bien joué Teppei !