Shinda Michiki était sans doute le plus serein de tous ceux qu’il avait pu rencontré dans la planque de Ta no Kuni. L’Autocrate était satisfait que dans ses collaborateurs temporaires il puisse compter sur quelqu’un de sa trempe psychologique. Bon, côté artistique, l’art du Nécromancien ne faisait pas dans ce qu’Alpha aimait le plus, mais était-ce réellement important ?

Ils avaient marché un bon moment maintenant. Le clone de l’ancien leader de la Corporation et son interlocuteur avaient beaucoup à se dire. Et selon ce dernier, il fallait choisir un lieu plus « serein ». Et quoi de mieux qu’un bar qui allait fermer pour le début d’après-midi. Tous les deux, ils y entrèrent.

Le gérant les interpella en sortant de la cuisine. Derrière lui, une jeune femme s’arrêta de nettoyer son verre à l’arrière du comptoir.

» Vous ne savez pas lire ? Nous allons fer…

L’homme s’était interrompu de lui-même à la vue de l’Autocrate qui avait sorti son pistolet qui, malgré sa taille bien petite, restait discernable comme une arme de pointe.

Sans se demander si ses manières plaisaient au Shinda, le Nukenin retira sa capuche et marcha vers une table sans relâcher son arme.

» Un verre de saké pour moi.

Il s’assit puis invita du regard Michiki de faire de même. Il posa son pistolet sur la table, à portée de main. Puis il eut comme un déclic.

» Oh au fait, nous n’allons pas rester longtemps mais si vous pouviez éviter de venir nous déranger pour autre chose que pour nous servir à boire, ça serait appréciable.

Il avait adressé un charmant sourire au barman, puis à la jeune femme. Était-ce sa fille et donc un petit bar familial ? Qu’importe. Il était là pour discuter de manière plus profonde avec le Nécromancien. Son regard se reporta vers ce dernier.

» Cet endroit me paraît plus serein. Je vous écoute donc, mon cher, de quoi voulez-vous me parler ?

Toute la petite délégation avait quitté la tanière de la Corporation. Une sortie qui aurait fait grincer des dents plus d’un étant donné que la porte de sortie s’était manifestée sous la forme d’une bouche d’égout. Il fallait penser aux deux dames qui composaient le groupe. Suite à cela, celui qui se faisait appeler l’Autocrate avait conduit toute la clique jusqu’à un village du pays du Riz. Pour que chacun récupère de ses blessures et puisse y trouver l’armement nécessaire. Mais surtout, pour parlementer avec chacun dans un contexte plus calme que celui d’une planque d’une redoutable organisation internationale.

Suivant maintenant l’un des clones de l’Autocrate, Michiki affichait déjà un léger sourire ravi. Il avait eu son début d’armement dans le bunker. Dans la paume de sa main, il observa le sceau posé précédemment sur sa nuque pour bloquer son chakra. Il l’avait modifié et réécrit afin qu’il devienne un jutsu de scellement pour transporter le corps de l’Electricien. L’Autocrate n’y avait émis aucune objection, alors le Fossoyeur s’était allègrement servi. L’homme avait beau n’être qu’un civil, cela restait une arme pour lui. Et il avait perdu quelques-uns de ses rouleaux d’invocation lors de cet évènement. Une autre chose qu’il ne manquerait pas de faire payer à la confrérie des sept.

Le duo pénétra ensuite dans un bar. Le propriétaire s’opposa à leur entrée mais l’homme ayant libéré Michiki se montrant persuasif au moyen de son arme. Un moyen auquel le Shinda était plus qu’habitué. Lui-même fonctionnait ainsi. Il n’arracha donc pas plus de réaction à cet acte, se contentant de suivre l’Autocrate et de prendre place à sa table. Donnant même quelques directives sur le fait de ne pas être dérangé excepté pour la boisson, l’homme se reporta ensuite sur le nécromancien afin de lui demander plus précisément quels étaient ses propos qu’il tenait à partager avec lui.

Il ne fallut pas longtemps aux verres pour arriver. L’homme apeuré les amena la main tremblante et réussit par on ne sait quel miracle à remplir chaque récipient sans en mettre une goutte à côté. Saisissant son verre dans sa main valide, le Shinda le leva pour trinquer silencieusement avec son interlocuteur. Le liquide lui brûla agréablement la gorge. Un peu de courage liquide après ces péripéties. Mais il n’était pas là pour boire tout son saoul :

- Vous avez le don de vous faire des amis. Vous êtes conscients qu’il serait préférable de les tuer si on ne veut véritablement pas attirer l’attention ?

Il avait dit ça tout en désignant discrètement du pouce l’homme et la femme qui n’osaient plus bouger ou regarder dans leur direction. Le Shinda avait une manière bien particulière de penser. Il n’était pas pour autant un psychopathe névrosé. Il était méticuleux. Ce qui n’en était que plus dangereux. Mais le sujet les amenant ici ne concernait pas le pauvre couple.

- Mais passons. Ce cadre est plus propice à une conversation posée. Je déteste être importuné. Surtout lorsque cela concerne de telles choses. Je dois avouer être encore surpris de vos révélations et je ne peux m’empêcher de m’interroger sur un demi-milliard de choses. Je ne vais pas vous saouler d’autant de questions et je m’en tiendrais donc à certaines d’entre elles plus… « synthétiques » de ma pensée.

Le Shinda se mit à remplir les verres pour la deuxième tournée, même s’il ne toucha pas immédiatement au sien.

- J’aimerais tout d’abord préciser une chose. Votre « appât » quant au remède pour mon bras ne me mène nullement à vous épauler. Il est rare que je supporte de vivre au crochet de quelqu’un. Pour la situation actuelle, mon savoir en nécromancie suffirait amplement à remplacer ce fardeau par un autre prélevé sur un cadavre et l’animer comme mon bras originel, moyennant une quantité très minime de chakra.

Les bases étaient posées. Michiki avait eu un regard pour ce bras désormais inutile qui pendait misérablement. D’extérieur, on n’y voyait rien. Mais pour son propriétaire, il ressentait son membre comme une ancre. Ses yeux étaient ensuite revenus vers l’Autocrate.

- Ce qui m’amène à vous faire comprendre ma position quant à vos options d’il y a peu. Et ce qui me pousse donc à parler plus sérieusement de la démarche entreprise par vos soins à propos de la Corporation. Notamment sur un point très important.

Le doigt sur la branche centrale de ses lunettes, Michiki rehaussa son regard améthyste :

- Avant de marcher avec vous, j’aimerais en savoir un peu plus sur vous. Plus particulièrement sur cette trahison que vous avez subie. Car même si je suis disposé à vous croire, autant jouer carte sur table !

Un petit sourire en coin illumina le visage farouche du Fossoyeur :

- Vous êtes-vous vraiment fait évincer du pouvoir ? Ou avez-vous tenu tête aux grosses têtes ?

Avoir le don de se faire des amis, voilà un petit ton humoristique qui était tout à l’honneur du Nécromancien, qui s’était quand même retrouvé dans une situation assez délicate ces derniers temps. Mais il en avait probablement vu d’autres, oh que oui. Après tout, Alpha se souvenait de pourquoi il l’avait choisi comme leur : il était sans doute l’un des anciens Kirijins les plus réputés encore en vie. Mais le Nukenin libérateur n’allait pas s’en cacher : il avait aussi choisi les « codes » avec une partie d’aléatoire. Après tout, cette histoire d’enveloppe n’avait servi qu’à attirer les Huit à se faire connaître.

Tuer le couple de gérants ? En voilà une drôle d’idée, qui confortait néanmoins l’hypothèse selon laquelle l’ancien leader avait en face de lui quelqu’un de méticuleux et criminel. Et c’était forcément un point important à noter. Alpha trinqua, puis s’enfila une gorgée de saké. Vu le petit réceptacle de sa boisson, autant dire qu’il en avait alors déjà bu la moitié.

» Je ne suis pas sûr que les tuer puisse nous aider à ne pas attirer l’attention sur nous… Et puis qui a dit que je ne voulais pas leur laisser une trace de notre passage ?

Lorsque l’ancien shinobi de la Brume monologua sur l’inutilité presque établie de ce qu’on avait fait à son bras, Alpha préféra terminer son saké plutôt que de répondre dans l’immédiat. Après tout, contrairement aux trois autres personnes avec lesquelles il parlait en simultané, Shinda Michiki était le seul qui souhaitait réellement « parler ».

Ecouter ce que ce dernier avait à dire était encore la meilleure chose à faire pour l’Autocrate. Et une fois qu’il eut fini, et que les verres furent à nouveau remplis, l’homme à la balafre reprit la parole.

» Je connais vos aptitudes nécromanciennes, mon cher Shinda. Et si vous pensez que j’ai utilisé l’antidote que disposent ceux qui m’ont trahi comme appât, vous avez totalement raison. Néanmoins – et c’est bien normal – vous faites une erreur.

Alpha regarda son saké d’un œil attentif. Puis son attention se reporta pleinement sur l’homme qu’il avait en face de lui.

» Et c’est celle de penser que sans ce dernier vous pourrez retrouver l’usage de votre bras.

Le Nukenin se redressa sur sa chaise, puis se tourna un peu dans tous les sens. Son visage montrait clairement qu’il n’était pas dans une position confortable. Ah, loin était l’époque où le cuir était la matière principale des pièces où il séjournait… Mais bientôt – oh oui bientôt – il pourrait retrouver tout ce confort qui lui était accoutumé.

Ne trouvant pas de position tranquille sur cette vieille chaise, l’Autocrate se rapprocha davantage de la table. Il y apposa ses coudes, puis regarda à nouveau Michiki.

» J’ai été mis au courant de ce que les Huit préparaient. Je pouvais me battre, sans néanmoins connaître l’ensemble de ceux qui voulaient me trahir, mais j’ai préféré une autre option. Aujourd’hui, je peux toujours me battre, mais j’ai bien plus de cartes en main qu’à l’époque.

La déclaration de l’Autocrate n’avait pas manqué de surprendre au plus haut point le nécromancien. Il avait déjà levé un sourcil interrogateur lorsqu’il lui annonça que le couple qui les avait servis allait sûrement survivre. Pour laisser une trace de leur passage justement. La clé dans cette opération de reconquête n’était-elle pas la discrétion justement ? Surtout que le fait de savoir l’ancien leader de la Corporation accompagné d’autres shinobis n’allait que renforcer la méfiance des Sept restants. Et les moyens déployés pour les arrêter n’en seraient que plus importants. Sur le coup, le Fossoyeur ne comprenait pas véritablement l’intérêt stratégique. Il ne manquerait pas de le faire remarquer.

Sa deuxième surprise se manifesta par l’annonce de l’importance capitale de l’antidote au poison qui lui paralysait le bras. En quoi sa solution ne pouvait suffire ? C’était pourtant ce qu’il y avait de plus simple. En soit, cela ne changeait pas grand-chose à la suite des évènements. Sa volonté vis-à-vis de la Corporation et de l’Autocrate avait été clairement exprimée. La femme qui l’avait empoisonné devait sûrement avoir le remède tant recherché. Il pourrait joyeusement faire d’une pierre deux coups. Sa curiosité scientifique pourtant le poussa à interroger son interlocuteur sur la raison de cette impossibilité de se guérir par ses propres moyens :

- J’avoue ne pas comprendre où vous voulez en venir. En quoi cet antidote est-il primordial ? Sachant que si je ne peux retrouver l’usage de mon bras, je saurais le remplacer.

Il devait y avoir une chose qu’il ignorait sur ce poison. L’Autocrate le guiderait sûrement à ce propos. Ceci étant posé, il s’empressa d’ajouter sa première réflexion sur les premiers propos de l’autre Nukenin :

- Tout comme je ne comprends pas vraiment ce que vous espérez en souhaitant laisser une trace de notre passage. L’intérêt serait d’attaquer ensemble et dans la plus grande discrétion. Si les Huit…,les Sept pardon, savent que nous formons une unité, ils redoubleront d’efforts pour nous arrêter. S’ils s’attendent à vous voir débarquer seul, l’effet surprise ajoutera une force supplémentaire.

Il espérait seulement que ces choix avaient une justification bien précise. Il avait beau être intrigué par toutes ces histoires, il ne souhaitait pas prendre de risques inconsidérés. Il devait gouverner un pays à côté de ça. Et l’idée de perdre la vie sur une erreur stratégique dans une guerre où il n’était pas impliqué à l’origine lui laisserait un goût amer dans la bouche. Il tenait donc à éclairer ce deuxième point. La discussion allant bon train, il pouvait maintenant enchaîner sur de nouveaux éléments :

- Et dans l’éventualité où nous réussirions, avec le support des autres détenus ou pas, permettez une requête déjà formulée auparavant.

Le regard gourmand et le sourire de carnassier si caractéristique qu’il affichait toujours dans ce genre de moment. Ces instants où la chair humaine était en jeu, il devenait un véritable requin en affaires, prêt à tout pour remporter le morceau. Plus qu’un pouvoir, la Nécromancie était un mode de pensée tout particulier. Comme il l’avait toujours dit : les Nécromanciens ne sont jamais perdants dans un conflit. Alliés ou ennemis, il y aura des pertes et ces dernières revenaient alors dans la poche des charognards dans son genre. Une image bien particulière qui pourtant ne le dérangeait pas outre mesure. Il avait appris à vivre avec et même à l’assumer au grand jour. Ce qui le menait maintenant à formuler directement ce genre de requête :

- Les cadavres des Huit seraient un gain important, vous l’admettrez. Le corps de celle s’étant occupé de m’administrer le poison m’apparaît comme une priorité. J’espère que vous comprendrez cette petite poussée d’orgueil blessé. Je n’ai néanmoins rien contre les autres. Mais mon instinct de collectionneur me pousse à convoiter de tels trophées. Si je vous aide, pourrais-je donc compter leurs cadavres dans ma collection personnelle ?

Shinda Michiki était arrogant de penser que ses arts sombres pouvaient lui permettre de pallier à presque toutes les situations. Néanmoins, on ne pouvait pas vraiment lui reprocher de penser que remplacer son bras par celui d’un mort ou quelque-chose du genre lui permettrait de répondre à la « malédiction » qui avait pris en otage son membre. Et malheureusement, Alpha allait devoir lui expliquer une chose importante. Si seulement il avait pu composer sans…

» La Corporation n’est pas seulement composée de têtes bien faites mais également de shinobis parmi les plus redoutables dans leurs domaines. Et chez certains, on retrouve ces deux qualités.

L’Autocrate regarde le nécromant, puis prit le verre que ce dernier lui avait servi. Il le retourna lentement, et le saké s’écoula petit à petit au sol. Les gérants n’allaient probablement pas apprécier, mais eux-mêmes finiraient par se dire que c’était mieux qu’une balle dans la tête.

» J’ai fondé l’organisation la plus secrète et sans doute la plus vaste des cinquante dernières années. Pourtant, cela ne m’empêche pas de vider ce verre que vous venez de me servir. Peut-être êtes-vous de ceux qui pensent que c’est un manque d’honneur que d’être méfiant. Je suis de ceux qui pensent que l’honneur ne sert à rien lorsque l’on est mort.

Il trinqua avec son verre vide en direction du Shinda. Son regard était comme astucieux.

» Mettez votre honneur ou votre éthique au second plan. Car la personne qui vous a inséré cette chose dans votre bras… est également adepte de la nécromancie. Et ses connaissances surpassent les vôtres.

Au même instant, une partie de lui avait compris qu’il s’était passé quelque-chose avec son clone placé aux côtés de Kawaguchi Tsukiko. L’entrevue avec cette dernière n’avait pas dû prendre une bonne tournure.

» Mais vous êtes probablement plus à l’aise dans le combat nécromant que cette personne. Une fois que nous l’aurons identifiée, la vaincre sera à votre portée. Ou plutôt serait, si vous aviez vos deux bras. Notre collaboration devrait nous aider à surmonter cet handicap.

Alpha ramassa le couteau qui était dans les couverts de la table, puis il gratta la table. Il y dessina un trait vertical.

» Parmi les Huit, il y a deux corps que je me refuserai à vous laisser. Mais pour les autres, ils vous reviendront en fonction de votre investissement. Considérez par exemple que tuer un des six que je suis disposé à vous laisser vous octroiera l’accès à son cadavre. Mais il y a une question que je me posais…

A droite du trait déjà tracé, il en griffonna plusieurs de plus petite taille.

» Comment la femme qui était avec vous a pu découvrir la justification de votre nombre clé ?

Aussitôt la question fut posée, aussitôt la réponse fut redoutée.

Les propos de l’Autocrate arrachèrent un sourire au nécromancien. Son acte en avait dit long également. Le fait que le Fossoyeur l’ait resservi avait attisé sa méfiance et il avait renversé le contenu du verre sur la table. Une précaution bien inutile mais qui se justifiait parfaitement. C’était bien du genre du Shinda d’agir ainsi. Aussi ne s’en offusqua-t-il pas puisqu’il n’avait commis aucun acte allant à l’encontre de la condition de son interlocuteur.

Mais ses mots étaient emprunts d’une certaine vérité. Ou si ce n’était une vérité, c’était en tout cas un point de vue que Michiki partageait. Ce qu’il ne manqua pas de souligner lorsque s’était installé son large sourire :

- A peine rencontrés et nous partageons déjà des avis communs il faut croire. Si votre organisation a bien fait son travail à mon sujet, et vous par la même occasion, vous devriez savoir que l’honneur ou l’éthique ne font pas partie de mes valeurs premières. J’en ai entendu parler quelques fois mais je ne suis pas partisan de ces croyances.

Loin de là. Certaines valeurs étaient importantes à défendre mais celles-ci en l’occurrence ne faisaient pas partie du dictionnaire du nécromancien. N’importe quelle personne partageant son pouvoir pouvait d’ailleurs comprendre son point de vue. Des gens comme eux pillaient les corps pour leurs propres desseins. Rien d’honorifique. Et il semblerait qu’il y avait un autre nécromancien dans la partie. Grâce à lui, Michiki était affligé d’un fardeau à son bras. L’Autocrate qualifia même ses connaissances de supérieures aux siennes. Ce qui en soit était déjà un exploit !

Le Shinda n’avait pas encore eu l’occasion de croiser la route de beaucoup de nécromanciens de talents. Si celui dont ils parlaient venait à croiser sa route, il pourrait lui arracher les quelques secrets séparant leurs niveaux respectifs. Il le nota dans un coin de sa tête alors que son acolyte lui expliqua vouloir garder deux corps pour son usage parmi ceux gouvernant maintenant l’organisation. Six cadavres sur huit, c’était une bonne moyenne. Du moins, il en avait la possibilité s’il s’investissait assez. Ce qui ne le répugnait pas le moins du monde. Tant qu’il y a un cadavre intéressant à la clé, le jeu en vaut la chandelle. Il eut à peine le temps de réagir à cela qu’une question lui fut adressée. C’était une interrogation en rapport avec ce fameux chiffre clé le concernant. Lui-même n’avait pas trop suivi cette histoire. La question était l’occasion de tirer bien des interrogations sur ce sujet :

- Elle ne l’a pas deviné. Nous n’étions pas seuls à ce moment-là. Un autre homme était là. Je ne saurais vous le décrire malheureusement. Du peu que j’ai compris, il a utilisé un jutsu pour m’arracher la réponse. Mais je dois avouer ne pas avoir compris pourquoi moi et pourquoi ce chiffre.

Il y avait là une question dissimulée que l’Autocrate saurait reconnaître. S’il pouvait comprendre au passage pourquoi il avait été impliqué dans toute cette affaire, il serait encore plus enclin à coopérer. Une autre inquiétude le gagna alors qu’il repensait aux dires précédents de son interlocuteur. Il ne manqua pas de se manifester :

- Ces corps que vous m’avez promis…J’en possède déjà un, celui de l’Electricien. Ce qui fait que sur les Huit, il en reste cinq que vous êtes prêts à me laisser si je vous aide. Et deux intouchables. La jeune femme qui s’est occupé de mon cas, une à la blouse d’infirmière et grosses lunettes rondes, fait-elle partie des intouchables ?

Le nécromancien ne perdait pas le Nord. Au risque de paraître entêté, il n’allait pas se priver de se renseigner comme il faut sur ce qu’il revendiquait. Cela l’embêterait beaucoup de devoir renoncer au corps de cette garce ayant pris un malin plaisir à le séquestrer. Le juste retour des choses serait de la trimballer à sa guise en tant que trophée. Comme les autres têtes de la Corporation qui devraient tomber une à une.

Des valeurs reléguées au second plan ? Intéressant, et pas vraiment surprenant. Le Nécromancien était vraiment quelqu’un de singulier, et son interlocuteur appréciait grandement certains aspects de sa personnalité. S’il ne devait travailler qu’avec une seule de quatre personnes avec lesquelles il parlait, c’était bien Shinda Michiki qui semblait le plus approprié. Soit, mais avant de réfléchir à la suite du plan, encore faudrait-il savoir de quoi il en retournait. Et c’est ainsi qu’Alpha patienta quelques instants de plus pour connaître la réponse à ses interrogations…

Et il aurait bien préféré entendre autre chose. « Enflure », pensa aussitôt l’Autocrate. Heureusement pour lui, il avait pris le temps de prévoir divers arrangements. Et si celui qui incluait cet « homme mystère » était de loin le plus dangereux à mettre en place, il était prévu. Alpha soupira. Il fallait commencer par détailler l’origine du problème à son futur compagnon d’armes.

» L’homme que vous avez vu est l’origine des nombres clés. Le vôtre ne vous dit rien tout simplement parce qu’il est stocké dans votre inconscient. C’est une pratique que j’avais mise au point pour donner des noms de codes indescriptibles. Forcément, si le nombre qui vous est associé ne vous dit rien à vous-même, qui pourrait le savoir ? Et cet homme…

Alpha grimaça une nouvelle fois, mais il n’était plus énervé. Non, il était plutôt… dubitatif.

» … est le chef actuel de la Corporation. Il a dû dépenser énormément de chakra pour me localiser quand je souffrais encore d’amnésie. Voilà pourquoi utiliser à nouveau ses pouvoirs aussi rapidement devait rester un dernier recours.

Il regarda le verre vide, puis insista du regard vers Michiki. Ses yeux étaient tellement fulgurants que le Shinda put discerner une faible lueur rouge provenant du fond de sa pupille gauche.

» Écoutez-moi bien, monsieur Shinda, le monde ninja a vu naître des combattants terrifiants comme les Furyous… mais l’homme qui m’a trahi est bien plus dangereux. Une guerre va éclater, et nous devons prendre la main. Car s’il nous retrouve avant que nous ayons engagé notre plan, tout sera fini. Et inutile de vous préciser que si nous y arrivons, le corps de celle qui vous a privé de votre bras sera pour vous.

Sur quoi il se leva. Le corps original était probablement en train d’appeler la seule véritable alliée qui restait à Alpha, mais ce dernier allait pouvoir compter sur Shinda Michiki, au moins un temps. L’Autocrate se retourna vers le Nécromancien, avec un air redevenu neutre et impassible.

» Accordez-vous une vingtaine de minutes pour acheter ce dont vous avez besoin pour le voyage qui s’annonce, et retrouvez-moi au sud de la ville ensuite.

Le balafré composa un unique mudra.

» Nous allons capturer le Daimyô de Mizu no Kuni.

Le clone disparut. Et l’objectif de la « vraie » Corporation était désormais connu. Pour avoir une chance dans cette guerre, il fallait qu’Alpha et Shinda Michiki puissent frapper en premier.

L’Autocrate ne semblait pas très heureux des révélations du nécromancien. C’était la première fois qu’il détaillait véritablement comment s’était passé sa détention provisoire. Et ce témoignage n’enchantait pas son interlocuteur qui ne tarda pas à en expliquer la cause. Michiki avait eu les honneurs de rencontrer le nouveau leader de la Corporation apparemment. Quel privilège. Une rencontre qui lui avait coûté son bras. Oui rien que ça. Néanmoins il écouta attentivement afin d’en savoir plus sur cet homme qui l’avait piégé et mis dans cet état.

De ce qu’il entendait, il ne s’agissait pas de n’importe qui. Son pouvoir était méconnu. Le Fossoyeur ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Il avait rencontré bien des capacités dans ce monde mais il n’y avait pas grand-chose d’approchant. Peut-être les manipulateurs d’esprit de Konoha après tout et encore. Ça restait une supposition. En tout cas, de ce qu’il savait de cet individu maintenant, il n’était pas à prendre à la légère. Pour en arriver à être considéré comme plus dangereux que ceux ayant détruit le village du nécromancien, il savait dès maintenant qu’il ne devrait pas prendre cet homme à la légère.

L’Autocrate apparaissait donc comme le meilleur moyen pour lui de retrouver la solution à son problème de bras. Et la promesse de nouveaux cadavres n’était pas non plus indifférente à son intérêt. Et puis ce n’était pas comme s’il avait besoin de justifications pour assumer sa motivation. Le principe même de cette organisation l’intriguait et il lui tardait d’en découvrir certains secrets. Quoi de mieux donc que d’intégrer un groupuscule censé exister depuis longtemps et étant intervenu dans bon nombre de conflits. Collaborer avec celui qui se tenait face à lui serait le meilleur moyen d’étendre son savoir et ses connaissances.

La tâche pour récupérer le plein contrôle de la Corporation semblait encore plus difficile que prévu. Une quête qui serait d’autant plus récompensée. Ne disait-on pas cela ? C’est en tout cas ce que le Shinda avait entendu. Pour sa part il considérait être mûrement récompensé dès lors qu’on parlait cadavres. Il en avait déjà un en stock. Le reste pouvait être à lui selon son investissement. De quoi rajouter à sa motivation première.

L’entretien toucha à sa fin lorsque l’Autocrate se releva et disparut après une mystérieuse annonce qui ne faisait qu’ajouter une part d’incompréhension et de mystère. La capture du Daimyô de Mizu no kuni. Ayant un temps accordé pour se préparer, Michiki ne voulait pas perdre plus de temps. Il se releva à son tour puis s’arrêta sur le seuil de la porte. Il pivota sa tête pour croiser les regards des propriétaires. Ce n’était pas l’envie de les tuer qui lui manquait. Une forte pression à laquelle il devait résister. L’Autocrate n’avait pas souhaité cela selon ses mots. Mais il n’y avait pas de risques à prendre. Il pivota l’entièreté de son corps et se rapprocha du comptoir où se tenait le duo civil.