Aller à la chasse de bon matin – une information qui avait réjoui le jeune médecin, dernièrement extrêmement occupé à l'hôpital. Les paroles d'Otoke n'avaient pas été creuses lorsqu'il parlait de chasser, et c'était extrêmement rassurant de savoir qu'il n'était pas du genre à mentir. L'heure extrêmement jeune du rendez-vous était d'ailleurs extrêmement arrangeante pour le neo-Chuunin, lui permettant certainement d'arriver à l'hôpital pour la soirée, comme il l'avait prévu de toute façon. Shigeru était content d'apprendre, toujours, et malgré le fait que l'activité ne correspondait pas exactement à son domaine de compétence, il savait qu'il avait été celui qui avait demandé à apprendre. Ce serait certainement d'une grande utilité pour sa pratique de l'art shinobi que d'être capable de chasser et, tout compte fait, il pouvait facilement envisager ces moments en équipe comme un entraînement – quelque chose lui disait que le Dobutsu ne faisait pas simplement par caprice, mais qu'il avait un objectif bien précis en tête. C'était tant mieux.

Levé bien en avance, le jeune médecin prépara ce qu'il lui fallait afin de pouvoir partir, admettant que s'il avait été prévenu qu'il s'agissait de chasse, cela demandait de sa part un minimum de préparation. Vêtu de sa tenue ninja et prenant soin, une fois de plus, à laisser son écharpe rouge chez lui, il sorti en se dirigeant vers le lieu de rendez-vous. Dans sa sacoche, ses pilules énergisantes attendaient d'être utiles – une précaution qu'il s'était permis de prendre, conscient du fait que ses capacités physiques étaient nettement inférieures à celle de son coéquipier. Un autre point sur lequel il devait travailler. Secouant la tête pour se faire de ses pensées, il accéléra la cadence afin d'arriver sur place avec son habituelle demi-heure d'avance, habitude qui avait survécu avec lui jusqu'à aujourd'hui et qu'il comptait bien conserver. Attendre les autres ne le gênait vraiment pas – même s'il était mieux que ces derniers soient ponctuels – mais se faire attendre était quelque chose qu'il ne pouvait pas… accepter ?

"Bonjour Otoke."

Le jeune médecin n'était pas en retard. Il le savait et cela ce voyait dans le ciel encore sombre – pourquoi donc son chef d'équipe avait-il décidé de venir plus en avance encore ? Otoke était conscient de l'avance qu'il prenait toujours et, des deux entrevues qu'il avait eues, il avait eu plus l'impression qu'il était du genre à arriver pour l'heure exacte. Etait-ce l'excitation de partir chasser qui le travaillait ainsi, ou bien… Aurait-il appris la nomination au grade de Chuunin du jeune médecin et voulait-il échanger quelques mots avec lui avant le début de la partie ? Shigeru inspira profondément et se ressaisi.

"Tu es bien matinal."

Un peu des deux – c'est la conclusion à laquelle arriva le jeune médecin en entendant les premières paroles d'Otoke. Il avait anticipé l'heure du rendez-vous selon les habitudes de Shigeru afin d'arriver pile à l'heure ailleurs, endroit où devait se passer la partie. C'était une logique imparable à laquelle le médecin n'avait rien à reprocher. Il emboitait le pas au Dobutsu le long du sentier, le suivant allègrement dans son léger trot – heureusement qu'il ne courait pas trop vite non plus, il avait eu le plus grand mal d'égaler sa vitesse de déplacement lors des événements dans le palais du Daimyo et cela ne faisait que justifier le besoin incessant de pratiquer plus d'activités physiques afin de tenir le rythme. Une tâche de plus à intégrer à son emploi du temps qui ne faisait que croître, il en était bien conscient. Des sacrifices devaient être faits compte tenue de son nouveau rôle et il était prêt à les faire – la seule chose que Shigeru attendait était d'arriver à un équilibre entre ce qu'il voulait faire et ce qui devait être fait indépendamment de son envie.

Il inspira profondément devant la tirade du Chuunin masqué. Tout le monde semblait en demander plus de lui et il s'efforçait à tout prix de réussir à satisfaire le monde entier, malgré le fait que cela creuse quelque peu sa dépression. S'il savait que cela ne serait que momentané, le jeune médecin espérait sincèrement que le moment n'allait pas durer trop longtemps. Son efficacité ne baissait pas uniquement parce qu'il puisait dans les ressources de sa dépression, la laissant agir plus librement en échange de la capacité de fonctionner en mangeant moins et dormant moins, quelque chose qui lui jouerait des tours s'il ne se reprenait pas en main. Pourtant, Otoke ne lui mettait pas la pression, comme il le disait si bien – après tout, peut-être que toute la pression qu'il s'imaginait avoir sur lui n'était qu'une confabulation de l'esprit du jeune médecin ? Il relâcha l'air de ses poumons d'un coup, adressant un sourire large et sincère – le premier depuis un bon moment. Son chef d'équipe était une excellente thérapie, c'était indéniable.

"Je comprends oui. Tu n'as pas à t'inquiéter pour ça et le Raikage m'a personnellement autorisé à rester dans l'équipe."

Devait-il lui dire ce qui le travaillait ? Quelque chose lui disait que non, même s'il savait que sa voix fatiguée et inhabituellement triste le vendait quelque peu.

Le jeune médecin hocha la tête devant la question d'Otoke. C'était tout à fait possible et il s'en occuperait dès son retour à l'hôpital. Kadoria Sho et Seki Akame, des membres des clans les plus importants à Kumo… Le deuxième nom, en particulier, semblait rappeler quelque chose au jeune médecin – l'avait-il déjà croisée à l'hôpital ? Il tâcherait de s'en rappeler en faisant ses recherches pour le compte de l'autre Chuunin. Si le Raikage avait demandé à Otoke de se renseigner, ce n'était certainement pas sans raisons, du coup il pouvait bien lui rendre ce service.

"Je vais faire ça dès qu'on aura finit. Si tu as besoin de plus, n'hésite pas à demander."

Le long de ce bref échange, les deux Chuunins arrivèrent à la lisière de la forêt et, tandis qu'il s'apprêtait à voir le Dobutsu partir à toute vitesse lui laissant à peine le temps de le rattraper, Shigeru fut surpris de voir ce dernier lui demander d'attendre. Quelqu'un qu'il avait déjà rencontré ? Etait-il possible qu'il parlait du fameux aigle des évènements du palais du Daimyo ? C'était comme traverser un pas de plus dans la relation entre les deux ninjas pour le jeune médecin, et il ne pouvait qu'en être content – combien même il ignorait à comment devait-il réagir à la présentation. Il recula d'un rapide pas lorsque l'animal se posa entre les deux ninjas, majestueux et énorme. Impressionnant, c'était le seul mot qui venait à la bouche de l'anatomopathologue.

"Enchanté Karyuudo."

Il inclina sa tête légèrement en marque de respect, se demandant si l'aigle comprenait ce qu'il disait. Otoke avait appris à communiquer avec lui, mais tout le monde pouvait-il le faire ou ne se comprenaient-ils qu'entre eux ? La curiosité dévorait légèrement le jeune médecin, mais il ne laissait rien paraître, coincé dans l'amorphisme de ses expressions. Les animaux ne l'avaient jamais réellement apprécié, son détachement naturel provoquant le rejet de leur part. Serait-ce différent avec un animal qui communiquait avec un autre humain ? L'envie de savoir équilibrait sagement le respect de la vie d'autrui dont faisait toujours preuve le ninja masqué, le poussant à ne pas demander. Il s'en rendrait compte bien assez après tout. Se tournant vers Otoke, il enchaîna.

"Ca doit être agréable de ne jamais être seul…"

Se rendant compte de ce qu'il venait de dire, Shigeru se ressaisi rapidement et changea de sujet du mieux qu'il pouvait, se disant que cette remarque pouvait très bien paraître comme naturelle après tout.

"Comment faisons-nous pour la chasse ?"

Shigeru adressa un maigre sourire, assistant impuissant à la discussion se déroulant entre Otoke et son aigle. Malgré tous les efforts qu'il voulait bien y mettre, il savait que c'était tout bonnement stérile de s'immiscer dans la discussion et préférait, de ce fait, rester silencieux en tant que simple observateur, cherchant à se convaincre qu'il n'était pas tout bonnement de trop. Sa logique lui disait que cette sensation d'inconfort grandissant n'était qu'un aléa de sa dépression, qu'Otoke avait accepté de s'ouvrir un peu à lui en lui présentant Karyuudo – cependant, elle n'arrivait pas à rationnaliser ses pensées qui couraient, libres, dans tous les sens possibles afin de le faire se sentir encore moins bien. Il inspira profondément, s'assurant qu'il conservait sa posture amorphe et neutre devant l'autre ninja. Soudain, ce dernier se tourna vers lui.

Le jeune médecin hocha la tête devant les explications du Chuunin, puis le suivi dans la forêt sans parler de trop. Il savait que les ces animaux avaient une ouïe plus développée à cause des conformations particulières de leur cerveau – les parties responsables de l'odorat et de l'ouïe étaient naturellement plus petite chez l'humain, remplacée par l'ensemble des neurones permettant d'avoir une conscience du temps et la gestion du comportement. La vitesse qu'entretenait le Dobutsu semblait adaptée à celle de Shigeru – les estimations à l'œil du ninja masqué étaient vraiment très bonnes pour ce genre d'évaluation, certainement quelque chose qu'il avait appris lors de ses multiples chasses. Loin de vouloir faire de la compétition, l'anatomopathologue était tout bonnement surpris des capacités du ninja sensoriel – bien qu'il savait ne pas être le pire des cancres lorsqu'il s'agissait d'apprendre et d'analyser des informations. C'était ça, après tout, le travail d'un médecin.

Sans adresser la parole à Otoke mais attentif au moindre son, les yeux de Shigeru balayaient l'intégralité du sol à la recherche d'anomalies, comme s'il recherchait des modifications en inspectant un patient. Il s'en servait pour faire attention où il marchait tout comme pour détecter une éventuel trace de cet animal que son coéquipier semblait vouloir trouver. Quelques branches cassées ici et là semblaient indiquer le passage d'un animal, cependant la taille des fractures et la force avec laquelle elles ont été exercées ne correspondaient en rien à l'animal décrit - elles avaient été faites par quelque chose de petit et rapide selon le médecin. S'il se demandait si Otoke allait réagir où s'il ne faisait que l'évaluer pendant un moment, il trouva bien vite sa réponse en s'arrêtant alors qu'Otoke ne l'avait pas spécialement fait.

"De l'urine. Forte. Ici."

Si l'odeur de celle-ci changeait d'une espèce à l'autre, elle n'en restait pas moins relativement semblable. C'était le moyen principal d'élimination de l'acide urique par l'organisme, ce qui donnait l'odeur si particulière – une odeur qu'il serait capable de reconnaître parmi tant d'autres. Restait à savoir ce qu'en pensait le chasseur expérimenté.

La chasse se passait plutôt bien, Enko arrivait à suivre ma cadence et malgré la particularité de la situation dans laquelle il se trouvait, il ne semblait pas déconcerté. Je savais très bien qu'il n'était pas facile pour tout le monde de comprendre que j'étais capable de communiquer avec un animal, surtout que mon coéquipier était médecin. Je me dis alors qu'il devait avoir quelques questions à ce sujet à me poser, mais je fus plutôt content qu'il n'en fit rien. Ce n'était pas que je n'étais pas prêt à lui donner des informations à mon sujet, mais les souvenirs du passé n'étaient jamais très loin dans mon esprit.

Tandis que nous avançions dans la forêt, j'étais attentif aux moindres détails qui pouvaient indiquer la présence du loup que nous traquions. Trouver des traces d'animaux n'avait rien de difficile pour quelqu'un d'attentif, il était par contre bien plus ardu d'être capable de savoir si ces traces provenaient bien de la proie. Enko s'arrêta d'un coup pour me signaler une forte odeur d'urine. Je l'avais également senti avant de décider de l'ignorer. Je m'arrêtai donc pour lui expliquer.

- Effectivement, il s'agit bien d'une odeur d'urine et je ne m'avancerai pas trop en disant qu'elle est récente.

Je m'approchai alors de la source de l'odeur, regardant le sol et l'arbre sur lequel l'urine fut déposée. Il y avait quelques empreintes, confirmant ainsi la présence récente d'un animal.

- L'animal qui est passé ici ne doit pas être bien loin, mais il ne peut pas s'agir de celui que l'on recherche. La taille des empreintes au sol ne correspondent pas à celle de notre proie, d'ailleurs, à sa forme, on peut voir qu'il ne s'agit pas d'un loup, mais sûrement d'une biche. De plus, le loup que nous recherchons n'aurait jamais pu accèder à cet arbre sans endommager les plantes qui se trouve devant. Mais tu as bien fait de t'arrêter, c'est comme ça qu'on progresse.

Donner ces explications me rendit un peu nostalgique, je me rappelai mes premières chasses où j'étais bien moins talentueux. À l'époque, je ne maitrisais pas les arts ninjas et j'ai dû apprendre sans. C'était d'ailleurs la meilleure solution pour être sûr de progresser.

- Bien, continuons !