Elle est étrange cette fillette. Bavarde au possible, grande joueuse – ou tricheuse – de carte, historienne de mythologie clanique ensuite, et maintenant entremetteuse. C’est louche, vraiment louche. En fait elle est trop sympa cette gosse. A côté d’Oniri qui voit le mal partout, forcement ça fait bizarre. Il est normal de se poser des questions à son sujet, se demander si tout ce qu’elle raconte est vrai. Après tout ce ne sont que des histoires, des contes pour enfant relatant d’une croyance bien particulière sur une logique particulièrement bancale.
Il y aurait alors plusieurs possibilités, soit elle nous roule dans la farine depuis le début en inventant au fur et à mesure, juste de quoi garder l’attention de la sunajin pistoléro en éveille, soit ce sont vraiment des croyances loufoques.

Perdue dans mes pensées, assise le rebord au sommet d’un toit de la ville, face au port, je levai les yeux au ciel. Comment pourrait-on imaginer qu’il y ait toutes ces entités ? Tout ces … dieux, si on peut les appelés ainsi. Ces affrontements entre bien et mal qui auraient donné vie à tous les clans que l’on trouve aujourd’hui sur cette terre. Avouez que c’est quand même vachement tordu comme histoire. Et puis ça ne colle même pas avec les propres croyances de mon clan.

« Punaise ! » fis-je en me tapant dans la main. « C’est ça que j’aurais dû dire au resto ! Ça aurait cloué le bec de cette môme et ça aurait évité que je passe moi-même pour une gosse pleurnicheuse auprès d’Oniri … tss … »

Sa réaction était quand même disproportionnée. D’accord ça faisait plusieurs années qu’on ne s’était pas revues, m’enfin une telle méfiance, c’était limite insultant. D’accord elle veut protéger son village mais je m’en cogne complètement moi, de Suna ! J’ai jamais eu l’intention d’y causer le moindre tord, mieux je lui ai proposé l’idée d’une alliance avec Kiri. Mais nan, madame joue les paranos … Et bah tant pis pour elle hein, qu’est-ce que vous voulez de plus. J’ai fais de mon mieux pour être sympa, je suis restée sacrément calme, souhaitant juste faire naitre – ou renaitre – le semblant d’amitié qu’il y avait autrefois. A présent l’amitié, elle peut bien se la foutre où je pense ! Quel gâchis …
Bon, tout ça pour dire qu’hier soir, ou plutôt cette nuit si on veut être pointilleux, Ether l’entremetteuse était venue me voir en privée à propos de la reconstruction de Kiri.

Hum ? Moi jalouse ? De cette môme ? Jamais voyons … nop … bon d’accord peut-être un peu alors, mais juste un peu.
Elle voulait en savoir plus sur le village caché de Mizu no Kuni, ma proposition pour clore son tour du monde semblait avoir fait mouche. Ou bien ce ne serait que pour chercher un nouvel abri, un nouveau foyer pour des nomades qui en auraient assez de toujours fuir et sa cacher. Une idée que je peux tout à fait comprendre, moi-même ayant vécue ce type d’histoire autrefois. Et puis il y en a aussi beaucoup qui sont dans ce cas là, rien qu’avec tous les membres de mon clan ça en fait une petite centaine. Le Shukaï voulait en faire un poste avancé militaire, qu’à cela ne tienne on va en faire un camp de réfugier gigantesque, moderne et avec tout le confort que peut offrir un véritable village. Donc sa venue était tout à fait la bienvenue, mais avec tout ce qui s’était dans la soirée, je lui avais demandé de revenir me voir ce matin plutôt, le temps que je me change les idées.

Le soleil commençait à se lever à l’horizon, illuminant le ciel et les quelques nuages de sa chaude couleur orangée. Les rayons qui reflétaient à la surface de l’océan, quel sublime panorama. On a ça aussi à Mizu, les rares fois où il n’y a pas de brouillard et c’est toujours aussi magnifique. Un croissant dans une main et un pain au chocolat dans l’autre, je restai ainsi à observer ce spectacle, mangeant en même temps et attendant qu’Ether veuille bien se réveiller.

« Brr … fait pas bien chaud mine de rien à cette heure-ci … » Murmurai-je pour moi-même après un frisson.

Ça à beau être un désert dans les terres, sur le littoral le climat est un peu plus tempéré. Certes les températures en journée sont vraiment plus élevées qu’ailleurs mais ça n’a rien à voir avec la fournaise qu’il doit y avoir dans le village caché vers quatorze heures. Et puis le désert, c’est comme une balance. Le jour il fait terriblement chaud, la nuit c’est l’inverse. Les meilleurs moments au final, c’est quand on est entre les deux périodes, comme ici avec le soleil qui sorte de sa cachette. Il doit être presque l’heure du gouter à Kiri maintenant, avec le décalage horaire.
Une voix me sortit soudainement de mes pensées. Ça y est, Ether est réveillée … Punaise, c’était pourtant si silencieux et reposant jusque là. Animée par toute son énergie – qui n’est plus à démontrer depuis hier soir – elle demanda si je voulais une crêpe, un croissant, un jus de cactus ou des gnocchis. Un petit déjeuné quoi. Enfin nan, on ne mange pas de gnocchis au petit déjeuné. Enfin pas chez les gens normaux. Ce qu’elle n’était pas de toute évidence. De quelle planète peut-elle bien venir pour sortir des bêtises pareilles parfois ?

Je lui fis signe que non, d’un mouvement de tête et lui montra en plus ce qui restait de mon pain au chocolat dans la main, le croissant ayant déjà été engloutit. Mais est-ce qu’elle a au moins fait attention à ma réponse ? J’en doute franchement parce qu’à peine demander elle était déjà repartit. Mon dieu, comment peut-on avoir autant d’énergie dès le matin, ça m’épuise rien qu’à la voir s’agiter. Dans un sens je plains même ses parents si elle en a encore, ça doit tellement être dur au quotidien avec un tel énergumène dans les pattes. Au moins avec ça je suis d’autant plus certaine de ne jamais vouloir d’enfant moi-même …
La revoilà déjà … Flute, j’aurais peut-être dû me planquer pour avoir la paix quelques minutes de plus. Naturellement elle était revenue avec tout un tas de provision, ce qui confirmait mon interrogation de tout à l’heure. Elle demande mais n’écoute pas. Une gosse, une véritable gosse.

« Comment c’est Kiri ? » Demanda-t-elle après avoir fini d’avaler sa première bouchée de viennoiserie. « ‘Fin ça va être comment ? T’avais proposé que l’on vienne, mais … Z’êtes sûr que toute une tribu inconnue serait acceptée ? »

Même dans sa façon se parler c’était une gosse !
Je soupirai en silence, terminai mon repas matinal et reportai mon regard sur l’horizon après un rapide coup d’œil sur tout ce qu’elle avait rapportée.

« Ce ne sera pas à moi de décider, mais je pense qu’il n’y aura pas le moindre soucis. Nous avons besoin du plus de monde possible. C’est un projet immense et tant que cela restera un projet, nous seront extrêmement vulnérable. Voilà pourquoi je doute que toi et ta troupe soyez refusées. Il te faudra tout de même rencontrer celui qui gère tout ça. Michiki Michida. C’est son nom, je te le présenterais si tu souhaites toujours venir. »

Je lui souris avec un petit haussement d’épaule. Il fallait avant tout qu’elle comprenne bien qu’il y avait un cerveau à la tête de toute cette opération. Nombre de village, si ce n’est pas tous, voient d’un mauvais œil la renaissance d’un éventuel adversaire. Aussi une attaque soudaine ne serait pas une surprise.

« Tu as dis que tu n’y étais jamais allé c’est ça ? » Je pointai du doigt le soleil qui commençait son ascension. « C’est par là-bas. Un archipel, une multitude d’îles de toutes les tailles forme ce qu’on appelle Mizu no Kuni. Le pays de la brume, presque aussi vaste que Kaze no Kuni. Il porte bien son nom, le climat en milieu de l’océan est si particulier que nous avons du brouillard plus de la moitié de l’année. Certaines de nos légendes disaient que c’était les dieux qui voulaient cacher cette terre aux yeux du monde. Possible ce ne soit pas pareil dans les tiennes, vu tout ce que tu racontais hier soir, c’est fort possible que nous ayons des contradictions. »

Je me tue un moment, le regard descendant observer un équipage de marin qui partait travailler pendant que la majeure partie de la population dormait encore. Il en faut, du courage pour faire de genre de métier parce que là ça va encore, il n’y a presque pas de vent ni de nuages, mais parfois la météo au large est si capricieuse que ces hommes risquent leur vie pratiquement à chaque sortie.

« Pour le reste, ça change pas beaucoup du continent. On a juste beaucoup plus de navire. Mais la population est globalement la même qu’ici, à quelques détails près. Donc même pour des nomades, l’adaptation ne devrait pas être très difficile. Mon propre clan est un petit peu nomade aussi. Enfin nan pas vraiment, on ne fait que changer d’île en île sans jamais quitter Mizu no Kuni … Tu racontais que les Kaguya ne vivaient que pour se battre, sans allié spécifique, frappant contre quiconque se trouvait sur notre chemin. Et bien disons que cette nature s’est retournée contre nous depuis. » Un nouveau haussement d’épaule ponctua l’annonce. « La guerre fait partit de nous. La baston c’est ce qui fait battre nos cœurs. Mais à cause de ça, depuis la destruction de Kiri par les Furyous et notre propre leadeur, nous sommes traités comme des meurtriers, des traitres. Ce n’est pas l’atmosphère la plus simple pour faire grandir une nouvelle génération, du coup on se cache. »

C’était vraiment moche à dire, mais c’était la vérité. Et je voulais changer ça.

« Avec tes voyages, tu as certainement dû en rencontrer, des clans qui sont pourchassés par tout le monde. C’est un peu notre cas, mais avec cette nouvelle Kiri, ça va changer. Ça n’aura plus rien de comparable à avant. On repart à zéro. C’est comme une seconde chance. Donc encore une fois, je doute vraiment qu’une tribu de nomade soit refusée, même si la décision ne me revient pas. Tu veux toujours tenté l’expérience ? D’ailleurs il me semble que tu n’ais jamais dis à quelle famille toi et ta troupe appartenaient, ni ce que tu savais faire à part jouer aux cartes. »

Cette fois-ci je regardai la jeune fille, et qu’elle n’essaye même pas de filer comme tout à l’heure.

Dans un premier temps elle resta perplexe. Le fait que nous étions, et soyons encore actuellement, vu comme des traitres l’interloquait. Et ça se comprenait, nous nous étions battus pour le village et nous avons toujours refusé de quitter l’archipel, pour qu’au final ça nous retombe dessus. Ether n’avait pas tout les éléments de l’histoire pour bien comprendre. Normal, peu de personnes encore aujourd’hui sont au courant de tous les détails de l’affaire Furyou. Même moi il y a beaucoup de point qui me reste inconnus.
La petite nomade annonça être malgré cela prête à voyager vers l’archipel, mais qu’il lui faudrait envoyer une lettre à sa tribu quand même, enfin de ne pas les inquiéter. Pourquoi pas, mais si elle espère utiliser cette excuse pour ne pas répondre à ma dernière question, elle se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude !

« Hashimoto est notre nom à tous ! » Répondit-elle alors. « Une simple tribu de nomades qui s’est créée au fil des siècles, comme beaucoup de tribus. Pas de clan précis. C’pour ça que j’ai rien dit. C’est assez commun. Sinon, j’ai appris un peu de ninjutsu aussi. Ah, et fûton ! … Voilààààà ! »

J’inspectai un moment son visage et cet air niais qu’elle présentait à la fin de sa phrase. Un groupe de nukenin, quelques ninjas dans le tas et ça explique cette connaissance sur le chakra. Mouais, ça se tient. C’est louche avec une telle tête d’ahurie, mais ça se tient. Après tout, tout ce que je sais moi, c’est ma mère qui me l’a enseignée, pas un prof d’académie ou autre.
Un mouvement de tête pour valider ses propos et elle fila écrire sa fameuse lettre. J’aimerais bien écrire quelque chose moi aussi, l’envoyer à quelqu’un qui me tient à cœur. A Tsubaki par exemple, mais quelle aurait été l’utilité puisque je rentrai au pays dès maintenant. J’arriverais très certainement, et ça n’aurait plus eu aucun sens.

Je balayai du regard le port de la ville, en contrebas. Les marins se réveillaient progressivement, la vie reprenait lentement et avec elle le commerce. Hum, où ils ont installé le navire qui fait la traversée ? Voyons voir … C’est peut-être lui là-bas, tout au bout du ponton avec ses deux très grandes voiles triangulaires. Ah ! C’est ça que j’ai oubliée de mentionner ! L’argent !
Après rapide vérification, j’ai juste assez pour payer ma place, pas celle d’Ether. Ce n’est pas bien cher m’enfin ça reste un coût tout de même. Attendons d’abord qu’elle revienne.
Les pieds ballant dans le vide, à une demi-dizaine de mètre au-dessus des quais, je me contentai de saluer d’un mouvement de tête toutes les personnes qui croisaient mon regard. On peut comprendre qu’ils soient étonnés, rare sont les civils à s’installer au sommet du toit d’un hôtel comme le ferait n’importe qui sur un banc. Et les ninjas ne se font pas remarquer. C’est le principe même d’un ninja justement, la discrétion. Alors naturellement cela pouvait les surprendre, mais rien de bien affolant non plus.
Ah, revoilà la nomade.

« C’est tout bon ? On peut y aller ? Le navire est là-bas, je te laisse aller poster ta lettre comme une grande, moi je vais me renseigner sur le prix de la traversée et l’heure de départ. On se retrouve devant. »

Sans attendre plus longtemps, je descendis de mon perchoir et me rendis tranquillement vers le lieu de rendez-vous. Il n’y avait pas encore de foule sur les quais, il était encore tôt, la majeur partie des gens présents n’étaient que des marins et des artisans, comme ce boulanger là qui fait chauffer son pain et d’où la délicieuse odeur envahit tous les alentours. Punaise qu’est-ce que ça sent bon ! Les croissants qui sortent juste du four, les pains au chocolat encore chaud, tous les petits gâteaux qui n’attendent que d’être dévorer. Ah la gourmandise ! Ne pas céder, ne pas céder …
J’arrivai quelques minutes plus tard devant le dit navire, le même qui m’avait emmené jusqu’ici, avec les mains encombrées de viennoiseries à l’odeur appétissante, et un nouveau croissant dans la bouche. En terme de crédibilité, on a fait mieux je pense. Heureusement que la personne en charge de prendre les réservations étaient compréhensive. Sans un mot, elle me montra la grille de prix pour chaque destination. Cette embarcation faisait aussi office de bateau de croisière, voilà pourquoi on pouvait y trouver des ports de Kawa no Kuni et du pays de la feuille en plus de Shu, la première ville portuaire à Mizu, géographiquement parlant.
Le temps de retrouver la possibilité de parler, j’allais la voir et m’occupa des quelques formalités, avant de faire signe à Ether de ma position.

« T’as combien sur toi ? C’est une centaine de ryos pour aller jusqu’à l’archipel, vu que c’est la destination la plus lointaine. Le départ est pour dans une heure, donc moi je vais m’installer et dévorer tout ça, je te laisse payer ta place. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Je montai à bord, sur le côté bâbord, à l’avant. Plusieurs bancs étaient installer de façon à ne pas gêner les manœuvres des marins, mais aussi à accueillir le plus de personne possible. Ce n’était pas un grand bateau, une vingtaine de passager c’était déjà beaucoup, mais que voulez-vous, le capitalisme est partout. Heureusement que cela n’avait pas l’air de se presser devant le stand, on aura peut-être moins de monde qu’à l’aller. Ce serait bien, et ce serait encore mieux qu’il n’ait pas de gosse. Parce que quand ça hurle et que ça pleure durant tout le voyage, les envies de le balancer par-dessus bord sont bien là.

Heureusement ce n’était pas le cas cette fois-ci, en particulier parce que parmi les voyageurs qui montaient à bord, il n’y avait aucun enfant. Une excellente chose, mais ne crions pas victoire tout de suite, nous ne sommes pas encore partit. Je me contentai d’engloutir mes viennoiseries fortement déconseillées si l’on veut garder la ligne, le regard par-dessus la rambarde à observer les passants et la vie du port. Ça a beau être une petite ville, y a quand même du monde.

« Excusez-moi, je peux en avoir un ? » Demanda soudainement un gosse d’une dizaine d’année à peine, accompagné de sa maman.

Flute … ça aurait été trop beau un voyage sans ennui. Je le toisai du regard, puis observai sa mère, puis mon stock de gourmandise, avant de répondre sèchement.

« Non. »

Vas-y gamin, pleure. Non ? Oh ? Sérieusement tu ne vas pas pleurer ? Oh bah ça alors, quelle chance ! Je suis tombée sur un petit garçon qui préfère bouder plutôt que pleurnicher ! C’est magnifique ! Enfin, j’haussai les épaules quand sa génitrice vint appuyer la demande, et repris mon observation de la population. Ether avait dit qu’elle revenait dans une demi-heure après avoir entendu le montant de la traversée. Donc j’avais une demi-heure de tranquillité avant le retour de la tornade sur pattes. Franchement elle est trop vive celle-là, ce n’est pas possible d’avoir autant d’énergie tout le temps, il y a bien un moment où il faut qu’elle se repose … Et pourtant cette nuit elle n’avait pas du tout eu l’air fatiguée. Jusqu’à ce que je ne m’endorme elle est restée à regarder les étoiles perler le ciel noir, à travers la fenêtre. Alors quand ? Et puis elle ne mange pas énormément non plus, malgré toutes les calories dépensées en sautant partout. C’est pas humain …
Et revoici Ether ! Bordel ça fait déjà une demi-heure ? La voilà qui grimpe sur les mats, sur la proue, avec une agilité déconcertante et un silence anormale. Mis à part les marins qui essayaient de lui demander de se calmer pendant son manège, je ne pouvais m’empêcher de trouver ce détail particulièrement troublant. Avec sa morphologie et son énergie, c’est un troupeau d’éléphant qu’on devrait entendre, littéralement parlant. Et pourtant là, presque rien. Presque. Et puis qu’est-ce qu’elle a fait en si peu de temps pour rassembler l’argent. Tout ça est décidément très louche.

Quand enfin elle entendit raison et se calma, elle revint à côté de moi, et observa les poissons qui barbotaient contre la coque du navire. Elle avait hâte de partir, elle voulait voir des baleines, de poissons volants et des mouettes.

« Ouais ouais, mais calmes-toi s’il te plait, tu me fous la honte là … » Répondis-je en jetant quelques regards parmi les passagers. « Des baleines je sais si on verra, elles sont plus au large donc si on ne fait que longer la côte il y a peu de chance. Par contre les poissons volants il y en a tous pleins autour de Mizu no Kuni, et les mouettes, lève les yeux. »

En effet, ces volatiles suivaient les pécheurs partout où ils transportaient du poisson, du coup il suffisait de chercher un navire de ce genre, et les mouettes rodaient au-dessus.
La personne qui gérait l’embarquement monta à bord et remonta le pont avec l’aide de quelques marins. Ça va bientôt être l’heure. On eut droit à un petit spitch sur la sécurité, comme le fait de ne pas monter sur les mats ni de se pencher sur les rambardes, et de rester calme pendant toute la durée du voyage. Tous les regards se tournèrent naturellement vers Ether, dont la réputation n’était plus à prouver à bord. Puis les ordres furent lancés à l’équipage. Rapidement les voiles s’ouvrirent au vent, l’encre retrouva sa place sur le pont et les amarres libérèrent l’embarcation. Petit à petit nous prenions de la vitesse, jusqu’à sortir du port. Un nouvel ordre du capitaine et la Grand Voile fut sortie, augmentant soudainement le rythme. Nous voilà partit.

« Première escale, la ville d’Higata à Kawa no Kuni ! Dans deux jours si tout va bien ! » Annonçai-t-il tout en tournant la barre.

« Nickel. » fis-je pour moi-même, avant de m’adresser à la nomade. « Bon, maintenant que tu ne peux plus t’échapper, vas-y explique. T’as fait quoi et comment pour avoir assez de sous pour la traversée ? T’es au courant que voler des pauvres c’est mal ? Et puis comment tu fais pour ne faire aucun bruit alors que tu t’agites sans arrêt ? C’est vraiment de plus en plus louche toutes tes histoires. Réponds-moi franchement s’il te plait, sinon c’est simple je te noie. »

Peu importe qu’elle sache nager ou non, avec la tête sous l’eau, même le meilleur de nageur fini par manquer d’air. Et j’étais très sérieuse dans ma menace. Aider je veux bien, recruter un nouveau clan et offrir un abri à des nomades qui en auraient marre de voyager, c’est parfait. Mais faudrait pas continuer à me prendre pour une truffe trop longtemps non plus. Cette gosse est beaucoup trop louche. Avec ses histoires de clan hier soir et de divinité je-sais-plus-quoi, son soi-disant talent aux cartes, le fait qu’elle ait autant d’énergie constamment sans énormément manger ni se reposer, ou encore ne pas faire de bruit malgré toute son agitation. Ça ne peut pas être normal.

Son air niais à nouveau apparent, la nomade répondit sans réellement le faire. Elle évitait la question en ne donnant qu’une donnant qu’une réponse approximative. Tss, qu’est-ce que c’est énervant ce genre de comportement. Obliger de leur tirer les vers du nez, et sans utiliser la manière forte en plus ! Bah ouais, c’est certain que si je laisse parler mes pulsions kaguya, la pauvre petite ne serait plus de ce monde depuis un moment. Mais d’un autre côté, c’est juste une gosse à qui ont à laisser un peu trop de liberté. Ou trop peu. Ce qui résulterait d’un tel comportement non compatible avec une vie en société. Oula, je fais dans la psychologie maintenant, c’est nouveau … le baby-sitting c’est mal. Et si jamais tout son groupe est comme ça, punaise ça va être animé à Kiri !
Enfin bref, l’excuse d’Ether pour avoir soudainement autant d’argent, c’était d’avoir jouer au poker et d’avoir tout rafler. Vous aussi vous sentez que c’est complètement bidon ? A propos du silence de ses pas, elle appuyait sur le fait qu’il faille constamment être discret quand on était poursuivit. Certes, m’enfin à ce niveau ce n’est plus au stade de la discrétion là, c’est du domaine des fantômes et des spectres. C’est simplement pas humain de s’agiter autant et de faire autant de bruit d’une petite brise fraiche au matin dans les cheveux.

« Me noyer ? Essaies seulement pour voir ! » Termina-t-elle.

Mais elle répond l’effrontée ! Y a plus de respect !
Restons calme, soufflons et pensons à autre chose. Qu’est-ce que ferait Tsubaki à ma place ? Est-ce qu’au moins elle s’est déjà retrouver dans cette situation, avec une gosse bruyante au possible et plusieurs jours de voyage qui vont paraitre interminable ? Punaise oui cette traversée va être longue, très longue. Je fais ça pour Kiri, il faut tenir bon. Et puis voyons le bon côté des choses, devoir me la coltiner sans avoir droit de la frapper, ça va me permettre de bosser ma patience. Une chose bien trop étrangère chez nous autres Kaguya, et qu’une chef de clan devrait avoir en premier lieu.
Cependant, à la voir remuer à nouveau sitôt le navire en route, non plus en courant mais en marchant vite ; il y a vraiment des claques qui se perdent. Oh je sais ! Discrètement, je malaxai mon chakra et me récréai l’équivalent des boules-quies en os. En plus ça ne se voit pas puisque c’est à l’intérieur de l’oreille. Ah le silence, c’est si magique, si reposant. Je m’adossai contre la rambarde, les bras croisés et fermai les yeux. Dormir, ça restait le meilleur moyen de passer le temps sur ce genre de rafiot où il n’y a rien à faire. Ainsi les heures passèrent sans que je ne m’en rende compte. Un réveil sur les coups de midi avec la pause bouffe, puis un atelier sculpture d’os improvisé sur la proue du navire, les jambes dans le vide et le regarde un coup porté sur l’horizon, un coup sur ce que je fabriquais. D’ailleurs ça ressemble pas à grand-chose … Mmh, sauf si j’allonge par ici et que j’affine le dessus. Ouais attendez y a moyen d’en faire un truc sympa.

Je ne m’en étais pas rendue compte d’ailleurs mais le gamin de ce matin observait avec attention mes manipulations, en silence et en tailleur à côté de moi. Il fallut ainsi plusieurs minutes pour que je m’aperçoive de sa présence. L’inconvénient de ne quasiment rien entendre me direz-vous. Enfin, il eut droit à un simple sourire de ma part avant que je ne continue ma création. Ça commençait à prendre forme au bout d’une petite heure. Encore quelques détails, quelques retouches ici et là, et tadam ! Un petit voilier à la forme assez proche de celui sur lequel on navigue. Il y avait même des mats et les voiles, et malgré le fait que ce soit

« Tiens, cadeau pour avoir été sage. » Dis-je au jeune garçon en lui offrant l’objet.

Hop, une bonne action. Le soleil commençait sa chute lentement et la première journée de navigation se termina calmement. Il n’y a que la différence de sonorité entre avant et après s’être bouché les oreilles qui est désagréable.
La nuit tout le monde avait sa couchette, ou plutôt son hamac, dans la calle du navire mais ce n’était pas vraiment reposant. Le confort restait très précaire et bordel qu’ils ronflent les marins ! Là encore les boules-quies osseux firent merveille ! Qu’est-ce que c’est bien d’être Kaguya quand même. Ainsi la nuit passa sans le moindre incident, c’est tout juste si quelques souffles marins un peu trop frais ne provoquaient qu’une gène passagère.
Avançons jusqu’au réveil voulez-vous. De toute manière quand tout le monde dort, il n’y a rien à commenter. Le soleil recommençait à pointer le bout de son nez et devinez quoi, mademoiselle la nomade était déjà debout ! Elle n’est pas humaine je vous dis ! Ce n’est pas possible de ne pas être épuiser après avoir tant remué la veille. Je lui fis un vague bonjour de la main, un peu chancelante et encore dans les vapes du sommeil. Elle me proposait alors des fruits secs dans un petit sac en tissu, prétextant que c’était sa mère qui les avait faits. Suspicion oblige, je l’observai un moment sans répondre, sans bouger. Puis en voyant qu’elle en mangeait un elle-même, pourquoi pas. Je me servis en la remerciant d’un mouvement de tête et allai m’affaisser sur l’un des bancs.
Mmh, ça n’a pas vraiment de goût ce truc, et c’est très pâteux. D’accord ça vient du désert, c’est donc normal m’enfin je suis plus habituée aux melons et aux mangues de Mizu qu’à ça. En plus c’est moche à regarder, c’est tout ridé et marron. Comme des raisins qu’on aurait assécher plutôt que les manger. Quelle idée stupide … faut vraiment être sunajin pour penser à un truc aussi saugrenu.

Quelques minutes plus tard, tout le monde était réveillé et déjeunait avec les provisions qu’ils avaient pensés à apporter. Et zut … j’aurais pas dû tout manger le premier jour, quelle cruche … Mon regard s’attarda à nouveau sur Ether pendant plusieurs secondes, puis une minute, puis deux. Cette gosse cache quelque chose, et je découvrirais ce que c’est.
Agitant la main, je lui fis signe d’approcher et allai sur la proue du navire, à l’écart de la population :

« Dis-moi, on a quasiment une semaine à passer ensemble là, alors que dis-tu que je te t’apprenne quelques trucs ? J’ai remarquée avec Oniri que tu n’avais quasiment aucune faculté offensive, et ça pourrait grandement te manquer à Kiri. » Je marquai une pause, le temps de voir si cela l’intéressait ou non. « Je suis une Kaguya, mon domaine c’est le taijutsu mais je doute que cela te convienne mais j’ai aussi des notions de ninjutsu. Si tu souhaites apprendre quand même, je peux te montrer des trucs et tu les arrangeras à ta sauce. Qu’est-ce que tu en penses ? »

Avantage double, ça va me permettre de passer le temps et d’en apprendre plus sur elle sans la questionner constamment, puisque de toute manière elle refusera de répondre.
A l’horizon, Kawa no Kuni commençait à apparaitre. Il faudra encore plusieurs heures pour atteindre le premier port mais au moins on voyait où on allait.

« Ça s’rait génial ! » Répondit la nomade en secouant verticalement la tête. « On pourrait descendre sur Kawa pour éviter d’blesser des gens ! … Ou sinon, y’a la cale. Mais j’s’rais ravie d’apprendre de toi ! T’as l’air d’être une sacrée guerrière ! Ninjutsu, ça m’va, j’sais faire que ça… Tu vas pas m’taper, hein ? »

Un sourire carnassier apparu sur mon visage.

« Ça dépendra de toi. » Avant d’éclater de rire. « Ahah, on va attendre d’être sur la terre ferme alors. Ce serait mieux pour tout le monde et tu pourras te concentrer pleinement sur les exercices. »

Me voilà Sensei improvisée. J’aime bien, ça donne l’impression que je suis importante.

« Donc ! Pour débuter, en attendant tu vas t’entrainer à rester concentrer sur un point fixe. Comme … heu … cette poulie-là. Tu te concentres dessus ; ou tu fermes les yeux ça marche aussi. Et tu essayes de visualiser le mouvement de ton chakra en toi. C’est essentiel pour tout ninja, de savoir maitriser son énergie en toute circonstance. »

Je m’assis, les jambes croisées, pour lui montrer comment faire. Les mains entremêlées, les yeux clos, la respiration lente.

« Tu dois réussir à faire abstraction de ce qui t’entoure et te concentrer uniquement sur ton flux intérieur. Tu dois le sentir sortir de ton cœur, faire le tour de tes bras, descendre dans tes pieds pour remonter jusqu’aux pointes de tes cheveux, avant de clore la boucle. Et recommencer, encore et encore. » Je me relevai ensuite et lui fis face. « Ça te sera utile pour la suite. Si tu fais ça bien, tu ne devrais même pas t’apercevoir quand nous seront arrivés au port. Je viendrais alors t’avertir. »

Après quoi j’allai faire un tour dans la cale du navire, à la recherche de quelque chose à grignoter. Quelque chose qui ne soit pas aussi pâteux que les fruits secs de la mère d’Ether. Mais hélas, tout ce qui pouvait correspondre à la description, c’était des baguettes de pain au look franchement pas attirant. Tant pis j’attendrais qu’on accoste.
Les remous de la mer se calmaient peu à peu, une partie de l’équipage montait replier la majorité des voiles, de sorte à réduire la vitesse du navire à l’approche du port. Ce serait quand même dommage con de louper la manœuvre et de s’échouer sur les digues à cause d’une erreur aussi stupide.
Mais ça restait impressionnant à voir tout de même. Quoi que, le plus impressionnant restait de voir Ether calme et immobile. Ça c’était une réelle prouesse. Ne la dérangeons surtout pas, nous ne sommes pas encore à quai, elle a encore quelques minutes à tenir comme ça, va-t-elle y arriver ?

Tous les passagers étaient priés de rejoindre le pont pour le comptage. Il était nécessaire de faire l’appel afin de vérifier que tout le monde était encore à bord, et qu’on n’avait perdu personne. De toute manière, dans le cas contraire c’était sans doute trop tard pour faire quoi que ce soit …
Lentement et avec doigté, le navire entra dans le port d’Higata. Un slalom impressionnant entre les navires de pèche et nous voilà arrivés pour la première escale. Les amarres furent fixées, la planche d’embarcation sortie et déjà les premières familles descendaient. Moi je préférai attendre un peu, pour ne pas provoquer d’embouteillage et surtout ne pas risquer de tomber à la mer avec toute la foule sur le ponton.
Un regard sur la jeune nomade, et un sourire apparu sur mon visage à nouveau. J’ignorais si elle avait réussi ce que je lui avais demandé ou si simplement elle faisait semblant. Du coup je m’approchai d’elle sitôt la sortie débloquée, et tapotai le sommet de son crâne :

« Ether ? On est arrivé. Ça va, tu as réussi à bien suivre les mouvements de ton chakra ? On va aller se trouver un terrain vague tranquille pas trop loin, mais d’abord j’aimerais passer dans une boulangerie, j’ai les crocs. Go ? »

La demoiselle approuva, retrouvant toute son énergie si significative. Ah, soupire … C’était si agréable quand il y a encore quelques secondes. Comment font ses parents pour la supporter ? A moins de la droguer discrètement, je ne vois pas. Le reste passerait pour de la maltraitance d’enfant, et puis surtout ça se verrait bien plus qu’un simple bon gros somnifère dans la soupe. Ça pourrait donner envie à certains de jaser sur l’absence d’amour parental et blablabla, et blablabla.
D’un air las, je regardai ainsi Ether filer sur le ponton, sautiller dans tous les sens et s’émerveiller de tout et n’importe quoi. Reste calme bon sang, reste calme … Oh non hé ! Pourquoi elle revient en trombe pour me prendre par la main et me tirer jusqu’au port ?! Bordel je passe pour quoi moi ? Sa grande sœur limite … punaise ça crains … D’accord on est toutes les deux blondes, toutes les deux avec la peau mate, toutes les deux avec les yeux bleus, mais quand même !
Sur le chemin je m’excusai auprès de toutes les personnes que nous bousculions, en même temps qu’essayer de regarder tous les endroits que la nomade pointait du doigt. Un exercice particulièrement difficile mine de rien. Heureusement le rythme ralentit rapidement. De toute manière si ça n’avait pas été le cas, je l’aurais arrêté moi-même. Y a marre de se faire tourner en bourrique par une gosse !
Justement voilà qu’Ether entre dans une boulangerie, ou ce qui y ressemble, et ressortit peu après avec une espèce de boulette de riz et du sésame dessus entre les mains.

« On va où maintenant ? » Demanda-t-elle avec un grand sourire.

« Attends-moi et ne touche à rien. »

Un ton franc, sec et précis. C’est ce qu’il fallait avec ce genre de bestiole, de la fermeté. J’entrai dans la dite boulangerie ensuite et ressortit, un sac plein de viennoiserie et autres sandwich dans chaque main. Quoi ? Il en faut de l’énergie pour ne pas taper sur Ether.

« Suis-moi. » Lui lançai-je ensuite.

C’était également la première fois que je posais les pieds dans cette ville mais au final, c’était comme toutes les autres, avec quelques différences légères. Les mêmes corps de métier, les mêmes mendiants, les mêmes enfants chapardeurs. Ah, attendez ça par contre c’est la première fois que je vois ça. La chose en question, on pouvait l’apercevoir au loin dans les terres, en regardant à travers une ruelle. Une sorte de dôme de gaz orange au sommet, gris à la base. Qu’est-ce que ça peut bien être ? Ça a l’air gigantesque en plus et pas franchement naturel.

« Z’êtes pas d’ici vous, hein ? » Demanda soudainement un vieillard planqué entre deux poubelles. « C’est Kurebasu, la capitale de Kawa no Kuni. La plus grande ville du monde … la plus polluée aussi … »

D’accord ça vient de là. La bêtise des hommes n’a donc vraiment aucune limite. Au final il n’y a pas que les villages ninja qui soient pourris, les zones civils aussi. Je remerciai l’informateur d’un mouvement de tête souriant et d’un pain au chocolat, avant de reprendre mes recherches. Un terrain plat, à l’écart, tranquille où Ether pourra s’entrainer sans risquer de faire du mal à quiconque. Hélas pour cela nous fûmes contraintes de sortir de la ville, le port était en vue certes mais pour ne pas trop nous éloigner non plus, ce sera une sorte de décharge qui fera office de camp d’entrainement. Au milieu des pneus usés, des tuyaux rouillés et de toutes sortes d’ustensiles de la vie quotidienne qui ne remplissaient plus leur fonction. Cela nous laissait également assez de place pour agir, et malgré à la faible odeur désagréable, c’était mieux que rien.

« Bon, pour le prochain cours on essayera de trouver un meilleur endroit … » Dis-je à contrecœur.

Du regard je cherchai ce qui pourrait faire office de cible, mais à part des bouteilles vides et des trucs trop crades, il n’y avait pas grand-chose. Tant pis on va faire avec.

« Ether, trouves-moi le plus possible de bouteille comme celle-ci s’il te plait. » L’objet indiqué était ce qui restait d’une bière. « Pendant ce temps je te prépare le reste. »

Il s’agissait d’une sorte d’estrade, ou d’un bar miteux, selon le point de vue. Avec des pots de peinture entassés, quelques barres métalliques tordues, des cagots de bois pour soutenir un peu la construction et une planche au sommet pour faire office de support. Le système D dans toute sa splendeur, avec D pour Démerdes-toi.
Je rajoutai ensuite une partie du butin de la nomade dessus, trois bouteilles alignées puis je m’en éloignai de quelques mètres.

« Bon, tu t’es entrainer à ressentir ton chakra tout à l’heure. Maintenant tu vas le mettre à l’œuvre. Quand on débute ce n’est pas forcement simple alors ne désespère pas tout de suite. Tu vas devoir faire deux choses à la fois et n’essaye surtout pas de tricher, je ferais gaffe. » Un regard sérieux appuya mes dires. « On va faire ça en deux fois pour ne pas griller les étapes. D’abord, viens te mettre en face des bouteilles. »

Je vins tracer une ligne dans la terre avec le pied, entre elle et les cibles. Puis une autre derrière elle et une de chaque côté.

« Voilà. Première exercice, réussir à jauger la bonne dose de chakra à mettre dans les pieds pour rester immobile en toute circonstance. Ça peut paraitre débile mais l’utilité vient ensuite. »

Je fis une série de mudra et d’un rapide mouvement de la main, je projetai trois de mes phalanges juste au-dessus des bouteilles de bière.

« Tu vas devoir faire pareil en projetant du vent. Ne fais surtout pas tomber les bouteilles mais ne sort pas non plus de ta zone. Ton chakra doit être disposé autant dans tes doigts que dans tes pieds, pour rester stable et maitriser la situation. C’est la première étape. Tu as une excellente affinité avec le vent, on va bosser dessus, je n’ai pas les moyens de t’apprendre à maitriser un autre élément. » J’allai m’adosser à ce qui restait d’un mur de brique, et mordis dans un pain au chocolat. « Commence quand tu te sens prête. Mais ne tarde pas trop non plus, on doit rejoindre le bateau avant qu’il ne reparte hein. »

Tiens, pourquoi cet air niait d’ailleurs ? Aurais-je dis quelque chose de drôle ou bien elle se moque encore ? Mouais, bosse un peu, que je me marre à mon tour.
Ether se mit en position et débuta par reproduire mes mouvements. Évidemment rien ne se passa, c’est normal au début. Il s’agit tout de même savoir bien doser son chakra et envoyer jusque ce qu’il faut à un endroit précis, en l’occurrence au bout des doigts. Normalement ça demande plusieurs semaines d’entrainement juste pour réussir à faire ça, mais elle ne devrait pas avoir trop de mal, avec ce que j’ai pu voir quand on était dans le désert. Elle a déjà de bonnes bases mais tout est fouillis. Le boulot va plutôt être de lui apprendre le fil des études et la méthode, elle pourra ensuite se créer ses propres techniques toute seule.

Les premiers jets d’air naquirent alors que j’entamais un délicieux sandwich jambon, œuf et fromage. Très bien, vraiment très bien. Être capable de projeter son chakra à travers son affinité, ce n’est pas si évident que ça. Et elle s’en sortait très bien, maintenant il faut réussir à viser, à se maîtriser.
Les minutes passèrent, et les bouteilles tombèrent. Heureusement qu’elle en a trouvé pas mal parce qu’à la vitesse où elle les dégomme, il n’y en aurait plus eu avant qu’elle n’ait réussi à maitriser cette technique. Une fois mon repas terminé, et jugeant nécessaire de garder le reste pour la traversée, j’observai plus précisément le mouvement des pieds de la nomade. A chaque tir, elle reculait. Sans doute sans s’en rendre compte, et heureusement qu’elle prenait soin de se replacer après chaque échec, sinon elle serait en effet sortit de la zone.

« Tes pieds, n’oublie pas de fixer tes pieds. » Lui dis-je alors qu’elle faisait déjà exploser la cinquième bouteille.

Progressivement elle s’améliora, elle commençait à prendre le coup de main. Il y avait de moins en moins de casse, et en même temps moins de stresse dans les mouvements de la nomade. Comme quoi ça ne sert à rien de trop se presser, il vaut mieux prendre son temps et faire les choses correctement que tout bâcler trop vite.
Cela fit plaisir quand elle réussit enfin l’épreuve, et plus encore quand elle continua, comme si elle voulait se prouver que ce n’était simplement pas la chance du débutant. Par contre je ne m’attendis pas à ce qu’elle vienne soudainement me sauter dessus et me faire un câlin en me remerciant. La tête au milieu des seins quelques secondes avant de s’extirper de là, et se plaindre que c’était dangereux. Je la repousse sans violence et remet mon haut en place :

« Y a pas de quoi, y a pas de quoi. » Fis-je, un peu gênée tout de même. « Bon, retour au navire maintenant. Mine de rien, ça t’as prit quand même un bon moment mais c’est une bonne chose de faite. Tiens, faut que tu récupères un peu d’énergie. »

Je lui tendis un mini-sandwich parmi mon stock et entamai la marche du retour.

« Il faut maintenant que tu travailles ton placement, tu as du mal à te focaliser sur une tache sans oublier les autres. C’est normal au début, mais il faut travailler ça en vitesse … Je sais quoi te faire faire quand nous seront sur le bateau. »

Le reste du chemin se fit en silence, à vrai dire j’étais plus occupée à observer les environs. Ça aurait pu être une belle ville, s’il n’y avait pas cette immonde fumée dans les terres qui prenait de plus en plus de place au milieu des nuages, et tous ces détritus partout. Les joies de l’industrialisation, et tant pis pour la nature … Bande de cons, c’est pas parce qu’une plante ne donne pas d’argent qu’elle est inutile. Décidément ils ont tous oubliés leur origine, la base de toute vie et à quoi ils doivent d’être encore en vie. C’est la terre qui vous nourrit, et vous, vous la mépriser. La décharge étant en plus sur une petite dune, on visualisait encore mieux la débauche de ce monde. Tss …

Le soleil dans le ciel avait commencé sa chute vers l’horizon, tandis que tous les passagers de la petite croisière reprenaient place à bord. Dans un premier temps, nous dûmes tous rester assis afin de ne pas gêner l’équipage durant la sortie du port, puis direction le pays du feu ! Il nous faudra encore deux jours de navigation environ. Ça laisse pas mal de temps pour corriger les quelques problèmes de placement de la jeune blonde.
Un petit mouvement de coude dans mon bras droit m’interrompit dans ma réflexion. C’était une femme quelconque, brune, la cinquantaine qui semblait assez gênée :

« Excusez-moi mademoiselle, mais est-ce que vous pouvez dire à votre petite sœur de rester calme ? Elle stresse tout le monde et cela rend nerveux mon fils. »

Mon regard se posa successivement sur le tas de draps blanc qui tenait contre elle, et la personne sensée être ma petite sœur. Ether ? Elle ? Nan mais vous êtes sérieux ? On se ressemble pas du tout ! … D’accord si, on se ressemble mais quand même oh !
Un long soupire s’échappa de mes lèvres avant que je ne me lève et vienne appeler la nomade tout en me rendant sur la proue du navire.

« Viens là p’tite sœur … Ouais on se ressemble trop il parait … Bref, avant qu’on arrive à la prochaine escale tu vas avoir un nouvel exercice. » Je tapotai le mat avant du bout des doigts. « Tu vas devoir monter tout en haut, sans utiliser tes mains ou tes bras. » Un petit sourire s’étira sur mon visage alors qu’elle devait certainement ne pas comprendre comment faire. « Regarde. »

Je malaxai mon chakra et le disposai sur la plante de mes pieds, avant de monter sur le mât à l’horizontal. Deux mètres d’ascension avant de se retourner vers la miss.

« Comme tout à l’heure dans la décharge, tu dois savoir jauger et maintenir ton chakra dans tes pieds sur une durée plus ou moins longue. Si tu n’en mets pas assez, tu tomberas, si tu en mets trop, tu écraseras le mât. Et le capitaine ne sera pas content du tout. » Je redescendis ensuite et jetai un coup d’œil sur l’horizon. « Si tu arrives à atteindre le sommet, tu devrais pouvoir voir les baleines avant tout le monde quand on arrivera dans leur zone, sympa comme récompense non ? Bon courage. »

Un sourire et je m’apprêtai à regagner ma place, quand Ether me sauta littéralement dessus à nouveau. Comme dans la décharge, un gros câlin ! Avec une petite variance cette fois, c’est qu’elle mettait sa tête sous mes seins, les faisant remonter du même coup. Un moment terriblement gênant que je ne supportai pas plus de quelques secondes. Heureusement elle se mit rapidement au travail :

« Arrête oh, c’est méga gênant … Oh mais tu sais déjà faire ! » M’écriai-je en la voyant grimper sans aucune difficulté sur le mât. « Bravo, j’ai l’air de quoi maintenant moi … Franchement … »

Je retournai m’assoir en marmonnant, ignorant totalement les éventuels regards ou critiques des autres passagers vis-à-vis de l’étreinte un peu trop passionnel à mon goût. Pour vu qu’elle ne recommence pas quand Tsubaki sera là, c’est un coup à passer un très désagréable quart d’heure, à devoir expliquer que ce n’était pas du tout ce qu’on pourrait croire … Oh les mal de crâne en perspective.
Un profond soupire et je m’adossai contre la rambarde du navire. La miss était toujours là-haut et observait l’horizon. Là au moins elle n’embête personne, elle est occupée à chercher des baleines qu’on ne verra peut-être même pas. C’est plutôt rare d’en voir, même au large. Enfin l’avantage c’est que cela la tient en place. On va pouvoir être tranquille quelques minutes …

« Oh maman ! Des baleines ! » S’écria soudainement un des gamins.

Putain !! Mais c’est pas possible !! Bordel de con de saloperie de merde ! Plus jamais ! Plus jamais, je vous dis, je ne voyage avec cette nomade ! Rah !
En effet les géants mammifères marins apparaissaient à la surface de l’eau. Temps en temps on pouvait même voir un jet d’eau projeté à plusieurs mètres de haut, au milieu d’une surface parfaitement calme. Ça reste impressionnant, mine de rien. Pour pouvoir faire pareil, nous on doit avoir pas mal de connaissance en ninjutsu, et surtout avoir une forte affinité avec l’eau, le suiton. Ce qui n’est pas du tout mon cas, personnellement. Peut-être qu’Ether oui, après tout on ne sait toujours quasiment rien de cette gosse ! Regardez-là, descendue de son perchoir et maintenant émerveillée par ces gigantesques bestioles, comme tous les mômes qui participent au voyage d’ailleurs. C’est ça, c’est une gosse. Juste une gosse … Et moi je fais la babysitter … Attendez, je l’ai pas déjà dit ça ?
Elle m’appela alors en disant, ou hurlant plutôt, que je devais absolument voir ça, et demanda – sans doute plus pour elle-même que pour moi – si les dénommés Kreth et Thresha en ont déjà chevauché. Si jamais vous savez de qui elle parle, je ne suis pas contre quelques infos.

« Attention ! » Cria soudainement le capitaine juste avant d’entamer un virage.

Le navire se pencha en effet violemment, nous fûmes tout de suite conviés à se baisser par le reste de l’équipage, alors qu’une baleine venait passer vraiment près de la coque. On aurait presque pu la toucher, à quelques mètres près. Oh ?

« Ether !!! Baisses-toi !!! » Lui hurlai-je en voyant le support d’une des voiles virer de bord à toute vitesse dû au changement de cap.

Le silence se fit et tout le monde se figea devant la scène. Le choc fut si violent que la jeune nomade s’en retrouva démunie de sa tête. Une véritable décapitation en directe ! Oh bordel ! Les cris effrayés ne tardèrent pas à retentir pendant que je restai choquée devant le corps de la demoiselle à présent privée de son crâne. Woah … heu … que dire dans ces cas-là ? A part un choc, pas grand-chose. Je m’approchai et plus les secondes passaient, plus de trouvait bizarre qu’elle ne s’écroule pas. Normalement un cadavre ça tombe au sol, non ? Ça ne reste pas debout comme si rien ne s’était passé.
Interrogée, je vins pousser du doigt son bras, mais cela ne bougea toujours pas.

« Heu … Ether ? » Demandai-je, complètement perdue face à une telle situation.

Je reculai soudainement mon bras quand, après quelques instants sans mouvement, la nomade leva le sien et passa sa main là où normalement il y aurait dû avoir sa tête. De plus en plus surprise, alors que les cris de terreur reprenaient dans l’assemblée touristique, je faillis laisser échapper un bon vieux « bordel de merde » en réponse à cette soudaine réaction. Qu’est-ce que c’est que ça encore ? Un fantôme ? Nan c’est dans les contes ce genre de truc, et puis même si ça avait été le cas, elle n’aurait pas pu jouer aux cartes. Ce genre de folklore n’a rien de matériel, de physique. Enfin on pouvait tout de même entendre derrière, des marins faire tout un tas de prières en plaçant leurs deux index en une croix sainte. Ça va oh, ce n’est pas comme si c’était un esprit frappeur … En plus elle est trop pacifique pour correspondre à cette catégorie d’ectoplasme.

Cela put certainement se voir sur mon visage, que je n’étais pas très à l’aise, lors que la tête d’Ether réapparue tout aussi mystérieusement qu’elle avait disparue. Et avec elle, le sourire niais de la gosse. Elle s’extasiait encore d’avoir pu toucher la baleine qui avait faillit nous faire chavirer, réagissant comme si de rien n’était à sa précédente décapitation en public.

« Ether … » Dis-je à demi-mot tandis que la miss s’éloignait vers la proue en sifflotant. « Etheeeerrrr … »

Cette fois c’était avec plus d’impatience. Je n’écoutai même plus ce qu’elle palabrait, ni ne faisais attention à sa nouvelle distribution de carte. La patience arrivée à terme, je repoussai les cartes au sol et attrapai dans le même temps la nomade par le col de ses vêtements. Sans la soulever trop non plus, juste assez pour qu’elle ne sente plus tout à fait le plancher sous ses pieds.

« Merde Ether c’était quoi ça ?! Arrête de faire la gosse bordel !! Je t’ai vue ! On t’a tous vu ! Expliques-toi de suite, et sans te foutre encore de ma gueule !! Grouille !! Ce n’est pas du ninjutsu ça, c’est complètement autre chose, un truc pas humain alors merde expliques-toi !! T’es quoi au juste ?! »

Nos visages se touchaient presque, si bien qu’elle pouvait parfaitement lire et sentir ma colère, autant dans les rides qui se formaient sous l’exaspération, que par le ton employé.
Le rythme cardiaque était également soutenu, ce qui venait d’arriver, et sa réaction faussement innocente, c’était comme on dit la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Dans mon dos ça jurai encore et ça balançait des pseudo-attaques spirituelles contre le démon que représentait maintenant la nomade. Même les membres de l’équipage, les vrais pas les touristes, s’y mettaient avec leurs croyances maritimes et leurs divinités respectives. Au final, une bonne partie des personnes présentes à bord avaient disparues dans les cabines.

« T’es consciente que si tu ne trouves pas une très bonne explication tout de suite, on ne pourra pas finir le voyage ? » Chuchotai-je à Ether alors que le capitaine s’approchait prudemment, une main sur le manche de son sabre, à la ceinture.

« Je peux savoir ce qu’il se passe ?

- J’aimerais aussi Capitaine. Aller miss, balance tout, clairement et sans contourner la vérité. » Répondis-je en poussant la nomade entre nous, sans une once de douceur dans le geste.

Ses cartes étaient parterre, elle ne pouvait donc plus utiliser le jeu comme excuse. Les bras croisés, j’attendis ainsi autant la réponse que le responsable de la traversée jusqu’à Mizu no Kuni.

La première tentative de la jeune blonde fut de nier l’évidence, d’essayer une excuse bidon. En vain évidemment, elle se résigna d’elle-même. Parmi les dernières personnes présentes, tout le monde attendait ses explications. Tout le monde la regardait avec un air suspicieux, avec des chuchotements désagréable en guise d’accompagnement. Ce n’est pas avec ça qu’on va pouvoir vraiment avancer. Le stress ça n’apporte jamais rien de bon dans ce genre de situation.
Je levai un bras face au capitaine afin de lui intimer le conseil de se taire et de ne rien faire, alors qu’Ether se précipitait sur ses cartes, les récupérant toutes et inspectant l’état de chacune comme s’il s’agissait d’un trésor. Ça va, ce ne sont que des bouts de carton … Bref.

« Mh, j'espérais garder la surprise, c'dommage ! » Annonça-t-elle en riant.

Je m’apprêtai à râler encore quand la nomade leva un bras. Un silence interrogateur se fit, puis des « oooooh » suivirent. Son bras venait de s’évaporer, de se dissoudre dans le vent comme s’il n’était constitué de fumée. Dingue, et elle n’a même pas fait de mudra pour faire ça. Ce n’est donc pas l’œuvre d’une technique. Elle fit de même avec son autre bras, puis avec le reste de son corps, disparaissant totalement face à nous. Truc de dingue. Comment c’est possible ? C’est pas humain ça … Attendez c’est pour ça qu’Oniri avait dit ne plus ressentir le moindre chakra de sa part durant une courte seconde ? Flute, encore un exemple où le manque de sensorité est entravant !
La demoiselle était pourtant toujours là, devant nos yeux, mais sans l’être non plus. La preuve, elle jonglait avec ses cartes comme un clown. Et ça faisait rire les gosses, tss. Peu après elle réapparue, rangea ses jouets de papier de leur étui et annonça être une magicienne, une experte du subterfuge. Sérieux ? T’as rien trouvé de mieux avec un tel spectacle ? Dire vouloir faire le tour du monde pour découvrir de nouveaux tours, pourquoi pas m’enfin ça sonne creux quand même.

Les chuchotements reprirent parmi les spectateurs, comme s’ils discutaient de la sentence à appliquer, ou non, à la responsable de tout cela. Au final il semble que le coup de la magicienne itinérante avait fonctionné. Pas entièrement car même si la foule se dissipait, les regards suspicieux étaient toujours là, mais au moins ils la laissaient tranquille. De mon côté je continuai à observer Ether, à m’attendre à un nouveau coup, à une nouvelle surprise.
Finalement j’avais raison de la croire louche !! Ahah !!

Toute fière, le sourire du vainqueur au visage, je rejoignis la nomade après qu’elle se soit installée à l’écart, sur la proue. Inutile de dire quoi que ce soit, tout se lisait sur ma tête. Crache le morceau petite, je suis meilleure que toi. En tout. Héhéhé.

« T'y crois pas une seule seconde à mon histoire de magicienne, hein ? » Fit-elle, ce à quoi je répondis d’un mouvement de tête négatif. « … M'en doutais. C'la première fois qu'j'la sortais celle là. D'l'improvisation comme vous dites, vous, les humains. »

Je fronçai un sourcil au dernier mot. Humains. Parce qu’elle ne l’est donc vraiment pas ? Attendons la suite. Elle expliqua qu’en effet elle n’était pas comme nous, qu’elle nous ressemblait simplement parce qu’elle le voulait. Étrange … Mais, alors pourquoi vouloir avoir l’air d’une gamine ? Je veux dire, nous aussi on peut changer d’apparence mais c’est par le biais d’une technique et la consommation constante d’énergie, de chakra. Contrairement à elle, semble-t-il.
Ether continua en rappelant les histoires abracadabrantesques qu’elle avait racontées à Oniri l’autre fois au bar.

« … J'descends directement d'eux. J'suis … Je suis une Gogyou, une créature - comme vous dites - purement élémentaire. » Elle fit à nouveau disparaître sa main avant de la faire revenir et terminer sur un ton mêlant peur et appréhension. « Je suis vent. »

Le vent ? Elle est le vent ? Comment ça ? Comment c’est possible ? Ça existe donc vraiment ce genre de chose ? Punaise le monde des shinobi est encore plus loufoque que tout ce que j’aurais pu imaginer … Cela dit, moi je manipule mes os et j’en fais pas tout un plat …
J’accolai une puissante tape dans le dos de la blondinette quand elle demanda ce qu’on allait faire, après avoir blatérer sur l’exclusion de son clan et le fait qu’ils soient traiter de monstre.

« Un peu de nerf gamine ! On n’a pas fini l’entrainement je te rappel ! Tu es mon élève, celle la chef des Kaguya ! Et en tant que tel, je n’accepterai pas cet air défaitiste de ta part ! Ahah, tu vas en baver ! » Lui dis-je en éclatant de rire. « Aller debout miss Gogyou. T’es le vent, c’est parfait on est sur un voilier. Et je commence à trouver ce voyage sacrément long. »

Je me levai à mon tour, amplis de fierté, une main sur l’épaule de la demoiselle. Je la guidai jusque derrière la Grand Voile et pointa du doigt la cible en tissu.

« Nouvel exercice ! On va tester ta puissance, Ô magicienne des subterfuges ! » Je faisais exprès de parler bien fort afin que tout le monde puisse suivre. « Tu vas nous propulser ce navire aussi longtemps que tu le pourras ! Le capitaine sera à la barre pour gérer la direction et l’équipage fera ce qu’il fait de mieux ! » Je me tournai vers le responsable de la traversée ensuite. « Ça vous va, cap’taine ? Dites nous quand vous êtes prêt. Ether je compte sur toi pour donner le meilleur de toi-même et prouver à tout le monde ici que tu n’es pas un monstre ! »

Un sourire à la fois taquin et complice suivit les instructions. L’équipage se rassembla dans un coin, discutant et échangeant leur avis sur le comportement à adopter. En attendant j’allais observer à nouveau l’océan, et les rares baleines qui projetaient leur immense queue hors de l’eau.
Nous eûmes finalement l’accord du plus haut gradé à bord, tout le monde se mit à sa place et se prépara à la suite. Je levai un pouce en l’air à l’attention de la jeune nomade, ainsi qu’un clin d’œil, avant de lancer littéralement ma main droite dans la direction à prendre.

« Droit devant ! Let’s gooooooooooo ! »

La première tentative fut un échec. Normal, ça doit être dû au stress. Elle venait de grimper pour se positionner bien face à la voile, et tout le monde avait les yeux rivés sur elle. Je repensais à sa dernière demande, elle ne voulait pas que les autres sache qui elle est réellement, ni ce qu’elle est, si on veut être précis. Je trouvais ça un petit peu morbide quand même. Qu’est-ce que ça change, qu’elle soit humaine ou l’incarnation d’un élément ? Le niveau style certes, ça fait toujours plus classe quand tu es toi-même un élément plutôt que simplement manipuler cet élément. Cela dit, les gens ont rarement les mêmes ressentis, surtout les personnes qui se considèrent faibles ou qui ont vécues des trucs moches, que cette révélation pourrait faire ressurgir. Évitons les risques inutiles. C’était quoi d’ailleurs son faux nom ? Je me souviens plus … zut … Bon, on va faire comme si elle était effectivement ma petite sœur hein, ce sera plus simple.

Des plaintes dans le public comme quoi Ether était bonne à rien me sortirent de mes pensées. D’un regard j’identifiai le responsable et filai le prendre par la gorge, pour ensuite approcher mon visage tout près du sien.

« Bonne à rien ? T’es sur de toi ? Tu préfères peut-être piquer une tête et tracter le navire à la force de tes bras ? » Le homme hésita, comme surpris, avant de rire. Un violent coup de crane lui explosa le nez et le projeta au sol. « Que ce soit clair p’tite merde, recommence une seule fois à manquer de respect à autrui, que ce soit à elle, à moi ou à n’importe qui d’autre, et tu devras en payer le prix. Ok ?! »

Il approuva en se tenant le pif, le visage en sang, avant de filer dans les cabines. Bien, une bonne chose de faite. Revenons-en à notre nomade. Tiens, qu’est-ce qu’elle fait ? Ouah c’est une sacrée inspiration ça. Est-ce qu’elle a des poumons comme nous d’ailleurs, ou pas du tout ? Nan mais parce que du coup ça pose tout plein de question, genre pourquoi manger ? Ou pourquoi se laver ? Ou même est-ce qu’elle va aux toilettes ? Oh, est-ce qu’elle a aussi les « ragnagna » ou nan ? C’est important comme question !

La soudaine accélération du navire interrompit tous ces doutes, et elle fut telle que plusieurs personnes qui ne se tenaient pas bien furent expulsées en arrière. Ahah ! Ça c’est du souffle ! Excellent ! Vraiment excellent ! A cette vitesse on sera à Mizu no Kuni dès ce soir ! Les Gogyous sont vraiment impressionnant, normal qu’ils provoquent la crainte, une telle puissance dans un si jeune corps, imaginer un peu tout ce qu’elle pourrait déployer dans quelques années. Ce sera réellement impressionnant.
Tout l’équipage travaillait d’arrache-pied pour maitriser le navire ainsi propulsé, il ne fut ainsi pas étonnant qu’au bout d’un moment tout le monde tombe de fatigue. Ether fut d’ailleurs la première à s’arrêter, mais personne ne lui en tint rigueur ; hormis peut-être les éternels râleurs.

Je filai à ses côtés et observa l’horizon :

« Tu es incroyable. » Lui dis-je alors qu’elle s’excusait de ne pas pouvoir en faire plus. « Ce pseudo-exercice aura permis de … oh ? »

Interrompue, je rattrapai soudainement la petite nomade alors qu’elle venait soudainement de s’endormir. Je ne pus cacher un soupire tandis que je l’aidais à se coucher correctement, sa tête sur mes cuisses. Dors miss, tu l’as bien méritée et demain sera une journée importante, il te faudra des forces. Ah, et j’ai une dernière technique à t’apprendre aussi, faudra faire ça avant de rencontrer Michiki. Ouaip, gros planning en perspective.
Au final je fini par m’assoupir également, et ce fut un des marins qui vint me réveiller en me secouant doucement l’épaule. Il ne faisait pas nuit encore mais le soleil touchait l’horizon, ça n’allait donc plus tarder.

« Où en sommes-nous de l’archipel ?

- Nous l’atteindrons demain, il faudra féliciter votre petite sœur quand elle sera réveillée, elle nous a évité une journée supplémentaire de voyage. » Il sourit avant de continuer. « Le repas est prêt en bas, ne tarder pas trop ou il n’y aura plus rien. »

Mouais, y a intérêt à ce qu’il en rester oh. Bon, reportant mon attention sur Ether, je testai d’abord ses réactions en appuyant doucement sur ses joues avec mes index.

« Deeeeeebooouuut … » Lui soufflai-je sur un ton chaleureux. « Y a le miam qui prêt. »

Un sourire apparu lentement sur mon visage à mesure que je la regardais remuer, comme un vrai vers de terre, à faire des grimaces et à repousser mes doigts pour laisser ses joues tranquilles. Une vraie gosse. Oula une seconde, qu’est-ce qui prend ? Ça va pas du tout là, c’est bien trop maternelle comme réaction ça …
Immobile, redressée et silencieuse, un peu perdue dans mes pensées aussi après cette étrange impression, j’attendis que la miss se réveille. Ce qui ne tarda plus, comme si l’appel de la nourriture dictait son rythme de sommeil. Ding ! C’est l’heure de la soupe ! Rechargée à bloc, revoilà la Ether énergique qu’on connait ! Trop énergique même. Piouf, elle était mieux endormie … Rien qu’à la voir s’agiter à nouveau, j’en étais épuisée.

Elle me traina littéralement comme si je n’étais plus qu’une simple poupée, s’orientant à l’odeur pour atteindre le lieu où le repas était servi. En plus sa réplique comme quoi moi je devais me remplir la panse, je ne sais pas mais ça sonnait un peu comme si j’avais le rôle de l’estomac sur pattes, et pas elle. C’est … très dégradant. Comment diable font ses parents pour la supporter ? Ce n’est pas possible …
Je ne prêtai quasiment pas attention au silence qui s’installa quand nous fîmes notre apparition au banquet, préférant plutôt aller m’assoir directement et me faire oublier, plus qu’autre chose. Heureusement, globalement tout le monde était content de revoir la gamine en vie et en pleine forme. Personne ne semblait avoir peur d’elle, sur qu’elle était ni ce qu’elle était capable de faire. Tant mieux, flemme de jouer au flic en plus. Une bonne bouffe et hop au dodo.
Le regard errant pendant la mastication d’un pain au seigle, je pu tout de même remarquer que de rares passagers ne participaient pas à la fête, et observait la nomade avec un regard mêlant à la fois peur et agressivité. Je devais sans doute être visée aussi, mais plus soupçonnée que réellement ciblée. Enfin ça ne devait pas être bien méchant non plus, puisqu’à peine avaient-ils croisés vu que je les observais, qu’aussitôt ils ne s’occupaient plus que du contenu de leur assiette.

« On arrive bientôt ? » Demanda soudainement Ether tout en éventrant un morceau de pain de son contenu. « Tu crois que c'Michiki sera sympa avec moi ? Il est comment ?

- Heu … »

Chouette réponse hein, enrichie, pleine d’intrigue, claire et précise, tout simplement parfaite ! Enfin, ça ne lui suffirait sans doute pas. Je terminai alors ce que j’avais en bouche, car parler la bouche pleine c’est mal, et j’en profitai pour réfléchir à une réponse en même temps :

« Michiki … comment dire ? Je ne le connais quasiment pas en fait, on s’est rencontrer une fois avec un très grand type qui s’appelle Goren, il m’a raconté son histoire sur Kiri et ses projets, j’ai posée mes conditions, ou presque, et c’est tout … Du coup pour te le présenter, hum. » Je me tapotai le menton du bout des doigts, machinalement. « C’est quelqu’un qui est sur de lui, qui est terriblement têtu, plus encore que moi et surtout puissant. Je ne l’ai jamais vu combattre mais ça se sent juste en étant face à lui. Il a un côté un peu manipulateur aussi. Non, vraiment manipulateur. Personnellement je ne lui fais pas confiance mais je doute que lui cacher ta vraie nature soit une bonne idée. Ce serait comme jeter de l’huile sur le feu en espérant l’éteindre, y a peu de chance pour que ça offre l’effet escompté. »

J’haussai les épaules et me resservis une cuisse de poulet, en imaginant que ce truc soit du poulet. Laissant Ether réfléchir à la situation.

« Quoi qu’il arrive, moi je ne lui dirais rien, je te l’ai promis donc ce sera à toi de choisir si tu veux te révéler ou non. Si tu veux rester en vie ou non, héhé ! Aller, dépêches-toi de finir et file au lit, il nous reste qu’une journée et j’ai encore une technique à t’apprendre. »

Ce que je fis également, et que progressivement tout le monde fini par faire. Je ne cherchai même pas à savoir s’ils avaient fini le repas en jouant au Uno avec Ether ou non. Morphée m’appelait déjà, et je ne comptais pas la faire attendre plus longtemps.

Lendemain matin ! Debout ! Un coup de toilette, un casse-croute et hop, me revoilà sur le pont ! L’air frais et l’humidité qui augmentait petit à petit prouvaient que nous n’étions plus très loin de l’archipel. Ça faisait plaisir. Non ça fait toujours plaisir, de rentrer à la maison. Je m’installai sur la proue du navire, les jambes pendantes au-dessus de l’eau et décortiquai la mandarine récupérée sur le tas en attendant la nomade. De ce que j’ai pu observée, elle ne dort pas beaucoup donc elle ne devrait plus tarder.
L’équipage aussi s’éveillait petit à petit, et la joie d’atteindre la fin du voyage se lisait sur tous les visages. Aussitôt que ce fut possible, je pris la blondinette par les épaules et l’amena à l’écart :

« J’espère que tu as bien dormis. Cette fois je vais t’apprendre à voler. Ça peut paraitre stupide sachant que tu es le vent, mais en combat où il vaut mieux que tu gardes le plus longtemps tes secrets clanique pour toi, ça peut t’être utile. Tu vas pouvoir te balader dans les airs sans que ce ne soit louche. » Un regard dans ses yeux pour voir si elle avait au moins compris le principe de ce que je lui racontais, puis je fis une série de mudra. « Comme les autres fois, concentre ton chakra dans tes pieds, mais aussi dans tes mains et pense à quelque chose qui te propulse vers le haut. » En guise de démonstration, je décollai de deux petits mètres. « Tu devrais y arriver sans trop de mal mais bon, on sait jamais. Et utilise tes mains pour te stabiliser. » Je redescendis ensuite et croisai les bras. « Vas-y essaie. »