Une nuit supplémentaire de passée dans les bois nuageux. Plus que jamais, je m’approche de mon but, de mon objectif de ces dernières semaines. Je suis parvenu, à identifier la composition même de ma signature chakratique et par là même, le processus me permettant de la modifier. Même si cet exercice est plus ardu, c’est ainsi que je le ressens, je sais que j’y parviendrais. Et dès lors, je serai à mesure de mettre en œuvre mes projets. Étape par étape, j’y arriverai. Pour l’heure, toute la journée a été consacrée à cet entrainement pour le moins subtil. Moi, qui suis plus habitué aux techniques de puissance brute… Je n’ai pas gaspillé quantité de chakra. Bien au contraire. Cependant, je suis lessivé. Mentalement. Et par ricochet, curiosité de la nature, cet état affecte mon physique. Il me faut du repos.

Voilà la raison pour laquelle je me suis trouvé une petite grotte. Le mot à vrai dire est impropre. Il s’agit plutôt d’un énorme bloc de roche creusé en lui-même, offrant par la même occasion une possibilité de refuge contre les intempéries. C’est là que je me rends et c’est là que je trouverai du repos. Le plus modestement du monde. Nul besoin de feu, nul besoin de chasser pour m’alimenter. Je me contenterai de quelques fruits sauvages cueillis ci et là et gardés précieusement dans la besace que je porte sur moi. Une fois arrivé, sur les lieux, j’inspecte le sol et les parois de la roche. Je ne profiterai pas de cet endroit s’il est sale, tacheté de sang ou d’excréments quelconque. Par chance, il n’y a rien de tel. Que poussière, roche et sable. Je fais descendre ma capuche sur mes épaules, découvrant par le même temps ma tête. Puis, j’ouvre la besace et y cherche mon diner ; diner que j’avale goulument. Une fois restauré, j’aménage sommairement les lieux. Il est presque temps pour moi de prendre du repos. Ma besace me servira d’oreiller et ma longue cape grise, de couverture. Je me couche et attends le sommeil en écoutant aux alentours, les bruits de la nuit. Celui des insectes environnants tout comme ceux des oiseaux de nuit dans le coin. Mes sens sont en activité. Quel ninja, de mon niveau qui plus est, serait assez fou, pour ne pas rester un minimum vigilant ? Surtout dans ce contexte ?

Une heure passe, deux heures… Mes paupières se ferment… Puis tout de suite, se rouvrent. Sourcils froncés, sens en alerte. J’ai été réveillé par un bruit suspect. Un bruit au loin, quasi inaudible et pourtant. Quelqu’un approche et ce quelqu’un est un ninja à ne pas en douter car son approche n’est pas brutale. Je me lève, remets ma cape, réduit mon niveau de chakra et attends. Il me semble que j’aurai une assez belle surprise. Est-ce un errant ? Ou un kumojin ? Est-il seulement de passage ou à ma recherche ? Seul le temps pourrait répondre à ces interrogations. Et je suis assez patient pour le laisser me livrer ses conclusions…

Je savais parfaitement que je n'étais pas censé partir du village comme cela, qui plus est, au milieu de la nuit. Cela ne m'avait jusqu'ici jamais réellement dérangé mais avec l'arrivée du nouveau Raïkage, je savais que c'était risqué et que je devais être prudent lorsque je le faisais. En cas de problème, je pouvais toujours prétexter une mission secrète pour le département, ce n'était pas sûr, mais peu de gens vérifiaient ce genre de réponses. Dans tous les cas, ce fut par les airs que je quittai le village, utilisant les capacités de vol de Karyuudo associées à mes capacités sensorielles pour échapper à la vigilance des gardes du village. Je ne pouvais pas vraiment être sûr que cela suffisait, mais comme je n'avais reçu encore aucune plainte à ce sujet, je continuais sans problème. J'y avais déjà bien réfléchi et je ne savais pas encore quelle aurait été ma réaction si l'on venait à m'empêcher de partir quand je le souhaitais. Mon désir de liberté était bien plus important pour moi que ce que m'apportait le village.

Quoi qu'il en fut, ce n'était pas pour assouvir notre désir de liberté que Karyuudo et moi étions sortis ce soir-là, mais bien pour chasser. Avec tous les évènements récents, nous n'avions plus vraiment le temps d'avoir des activités à deux, c'était un choix que j'avais fait pour m'intégrer dans le village mais je devais en payer les conséquences. Karyuudo n'était pas un enfant avec lequel je devais passer un weekend sur deux, il n'était pas non plus un animal de compagnie que je devais promener de temps à autre. Je n'avais aucune obligation envers lui et la réciproque était également vrai mais nous ne nous sentions entiers que lorsque l'autre était présent.

Survolant la forêt, je laissais Karyuudo s'occupait de repérer notre proie. J'étais tranquillement assis sur son dos, je me concentrais sur les sources de chakra autour de moi. Les proies les plus intéressantes arrvaient parfois à échapper à la vigilance visuelle, mais je n'avais jamais croisé d'animal capable de camoufler son chakra aussi faible fut-il.

Au bout de quelques minutes de vol, je perçus une source de chakra particulièrement grande. Il ne pouvait s'agir que d'un shinobi.

- Il y a quelqu'un en bas, cela m'intrigue.

Posant ma main sur son dos pour le faire ralentir un peu, je sautai ensuite en direction du sol. Étant entrainé à ce genre de saut, la chute n'était généralement pas un problème mais il m'était encore impossible de rester parfaitement silencieux en atterissant. Avec un peu de chance, l'individu ne m'avait pas entendu.

Ma technique de repérage de chakra activée, je perçus la modification de celui de l'individu, je n'étais pas encore suffisament doué pour analyser cela correctement mais cela ne faisait pas de doute, j'avais été repéré.

D'un geste de la main, je demandai à Karyuudo de s'éloigner un peu sans me quitter des yeux, puis je me dirigeai vers l'individu, la curiosité m'empếchant de repartir.

- Je suis désolé si je vous dérange en pleine nuit, êtes vous Kumojin ?

Apparence actuelle de Zenno:

Au bout de plusieurs minutes, l’individu que j’avais repéré, et qui visiblement m’avait repéré lui aussi, était parvenu à l’endroit où je me trouvais. Je n’avais guère bougé. Mains cachées dans ma cape, capuche couvrant ma tête et une partie de mon visage. Je détaillais l’intrus de la tête aux pieds, sans mot dire, tandis que lui-même m’apostrophait. Une taille normale, une musculature respectable, sans plus, des cheveux blancs, un masque cachant son visage… à l’exception d’un trait physique caractéristique : un œil gauche pour le moins particulier. Je m’appesantis un instant sur ce détail. Iris rouge et blanc de l’œil noir ! A l’instant même, mon iris gauche sembla, se rétracter, comme si je verrouillais de l’œil cette cible. En réalité, il ne s’agissait là que d’une réaction corporelle, que mon interlocuteur ne verrait guère et qui de toutes façons n’avait aucune importance ou signification particulière si ce n’est que je savais désormais à qui j’avais affaire. Un rappel. Un souvenir. Un shinobi que je n’ai pas fréquenté, mais dont le dossier m’avait paru fort intéressant. Et pour cause ! J’ai été le genre de Kage à éplucher régulièrement les dossiers de mes hommes afin de les connaître au mieux. Et plus le shinobi dispose d’une spécificité à encadrer, dans l’intérêt du village, et plus je me suis intéressé à son cas.

*Dobutsu… Dobutsu Otoke*

Tel est son nom. Comment pourrais-je l’oublier. Un Dobutsu évoluant masqué, comme bon nombre de ses compères d'ailleurs, cheveux blancs, œil gauche particulier teinté de noir à l’iris rouge. Que faisait-il ici ? De nuit ? Quel avait été son évolution depuis que j’ai été écarté du pouvoir ? Qu’est-il devenu ? Je me hasardais à répondre moi-même à cette question. Exercice périlleux. Peut-être était-il devenu membre d’une unité de recherche, traque… Quel que soit le nom de cette unité d’ailleurs. C’était là, une des missions les plus usuelles que l’on pouvait confier à un Dobutsu. Si j’avais vu juste, c’est que probablement il était là dans un but précis : me retrouver. Me faisais-je des illusions ? Il est temps d’en avoir le cœur net. Je modifiais le timbre de ma voix, grâce à mes pouvoirs et je répondais :

« Il n’est guère habituel pour un shinobi, qui plus est en faction, de s’excuser de déranger, alors qu’il se trouve sur son propre territoire… »

Un ton neutre, sans la moindre once d’animosité. Une simple remarque à laquelle j’espère qu’il réponde selon son tempérament. J’enchaînais :

« Kumojin ? Je ne sais pas… Il me semble que je suis un étranger, qu’un Kumojin… »

Je fis mine de lui montrer le dos et de m’affairer au sol en m'accroupissant.

« Pour répondre à votre question initiale… Oui vous me dérangez. J’étais tout bonnement en train de préparer un attentat contre le village shinobi de la Foudre. J’espère que cela ne vous offusquera guère… Étranger ! »

Et je me tournais vers le Dobutsu observant ses réactions. L’ambiance devait être comme qui dirait refroidie. J’avais appuyé sur ces derniers mots de manière à lui faire sentir que je savais quelque chose sur lui. Si jamais le bonhomme essayait de découvrir mon visage, il ne verrait que l’apparence d’un blondinet, sous cette capuche. Mais… Je doute qu’il ne veuille s’approcher. Du moins, pas dans un premier temps.

À cause de son accoutrement, il m’était impossible de voir le visage de l’inconnu, mais je n’étais pas bien placer pour critiquer étant donné que je portais un masque. Et si je pensai avoir fait preuve de politesse, il me semblait évident que ma question allait l’inciter à me décliner son identité. Sa réponse à ma question fut assez particulière, je compris que je n’avais pas affaire à un simple shinobi. La formation que j’avais reçu pour devenir un shinobi de Kumo m’avait appris à interpréter correctement ce genre de situation. Il était donc évident pour moi que l’individu qui me faisait face était un déserteur ou un ennemi. Dans les deux cas, il était de mon devoir de l’arrêter, même si l’envie m’en manquer.

Puis il se mit à parler d’un attentat contre le village de Kumo. Cela me surprit un peu d’entendre cela, je ne savais pas vraiment si la personne à qui j’avais affaire était stupide, très sûre d’elle ou si c’était simplement une blague de mauvais goût. Je n’étais pas très doué pour communiquer mais je l’étais suffisamment pour savoir qu’il ne fallait pas prononcer de tels mots dans cette situation.

- Loin de moi l’envie de vous déranger, mais si vous avez réellement l’intention de provoquer un attentat à Kumo, je crains que ce dérangement continue encore un peu. Plus sérieusement, je vais devoir vous demander votre identité, dans le cas contraire, je serais contraint de vous accompagner personnellement aux autorités compétentes et je peux vous assurer que j’ai vraiment mieux à faire.

J’essayais d’être le plus neutre possible dans mon ton de voix, j’étais un peu en colère. Cet individu ne m’avait rien demandé, mais il me faisait perdre mon temps et je savais que Karyuudo était toujours dehors en train de m’attendre. J’avais faim et je ne pouvais pas chasser sans avoir résolu ce problème. L’identité de mon interlocuteur m’était totalement inconnue, la seule chose que je savais à son sujet, c’était qu’il n’était pas faible. Il ne m’était pas vraiment possible de connaître l’étendue de sa puissance sans risquer de générer un conflit inutile, mais mon instinct me laissait penser que je n’étais peut-être pas de taille contre lui.

La race des hommes est la race la plus… étonnante qui soit. Pleine de ressources et surtout imprévisible. Je constatais à mes dépends, que ma manœuvre initiale n’apportait guère les fruits escomptés. Bien ! Un sourire naissant au coin des lèvres. Avais-je en face de moi un shinobi dont les ressources réelles m’étaient insoupçonnées ? Quoi qu’il en soit, mon interlocuteur me demandait mon identité avant de me mettre en garde, avec la plus grande courtoisie, contre les conséquences négatives que susciteraient un refus d’obtempérer de ma part. Intéressant néanmoins… Je ne me plierai pas à son bon vouloir. Et même mieux...

« Peut-être devrais-tu t’en aller et poursuivre ce que tu as de mieux à faire ? Risquerais-tu ta vie pour ce village ? »

Et tandis que je lui parlais encore mes mains exécutaient à une allure qu’il était encore loin d’égaler, des mudras. Un clone surgit et fila immédiatement sur son côté droit avant de disparaître dans les bois, tandis que je profitais d’un moment d’inattention causée par ce clone pour foncer sur mon interlocuteur et lui coller un kunai sur la gorge. Le tout s'était déroulé en un laps de temps. Surprise et vitesse font grands ravages.

« Ta vie, mérite-t-elle que tu meures pour Kumo ? Si c'est non, pourquoi t'obstines tu à faire ce qui n'est à tes yeux qu'un devoir ? Si c'est oui, tu vas devoir me le prouver. Ici même ! Réfléchis bien à ta réponse jeune homme… »

Nous étions proches et au regard de notre situation, il pouvait allègrement voir à travers ma capuche. Un visage pâle, des cheveux blonds, une personne qu’il n’avait jamais vue, mais un ennemi pour lui en ce moment précis. Le bonhomme se trouvait dans une délicate situation. Mais probablement que moi aussi. Approcher d’aussi près un ninja est toujours un énorme risque. Je l’avais pris et j’espère que la situation me serait profitable.

Je surveillais sa main libre, que je tenais d’ailleurs par le poignet. Je pense pouvoir affirmer, sans mentir, que je dispose d’une meilleure force physique que mon interlocuteur puisqu’étant plus grand, plus costaud et plus musclé que ce Dobutsu. Mais, bien des ninjas regorgent de talents cachés, à même de créer bien des surprises en situation supposée déséquilibrée.

Pour ma part, j’attendrais qu’il daigne répondre ou tenter quoi que ce soit. Ma réaction, alors, ne se ferait pas attendre. L'attentat sur Kumo pourrait commencer par le meurtre de ce Dobutsu.

Spoiler:

Malgré ma concentration lors de cette rencontre, la création du clone créa un distraction suffisante pour que je me retrouvai dans une situation dangereuse. Je n’eus même pas le temps d’apercevoir l’inconnu bouger qu’il arriva à me capturer. Sentant la lame de son Kunaï posée sur mon cou, je savais pertinemment que ce relâchant allait peut-être me coûter la vie. Sachant cela, il m’était ainsi assez difficile de garder mon sang-froid, mais c’était vital, la moindre imprudence pouvait me faire tuer. Je ne pouvais pas laisser mon instinct prendre le dessus comme d’habitude, cette situation ne pouvait pas être résolu par mon côté animal, il me fallait être diplomate pour m’en sortir. Si l’individu était prêt à me tuer pour attenter à la sécurité du village, Karyuudo qui n’était pas loin était également en danger. Je ne pouvais le laisser nous emporter tous les deux et pourtant, son niveau était bien supérieur au mien. Dans cette situation, mes possibilités de réactions étaient réduites et aucune d’entre elles ne pouvaient se terminer bien pour moi.

- Je ne vous connais pas et vous me demandez si je suis vraiment dévoué au village au point de perdre la vie. C’est peut-être parce que je ne suis pas originaire de ce village que je vous dis ça, mais je n’ai pas envie de perdre la vie pour cela, surtout que cela ne changerait pas grand chose à vos projets.

Je marquai un temps de pause. J’avais beau essayer de deviner ce que l’homme encapuchonné voulait que je lui réponde, mais je n’y arrivais pas. Je n’étais pas doué pour ce genre de chose généralement, j’avais toujours du mal à comprendre les humains, mais cette fois, j’avais beau retourner le problème dans ma tête, aucune solution ne venait à moi.

- Quoi que je vous dise, je sais que si vous avez vraiment l’intention de faire ce que vous planifiez, vous n’avez aucune raison de ne pas me tuer et si vous êtes intelligent, vous ne pouvez pas croire en mon silence. Je pourrais vous promettre que je quitterai le pays immédiatement, mais nous savons aussi bien l’un que l’autre qu’une promesse, dans ce genre de situation, ne peut être prise au sérieuse.

Même si mes mots semblaient indiquer le contraire, je n’étais pas résigné à mourir. Et même si j’étais prêt à quitter le pays pour nous protéger, fait que je n’avais d’ailleurs jamais nié, cela n’allait pas m’aider. La situation était d’autant plus stressante que je devais lutter contre mon instinct de survie qui me criait de prendre la fuite malgré la menace.

Je retire le kunai menaçant la vie de mon interlocuteur. Celui-ci se met à tournoyer telle une toupie autour de mon index, puis voilà que je range l’objet métallique d’où il vient. Un sourire amusé, mon bras est tout autour de ce Dobutsu, comme si nous étions de vieux amis voire des amants, à en juger par la proximité de nos visages. Mais il en est rien. Bien au contraire ! Il se peut que ma manœuvre initiale fasse de cet homme un ennemi des plus mortels à mon égard. Un de plus dirait l’autre ! Mais, les chances sont encore correctes que ce soit le contraire.

« Je dois dire que je t’apprécie. J’espérais que tu ferais la démonstration de quelqu’unes de tes techniques. Mais je pense qu’à moins de persévérer dans cette voie sans issue, je n’aurai guère ce privilège. »

J’aurai aimé le voir à l’œuvre certes, mais, outre mesure, c’est bien d’autres caractéristiques propres à cet homme, que je suis en train de prendre en considération. Il s’agit bien d’un test. Une mise en situation qui permet de révéler, dans bien des cas, le véritable caractère du commun des mortels.

Je me détache de cet homme, le laissant libre de ses mouvements. Mieux, je me recule assez pour lui permettre de prendre la poudre d’escampette. Seulement, je sais qu’il n’en ferait rien. La suite logique de son attitude le poussera à glaner plus d’informations à mon sujet tant pour les besoins de Kumo, que pour satisfaire sa curiosité personnelle.

« Je vais répondre à ta sollicitation principale. Je suis Seki Zennosuke, le Godaime Raikage. »

Changement de traits, je me départis de mon henge, et rabaisse ma capuche. Le timbre de ma voix est différent, similaire, à celle qu’il a dû entendre tonner dans le village, les jours de rassemblements ou de grande annonce.

« Et toi… Tu es Dobutsu Otoke. Reprenons à zéro cette discussion. Maintenant que j’ai confirmation de deux éléments à ton sujet. »

Une simple invitation qu’il avait largement le loisir de rejeter. Il pourrait, s’il le voulait, s’en aller tout de suite en direction de Kumo, histoire de raconter au Rokudaime qu’il m’a vu dans les bois nuageux. Il pourrait aussi, rester là, en apprendre plus sur moi, mes aspirations, mes projets et le rapporter au Rokudaime. La dernière option, quant à elle, le pousserait à garder le silence au moins et à s’allier à moi, au mieux. Mais la partie est loin d’être gagnée. Très loin probablement. Seulement… Qui ne tente rien, n’a rien !

J’observe mon interlocuteur de profil. Mon œil droit le détail encore plus, analysant ses moindres faits et gestes, recoupant le tout par ma longue expérience de l’humain, j’essaye de me figurer quel peut être son état psychologique en cet instant précis. Décoder les pensées d’un shinobi, surtout lorsqu’on n’est pas du clan Yamanaka, est un exercice fort périlleux. Mais, mon expérience du commandement, m’a poussé à rencontrer bien des profils. Je n’irai pas jusqu’à affirmer que je sais ce que pense mon interlocuteur, mais je crois pouvoir m’avancer en pensant qu’il ne m’est point hostile. Du moins, pas totalement, pas franchement. C’est déjà un premier pas. Une petite avancée. Ses mots, son attitude, me poussent même à considérer que je pourrais faire de lui, un allié, plus ou moins sûr. Oui, je garde tout de même à l’esprit qu’il est également fort probable qu’il rapporte l’entièreté de cette discussion à son actuel supérieur hiérarchique qu’est le Rokudaime.

« J’aurais également préféré que l’on se rencontre dans d’autres circonstances. Tu es un shinobi que je suivais de loin. Le Godaime Raikage aurait aimé avoir un échange avec toi lorsqu’il était encore Raikage officiel. Mais entre ce qu’on veut, ce que l'on projette de faire et la réalité, existe parfois un énorme fossé. »

Je marque une courte pause. Rien dans mon expression faciale n’indique la moindre amertume. Je suis réaliste et j’accepte ma situation actuelle. Elle pourrait être profitable à Kumo, il me semble, à bien des égards. Pour peu qu'on le comprenne.

« Néanmoins, tomber sur toi aujourd’hui, dans ce contexte actuel, cependant, ne me semble guère être le fruit du hasard. Nos chemins se croisent maintenant… Ce n’est pas pour rien je crois. »

Il lui appartiendra, tout comme moi, de décider ensemble d’un avenir commun. Car, en bien ou en mal, dans l’entente ou dans la désunion, nous partagerons un bout de futur ensemble.

Lorsque le Dobutsu m’interpella sur les mots que j’avais prononcés tantôt le concernant, je le regardais avec un air malicieux. Ce genre d’effet théâtral fonctionne systématiquement sur bien des gens. Il me semble que ce ne devrait pas être le cas. Est-ce parce que bien souvent les gens ne se connaissent pas assez au fond ? Probablement. Peut-être espère-t-il se connaitre un peu mieux ou du moins avoir plus de certitudes à son sujet en m’écoutant lui révéler des choses qu’il sait déjà inconsciemment.

« J’ai vu en toi, un shinobi loyal à Kumo, à ses valeurs et son système. Mais je vois aussi en toi un homme avec un certain esprit d’indépendance. Ces deux facettes m’intéressent pour peu que tu saches doser l’une ou l’autre à mon égard et à l’égard de Kumo. »

Il ne comprendrait pas où je veux en venir. Normal. Il n’est pas dans mon esprit, il ne peut savoir quels sont mes projets, mes plans, ma vision pour l’avenir de Kaminari. Car j’en ai une, même n’étant plus au pouvoir. Eh oui ! J’apporte de nouvelles perspectives dans lesquelles bien des kumojins peuvent s’insérer pour peu que le projet leur parle. Seulement, je ne veux guère prendre le risque de me dévoiler trop tôt. Pour des raisons évidentes.

« Je dois dire qu’évidemment, l’histoire de l’attentat n’est qu’un grossier mensonge. Il ne s’agissait là que d’une immersion en situation plus ou moins… réelle. Un test qui ne m’a guère permis d’en savoir plus sur toi par rapport à une problématique spécifique. Tu es un Dobutsu, un Kumojin… Mais jusqu’où irais-tu pour le village et le pays ? Mettais-tu en jeu ton existence pour la stabilité du village ? Je te pose la question directement, sans artifices en espérant obtenir une réponse franche tout autant exempte d’artifices. »

Je fais face au Dobutsu, mon regard est plus perçant que jamais. Nulle menace. Il sait que je n’attenterai pas à sa vie car lui et moi ne sommes pas ennemis. Il sait qu’il peut dire ce qu’il veut. Jamais ce qu’il dira ne remontera à son chef actuel. Du moins, cet échange ne parviendra pas au Rokudaime par mon canal.

Il était clair que je n'avais pas l'intention de trahir la confiance que le Godaime venait de placer en moi. En tout cas, tant qu'il ne mettait pas ma vie ou celles des Kumojins en danger, je n'avais aucune raison de m'inquiéter. Non pas que je lui faisais vraiment confiance, après tout, je ne le connaissais pas personnellement. Ce qui était sûr, c'était que ce qu'il avait à me dire m'intéressait, je ne savais pas ce qu'il voulait, mais il me semblait plutôt évident que s'il tenait à discuter avec moi c'était parce qu'il désirait que je l'aide pour quelque chose. Un homme dans sa position ne pouvait sûrement pas prendre le risque de discuter avec moi sans que cela lui apporte quelque chose. Comme il me l'annonça, son comportement au début de notre rencontre servait à me tester pour savoir si j'étais apte à faire ce qu'il voulait que je fasse.

Il me demanda ensuite à nouveau jusqu'où j'étais prêt à aller pour le village. Il avait évidement compris que ma réponse précédente avait pu être altérée par la menace qui planait sur ma vie. Il était vrai que j'avais essayé de répondre ce qu'il fallait pour rester en vie, mais avec du recul, mes paroles n'étaient pas aussi fausses que ce que mon interlocuteur semblait croire.

- En toute franchise, j'ai une dette envers le village et envers vous, qui m'avez reccueilli alors que j'étais à l'article de la mort. Pour cela, je suis prêt à risquer ma vie pour protéger Kumo, mais je ne suis pas prêt à mourir, si c'est votre question. Sacrifier ma vie est un prix bien trop grand pour quoi que ce soit. Par contre, je suis prêt à faire n'importe quoi pour régler ma dette.

J'avais été honnête, je ne voulais pas lui mentir, pas à lui. Je ne savais pas s'il c'était ce qu'il voulait entendre mais ce n'était pas le principal, si je ne convenais pas pour ses projets, alors il était sûrement mieux que je n'en fasse pas partie.

- Bon, arrêtons de tourner autour du pot, je sais que vous avez des projets pour moi et si vous me disiez de quoi il s'agit.

Seuls les battements de mes cils laissent voir à mon interlocuteur que je suis toute ouïe. La réponse qu’il a à apporter est on ne peut plus importante à mes yeux. Possiblement, je peux disposer d’une recrue supplémentaire pour mon projet pour Kaminari. Il se peut également, que je me lie, comme j’ai eu à le faire par le passé, avec une personne qui trahirait mes intérêts, ma vision, mes objectifs. J’ai déjà donné une fois, peut-être même deux fois. Est-ce dans mon intérêt de « donner » encore ? Je sais bien que je n’ai pas le droit à l’erreur. Je sais bien que je n’ai pas intérêt à me louper. Et voilà pourquoi il me faut être le plus convainquant possible suite à la réaction du Dobutsu.

Ainsi il sentirait comme moi à l’origine. À la différence que je ne vis pas ma relation avec Kumo et Kaminari comme une dette, mais plutôt comme un sacerdoce. Je me sens redevable envers Kumo certes, mais j’éprouve un réel plaisir à honorer ma « dette ». Moi aussi j’ai été sauvé par les shinobis de Kumo. Tout comme Otoke. En acceptant de lui sauver la vie, je n’avais pas à l’esprit tout cela. Il avait probablement s’agit d’une décision d’un Zenno des jours favorables. En réalité. Le bienfait semblait m’avoir accordé un allié insoupçonné. Je reste là, planté deux secondes à évaluer les possibilités suites à cette réponse d’Otoke. S’il parle de dette… n’y a-t-il pas un gros risque en s’alliant avec lui ? Je baisse le regard. Il y a bien entendu un énorme risque, cependant, mon intuition me commande de le prendre.

« Je ne te demanderai jamais de sacrifier ta vie. Par contre, risquer ta vie pour que la paix perdure sur Kumo, oui. Si bien entendu tu peux et veux me suivre. »

Je m’approche de mon interlocuteur. Il avait pris une distance de sécurité et ce rapprochement n’était pas pour le combler. En moins de temps qu’il ne lui aurait suffi pour cligner de l’œil je pourrais largement me retrouver derrière lui avec un kunai prêt à lui trancher la gorge. Tel n’est pas mon dessein.

« Ce n’est pas d’un shinobi ayant une quelconque dette envers moi dont j’ai besoin. J’ai besoin d’un homme qui croit en moi ou qui croit en Kumo. À mes yeux, c’est pareil. J’ai besoin d’un homme loyal à Kumo et à la fois indépendant, libre. Si tu estimes avoir une quelconque dette envers moi, saches que je t’en libère Dobutsu Otoke. Car si tu as été sauvé par les médecins de Kumo, sache, que l’homme qui se tient devant toi, durant son enfance, alors qu’il ignorait jusqu’à l’existence de Kaminari no Kuni, a été sauvé aussi, lui et sa mère par des membres de l’unité d’élite du village, le Satoru. Cet homme, pour cela a voué sa vie à Kaminari no Kuni et à Kumo. Un don gratuit et non pas une dette. Aujourd’hui, cet homme t’offre l’opportunité de faire ce choix. Ce choix du don de ta personne. »

Oui je lui demande beaucoup. Mais je lui offre l’opportunité de sortir d’un mode de vie que je trouve empreint de négativité, pour une vie empreinte de positivité, une vie plus créative en faveur de Kumo et par ricochet de Kaminari.

« Avant de te dire ce que j’attends de toi, je vais te demander une faveur : n’évoque pas le projet suivant au Rokudaime. Je compte créer une police secrète, chargée d’assainir Kumo de ses menaces internes mais aussi de ses menaces externes. Tu n'es pas sans ignorer les conditions dans lesquelles le Raikage actuel a pris poste. Je sais que j'ai été diabolisé, mais toi, comme bien des kumojins, je pense, n'assurent guère de crédits à ces allégations. Voilà pourquoi le Rokudaime lui même est un risque qu'il faut prendre en compte. Je précise ne pas parler d'un attentat ou d'un quelconque coup d'Etat. Porter atteinte à la stabilité de Kumo n'est pas ce qui m'intéresse.»

Une courte pause. Il me semble important de préciser que je ne suis pas le Rokudaime et que nos visions sont opposées même si visiblement, nous portons tous deux de l'importance à Kumo et à Kaminari. Je demande beaucoup à Otoke, je le sais. Le plus drole c'est que je n'ai pas fini.

« C’est un projet, qui bien entendu, requiert des hommes d’un certain profil, tu le comprends, un projet qui requiert aussi une discrétion absolue. Puis-je compter sur ton total soutien dans les conditions énoncées ? Peux-t’on s’accorder une confiance mutuelle et totale sur ce projet ? Pour ma part, j’ai foi en toi et je viens de te le démontrer. »

Un chat à l’eau. Des réactions svp ?

Lorsque j'appris que le Kage avait lui-même décidé de rejoindre le village après que ce celui-ci l'ait sauvé, je me rendis compte qu'il pouvait ainsi comprendre ma situation. Alors, lorsqu'il m'annonça que je pouvais considérer ma dette à son égard comme effacé, je fus un peu surpris. Je me rappellai alors que malgré le temps que j'avais passé au village, le fonctionnement de ma logique restait bien différent de celui des autres. Ma notion de dette était différente de celle des autres, je ne pouvais pas considérer ma dette comme étant effacé, il s'agissait d'une dette de vie. Je pouvais comprendre qu'il n'aimait pas vraiment l'idée que je le respectais à cause de cela, qu'il pouvait craindre que le lache une fois quelques services terminés. Il ne pouvait pas comprendre mon point de vue, mais contrairement à ce qu'il semblait penser, cela n'avait aucune importance. Je ne voulais pas rentrer dans une discussion philosophique sur le sujet, alors je me contentai de dire ce qu'il attendait. Cela ne me dérangeait pas puisque ce n'était pas non plus un mensonge.

- Je comprends parfaitement, j'ai foi en votre capacité de jugement quant à Kumo. Tuer et rester discret font partie de mes compétences et je n'ai jamais eu de problème à le faire. Il me semble également évident que je n'ai pas l'intention de rapporter le moindre élément de notre rencontre aux autorités du village.

L'idée d'une police secrète à Kumo ne m'effrayait pas, je savais parfaitement que certaines choses devaient être faites pour la sérénnité d'un village et que les autorités de ce village n'étaient pas forcément les plus compétentes pour agir, surtout lorsqu'il s'agissait de gérer des individus internes.

- J'apprécie le fait que vous me fassiez confiance, mais malheureusement, je ne peux pas en dire de même. Je pense même que vous ne devriez pas me faire confiance, vous ne me connaissez pas vraiment et si vous vous lancez dans un projet tel que celui-là, je ne vous apprends rien, la plus grande prudence est de mise. Par contre, même si vous n'avez pas mon entière confiance pour le moment, cela ne m'empêchera de faire ce que vous me demanderez. Je sais que vos intentions sont bonnes, mais je ne tuerai personne sans en connaître la raison. Maintenant, si cela vous convient, alors je suis des vôtres.

J’écoute les mots de cet interlocuteur si particulier. Ses réponses me semblent honnêtes. Honnêtes en ce sens qu’elles sont à la fois osées et empreintes de justesses. J’apprécie. J’apprécie, cette mise en garde à propos de sa personne. Au fond, il a raison. Je ne devrais pas pleinement lui faire confiance. Je ne devrais pas le faire, car malgré tout ce que j’ai pu lire le concernant, il reste un homme dont les limites et valeurs ne sont pas clairement posées. Un homme qui reste à définir au fond. Seulement, en parallèle, la grosse difficulté, c’est que justement, si je veux finir par savoir à qui j’ai affaire réellement, il me faut le voir à l’œuvre : en clair le tester en lui accordant un minimum de confiance. C’est là que le bât blesse. C’est un cercle vicieux dans lequel je suis pris. Chacun des hommes à qui j’accorderai ma confiance pourrait s’avérer un nouveau traître en puissance. Est-ce une raison pour que je ne tente pas de mener à bien ce que je crois être mon devoir envers Kumo et la Foudre ?

« J’apprécie ton côté direct et franc. Avec le temps, tu apprendras à me faire confiance comme moi je le fais avec toi. Ne te leurres pas. Te faire confiance ne veut pas dire que je ne veille pas au grain. Je contrôle plus ou moins les choses. Mais j’ai conscience que seul la réalité du terrain révélera ta nature profonde ou la nature de chacun de ceux en qui je placerai ma confiance. C’est pari risqué, mais il me semble que je sus obligé de le prendre si je veux arriver à mes fins. Je le prends ! »

J’ai déjà en tête plusieurs hypothèses, plusieurs moyens de contrôler et de savoir qui me trahira. Bien entendu, il ne s’agit pas de moyens infaillibles, mais ces moyens existent cependant. Il est temps de m’en aller, seulement, il me faut répondre à une dernière sollicitation du Dobutsu avant de pouvoir pleinement le compter dans mes rangs.

« J’accepte ta condition. Tu connaîtras les raisons et les justifications sous tendant chacune des opérations dans lesquelles tu seras mené. J’espère cependant que tu as conscience qu’en terme d’efficacité, ce n’est pas la meilleure option que tu m’imposes à ton égard. »

Il faut le dire. Ce n’est pas dans toutes les situations que je pourrais perdre du temps à expliquer le pourquoi du comment. Du moins, ce n’est pas dans chaque situation, j’espère, que je devrais convaincre ce Dobutsu. Imaginez la perte de temps ! L’efficacité shinobi ne repose guère sur ces paradigmes. Le shinobi doit être telle une lame aiguisée de katana. Froid et efficace. La main qui la guide ne devrait avoir aucun compte à rendre, pas plus que la lame ne devrait se sentir comptable des actes que la main lui fait faire.

Je marche en direction du Dobutsu et le dépasse. Quelques mètres après lui, je lui adresse ces quelques mots :

« Je te ferai convoquer sous peu. J’ai à faire. Une mission à remplir. Pour l’heure tout ce que je te demanderai c’est d’ouvrir l’œil, d’écouter et de me rapporter, lors de notre prochaine entrevue tout ce que tu pourrais trouver de douteux au sein du village ou du pays. À mon retour, j’aurais certainement une assignation pour toi. À bientôt Otoke. »

Et sur ces mots, je me volatilise dans la nature.