Nous voilà arriver à Shu, la première ville portuaire du pays. Punaise ce fut long comme voyage. Une bonne semaine de traversée depuis Kaze no Kuni fut mine de rien nécessaire, et autant de temps coincé avec les mêmes personnes, je vous promets que ça fatigue. Mine de rien, l’euphorie procurée en voyant enfin la terre ferme offrait une énergie bien plus importante. Le plus difficile fut tout de même d’attendre que le navire soit pleinement encré au port. Tout le monde avait déjà préparé ses affaires, et même si plusieurs personnes avaient quittés l’embarcation au fur et à mesure des escales, nous étions encore un bon petit nombre.
Sans attendre plus longtemps je sautai sur le quai et demanda d’un geste de la main à Ether de me suivre. Nous sommes sur un archipel après tout. Et cette ville n’est pas la capitale, même si certaines troupes arborant un drapeau bleu apparaissaient ici et là.

« Dit-moi, tu as quelque chose contre le Shukaï ? » Demandai-je à la nomade tout en observant d’un mauvais œil les petits bataillons en patrouille. « Je ne me souviens plus si je te l’avais dis ou non, mais Mizu no Kuni a été annexé par l’Empire, anciennement Alliance des Pays Neutres. Et même si ça ne me plait vraiment pas, c’est grâce à eux qu’on va pouvoir reconstruire le village … Donc si tu as quelque chose contre eux, comme contre Konoha, ça ne vaut sans doute pas le coup de continuer … »

D’un côté, j’espérais que ce ne soit pas le cas, sinon ça voudrait dire que je me la suis coltiné durant tout ce temps pour rien. Enfin non, ça n’aura pas été vain, même si elle me tape sur le système et que d’innombrables claques se perdent face à son comportement, ça reste quelqu’un de bien. De bavard, d’énergique et de stupide, mais de bien.
Heureusement ce ne fut pas le cas, je ne cherchai pas à en savoir plus, c’était là l’essentiel pour continuer. Nous marchâmes le long du port en quête d’un second navire, quelqu’un qui se rendrait dans les terres, au centre de l’archipel. Cela prit plusieurs minutes, atteignant presque une heure, au cours de laquelle un arrêt dans une boulangerie fut obligatoire. Hey la bouffe c’est comme le sommeil et la baston, c’est sacré !

Au final, un pécheur local accepta la traversée en échange de quelques ryos, profitant que sa zone de travail ne se trouvait pas trop loin de notre destination. Cependant, bonjour l’odeur … Punaise comment on peut passer la moitié de son temps dans une telle puanteur ? C’est dégueulasse. Ça donne déjà envie de vomir alors qu’on vient juste de quitter le port … Courage, inspirer, expirer, inspirer, expirer. Mais merde je suis pas enceinte !! Rah, quelle vie à chier.
Le temps d’arriver à terre, j’étais limite prête à sauter à l’eau pour arriver plus vite et me laver du même coup.

« Pouah ! Bon, merci quand même m’sieur mais vous devriez penser à nettoyer votre bateau. »

L’homme acquiesça d’un mouvement de tête, mais à voir son regard, pas sur qu’il ait compris tous mes mots. La vieillesse. Bref, en route mauvaise troupe !
Le but étant maintenant de trouver Michiki. Avec les infos disponibles, il y a de très fortes probabilités pour qu’il soit dans le camp Shukaïjin le plus proche des ruines de Kiri. Le dit camp s’était installé dans un terrain vague, avec d’innombrables gardes partout et des grandes tentes bleues, toutes identiques en guise d’habitation. Un camp militaire de fortune quoi. Punaise, qu’est-ce que je peux détester ça … Bande d’envahisseur …

« Halte ! » S’écria soudainement un ninja quelconque. « Décliner votre identité et votre but, ou rebrousser chemin !

- Kaguya Milly, accompagnée par sa … sa petite sœur Ether. Nous venons voir Shinda Michiki. »

C’était plus simple de faire passer la nomade pour une Kaguya, profitant de nos grandes ressemblances, plutôt que s’enliser dans des explications et prendre en plus le risque de déclencher on-ne-sait-quoi en prononçant le nom des Gogyous.
L’homme esquissa un sourire énigmatique et s’écarta du chemin.

« Il nous a prévenu de votre visite, entrer. Mais porter ceci à l’intérieur du camp, cela vous évitera des interrogatoires désagréables. »

Il nous tendit à toutes les deux un bandana aux couleurs du Shukai, que j’attachai personnellement à mon poignet droit, puis nous guida jusqu’à la tente du nukenin qui ferait office de Mizukage. D’ailleurs elle n’était pas franchement plus grande que les autres, mais bon ça tenait quand même plus du chapiteau que de la tente de camping.
Une fois devant, nous attendîmes devant l’entrée pendant qu’à l’intérieur on annonçait notre présence.

La tête dans les plans et autres paperasseries, Michiki passa une main dans sa chevelure hirsute comme à la recherche d’une once d’idée nouvelle ou bien d’un peu de motivation. Puis sa dextre retomba lourdement sur la table centrale, rejoignant parallèlement celle déjà à plat sur le mobilier. Son regard allait de papier en papier, ordonnant ses priorités et les différentes choses à faire. Dans un coin, le législateur Houritsuka patientait suite à leur entretien. Face à la montagne de travail qui l’attendait, Michiki ne tarda pas à trouver réponse pour cet homme.

- Je vous remercie de votre aide. Je vais réfléchir à tout ça tête reposée. Retournez à vos quartiers et je vous ferais demander le moment venu.

Le vieil homme partit, non sans grommellement, et fut raccompagné à sa tente. Un invité de marque traité avec les plus grands soins. Tout mauvais traitement serait rapporté à l’Empereur tel un bambin dénonçant ses petits camarades. Sa présence était néanmoins utile et indispensable même. Le moment venu. Pour l’heure, Michiki s’était juste assuré des formalités administratives. Et il commençait déjà à soupirer de la tâche qui l’incomberait certainement. Avec tous les préparatifs, chaque homme était occupé à une tâche bien particulière. Ainsi, il devrait se rendre lui-même au Shozaichi incessamment sous peu pour récupérer la fameuse commande. Soit, il s’était fait une raison.

Ayant lâché prise sur ce sujet, il prit place dans le fauteuil derrière lui. Ou plutôt la chaise rudimentaire qui ne servait pas souvent. Toujours à courir à droite ou à gauche pour distribuer les directives ou discuter stratégie avec les plus hauts gradés. Sa main rejoignit de nouveau son front alors que son coude avait trouvé place sur l’accoudoir. Un instant de répit. Il ne ferma pas les yeux mais se laissa envahir de ses pensées les plus profondes. A propos de son travail ici, la reconstruction, Kiri, l’Empire. Et bien d’autres. Autant de préoccupations qui ne le déviaient pourtant pas de sa besogne. Ainsi, lorsqu’un des gardes fit son entrée sans s’annoncer, il réussit à ne pas sursauter, s’attendant à cette arrivée subite. L’homme annonça alors deux personnes. Milly apparemment et…quelqu’un d’autre ? De qui pouvait-il s’agir ? Michiki espérait que la Kaguya ne tremperait pas dans une affaire douteuse.

Il sonda l’endroit où il perçut la demoiselle. À ses côtés, quelqu’un guères plus puissant que la Kaguya. Rien d’alarmant apparemment. Ce rapide examen discret le poussa à ne pas poser plus de questions et à simplement donner la permission d’entrée à ses invitées. Le duo pénétra dans l’espace et Michiki put observer la nouvelle arrivante qu’il ne connaissait pas. Une jeune demoiselle qui faisait la paire avec sa comparse qu’il connaissait déjà. Ne laissant pas le silence s’installer, il ouvrit le bal :

- Bonjour Milly. Et mes hommages à vous demoiselle. A qui ai-je l’honneur ?

Les balivernes de politesse étant posées, il enchaîna :

- Que puis-je pour vous mesdames ?

Spoiler:

Le garde ressortit peut après et nous invita à entrer. Ce que nous fîmes sans opposer de résistance, ça n’aurait eu aucun sens. A l’intérieur, c’était un bordel monstre ! Des papiers partout, des plans, des crayons, des bouquins, mon dieu … Comment c’est possible de bosser là-dedans ? En plus ça sent le mâle, pouah. Il faut voir le bon côté des choses, celui qui s’était retrouvé en charge de l’archipel et de la reconstruction de Kiri ne chaumait pas.
Il nous observa un court instant avant de lancer les salutations, un sourire aux lèvres.

« Bonjour Milly. Et mes hommages à vous demoiselle. A qui ai-je l’honneur ? » Demanda-t-il à la nomade.

Est-ce qu’à lui aussi je devais faire croire qu’elle était ma petite sœur ? Bof, et annoncer son vrai nom n’était pas une meilleure idée. Laissons plutôt la concernée gérer cela. Et elle releva magnifiquement le défi, bien qu’un malaise se sente dans sa voix. Hashimoto Ether, ce même nom qu’elle nous avait sortit avec Oniri quand on était bar. Il vient d’où d’ailleurs ? Pourquoi ce nom et pas un autre ? Il est bidon de toute manière alors il doit bien y avoir une raison. Faudra lui demander quand nous serons seules.
Elle expliqua la raison de sa présence et ce que je lui avais racontée. Je vins poser une main sur son épaule, comme pour lui assurer un soutien moral, et repris la parole :

« Exactement. Je n’ai pas encore rencontré sa famille, mais si tu te souviens Michiki, on avait parlé que pour rebâtir Kiri, nous aurions besoin du plus possible de personne. J’ai donc proposé à Ether de venir, puisqu’elle semblait rechercher un foyer pour sa troupe. »

Je marquai une pause, le regard allant de la miss au futur Mizukage.

« Elle a elle-même d’énormes talents, je travaille avec elle dessus pour qu’elle les maitrise, donc on ne pourra pas tellement t’expliquer les tenant ni les aboutissants. Mais je me porte garante de l’aide qu’elle et sa famille pourrait apporter au village. » Un sourire ponctua mes mots. « Sauf si tu n’as plus besoin de personne. Je vois déjà le bordel que c’est ici alors j’ose espérer que c’est mieux organiser ailleurs. Héhé. Ah aussi ! Il faut qu’on discute d’un autre sujet, à propos des Kaguya. Mais on verra ça ensuite, en privée ce sera plus simple. »

J’observai à nouveau les lieux, machinalement.

« T’es sur de ne pas avoir besoin d’aide ? »

Rapidement, si ce n’est immédiatement, l’inconnue se présenta sous le nom d’Hachimoto Ether. Rien d’évocateur pour le Shinda qui écoutait la suite. Comme il s’en était douté en voyant Milly franchir le seuil de sa tente, cette fraîche recrue était là pour Kiri. Pleine d’enthousiasme pour se présenter, elle se fit plus petite et plus discrète sur la fin lorsqu’elle mentionna sa « tribu » de nomades. Et soumettant dès maintenant l’idée qu’elle pourrait ensuite s’installer dans la nouvelle cité rebâtie. Le regard rivé sur elle, Michiki tâcha d’en apprendre un peu plus rien que par le regard. Malgré le fait que Milly avait commencé à parler elle aussi, il ne détourna pas les yeux. Sans pour autant louper une miette de la conversation.

Comme à son habitude, la Kaguya débitait à un certain rythme sans vraiment ordonner ses propos ou même leur sens. Le Shinda restait focalisé sur la jeune blonde alors que son esprit fulminait déjà sur certaines questions qui méritaient d’être éclaircies dès maintenant. Lorsque la chef du clan Kaguya eut fini de parler, une seconde se déroula avant qu’il ne la regarde enfin. Il rebondit sur sa dernière question lui demandant s’il n’avait pas besoin d’aide :

- Si si en effet j’aurais besoin de toi justement !

Une main se leva lentement pour finalement se terminer en un doigt unique. Toujours aussi doucement et mécaniquement, le doigt se dirigea ensuite vers la jeune Ether qu’il pointa ainsi en même temps qu’il parlait :

- Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Et c’est quoi toutes ces histoires ?

Le ton était neutre. Même pas agressif ou froid. C’était peut-être l’impression qui s’en dégageait au vu de sa réaction mais il le faisait sans aucune arrière-pensée. Il s’étonnait juste de se voir ainsi aborder tout simplement avec un nom, une simple demande et quelques brides d’informations par ci par là. Baissant sa main de nouveau pour la placer sur la table, il en fit le tour pour venir finalement s’asseoir sur le rebord face à elles. Les verres violets vinrent accrocher le regard de la jeune blonde Ether :

- Pardonnez ma réaction mademoiselle mais comprenez bien que je m’intéresse personnellement à mes potentiels alliés. J’aimerais donc en savoir un peu plus sur vous si vous le permettez. Vous m’avez parlé de votre « tribu ». Qu’en est-il exactement ? Vous êtes d’anciens habitants de l’archipel ?

Puis son regard passa de nouveau sur Milly :

- Je me permets de l’interroger directement si ça te ne t’ennuie pas. Tout comme j’aimerais savoir certaines choses. Tu ne peux pas débarquer ici à l’improviste pour me vanter des talents et ensuite me dire que je n’en saurais pas plus. Je suis justement friand de nouveaux talents.

Les yeux azuréens en revinrent donc à la Hashimoto :

- Quelles sont donc vos compétences si particulières mademoiselle ? demanda-t-il sereinement.

Puis se souvenant d’une phrase de la Kaguya, il claqua des doigts tout en en gardant un dressé pour venir désigner rapidement la manipulatrice d’os :

- Garde ton histoire de Kaguya de côté je te prie nous verrons ça dans la foulée.

- Si si en effet j’aurais besoin de toi justement ! » Répondit-il sur un ton parfaitement neutre, un index se pointant lentement vers la nomade. « Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Et c’est quoi toutes ces histoires ?

- Ah, ahah … » Fis-je d’abord en riant nerveusement. « Je ne peux pas te répondre là-dessus. Je lui ai promis justement de ne rien dire donc il faudra qu’elle le fasse elle-même. »

Il me fit la remarque comme quoi je ne pouvais pas débarquer à l’improviste et lui vanter de nouveaux talents sans en révéler plus. Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas vrai non plus. Ether n’est pas humaine de base, donc ses questions n’avaient pas tant de sens en sachant ce genre de détail. Et puis non, je ne suis pas le genre de nana à trahir ma parole au moindre coup de grisou, ni trahir ma parole tout court.
Il demanda alors de lui-même les infos manquantes à la concernée. Je m’écartai d’un pas afin de les laisser entre eux, et attendis mon tour comme venait de le préciser le futur Mizukage.
La nomade raconta d’elle-même alors ses origines, sans vraiment apporter de précision. On sentait dans sa voix qu’elle était intimidée. Et Michiki ne faisait rien pour arranger ça. J’aurais bien aimé rester derrière Ether, l’enlacer pour lui donner du courage et lui donner au moins l’impression de la défendre – même si contre lui je doute être capable de faire grand-chose – mais ça n’aurait rien amené de bon. Pire, ça pourrait entre le Nukenin affilié au Shukai méfiant. Et dans ce cas-là, il aurait mieux fallu tout simplement ne pas l’a lui présenter.

Quand elle parlait de ses « dons » aux cartes, je ne pu cacher un petit rire moqueur. La pauvre doit tellement stresser, pour se sentir obliger de sortir de nouvelles âneries, au moins pour essayer de détendre l’atmosphère. En vain. Aller miss, te dégonfle pas. Il ne te fera rien ; normalement.

« Ok … J’pense qu’c’est mieux qu’j’vous montre. » Annonça-t-elle alors, après une grande inspiration de courage.

Tiens ? Elle va vraiment le faire ? J’ai triché moi, avec le coup de la voile qui la décapite sous les yeux de tout un équipage, mais là elle n’avait rien qui pourrait lui servir d’excuse. Je l’observai en silence, curieuse de comment va se passer la scène. Elle déballa l’un des bandages qu’elle portait aux bras, sous les yeux de Michiki, et le fit soudainement disparaitre. Comme s’il s’était évaporé, transformé en fumée. Le plus étonnant restait surtout qu’elle n’avait fait aucun signe incantatoire pour réaliser cela, preuve que ce n’était pas simplement l’œuvre d’une technique quelconque. J’ai beau savoir à quoi m’attendre, ça reste tout de même impressionnant.
Elle se dématérialisa ensuite entièrement pour réapparaitre la seconde suivante derrière le bureau du principal observateur. Tiens, c’est pratique ça. J’aimerais bien moi aussi pouvoir me retrouver dans le dos de mes cibles, avec une combinaison en taïjutsu, ça pourrait être terriblement efficace.
Ether revint ensuite face à Michiki, rebanda son bras et reculai à côté de moi. Cette fois je ne pus m’empêcher de passer un bras dans son dos pour la tenir contre moi et la soutenir. Tu t’es très bien débrouiller, reprend ton souffle, ça devrait bien se passer maintenant ; en imaginant qu’elle comprenne le message mental à travers les gestes.

« Alors ? Ton verdict ? » Demandai-je à l’homme mi-nukenin mi-shukaijin. « Elle peut rester, et amener sa famille ou non ? »

Le langage charretier de la jeune fille témoignait de la véracité de ses propos quant à sa condition de nomade. Ou était-ce une façade pour se faire passer pour une telle personne ? Difficile à dire. Michiki avait croisé les bras sur sa poitrine alors qu’il l’écoutait parler. Vint ensuite la réponse à ses fameux talents que Milly avait vantés. Elle commença par déblatérer un charabia pas possible sur des jeux de carte et des charades. Le Shinda avait légèrement baissé la tête pour la regarder de son regard glacial sans les verres violets pour venir occulter sa vue. Un signe qui ne manqua pas de lui faire comprendre qu’il était temps de passer aux choses sérieuses. Et elle ne se fit pas prier.

Tout un petit manège s’entama alors pendant lequel elle se mit à défaire un bandage sur son bras. Et ce dernier qui disparut. Le regard du Fossoyeur restait pleinement focalisé sur celui de la jeune fille. Alors que son bras réapparaissait, il fallut quelques secondes à la dénommée Ether pour devenir à son tour invisible. Une chose qui n’étonna pas Michiki le moins du monde. Il put même anticiper son lieu de réapparition dans son dos alors qu’elle revenait ensuite à sa place initiale par le même procédé. Ses talents de senseur lui avaient permis de tout suivre. Et ce qu’il venait de voir n’avait rien de similaire à la sensorialité. En tout cas pas celle qu’il maîtrisait. Ayant gardé la tête tournée sur le côté pour la voir apparaître dans son dos, il eut un sourire dans la pénombre qui s’effaça alors qu’il en revenait au duo de kunoïchis qui lui faisaient face désormais.

La Kaguya ne manqua pas de venir appuyer d’un soutien physique sa « trouvaille ». En effet il y avait là un talent et un potentiel assez intéressant à développer. Un rapide sondage de chakra indiqua au Shinda que son niveau n’était pas excessif. Milly devait lui rendre à peine quelques réserves de chakra supplémentaires. Ce qui n’était pas significatif car certains pouvaient renfermer des potentiels monstrueux. Ses souvenirs en revinrent au jeune épéiste dégoté par Van qu’il avait brièvement aidé. Et cette demoiselle n’était pas sans lui rappeler ce garçon.

Son pouvoir était très intéressant, pouvant amener à de redoutables combos. Elle semblait déjà en avoir une certaine maîtrise, ce qui était une bonne chose. L’entraînement lui permettrait de combler le reste. Il n’avait donc pas de réelles raisons de la refuser ici. Milly l’interrogea sans ménagement sur l’avenir de son acolyte et de sa famille. Le doigt du nécromancien vint remonter ses lunettes sur l’arrête fine de son nez avant de répondre de sa voix toujours aussi amicale :

- Elle, elle peut rester oui. Pour sa famille c’est une toute autre affaire. Ce don est-il héréditaire chez vous mademoiselle ?

Il se permettait en effet de poser la question. Toute une famille au même pouvoir serait un gain intéressant pour le futur de Mizu no kuni et du village. Il ne fallait pas l’oublier. La main d’œuvre était une denrée nécessaire mais si cette dernière pouvait devenir une potentielle armée par la suite, c’était tout aussi bien. Le détail avait donc son importance pour lui. D’autant que ce n’était pas avec quelques cours et quelques mots que Michiki allait se laisser séduire. Il resta immobile à attendre la réponse de la jeune fille. En tout cas c’est ce qu’il avait en tête jusqu’à ce que se bouscule une nouvelle interrogation qu’il ne manqua pas de poser :

- Mais surtout avant toute chose, qu’est-ce qui vous… « attire » ou en tout cas vous intéresse, vous ou votre famille, dans l’idée de rejoindre Kiri tout en nous aidant à la reconstruire. L’idée d’un foyer fixe est votre seule motivation ? Ou bien y a-t-il autre chose ?

D’expérience, le Shinda savait qu’il y avait TOUJOURS « autre chose ». L’essentiel était de savoir poser les bonnes questions aux bons moments.

Cette nouvelle recrue pouvait donc s’annoncer fructueuse pour l’entreprise menée conjointement par les Nukenins et le Shûkai. De ce qu’expliquait la jeune Ether, son talent était transmis en effet par les gênes. Il pouvait parfois sauter des générations de ce qu’elle disait. Michiki n’était pas un tyran qui exigeait une parfaite hérédité. Si déjà certains membres de cette famille pouvaient apporter un soutien au village, ils seraient les bienvenus. Une remarque qu’il ne manqua pas de formuler.

- Eh bien ça m’a l’air parfait tout ça !

Ether continua sur sa lancée ensuite en expliquant la raison de sa venue ici. Porte-parole de ses proches, elle exprimait le besoin pour eux de pouvoir se reconstruire de manière stable. Et il est vrai qu’un village serait encore le meilleur endroit pour cela. Cette jeune fille au langage plus que familier n’était pas partisante de ceux ayant trop à demander. Milly semblait déjà plus de cet acabit, pour le peu qu’en avait vu le Shinda. Mais cette jeune demoiselle par contre, paraissait plus humble. Ce genre de personnes trop bonnes pour exiger plus que nécessaires. Un choix de vie que le Fossoyeur comprenait mais ne partageait pas. Il ne pouvait pas nier que cela ne l’arrangeait pas, bien au contraire. Pour autant, il ne le faisait pas par cupidité totale. Leurs intérêts à tous les deux convergeaient en ce point. Michiki avait besoin de mains d’œuvre et Ether d’un foyer pour les siens. Dans un tel contexte, une entente pouvait parfaitement voire le jour. ce qui ne faisait que renforcer sa déclaration d’un peu plus tôt.

Puis la situation s’inversa. Sa précédente remarque allait peut-être méritée d’être revue en conséquence puisque ce fut au tour de l’invitée du Gouverneur de poser une question. Une interrogation quant à la vision que le Shinda avait pour le futur du village. Son regard alla de son interlocutrice à celle restée momentanément en retrait sur le coup. Quelques secondes passèrent avant qu’il ne décolle de sa table et s’avance vers elles. Ou plus exactement vers la sortie de sa tente se trouvant dans leurs dos. Il leur fit comprendre qu’elles devaient le suivre à l’extérieur pour la suite de leur entretien. Et surtout pour sa réponse.

La route ne dura que quelques minutes à peine. Le campement avait été basé non loin des ruines de l’ancien Kiri. Ce fut ici qu’il avait rencontré Milly. Et ce serait là qu’il apporterait un éclaircissement aux interrogations de celle qu’elle lui avait amené. Se retournant enfin, le Shinda désigna les débris derrière lui d’un geste du bras, ses yeux bleus rivés sur Ether :

- Je ne peux que comprendre ta volonté de nous rejoindre lorsque l’on voit ce qu’est devenu mon propre foyer. Raison pour laquelle ta famille et toi pourront voir en nous un accueil indéfectible. Nous pourrons trouver tout à chacun notre intérêt dans cette alliance, aussi minime soit-elle.

Son bras revint le long de son corps. Sa main manqua de plonger dans sa poche pour récupérer son paquet de cigarette. Comme à peu près tous les deux mois, il essayait d’en freiner la consommation. Ce qui tenait pendant deux autres mois avant qu’il ne cède. Il garda donc les mains croisées dans son dos pour ne pas être tenté à nouveau, continuant son discours :

- Les Furyous ne sont pas les seuls responsables de ce massacre. Aussi cruel que cela puisse paraître, Kiri est tout aussi responsable. Ils n’étaient pas préparés, n’ont pas fait ce qu’il fallait. Avec un peu plus de renseignements, tout cela aurait pu être évité par de multiples précautions qui n’ont pas su être prise à temps. Des erreurs qui nous serviront pour l’avenir et que je m’engagerais à ne pas commettre.

Sa dextre en revint à désigner le paysage d’infortune se déroulant sous leurs yeux :

- Ça, ce n’est pas ce que je souhaite pour l’avenir. Je veux d’un village dont nos générations pourront être fières de défendre. Une cité que nulle autre ne pourra égaler, aussi bien commercialement que militairement. Je ferais de cet endroit une place forte de l’Empire. Un pôle névralgique de ce monde, en dépit de notre situation géographique. Kiri ne sera plus du tout celle que ce monde a connu jusque-là. Le village dont je rêve sera bien plus puissant, bien plus fort.

La main du nécromancien s’était alors dirigée jusqu’à sa ceinture pour saisir un parchemin qu’il déroulait en même temps qu’il parlait. Tant et si bien qu’il put en invoquer le contenu à la fin de ses mots. Le traditionnel nuage blanc, témoin de l’invocation, se matérialisa autour de lui avant de laisser apparaître deux silhouettes à ses côtés. Cela faisait bien longtemps qu’il ne les avaient vus… Alors qu’il reprenait la parole, les corps de ses parents défunts affichaient un air parfaitement absent à ses côtés :

- Pour que plus aucune famille ne soit séparée.

Son regard alla de la Kaguya à Ether avant de s’adresser de nouveau à elle :

- Cela répond à votre question ? interrogea-t-il.

Puis les lunettes en revinrent à Milly. Le moment semblait propice à cette conversation qu’elle avait en tête :

- Et toi Milly ? Quelle est donc cette préoccupation dont tu me parlais plus tôt ?

- Elle, elle peut rester oui. » Répondit-il toujours sur le même ton qui vous met mal à l’aise. « Pour sa famille c’est une toute autre affaire. Ce don est-il héréditaire chez vous mademoiselle ? »

Oh ? Non, me dites pas qu’il veut utiliser cette petite tribu pour en faire une armée. Quand même pas, si ? Punaise, si c’est bien le cas je ne vois qu’un avenir très sombre pour la nouvelle Kiri. Un avenir que je ne laisserai pas se réaliser sans rien faire.
Les deux protagonistes discutèrent un moment, échangeant leur point de vue et quelques infos au compte-goutte. Je n’y portai guère attention, Ether savait se défendre et protéger sa troupe. Même son pouvoir a été extrêmement difficile à découvrir, et encore moi j’ai trichée. Sans ce mât, je n’aurais certainement encore rien découvert. Michiki souhaitait aussi savoir ce qui intéressait la petite dans l’idée de rejoindre un village. C’est vrai qu’après tant d’année d’errance, il n’est pas anormal de se demander pourquoi des nomades voudraient se sédentariser.
Ce que voulait la miss, c’était la sécurité, la protection. Tout ce qu’un village peut normalement offrir, à condition d’avoir choisi le bon. Hors vu la tournure des choses, je commence moi-même à me questionner sur ce point. Est-ce que Kiri ne risque pas de devenir encore pire qu’avant ? Pire que la Brume Sanglante ? … Jamais, non jamais ! Mon village ne sera ni un camp militaire, ni une annexe du Shukaï, ni même un enfer pour ses résidents. Certainement pas.

« Si j'peux m'permettre d'poser une question. » Demanda la jeune nomade avant d’enchainer, maintenant qu’elle avait l’accord de Michiki pour qu’elle et sa famille reste. « Comment voyez-vous Kiri dans le futur ? »

L’interrogé sembla un instant prit au dépourvu, à voir le regard qu’il nous jeta tour à tour. Bah quoi ? Ce serait la question piège ? Il ne répondit pas tout de suite, plongeant la tente dans un silence pesant. Ether, on dirait bien que tu as eu un point sensible, héhé. Nous restâmes ainsi quelques secondes à s’échanger des regards ou à observer le bric-à-brac environnant, jusqu’à ce qu’enfin le leader des lieux réagisse. Il nous emmena hors de la tente, au sein du camp Shukaïjin en pleine activité. Massons, architectes, soldats, tous les corps de métier du bâtiment et leurs liens étroits avec le pouvoir exécutif étaient là. Tous s’afféraient à leur tache pour préparer au mieux la reconstruction du village sitôt qu’elle sera lancée.
Nous arrivâmes jusqu’aux premières ruines de Kiri, ce même endroit où j’avais rencontrée Michiki la première fois, Goren était là aussi. D’ailleurs ce moment avait été plutôt tendu, et pas simplement parce qu’un seul des deux pouvait me tuer sans difficulté.

Notre pseudo-guide balaya les lieux d’un mouvement circulaire du bras, et répondit comme en vrai politicien. Oui il ne répondit pas, que du blabla et de la poudre aux yeux. Pour ma part, je préférai observer le cimetière de fortune qui trônait toujours sur la même butte de terre, avec la tombe de ma mère au sommet et celles que quelques villageois que j’avais pu sortir des décombres à l’époque. Mine de rien, ça date maintenant, cette époque. Le monde à bien changer depuis, et moi aussi. Il est possible que depuis j’ai pris quelques tailles, et pas seulement en hauteur. Ahah ! Dommage, il n’y a plus rien pour comparer mais ça aurait pu être drôle.
Le mi-shukaijin mi-nukenin reprit sa présentation en parlant des Furyous responsables de ce massacre, mais aussi de la faiblesse de Kiri autrefois. Des erreurs qu’il s’engageait à ne pas commettre. Mouais, à quel prix, ça j’aimerais bien le savoir. Mais pas sur que ce soit le bon moment pour ça.

« Ça, ce n’est pas ce que je souhaite pour l’avenir. » Poursuivit-il en observant les ruines. « Je veux d’un village dont nos générations pourront être fières de défendre. Une cité que nulle autre ne pourra égaler, aussi bien commercialement que militairement. Je ferais de cet endroit une place forte de l’Empire. Un pôle névralgique de ce monde, en dépit de notre situation géographique. Kiri ne sera plus du tout celle que ce monde a connu jusque-là. Le village dont je rêve sera bien plus puissant, bien plus fort. »

Vous voyez, il parle comme un politicien ! Beaucoup de mot, beaucoup de promesse et toujours trop peu de résultat. Enfin, on ne peut pas non plus exceller dans tous les domaines, et puis on a toujours besoin d’un beau parleur, même si la personne en elle-même n’est pas belle ! Ohohoh, mais qu’est-ce qu’on se marre !
Oula, ça c’est bien moins fun par contre. Michiki venait se sortir deux parchemins de sa veste, et ce qui en sortit fut deux corps pales, immobiles, au regard absent. Un homme et une femme, plutôt âgés mais avec pas mal de ressemblance avec leur invocateur. A les voir, on croirait presque qu’ils sont mort. Mais pourtant un cadavre ça ne tient pas debout. Et le cas d’Ether décapitée ne compte pas. Mmh, même à l’odeur, ça sent comme la putréfaction des corps en décomposition.
Obligée de détourner les yeux, je commençai vraiment à me sentir mal. Et quand Michiki parla que plus aucune famille ne sera séparée, la conclusion me fit vomir. Et réellement vomir hein, un petit peu à l’écart du groupe mais quand même. Merde alors, il a gardé les cadavres de ses propres parents ? Mon dieu, comment est-ce possible ? Les nécromanciens, ça existe bien sûr mais c’est contre nature, c’est une insulte à la Mort elle-même. Il empêche ses propres ascendants d’avoir accès au repos éternel ! C’est pire encore que ne pas avoir de cœur, là c’est du masochisme à un niveau terrifiant.

Il me fallut plusieurs secondes pour que je reprenne le contrôle sur mon estomac et ma respiration, alors qu’il demandait maintenant ce que je voulais lui demander au début de cet entretient.
Me redressant et essuyant d’un revers de main ce qui pouvait rester sur mes lèvres, je ne tournai pour autant pas les yeux vers lui.

« Range ça d’abord. C’est inhumain et révoltant … Bordel comment c’est possible de ne serait-ce qu’imaginer faire ça à sa propre famille ?! Ah merde c’est … rah. » Quelques nouvelles secondes furent nécessaires pour me calmer. « Je voulais savoir quelle place tu réservais aux Kaguya dans ton entreprise. La dernière fois, j’avais énoncée mes conditions et elles n’ont pas évoluée depuis. La situation par contre, a changée. On a des squatteurs avec leurs drapeaux bleus qui se sont installés maintenant, alors qu’est-ce que les Kaguya auront à faire là-dedans ? Nous ne sommes pas des bâtisseurs, on se débrouille mais pas plus. Par contre on sait se battre, tu dois être au courant de ça. » Je pris une nouvelle inspiration, aussi pour marquer une pause dans mon monologue. « Tu avais parlé d’une police, ou d’un truc dans le genre ? Ça date, mes souvenirs sont un peu flou sur les détails … »

Je refusais toujours de tourner les yeux vers lui tant qu’il n’aurait pas fait disparaitre ses deux cadavres.

Histoire de changer, la discrétion de la Kaguya faisait des siennes. Après avoir vomi son quatre heures, cette adolescente puérile s’indigna de la technique du nécromancien. Chacun son don. Lorsque lui manipulait la chair des anciens vivants, elle se concentrait sur le taux de produits laitiers dans l’organisme. D’ailleurs il ne se priva de faire la remarque à voix haute, un sourcil légèrement haussé à son attention :

- C’est celle qui se bat avec ses os qui me qualifie d’inhumain ?!

La chose étant faite, il put reprendre plein esprit de la suite de son discours. Rien de bien nouveau en soit. Milly récitait incessamment la même rengaine sans aucun renouvellement. Mise à part dans la formulation qui s’améliorait de temps en temps. Mais cela restait une valeur incertaine ! Mais au-delà d’un discours répété, le fond en restait parfaitement irréfléchi. Un soupir très léger et presque imperceptible échappa au Fossoyeur avant qu’il ne réponde :

- Tes conditions n’ont pas évoluées, comme ma réponse. La situation est la même. Tu étais au courant dès notre dernière rencontre de l’intervention du Shûkai sur ces terres, alors ne me sors pas cet air effarouchée de « On ne nous dit pas tout ». La place des Kaguya a déjà été discutée la dernière fois. Goren avait en tout cas avancé cette idée de police, ta mémoire ne te fais pas défaut. Seulement je n’en ai rien dit pour ma part. Pour la simple et bonne raison que je me refuse à attitrer telle famille ou tel clan à telle tâche. C’est comme ça qu’on affaiblit un village. La diversité des équipes et de leur constitution permet de compenser les faiblesses de chacun. Les Kaguya pour exemple sont excellents au corps-à-corps et à distance. Et le jour où il tombe sur un spécialiste en Genjutsu ?

Depuis leur première rencontre, Michiki avait bien compris de quel bois était faite la jeune femme. Seulement il en fallait plus pour l’intimider. Il avait déjà fait face à bien pire niveau personnalités. Entre un Kazekage impotent et un Empereur furibond, les caprices d’une errante souhaitant retrouver son confort familial avaient le goût d’une promenade de santé. Il continua donc :

- Ta famille aura donc des responsabilités où il y aura besoin et pour qui le méritera. Kiri ne sera pas un village divisé et affaibli. Ce sera aussi la diversité et la symbiose des éléments le constituant qui le fera perdurer. Et comme je ne suis pas du genre à prendre des promesses que je ne tiendrais pas, te voilà prévenue. Une fois de plus.

Non pas que le Shinda s’impatientait à devoir avoir les mêmes discussions plusieurs fois mais…en fait si. C’était le genre de choses qui pouvait le mener à perdre patience. Même s’il fallait vraiment pousser le bouchon pour en arriver à cette extrémité. Heureusement que dans cette cacophonie féminine, Ether apportait une touche de légèreté par son comportement un peu plus posé que celui de son acolyte. Elle parlait et agissait comme le devrait quelqu’un souhaitant véritablement aider sa famille. Avec son langage et son comportement, c’est tout juste si Milly n’allait pas attirer un ordre de génocide diffusé dans tout l’Empire sur la personne de ses congénères ! Ainsi la voix de Michiki se fit moins sèche et froide lorsqu’il répondit à l’élémentaire :

- Il va de soi que votre famille sera accueillie au même égard que les autres souhaitant se rallier à notre cause. J’émets un point d’honneur à respecter un principe de réciprocité. Si la présence Shukajin pose problème, petit regard pour la Kaguya, il y en a qui dans leur camp voit d’un aussi bon œil l’implication de Nukenins dans ce projet. Et j’ai donné pour ordre de sévères sanctions à l’égard de quiconque attentant à la pérennité des uns ou des autres. Si nous lançons les bases d’un village avec une scission à peine les bâtiments refaits à neuf, nous ne durerons pas longtemps. Vos proches seront donc traités comme n’importe qui s’engageant dans cette reconstruction. Votre aide pourra se faire aussi bien sur les chantiers en premier lieu que pour la suite d’un point de vue militaire. Si le village vous offre un endroit protecteur, il me paraît évident que toute personne capable de se battre devra en échange fournir assistance aux forces militaires.

Ceci étant posé un peu à retardement après les jérémiades de la Kaguya, il allait passer à un contexte de nouveau sérieux. Mais c’était sans compter sur la nouvelle intervention d’Ether qui termina d’achever les derniers sentiments conciliants du Fossoyeur. Elle avait à peine lancé cette tirade se voulant cocasse qu’il ne la quitta pas du regard, presque affligé de cette insouciance. Là était le problème en fait. Il se retrouvait à discuter de l’avenir d’un village avec des gamines. Etait-ce là ce qu’il souhaitait pour Kiri ? Ses souvenirs le renvoyèrent à la question d’Ether justement à ce sujet. Voulait-il d’un Kiri ainsi mené ? Par des gamineries de ce degré de voltige ? Il avait l’impression de revoir l’agacement de l’accompagnatrice de Kurasa. Même si cette dernière y avait mis bien plus les formes qu’elles. Un sentiment d’épuisement général commençait à naître quelque part dans les confins de l’esprit du nécromancien. Une lassitude qu’il voyait mal évoluer sainement. Ce fut d’ailleurs elle qui dicta en partie ses mots, un sourire à moitié hypocrite sur le visage :

- Ne vous inquiétez pas, on va vous faire marcher si ça vous donne tant de fourmis de rester sur place. On va même vous faire courir !

Le sourire tomba. Tel un masque qui dévoila le véritable faciès qui tentait de se dissimuler depuis quelques secondes. Ce spectacle navrant allait à l’encontre de la campagne qu’il avait pu mener auprès de ses homologues. Pourtant si bien commencée avec l’arrivée de Goren dans ses rangs, le recrutement était descendu decrescendo. Un phénomène qu’il n’avait fait qu’ignorer jusque-là mais qui commençait à provoquer un ressac dans son esprit et sur son mental. Cette fois le soupir ne fut même pas un tant soit peu dissimulé. Il l’exposa au grand jour sans s’en cacher ou s’en justifier. Et les mots ne tardèrent pas à se joindre à l’acte :

- Peut-on parler sérieusement maintenant ? Car il me semble que certains détails vous échappent encore à toutes les deux ? D’un côté Ether, tu as beau y mettre un peu plus les formes que ta compagne de route, tu n’as pas l’air de réaliser tout le sérieux de la chose. Nous parlons là de ce qui deviendra un village. Nous parlons donc de vies humaines, d’armée, de finances. Tout un héritage à rebâtir et ta remarque sur la cuisine locale me paraît…déplacée si ce n’est inappropriée au vu des circonstances. Quant à toi…

Le regard azuré en vint à Milly qui évitait copieusement le contact visuel avec les cadavres de ses géniteurs :

- Je ne saurais que trop te conseiller de mettre de l’eau dans ton vin. La dernière fois il y avait Goren pour temporiser. Qui l’eut cru n’est-ce-pas. Donc tes opinions sur moi ou le Shûkai sont bien nobles mais ils sont caducs étant donné que sans l’un ou l’autre, Kiri n’est plus. Si tu es à ce point fière et débrouillarde, pourquoi ne pas avoir reconstruit le village plus tôt ? J’aimerais que tu prennes conscience que nous n’avons que du bon à tirer de cette collaboration. Si elle te déplaît tant, tu as déjà eu la proposition la dernière fois : quitte le pays. Mais ce n’est pas dans ton intérêt bien sûr.

Ignorons la petite pique qu’il lança en référence à mon utilisation des os, notifiée d’inhumain. Moi au moins je ne joue pas avec la mort ! Je laisse ça aux forces de la nature. Ressusciter quelqu’un revient à le priver de tout repos certainement bien mérité. C’est enchainer l’âme à une demi-vie ! C’est honteux et révoltant !
Sa réponse vint ensuite, permettant de mettre de côté le malaise de la scène. Il me reprochait de faire comme si j’étais surprise que le Shukaï intervienne dans cette affaire. N’importe quoi ! Je le savais depuis notre dernière rencontre justement, puisque c’est lui-même qui l’avait dit, mais je refusais toujours autant d’y voir autre chose d’une bande d’envahisseurs.

« … Goren avait en tout cas avancé cette idée de police, ta mémoire ne te fais pas défaut. » Continua-t-il. « Seulement je n’en ai rien dit pour ma part. Pour la simple et bonne raison que je me refuse à attitrer telle famille ou tel clan à telle tâche. C’est comme ça qu’on affaiblit un village. La diversité des équipes et de leur constitution permet de compenser les faiblesses de chacun. Les Kaguya pour exemple sont excellents au corps-à-corps et à distance. Et le jour où il tombe sur un spécialiste en Genjutsu ? »

Pas faux. Très peu dans nos rangs seraient apte à tenir face à un expert du genjutsu. Nous sommes des soldats, des guerriers. Ce genre de façon de se battre, c’est pour les lâches, ceux qui se planquent. Incapable de faire honneur à son adversaire et prouver qu’il mérite sa place dans un combat à la force de ses points …
Peut-être mais en attendant, face à ça tu te fais botter le cul. Oh ça va, il suffit que je travaille sur mes faiblesses pour corriger cela. Rien de bien folklorique. Faut juste s’y mettre.
J’écoutai en silence la suite du discours du nécromancien, hochant par de rares moments la tête. Il souhaitait mixer les équipes, les groupes, utiliser la diversité pour gommer les faiblesses. Pourquoi pas, mais pas sûr que tous chez les manipulateurs d’os acceptent sans rien dire de devoir faire équipe avec ceux qui pourraient être leur adversaire en-dehors du boulot … tss tant de travail en perspective.

Ce que répondit Michiki ensuite à Ether confirmait que tout ce boulot était identique dans les deux camps. Nous allons devoir collaborer, tout le monde. Prend sur soi, faire marché la diplomatie avant les baffes. Et de sévères sanctions devront être prises en cas de dérapage, après tout c’est là aussi le boulot d’une chef de clan. Tenir tout le monde et les guider. Je voulais faire revivre les Kaguya, les ramener sur le devant de la scène, pas les noyer par nos pulsions guerrières. Et s’il fallait supporter des envahisseurs pour atteindre nos objectifs, alors soit.
Ether questionna une dernière fois Michiki, et il sembla que ce fut la phrase de trop. On sentait dans sa voix qu’il commençait sérieusement à perdre patience. Comme l’autre fois quand il me faisait face avec Goren. Sauf que cette fois il était tout seul, mais avec toute une armée derrière lui. Ce type est dangereux, trop dangereux pour espérer un jour pouvoir lui faire pleinement confiance, ni lui faire confiance tout court hein. Il trouvait stupide la remarque de la nomade et ne s’en cachait pas. Comment quelqu’un qui n’a jamais fait l’expérience d’un vagabond hermétique à toute forme de civilisation pourrait comprendre l’importance du choix, non de l’initiative que faisait la Gogyou ? Vous allez me dire que c’est déplacé ce que je raconte, que je ne le connais pas, que je ne sais pas ce qu’il a vécu pour formuler un tel jugement. Et bah justement, pas besoin, avec sa nouvelle façon de parler on entrevoit déjà bien suffisamment ce morceau de son passé.
Une fois encore je vins soutenir Ether en déposant une main sur son épaule, le regard toujours fuyant les cadavres encore debout.

« Si tu es à ce point fière et débrouillarde, pourquoi ne pas avoir reconstruit le village plus tôt ? » Fit-il par demander. « J’aimerais que tu prennes conscience que nous n’avons que du bon à tirer de cette collaboration. Si elle te déplaît tant, tu as déjà eu la proposition la dernière fois : quitte le pays. Mais ce n’est pas dans ton intérêt bien sûr.

- Ahahahahah ! » M’exclamai-je soudainement. « Excellente cette blague, vraiment ! Tu t’améliore dans ce domaine ! Je ferais ce qu’il faut du côté de Kaguya pour que cette collaboration se fasse sans embuche, ou presque. Bien je crois qu’on n’a plus rien à se dire hein. J’ai ce que je voulais et même plus encore. Jeune fille, si tu n’as rien à rajouter non plus, nous pouvons prendre congé. »

Machinalement je serrai légèrement mes doigts sur la clavicule de la nomade, sans lui faire mal bien sur, mais juste pour lui faire comprendre qu’il valait mieux partir tout de suite. Je me répète mais cet homme est dangereux, et je ne pourrais pas la protéger de lui si jamais ça pète. Je ne suis même pas certaine de pouvoir faire grand-chose pour moi-même, donc bon.
Le proverbe comme quoi il faut reculer pour mieux sauter, trouve tout son sens ici.

Spoiler:

Il semblerait qu’une nouvelle fois, la Kaguya se soit apaisée aux mots du nécromancien. Il savait pertinemment que ce n’était pas par humilité ou parce qu’elle reconnaissait ses torts. Sinon elle n’aurait pas recommencé aujourd’hui. Sa dernière rencontre avec elle s’était déroulée plus ou moins de la même façon. C’en devenait un rituel. Une triste routine exténuante. Les épaules relâchées, il observa le duo de kunoichis s’éloigner de sa position.

Elles bavardèrent entre elles et disparurent malgré le fait qu’il pouvait toujours ressentir leur présence. Il resta pourtant immobile au milieu de ce paysage de fin du monde, ses parents toujours à ses côtés. Il les fit disparaître d’ailleurs pour rester véritablement seul. Même s’ils n’imposaient pas une réelle présence. Leurs enveloppes charnelles ne les rendaient pas moins « vides » de leurs âmes. On disait que les nécromanciens ne souffraient jamais de la solitude mais ce n’était pas la compagnie de cadavres qui vous donnait l’impression d’être sociable. Michiki le savait bien et il le vivait très bien. C’était même tout l’inverse lorsqu’on maîtrisait ce genre de pouvoirs jugés contre nature. Ou inhumain, comme l’avait qualifié la Kaguya.

Il mit fin à son immobilité cadavérique pour porter son regard sur les ruines. Il remarqua au sol les débris de ce qui avait dû être une parure pour femme. Le métal calciné faisait presque passer le bijou inaperçu dans la masse de cendres qui l’entourait. Michiki s’en approcha et se mit à genoux. La trace d’une photo à l’intérieur dépassant légèrement du mécanisme d’ouverture. Un soupir d’exaspération le gagna.

La jeune Eteher cherchait à préserver ces choses justement. Tout comme Milly qui n’en demeurait pas moins une combattante dans l’âme. Elevée dans la Brume Sanglante, on voyait les séquelles. Du moins il supposait qu’elle avait connu cette glorieuse ère de la Brume. Celle qui avait permis au Shinda de se tenir là aujourd’hui. Celle qu’il avait forgée au fil de ses rencontres et déplacements. Il en avait respecté les principes pendant longtemps pour gravir les échelons. Aujourd’hui il imposerait lui-même les règles et valeurs de ce nouveau village qui s’érigera sur cet endroit. La future place forte que serait Kiri fera passer la précédente pour une pâle copie. Michiki ferait renaître la patrie oubliée de tous.

Sa main se tendit vers le collier pour attraper la chaîne et tirer légèrement la parure vers le haut. Le lien se déroula méthodiquement avant d’exercer une tension qui tira le pendentif de son tas de cendres. L’objet quittait symboliquement la cendre pour revenir dans la lumière alors que Michiki en essuyait les quelques traces existantes. Il accrocha ensuite sa trouvaille sur un débris de poutre qui se trouvait à sa gauche de lui. Le vent fit décrire un léger mouvement de balancier à l’objet doré. Il fut hypnotisé quelques secondes par ce mouvement avant de se décider à se lever.

Il posa les mains sur les genoux et fut de nouveau sur ses pieds. Il regarda une dernière fois autour de lui, sondant les environs. Toujours seul, il prit la direction du camp Shukajin dont il était venu avec les jeunes filles. Passant une main dans sa tignasse, il songeait aux tâches l’attendant, ce qui le fit ralentir la cadence soudainement. Son rêve était encore éloigné mais pas inaccessible. Ils avaient déjà accomplis beaucoup et le plus dur se trouvait derrière eux. Il pensa à toutes ces personnes l’ayant rejoint dans sa cause, que ce soit Kakeshuou et l’Empire, ou Kurasa et Luka, ou Milly et Ether, ou Aedran. Toutes ces âmes regroupées en un seul et même but. De mémoire, il n’avait jamais entendu une telle réunion de Nukenins poursuivant un objectif commun. S’engageant dans la forêt, il pensait à tout cela. Et ces pensées l’amenèrent à arborer un simple sourire.

Spoiler: