Le clan Kawaguchi était en effervescence. Le quartier entier était surveillé et quadrillé par les Kawaguchi eux-mêmes, interdisant toute entrée à tout étranger, Kage compris s’il n’était pas du clan. Ce n’était nullement l’annonce d’une rupture ou d’un futur complot, mais tout simplement les mesures « habituelles » deux fois dans le siècle – selon la longévité du chef de clan - lors de l’épreuve finale de la Course aux Héritiers. En résumé, c’était le jour même où le futur chef de clan des Kawaguchi allait être élu. D’abord héritier, il allait connaître chaque arcane de la gestion et des secrets du clan, puis être définitivement chef de clan à la mort du précédent. Cependant héritier ou chef, sa parole valait d’or dès l’instant où il sera choisi aujourd’hui.

- C’est aujourd’hui.
- C’est folie Tsukiko, ton état ne le permet pas … Tu peux prétendre à d’autres autres fonctions au sein du clan avec tes projets, ou tout ce que tu as fait, et prouvé …

C’était une discussion qui se répétait tous les jours entre Suno, l’ombre même de Tsukiko et membre éminent des Kawaguchi soit le bras droit de l’actuel chef de clan, et Tsukiko elle-même, la jambe temporairement paralysée et le poumon perforé qui commençait à guérir.

- La force d’un Kawaguchi réside dans sa défense.
- Tu n’as plus que des défenses basiques …
- Suffit.

Sans se retourner, elle quitta sa demeure pour se diriger au centre même des quartiers Kawaguchi. Evidemment, elle ne marchait pas sans le fidèle soutien d’une canne. Ce n’était guère glorieux, mais elle ne comptait nullement laisser passer sa chance. Elle avait déjà subi bien pire humiliation par le passé, dues à ses origines même. Ce n’était pas une canne de grand-mère qui allait la cloîtrer chez elle.

- Ou alors penses-tu qu’il vaut mieux que je me déplace sur une plateforme de sable, sculptée comme un cheval ?

Elle se ravisa bien vite. Il suffisait qu’on la déconcentre ou encore qu’on tente de parasiter son petit nuage pour être totalement humilité. Au moins, avec une canne, on se tenait en retrait des handicapés, et on leur montrait un peu d’égard. Arrivée, déjà la petite blonde attirait les regards. Tantôt certains montraient un certain respect, tantôt d’autres lui lançaient des regards de pitié, tantôt d’autres la dédaignaient comme aux premiers jours de son arrivée.

Kawaguchi Suno s’avança et se plaça non loin du chef de clan. Aussitôt, il appela les différents candidats à se présenter, en demandant le nom de la personne qui les soutenait ou encore qui les entraînait ou encore qui les avait « présentés » même à cette course aux héritiers. Tsukiko fut la dernière à s’avancer, et son ombre ne pouvait que soupirer en lançant un regard lourd de sens à la blonde. Non loin, des murmures s’élevaient dans l’assistance même.

- Dites-nous en quoi vous mériterez cette future lourde responsabilité, celle de guider la Famille ?

Chacun présenta son projet.

- Kawaguchi Tsukiko, pupille de Kawaguchi Suno, bras droit du clan. Mon parcours est jonché de haut et de bas. Comme vous savez tous, je ne suis pas née ici mais j’ai maîtrisé en l’espace de quatre ans seulement le sunaton. J’ai su apporter ma connaissance de Konoha et de Suna, en y instaurant une alliance que j’espère durable et qui porte déjà ses premiers fruits. Cependant, dues à mes erreurs du passé, j’ai été rétrogradé par le Kazekage Mais, j’ai subi ce cloisonnement et me voilà devant vous aujourd’hui. J’ai su montrer autant de ressources, de force de caractère et d’efforts que n’importe quel prétendant d’aujourd’hui.

Elle se tut, tentant de mesurer un tantinet son orgueil.

- On me dit Etrangère, ou Bâtarde, mais c’est grâce à cela que je vois le monde autrement, et que je tente de la façonner autrement que nos ancêtres. Je peux apporter la gloire d’antan du clan ou encore un souffle nouveau, et la rendre que plus puissante. Ainsi, aujourd’hui, je ne vais pas défendre ce que j’ai fait dans le passé, mais plutôt ce que je vais faire dans le futur.

Elle tapa de sa canne à même le sol, et prononça un nom fort étrange aux consonances du passé.

- Les Ruines seront restaurées pour être un nouveau refuge pour tous, mais surtout pour unir notre passé à notre présent afin de construire notre futur.

Aussitôt après, le sol trembla, et une fissure se forma non loin de la blondinette. Un fennec imposant en sorti, aux couleurs du sable même - à se demander s’il n’était pas fait de sable même.

- Il est temps de briser la solitude de nos Gardiens au sein des Ruines, et il est plus que temps de briser les murs que nous construisons dans nos cœurs vis-à-vis de ce qui fut jadis un refuge pour tous, ou du moins nos ancêtres.

Jusqu’à maintenant, on partait tous du principe que les Ruines appartenaient de plein droit aux Kawaguchi et que les Gardiens – des invocations libres ayant faites une promesse aux Kawaguchi – que de dociles domestiques obéissants, et non des êtres à part entier.

- Ma volonté est un futur glorieux pour notre clan.

Elle espérait être digne par ce discours. En effet, après discussion avec les anciens, le chef de clan décidait quels prétendants pouvaient caresser le doux rêve d'être chef - souvent deux candidats. Seulement après un combat était engagé. On ne cherchait pas à tester uniquement l'intelligence ou la loyauté, mais aussi sa capacité à protéger la famille soit la force.

♫:

C'est le grand jour! Le prologue de la Course aux Héritiers aura lieu dans quelques instants et la tension monte lentement mais sûrement dans le Hall du Sable. L'endroit où les Kawaguchi se retrouvent lorsqu'ils doivent aborder des sujets importants est presque entièrement rempli et les retardataires font ce qu'ils peuvent pour trouver une place encore libre dans les derniers rangs. La succession du chef est un événement rare et la plupart des manieurs de sable ne le vivent qu'une seule fois au cours de leur existence. C'est sans doute l'une de nos traditions les plus anciennes et je ne peux que me féliciter qu'elle soit encore respectée au contraire de tant d'autres...

Je suis assis au premier rang à côté de Toharu et je m'étonne constamment du calme dont ce dernier fait preuve. Il paraît que l'âge se charge de remplacer la fougue par la sagesse mais je ne m'attendais pas à ce qu'il prenne avec tant de stoïcisme l'élection de son successeur. Bien qu'il n'ait pas le choix, je m'attendais au moins à un sursaut d'orgueil. Quel qu'il soit! Mais son visage reste neutre. Tout comme son regard. Je ne sais pas vraiment si ça me révolte ou m'impressionne...

- "Tu sembles troublé Kira..."
- "Je m'étonne simplement que vous ne sembliez pas plus attristé que ça par la nomination de votre successeur..."
- "Pourquoi le serais-je?"
- "Peut-être parce que ça va vous forcer à partager le pouvoir et à transmettre votre héritage à celui qui prendra votre place. C'est comme une... mort avant l'heure, non?"
- "Je préfère voir ça comme une sorte de renaissance! Pour le clan comme pour moi."
- "Si vous le dites..."

Il tourne son regard vers moi et je le soutiens un instant avant de reporter mon attention sur les candidats déjà présents. Je déteste lorsqu'il m'observe ainsi. J'ai l'impression d'être mis à nu, d'être relégué au rang d'un livre dont il pourrait parcourir les pages à sa guise. Mon grand-père peut se vanter d'avoir une longue expérience de vie. Et à son âge c'est certainement l'arme la plus puissante dont il dispose...

- "Je suis conscient que ce changement marquera également le début d'une nouvelle-vie pour toi. On ne te considérera plus comme le petit-fils de mais comme Kira, simple membre du clan. Ne serait-ce pas plutôt ce... détail qui t'irrite?"

Je tourne finalement le regard vers lui et un sourire s'installe au coin de mes lèvres. Bien sûr que ça m'irrite! Mais tout comme lui je suis tourné vers le futur. Et s'il a prit les dispositions pour élire son successeur, j'ai pris les miennes pour me garantir un avenir brillant au sein du clan. Je ne suis pas de ceux qui attendent que tout leur tombe dans les bras. Loin de là!

- "Vous ne croyiez tout de même pas que j'allais tomber avec vous, Toharu-sama? Vous arrivez au crépuscule de votre existence mais c'est l'aube qui se lève sur la mienne. Je n'allais pas laisser le ciel s'assombrir et attendre l'orage sans rien faire!"
- "Peut-être ai-je réussi à t'apprendre quelques choses finalement..."

Son sourire sonne comme une bénédiction. Les premiers candidats passent face à nous et exposent leurs projets. La plupart se concentrent sur le développement du quartier Kawaguchi et - bien évidemment - la promesse de maintenir ou renforcer la réputation du clan. Rien de très spécial en soi. Je fais mine d'être attentif mais l'ennui qui me gagne menace plusieurs fois de me submerger. Cette semi-somnolence s'estompe lorsque Tsukiko s'avance finalement sur l'estrade. Un instant j'ai cru qu'elle ne serait pas capable de venir présenter sa candidature. Ce n'est pas trop tôt! Je me redresse et je me penche en avant tandis que mon grand-père remarque mon intérêt.

- "Elle?"
- "Elle!"

Quelques murmures étonnés me poussent à balayer la foule du regard. Visiblement le clan est mitigé sur la blonde et si je peux comprendre sa réaction, je suis pratiquement qu'il changera d'avis une fois qu'elle se sera exprimée. Tout comme je l'ai fait. Et Shukaku sait que ça n'a pas été facile de me convaincre. Toharu lui pose la question d'usage et la bâtarde expose son projet. Je ne suis pas étonné dans la mesure où je le connaissais. Mais je suis forcé de reconnaître qu'elle s'exprime avec justesse et qu'elle rayonne de charisme. Le point d'orgue? L'apparition de l'un des gardiens des ruines. C'est qu'en plus elle a le sens du spectacle!

Sa présentation terminée, il est temps pour les autres candidats de venir se placer en ligne face au clan pour répondre à ses questions. C'est un moment crucial: si les prétendants peuvent préparer à l'avance un discours, répondre à des interrogations spontanées est une toute autre histoire. Tout le monde verra s'ils sont capables de garder leur sang-froid et défendre leurs projets. Autrement dit la moindre erreur peut vous ôter tout espoir de présider à la destinée des Kawaguchi...

- "Pourquoi est-ce que la bâtarde se présente?" un homme se lève et montre sans détour sa révolte. "De quel droit peut-elle prétendre remplacer Toharu-sama? C'est une étrangère!"
- "Tsukiko-san a prouvé à de multiples reprises qu'elle est digne d'être des nôtres et son sang a coulé autant que le tien ou le mien pour la gloire du clan, Setsuko-kun!"
- "Kira..."
- "Pourtant elle reste une bâtarde. Tout comme toi si je me souviens bien?"

J'ignore mon grand-père et me redresse. Ce n'est pas l'envie qui manque de lui sauter à la gorge mais je sais que je serais en tort. Les divergences doivent uniquement se régler avec les mots dans ce Hall. Je me force donc au came et me contente d'un regard noir à l'intention de Setsuko.

- "Est-ce que tu insinuerais que je ne suis pas digne d'être un Kawaguchi? Que je ne pourrais pas me présenter de plein droit aujourd'hui pour prendre la place de mon grand-père si c'est ce que je désirais?"
- "Kira!"
- "Je..." oui, réfléchis bien à ce que tu vas répondre! "Non, bien sûr que non... Mais..."
- "Alors le problème est réglé! Tsukiko-san ne devra pas être jugée selon ses origines mais bien selon ses actes pour le clan! Comme n'importe lequel d'entre-nous!"
- "Seuls ceux qui posent des questions sont autorisés à s'exprimer Kira!" le ton de mon grand-père se fait menaçant. "Continue et je te fais quitter le Hall!"
- "Alors j'en ai une, de question! Pour Tsukiko!" je me tourne vers la blonde. "Tu parles de restaurer les ruines et d'en faire à nouveau un refuge pour notre clan. Tu veux unir le passé au présent afin de nous offrir un futur. Mais pourrais-tu nous en dire plus sur la façon dont tu comptes t'y prendre exactement? Et à qui comptes-tu les ouvrir une fois qu'elles seront à nouveau viables?"

Le silence reste pesant tandis que je reprends place. La question semble perverse mais j'essaie avant tout d'offrir à Tsukiko la possibilité d'exposer plus en détail ses ambitions pour le clan. Pendant qu'elle parlera, les autres écouteront! Et les autres candidats ne s'exprimeront pas! Je ne pensais pas marquer clairement ma préférence mais désormais tout le monde sait à qui elle va. Ce sera peut-être utile, peut-être non...

- "Tu fais à nouveau ce coup-là et tu ne seras plus autorisé à assister à la suite de la Course aux Héritiers! Et ne crois pas que ce sont des paroles en l'air!"
- "Ne vous en faites pas! Mon intervention ne sera plus nécessaire..."

Je lui décoche un léger sourire. La principale faiblesse de la blonde était ses origines. Maintenant qu'il n'en sera plus question elle a toutes les chances de l'emporter. Encore faut-il qu'elle arrive à convaincre mon grand-père et qu'il la retienne dans les finalistes. Je surprends le regard étonné que me lance Suno et mon sourire s'accentue. Hé oui, je suis plein de surprises! Tu ne l'as pas vue venir celle-là hein?

Elle allait s’évanouir. Littéralement. L’air était bien trop lourd pour son poumon perforé qui guérissait tant bien que mal et cette position debout malmenait sa jambe paralysée. Elle ne savait pas combien de temps elle pourrait tenir encore, avant de s’écrouler à même le sol, sans le souffle. Autant dire, au fil de la discussion entre Kira et l’importun, les phalanges de la demoiselle blanchissaient, rougissaient et violaçaient.

« Espèce d’idiots », pensa-t-elle à l’égard de ceux qui osaient encore l’appeler Bâtarde. En effet, uniquement les idiots s’en tenaient à des sobriquets, et ne cherchaient à connaître plus. A la sous-estimer, ils commettaient sûrement une de leurs plus grandes erreurs. Au contraire, ceux qui voyaient en elle un avenir, ou un danger, étaient ceux qui avaient beaucoup à gagner dans l’histoire.

Et Kawaguchi Kira était l’un d’eux.

« C’est également un bâtard ? » se demanda-t-elle, se promettant de connaître davantage prochainement l’homme à qui il avait confié l’avenir de sa nièce, de son demi-frère et également de son avenir en tant que chef de clan. A bien réfléchir, il avait un trop grand rôle dans sa vie, et elle n’appréciait guère cette idée-ci. Il fallait trouver une solution, ou à alléger la charge de travail, pour le confort de l’un comme de l’autre – et surtout pour sa propre personne !

« Enfin fini ».

On lui avait enfin posé une question. Elle remerciait du regard le jeune cousin, un regard noir et moqueur à celui qui l’avait traité de Bâtarde, et un regard assuré au chef de clan.

- Nous avions des Bâtisseurs doués, des Sculpteurs exceptionnels, des Combattants passionnés et des Compagnons sages. Nous étions les premiers à construire des toits, les premiers à introduire un semblant de civilisation, les premiers à être toujours en avance à notre époque en nous alliant aux Marionnettistes pour des systèmes de communication performante dans le désert … Qu’en subsiste-t-il aujourd’hui ?

Elle se tut, en lançant à nouveau un regard circulaire. Elle ne parlait pas uniquement à un chef, mais à un clan.

- Nous nous complaisons dans une obéissance passive sans être à nouveau des êtres force de proposition, irremplaçables pour Suna … Aujourd’hui, nous ne sommes plus qu’une force militaire parmi tant d’autre, dont on ne se préoccupe qu’en temps de guerre. Que se passe-t-il en temps de paix ? Juste un clan … comme un autre.

Le clan était orgueilleux. Elle espérait jouer sur cette fibre-ci.

- Je ne vous promets pas de préserver cette situation, car elle ne me plaît pas. Car on ne le mérite pas. Chef de clan, je promets de renouveler la gloire d’antan du clan, de notre Famille.

Il était maintenant temps d’expliquer le projet. Une forme d’oiseau se crée non loin d’elle, sur laquelle elle s’assit pour se surélever de quelques centimètres. Les mains libres de sa canne et avec une possibilité de respirer, elle fit une suite de mudra. Très vite, une carte de Kaze avec les lieux les plus importants reliés par des fils se forma dans le sable même, c’était son futur réseau.

- Suna et Kaze désiraient, ensembles, faire avancer notre pays vers une grande modernité. Depuis la mort de la Godaime, beaucoup de choses se sont ralentis, pour la sécurité du village avant tout. Un projet noble, mais qui à terme ne sera plus à l’ordre du jour. Aujourd’hui, j’invite le clan à prendre une initiative : utiliser ces ruines-mêmes pour offrir un moyen de transport efficace à Kaze, dans un premier temps.

Elle se tut à nouveau, afin que cette information fasse son chemin dans leur esprit.

- Nous avons délaissés ces Ruines et ces Gardiens bien trop longtemps. Or, nous n’aurions pas dû. Cet héritage, et ces invocations sont une part de notre famille. Ce que je propose est que le passé et le présent travaillent ensemble pour le futur, que le monde du dessus et le monde du dessous coopère pour proposer un projet vital à Kaze.

Les murmures s’élevèrent qu’avec plus de force. Elle soupira longuement, et reprit la parole rapidement.

- Avant que vous n’objectiez, laissez-moi terminer. Je ne vends nullement notre bien. La propriété nous appartiendra encore, et le chef de clan décidera toujours des différentes utilisations. A vrai dire, qu’il le veuille ou non, il doit être mis au courant car autrement, nul ne pourra faire le moindre mouvement dans les Ruines avec nos valeureux gardiens. Pour finir, ne prétendez pas que je manque de respect : voilà des décennies qu’on ignorait ces lieux, et ses habitants.

A ces mots le grand Fennec si calme se releva, se mit au centre même de cet attroupement, et fit face au chef de clan.

- Elle a raison. Nous avons été ignoré des années … Nous avons regretté d’avoir promis de protéger ses lieux-ci en échange de la liberté d’anciennes pactes. Nous exigeons que les Kawaguchi reviennent aux Ruines, ou nous n’autoriserons plus l’accès à quiconque.

Tsukiko avait joué à un jeu dangereux en ayant convaincu les Gardiens qu’ils avaient été un « peu » abandonné dans les Ruines, à leur solitude. Si on refusait son idée, et si on ne promettait pas la moindre chose à ces êtres, le clan allait perdre beaucoup de choses …

♫:

J'écoute Tsuki avec attention, un coude en appui sur ma chaise et les doigts lovés autours de mon menton. Elle exploite à merveille la question que je lui ai posé et a ainsi l'occasion de dissiper certains doutes et d'éclaircir quelques points de son ambitieux projet. Elle ne paie peut-être pas de mine comme ça, avec sa canne et ses blessures visibles. Mais elle a l’aplomb et le charisme nécessaire pour se défendre face aux sceptiques. Voir de les convaincre et prendre l'ascendant sur eux...

*Bien joué Tsukiko!* je me fends d'un sourire furtif. *Je ne t'imaginais pas aussi bonne oratrice...*

Entre une discussion avec moi dans les ruines et une explication face au clan entier, il y a une sacré différence. Je redoutais un peu qu'elle n'ait pas les moyens de défendre ses ambitions et que l'un ou l'autre de ses opposants puisse exploiter habilement une faille qu'elle leur aurait malencontreusement offerte. Je sais à présent qu'il n'en est rien et que je me suis inquiété pour rien. Tant mieux! Car je garde à l'esprit que de la réussite de Tsukiko lors de ce premier test dépend aussi la mienne...

Je pose ensuite le regard sur le Fennec qui confirme les dires de ma cousine. Un soutien de poids! Le représentant des invocations gardienne dispose d'une crédibilité et d'une empathie intacte malgré toutes ces années. Je l'avais vu une fois en étant gamin lorsqu'il s'est rendu chez mon grand-père sur convocation de ce dernier. Je ne me souviens plus exactement de la teneur de leur discussion mais il m'avait déjà impressionné à l'époque par sa noblesse et son charisme. Et force est de constater qu'il n'a rien perdu de sa superbe ou de sa crédibilité... Nous nous rapprochons lentement mais sûrement d'une première victoire et je ne vois pas ce qui pourrait venir nous mettre des bâtons dans les roues...

- "Je comprends mieux pourquoi ton choix se porte sur elle..." me chuchote mon grand-père.
- "Et vous n'avez encore rien vu!" je lui décoche un sourire. "Cette fille est pleine de ressource et si au début j'avais quelques doutes à son égard, elle a réussi à les dissiper à une vitesse impressionnante!"

Je marque une pause et appui mon regard à mon aîné comme pour mieux tenter de lui faire comprendre que je n'ai pas fait mon choix par caprice ou à défaut mais bien que ce dernier est dûment réfléchi. Pourtant ce n'est pas moi qu'elle doit convaincre aujourd'hui mais bel et bien lui:

- "Je suis convaincu qu'avec elle à sa tête le clan prospérera et retrouvera la place et le respect qui lui sont dus!"
- "Nous verrons..." il tourne à son tour son regard vers moi. "Ai-je été un si mauvais chef de clan à tes yeux? On dirait presque que tu me reproches quelque chose à travers tes paroles..."
- "Non, bien au contraire..." tu parles! "Mais puisque le temps de laisser votre place est arrivé, Tsukiko est celle qui incarne au mieux le renouveau dont les Kawaguchi ont besoin! Elle respectera le passé et garantira le futur. N'est-ce pas ce qu'on attend d'un leader digne de ce nom?"

Suno ne manque rien de notre conversation et semble toujours aussi sceptique quant à ma façon d'être. Pourquoi donc? Je sais bien que j'ai tendance à me moquer de la blonde mais ça ne signifie pas pour autant que je ne sais pas agir avec pragmatisme lorsqu'il le faut. Sa surprise m'amuse toujours autant et quelque chose me dit qu'il n'a pas fini de s'étonner...

Je tourne ensuite le regard vers l'un des jeunes du clan qui prend la parole. Je reconnais aisément celui que l'on appelle affectueusement "tête dans le sable" puisque son visage est constamment caché derrière du sable en mouvement. L'intervention des autres Kawaguchi est l'inconnue de cette épreuve. Impossible de prévoir à l'avance si ce seront les opposants à Tsukiko ou ses partisans qui donneront le plus de la voix, tout comme il est compliqué d'anticiper leurs réactions et leurs questions. Des variables qui peuvent influer aussi bien positivement que négativement sur l'élection du nouveau chef de clan...

Les questions qu'il pose ne manquent pas d'audace ou de pertinence mais ne sont pas pour autant mauvaises pour Tsukiko. Du moins à mes yeux. D'une part car je sais qu'elle saura y trouver réponse et d'autre part car les interrogations qu'il a sont sans doute partagées par d'autres membres du clan. Il vaut mieux que ce soit lui qui la questionne plutôt qu'une personne qui tournera ses propos de manière bien plus agressives. Je ne vois donc aucune raison d'intervenir d'autant plus que ça risque de me coûter mon droit de présence au reste de la réunion dans le Hall du Sable. Je sais que mon grand-père ne profère jamais des menaces en l'air...

Contre toute attente c'est Mizuki qui se lève à son tour et qui défend sa tante. La dernière fois que je l'ai vue on ne peut pas dire que les relations entre les deux jeunes femmes étaient au beau fixe. Son intervention en faveur de la candidate m'étonne donc au plus haut point. Je suis peu à peu rassuré quand je me rends compte qu'elle ne compte pas mettre des bâtons dans les roues de son aînée. Un bon point pour elle et... pour nous! Peut-être qu'elle essaie de racheter aux yeux de notre cousine ou tout simplement qu'elle est convaincue que cette dernière représente le meilleur parti pour le clan...

*Mizu qui parle de famille et d'unité...* je ne peux m'empêcher de soupirer. *Plutôt amusant venant d'une personne qui a décidé de vivre en marge du clan et qui refuse désormais l'autorité de ses tuteurs...*

J'aurais sans doute exprimer mon avis à haute-voix si ça n'allait pas contre les intérêts de Tsukiko. Laissons-lui le bénéfice du doute. Pour être parfaitement honnête je n'ai pas vraiment été à la hauteur moi non plus lors de notre première réelle rencontre. J'aurai peut-être l'occasion de profiter de cette réunion pour lui présenter quelques excuses. Pour peu qu'elle soit ouverte à m'en faire en retour. Et dès lors nous pourrons alors envisager un avenir exempt de tensions.

- "Ne t'excuse pas Mizuki!" mon grand-père lui adresse un sourire bienveillant. "Chaque Kawaguchi à le droit de s'exprimer en ces lieux pour peu qu'il demande la parole avant de parler..."

Une simple petite piqûre de rappel qui n'a rien d'une réelle remontrance. Je ne sais pas ce qui pousse l'actuel chef à être si tolérant mais c'est peut-être simplement le fait que son déclin soit amorcé. Il n'a plus aucun intérêt à se montrer autoritaire et puis Mizuki souffre encore de la perte de sa mère. Deux bonnes raisons de ne pas se montrer désagréable avec cette dernière...

- "Vous vous ramollissez..."
- "Je suis encore tout à fait capable de te donner une correction..."

On échange un sourire complice - chose assez rare pour être soulignée - puis nous reportons notre attention sur Tsukiko qui va donc pouvoir répondre aux questions de tête dans le sable. J'en profite pour adresser un léger signe de tête à la blonde pour lui indiquer que les choses sont en bonne voie et que mon grand-père semble la prendre au sérieux. Peut-être que ça la confortera dans sa manière d'être ou lui donnera simplement un soutien moral bienvenue...

Le petit être à la tête perdue dans un nuage de sable avait pris la parole, en soulevant des points plutôt pertinents. Elle se permit même d’esquisser un étrange sourire lorsqu’il prétendait que l’image du clan allait « prendre » un coup en la voyant informe. Elle ouvrit la bouche pour répondre à ces questionnements et remarques mais fut devancer par sa nièce qui s’empressa de la défendre contre tous et toutes. Le discours faisait mal au cœur de la Kawaguchi, qui se rappelait des derniers événements entre les deux.

« Mais c’est nécessaire, je suppose » pensa-t-elle tristement. « Si elle trouve ce qu’elle désire ailleurs … ».

Cependant, désirer et avoir besoin étaient deux choses différentes. Kawaguchi Mizuki l’apprendra, malheureusement, à ses dépens, et elle grandira avec chacun de ces épreuves de la vie et du temps. Elle ignora bien vite chacune de ses interrogations ou inquiétudes, et se concentra sur sa tâche actuelle, soit la course aux Héritiers. Il fallait, d’une manière ou d’une autre, qu’elle gagne cette course !

- Merci, Mizuki, se contenta de dire Tsukiko avec bienveillance.

Elle se retourna bien vite vers l’étrange Kawaguchi qu’on nommait Tête de Sable.

- Mizuki m’a … coupé le sable sous les pieds. Les Kawaguchi ne feront pas que « ça ». Nous allons « louer » nos terres, les Saibogu et les Marionnettistes vont mettre en place cette machine uniquement et les Civils vont se charger de conduire le tout. Je ne vends pas nos terres pour quiconque, je les restaure pour un usage qui fera de nous un clan indispensable. Pensez … Si nous ne désirons plus « louer » nos terres pour la politique quelconque des civils ou des shinobis ? Nous avons encore le droit d’interdire tout passage, car les Gardiens seront encore présents.

Il fallait donc clôturer par le dernier point, qui réconfortera plus d’un Kawaguchi.

- Je ne loue pas les Ruines dans leur totalité, car ce serait folie. Seulement une grande partie, et les plus « superficielles » et dépourvues des moindres trésors. Autant dire, chaque Kawaguchi aura toujours accès à ces Ruines, retrouver leur terrain secret … Concrètement, cela ne change rien pour vous, si ce n’est que nous serons davantage écouté.

Les visages se faisaient plus graves, et plus pensifs. Tsukiko espérait que chaque pensée était en sa faveur.

- Pour finir … Je ne manque jamais d’idées. J’ai connu des bas, mais aussi des hauts. J’ai pu frôler un poste de Conseillère, chose qu’aucun de vous n’a pu « rêver » ou imaginer. Je peux échouer, comme réussir, mais j’ose.

Elle finit par se retirer, indiquant par la même occasion qu’elle avait fini de parler. Elle se retourna, cependant, au dernier instant pour interpeller le garçon.

- Je te conseille de te rendre à Ki no Kuni, tu pourras y admirer mon « œuvre ». Je peux peut-être boiter, mais c’est une blessure temporaire. J’ai encore l’usage de mes mains, et cela m’est amplement suffisant pour gagner en … deux tours.

Certes, elle n’avait que le titre Chunin, mais elle avait la puissance d’un Jonin, et cela, personne n’ignorait. En effet, elle était chunin suite à une rétrogradation du grade Jonin … Autant dire, elle n’était pas une petite drôlesse qu’on battait aisément.

Ensuite, elle laissa parler les autres mais beaucoup bredouillait ou fanfaronnait pour pas grand-chose. Elle avait fait fort, à sa façon … c’était les premiers édifices de son futur règne.

***

Le clan retenait son souffle car aujourd’hui, il allait savoir qui allait les diriger dans le futur …

- Kawaguchi Tsukiko.

Un nom qui résonnait comme un glas. Cependant, était-ce le « début » ou la « fin » ? Seul l’avenir le dira …

Spoiler: