Douloureux souvenir

Allongé chez lui, Fuusho parcourt les lignes d'un codex regroupant bons nombres de témoignages des voyageurs de Tsuchi, et qui s'étalent sur les cinq dernières années. Cadeau reçu le matin même d'un ancien administrateur de poste frontière, un remerciement pour lui avoir reproduit à l'identique l'original des "Contes et Légendes des Mers du Nord". Une centaine de pages d'écritures et de dessins, trois mois de travail méticuleux gratifiés par ce présent : vraie raison ayant poussé le trentenaire à accepter la demande de ce client.

Les souvenirs de l'administrateur, apposée là, montre tant le professionnalisme de l'homme que son envie du partage et de la transmission. Sa lecture atteint l'hiver d'une année marquée par la fin d'une nouvelle guerre. Et le descriptif d'un vagabond faisant halte au sein du poste frontière attire son attention.

[...] de son allure crasseuse émane la dureté d'une vie d'errance. Cet égaré d'après guerre, tel un stigmate de notre époque, perdure à travers la paix fragile et éphémère qui s'est installée. Nulle lumière ne saurait tromper l'air sombre qu'il arbore, comme aucun de mes mots n'a pu lui arracher un sourire. Et bien que seul son nom m'ait été révélé par sa voix hasardeuse, il m'est relativement facile de deviner l'horreur qu'il a bien pu vivre. L'homme, simple civil précipité vers maniement des armes à croisé la Mort. Sairyo [...]

Ses yeux se figent sur le nom de famille qu'ils découvrent. Le fumeur reste ainsi bloqué sur ce simple mot plusieurs secondes, avant de se décider à réagir. Rangeant le livre dans sa sacoche, il quitte son appartement et prend la direction du restaurant de ramen préféré d'Hiko. Le gamin doit bien s'y trouver et si ce n'est pas le cas ne devrait plus trop tarder à s'y rendre, vu l'heure.

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-"Ohayō !" S'annonce-t-il en se penchant afin d'entrer dans l'établissement. Apercevant l'enfant, il s'installe à ses côtés et ne ménage aucun suspens. Ouvrant le livre à la page, il pointe du doigt le nom et prénom de ce vagabond, suivit d'un "Tu l'connais ?" fièrement demandé, ignorant le lien de parenté si... proche.

Année 11 – Hiver
Peu avant l’attaque du Shozaichi…

La journée s’annonçait radieuse. Le soleil était au rendez-vous en cette fin de matinée, il s’était finalement fait une place parmi les nombreux nuages ornant le ciel du Shozaichi en cette matinée, et semblait bien décidé à s’y installé pour la journée ! Ce fut donc la principale raison pour laquelle Hiko eut un sourire si grand en sortant de l’académie lorsque les douze coups de midi furent frappés. Et pour ajouter un peu plus de gaieté à ce petit bonhomme déjà si joyeux, aujourd’hui marquait le début de ses vacances ! Plus de cours à l’académie, plus de soirées à réviser… Et cela pendant une semaine ! Enfin bref, notre petit héros était aux anges.

Et c’est pourquoi il décida de marquer le coup. Sans prendre le temps de passer chez lui pour déposer son sac contenant de lourds manuels, il se rendit directement à l’endroit qu’il préférait au sein de la Capitale… Le meilleur restaurant,- selon Hiko -, de ramens du pays ! En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, il fut arrivé. Entrant en trombe dans le restaurant, il salua le chef et alla directement s’assoir à sa table préférée tout en lui lançant ces quelques mots au passage.

« La même chose qu’habitude chef steup’ ! Mais en double, j’ai trop faim ! »

Le tout accompagné d’un sourire enfantin. Le chef le regarda, sourit à son tour et se mit alors au travail avec habileté… Comme toujours.

***

Alors qu’il entamait sa deuxième portion, l’estomac déjà bien plein, Hiko vit arriver son ami Fuusho. Se stoppant net, il lui fit un grand signe de la main pour l’inviter à le rejoindre. Il voulut lui dire quelques mots aussi… Mais sa bouche était tellement pleine qu’il ne réussit à faire sortir qu’un grognement… Ce qui eut le don de l’amuser, du moins jusqu’à ce que Fuusho arrive et lui mette le bouquin sous le nez. Toujours le sourire aux lèvres, Hiko était un peu interloqué par cette arrivée soudain et ce comportement de la part du barbu. Il décida donc de porter son attention sur le livre, et sur les mots indiqués par Fuusho.

Son sourire disparut alors aussi. Il avala difficilement sa bouchée et prit le livre en mains. Il l’approcha de son visage, comme s’il voulait s’assurer que ses yeux ne lui jouaient pas un mauvais tour. Au bout de quelques instants,- qui lui parurent une éternité -, le jeune garçon lâcha alors quelques mots d’une voix faible, tremblante…

« Sairyo… Jin… »

Sairyo Jin. Voilà le nom qui était écrit sur ce registre que Fuusho venait de lui mettre sous le nez. Hiko se dépêcha alors de lire les quelques lignes qui concernaient cette personne et plus il avançait dans sa lecture, plus ses mains devenaient tremblantes. Il n’en croyait pas ses yeux, cela ne pouvait être possible. Il avait… Il en était sûr, cette personne nous avait quitté il y a de ça presque un an déjà… A la fin de l’automne de l’année 10, lorsque la guerre dans laquelle il était impliqué s’était terminée… Non c’était impossible.

« Fuusho… »

Le garçon avait presque murmuré le prénom du barbu. Il tremblait de tout son corps et avait du mal à rester concentré… Mais il continua, en fixant maintenant le trentenaire de ses yeux bleus, il lui fallait une réponse !

« … De quand exactement date… ce récit… ? »

Sa voix était faible, il avait perdu toute sa bonne humeur d’un coup. Cela ne pouvait être vrai, c’était impossible… Sairyo Jin était censé être décédé durant la guerre civile de l’année précédente… Hiko avait reçu l’information par les services de renseignements, il l’avait pleuré… Sa mère, ses frères… Tous le regrettaient sûrement maintenant… Mais alors pourquoi le nom de son père était-il évoqué durant l’hiver de l’année 10 ?!

Le sourire du trentenaire s'efface peu à peu, au profit d'une gène non dissimulée. Il ignore le lien entre ce Jin et Hiko, mais Fuusho pressent à travers la question du gamin la tristesse d'un mauvais souvenir, celui d'une personne laissée à l'oubli et devant y rester.

-"De l'an passé, ce passage a été écrit durant l'hiver." Un an, quasiment jour pour jour, à en croire les dates laissées sur certaines pages. La mine de l'enfant se décompose un peu plus, comme perdu dans un vide où tout s'effondre. "Hiko..." le trentenaire l'attrape par l'épaule, "...c'est qui ? Qu'est-ce qu'y a ?"

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* * *

-"Je n'ai pas eu le bouquin par son auteur. À l'exception de quelques rares occasions, Fuusho ne travaille jamais en direct avec ses clients. Ne serait-ce que pour leur éviter de mettre un visage sur le nom de Gisei. "Mais je connais quelqu'un qui pourrait nous en dire plus." L'intermédiaire de cette transaction, Orihime.

La jeune femme du Kunimasu est de passage à la capitale. Et seuls deux endroits semblent pertinent pour la trouver : l'établissement de jeu de Yukiko, ou un bar non loin de l'entrée principale. Celui-là même devant lequel se trouvent à présent Hiko et le fumeur. "Si tu préfères, tu peux m'attendre ici. Ca ne devrait pas être long."

Une fois à l'intérieur, il aperçoit la jeune femme accoudée au comptoir. Celle-ci le remarque également et l'invite, d'un tapotement de main, à le rejoindre sur le tabouret à ses côtés.

-"Tu viens m'offrir un verre ?"

-"Pas vraiment, non."

-"Dommage..." Lui répond-elle d'une moue déçue.

-"Tu ne saurais pas où je peux trouver l'auteur de ce bouquin ?" Il dépose l'ouvrage, qu'elle-même lui avait apporté la veille, sous les yeux.

-"Les affaires, toujours les affaires hein ? Faudra me payer un verre pour ce petite service, t'y couperas pas."

-"Promis, dès mon retour sur cette histoire." L'annonce accroche un large sourire satisfait sur le visage de la Mune. Laquelle ne manque pas de lui révéler l'identité de la personne et où elle vit.

-"C'est le vieux Shiwa Iwako, il profite de sa retraite en cultivant une petite parcelle de terre à tout juste trois heures à l'Est du Shozaichi. Tu peux lui dire que tu viens de ma part, mais ça t'en coutera un verre de plus mon chou."

-"Ce sera avec le plus grand des plaisirs, ma belle." Un petit jeu s'était installé entre eux deux depuis quelques semaines déjà. Un flirt purement fictif, à l'image d'une amitié naissante.

Spoiler:

Le récit datait de l’hiver dernier… C’était impossible… Cela ne correspondait pas à la chronologie des évènements. À cette date là, Sairyo Jin devait déjà être… mort. Hiko le savait, il travaillait au service courriers de son petit village lorsqu’il avait appris pour la mort de son père, et cela s’était passé avant l’hiver, il en était certain ! Alors pourquoi… Pourquoi cet homme avait-il écrit un tel récit sur le paternel du jeune Hiko ? Quelque chose ne tournait pas rond dans cette affaire, et il fallait qu’il en ait le cœur net !

Hiko était resté muet depuis le moment où Fuusho lui avait annoncé la date de l’écriture de cette note. Il avait tout d’abord été totalement surpris, sans voix… Il avait encaissé sans broncher cette nouvelle qui revenait mettre en cause tout ce à quoi il avait cru jusqu’à maintenant. Après tout, cette nouvelle avait été la raison de son départ de son village… Et si… Et si ce n’était qu’une illusion. Et si son père n’était pas vraiment mort ? Et si …

Trop de questions s’accumulèrent dans la tête du jeune garçon qui se prit alors la tête entre les mains et pressa très fort ses tempes pour essayer de compresser le mal de tête qui venait d’apparaître dans sa boîte crânienne. Mais rien à faire, il sentit alors que son esprit commençait à s’engourdir et il s’efforça de retourner à la situation présente… Où Fuusho le tenait pas l’épaule, un air inquiet sur son visage…

« Sairyo Jin est mon père… Décédé à la fin de l'été de l’année 11… »

***

Les deux amis se retrouvèrent alors devant un bar où Fuusho allait glaner quelques informations. Le barbu avait proposé de retrouver l’auteur de ce carnet afin de pouvoir lui poser des questions cruciales… Hiko ne l’avait pas remercié et s’était contenté de suivre. A vrai dire, il n’avait pas dit un mot depuis la révélation sur la mort de son père à son ami.

On pourrait dire qu’il était rentré dans une phase de mutisme prolongée, seul son corps bougeait mais on aurait dit une coquille vide. La nouvelle était dure à appréhender et le jeune garçon était totalement perdu. Il avait cru à un mensonge pendant tant de temps ? Ou alors était-ce une erreur ? Dans tous les cas, il ne voulait pas se donner de faux espoirs et préféra essayer de ne pas espérer que son père soit toujours en vie… Pour ne pas subir une nouvelle déception.

***

Fuusho avait réussi à obtenir l’information indiquant l’endroit où se trouvait celui qui avait rédigé ces quelques notes et sans tarder, il y emmena le jeune garçon. Une petite maison au bord d’une route, semblable à beaucoup d’autres, elle ne présentait pas un aspect particulier. En arrivant, Hiko déglutit. Voulait-il vraiment entendre ce qu’allait lui raconter cet homme ? Serait-il prêt à croire ce qu’il y entendrait ? Il ne le savait pas. Mais une chose était sûre, il fallait aller de l’avant.

Frappant quelques coups à la porte, ils n’eurent pas à attendre longtemps avant qu’un homme d’une cinquantaine d’années vienne leur ouvrir la porte. Il les invita dans sa demeure et leur proposa des rafraîchissements. Hiko ne prit pas la peine de répondre, il ne l’écoutait même pas à vrai dire. Pour l’instant il examinait la maison à la recherche d’un indice prouvant que son père aurait pu passer par ici… Mais il n’y avait rien.

C’est donc après quelques minutes de mutisme total, que le jeune Hiko se décida à reprendre la parole d’une voix relativement faible et enrouée. Il n’avait qu’une question pour l’homme…

« Sairyo Jin… Est-il en vie ? »

La question pouvait paraître directe, spontanée et pas forcément réfléchie. Mais pour l’instant, c’était la seule chose qui importait aux yeux du jeune garçon. Il voulait en avoir le cœur net… Avant de demander quoi que ce soit d’autre !

S'approchant de la bâtisse du dénommé Iwako, et bien qu'ils ne se soient jamais rencontrés auparavant, le trentenaire use d'un henge pour dissimuler ses véritables traits au vieil homme.

En se présentant simplement comme les envoyés d'Orihime, Iwako les invite à rentrer pour discuter de cette visite inattendue. L'interrogation sur la raison de leur venue sort Hiko de son mutisme. Sa question, un peu brutale, ne trouve réponse dans la mémoire du vieillard.

-"Qui ?" L'homme s'étant tourné vers le trentenaire pour lui servir un peu de thé, ne semble pas reconnaitre ce nom. Fuusho extirpe alors le livre et le pose devant lui.

-"Reconnaissez-vous ce recueil ?"

-"Oui. Je l'ai écrit petit à petit durant mes années de service aux frontières du pays. Je l'ai échangé voilà quelqu'un temps à Shinoda-sama."

-"Bien, bien." Le barbu ouvre alors le livre à la page faisant mention du père d'Hiko. "La personne dont fait référence mon jeune ami se trouve être décrite sur ces deux pages."

-"Montrez-moi ça..." Attrapant son livre d'une main et ses lunettes de l'autre, il se replonge dans son propre passé.

Et après de longues minutes de lecture, la mémoire lui revient. "Oh.... oui je vois. Le pauvre homme, bien que vivant, semblait être sorti tout droit du yomi. Mais j'ignore ce qu'il est devenu depuis, si là est votre question."

-"Peut-être pourriez-vous nous indiquer la direction qu'il a prise à cette époque ?"

-"Naturellement, attendez-moi là..." Puis par petit pas, se dirige vers sa bibliothèque d'où il extirpe une large carte enroulée. L'aplatissant sur la table, le vieillard retrace de l'index le chemin de Jin. "Il souhaitait traverser la forêt hantée d'Aokigahara pour atteindre le Temple de la Terre. Mais si vous voulez vous y rendre, je pense qu'il serait plus simple de prendre le bateau jusqu'à Oita, ici. Puis de redescendre par le Sud jusqu'au temple. Cela vous évitera aussi la forêt... ."

-"Une dernière chose, avait-il un vêtement particulier ? Une cicatrice ? Quelque chose qui nous permettrait de le décrire le plus précisément possible auprès des prêtres du temple ?"

-"Il avait les mêmes cheveux que le gamin." Pointant alors d'un hochement de tête la direction d'Hiko. "Et deux bâtons, courts mais assez larges, comme ceux utilisés sur les o-daiki, vous savez, ces énormes tambours."

-"Je pense voir de quoi vous parlez oui. Merci, Shiwa-sama. Vos informations nous seront précieuses."

Et sur ces mots, ils se rendirent au temple.

« Est-ce qu’il a dit où il allait ?! Était-il blessé ? Vous êtes sûr qu’il s’appelait… »

Le jeune Hiko asséna alors le vieil homme de questions sans même lui laisser le temps de répondre. Il ne s’en rendait pas compte, bien sûr. Le fait que l’homme ait décrit l’homme comme ayant les mêmes cheveux que lui était une piste des plus crédibles… Hiko avait hérité de la particularité capillaire de son paternel, et cela ne pouvait être une coïncidence. Mais il voulait en savoir plus, l’homme ne leur avait pas donné beaucoup d’informations et cela renforçait un peu plus le sentiment de frustration du jeune garçon…

Cependant, il ne put leur en dire plus. Seulement qu’il portait deux gros bâtons et qu’il se dirigeait vers le Temple de la Terre… Soit bien plus au Nord. Hiko ne connaissait absolument pas cette partie du pays de la Terre, et il fut un peu sceptique lorsque l’homme parla alors d’une forêt hantée… Celle d’Aokigahara. Le jeune garçon eut alors un frisson rien qu’en entendant ce nom. Bien qu’il ne connaissait pas le nord du pays, il la connaissait au moins de nom. Il l’avait entendu pour la première fois dans un cours sur les légendes du pays, à l’académie. Apparemment, nombreux sont ceux qui, ayant pénétrés dans la forêt, n’en sont jamais ressortis… Pas rassurant du tout.

Remerciant le vieil homme, les deux amis sortirent alors de sa demeure et se retrouvèrent maintenant à l’air libre. Hiko avait toujours un air sombre, mais il semblait un peu moins abattu que tout à l’heure. Son père n’était, semblait-il, pas mort lors de la guerre à laquelle il avait participé… C’était un motif d’espoir. Mais quelles étaient ses intentions ? Pourquoi se diriger vers le Temple de la Terre en passant par une forêt hantée au lieu de venir retrouver sa famille… ? Tant de questions sans réponses, mais Hiko avait pris sa décision… Il suivrait les traces de son père, il devait le retrouver !

« Merci Fuusho… Je suis désolé de t’embarquer dans cette folie… Mais je dois vraiment savoir si mon père est encore en vie… Et ce qui lui est arrivé. Bien sûr, je comprendrais si tu ne voulais pas venir ne t’en fais pas… »

Attendant la réponse du barbu, le jeune garçon fixait toujours le sol. Comme s’il avait peur de la réponse de son homologue au Shûkai. Bien sûr, il n’était pas rassuré de devoir aller dans une forêt qu’on qualifiait comme « hantée », alors avoir un support tel que Fuusho lui serait sûrement bénéfique… Mais allait-il accepter la proposition du jeune Hiko, ou rebrousser chemin et le laisser seul… ?

***

Finalement, Fuusho avait décidé d’accompagner le jeune garçon dans sa recherche. Il était vraiment sympa ce barbu et Hiko commençait à l’apprécier particulièrement. Il sentait qu’il pourrait devenir un ami en qui il pourrait avoir une confiance aveugle. Qui l’aurait prédit ? Ils étaient tellement différents, à commencer par leur âge. Fuusho aurait presque pu avoir l’âge de son père, et pourtant ils s’entendaient à merveille. Serait-ce l’environnement dans lequel ils évoluaient ? Le fait d’appartenir à la même équipe ? Hiko n’aurait su le dire, mais une chose était sûre, il était content que Fuusho l’ait accompagné. Il se risqua même à lui poser une question. Question dont la réponse lui faisait peur…

« Dis… Tu penses que c’est bien de mon père dont il s’agit… Tu penses qu’il est… Toujours vivant ? »

Puis, ils continuèrent à marcher dans le désert rocailleux... Où aucune âme n'était visible à l'horizon...

-"Ne t'en fais pas, je te suis." De quoi le rassurer sur cette quête du passé.

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* * *

Les dénivelés de leur terre montagnarde usent les deux shukajins rapidement et les forcent à faire halte fréquemment. Ou bien est-ce la faible endurance du trentenaire ? Qu'importe, ils entament leur quatrième pause à mi chemin de leur objectif.

-"Je l'ignore Hiko. Je ne l'ai jamais connu." Répond-il à la question de son camarade. "Mais aussi longtemps que tu auras besoin de mon aide, je te l'apporterai."

Le crépuscule d'une journée qui s'achève colore les nuages. Et l'ombre des montagnes les plonge dans la froideur de la nuit. Fuusho extirpe de son sac un coupe-vent et l'enfile, avant de rabattre la capuche, rajoutant un peu plus d'obscurité sur son visage. Seul le petit point incandescent de sa cigarette s'illumine à chaque bouffée.

-"Nous allons éclaircir toute cette histoire. Et si ton père est bel et bien vivant, nous allons le trouver." Une promesse risquée mais qu'il tiendra, quoi que cela lui coûte. Le trentenaire ne comprend que trop bien la situation dans laquelle Hiko se trouve, car lui-même aurait tout donné pour retrouver sa défunte sœur s'il l'avait sue en vie. Et puis il n'a jamais visité le Temple de la Terre, ce serait l'occasion.

-"Que faisait ton père exactement lorsqu'il a disparu ?"

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Devant eux se dressent enfin la forêt d'Aokigahara. Après quelques mètres seulement, leurs silhouettes s'effacent dans la brume omniprésente.

-"Ce serait con qu'on se perde maintenant..." Plaisante Fuusho. "Hein Hiko ?" Mais personne ne lui répond. Pivotant sur lui même il cherche l'enfant. "Hiko ?" L'appel reste sans écho. Seule la brume l'entoure et aucune trace du gamin ne s'y distingue.

Un mouvement au loin accompagné d'un craquement de branches que l'on piétine attire son attention. "Hiko ? C'est pas drôle..." L'angoisse comme la panique le gagne. Et à juste titre, car la silhouette qui se dessine et s'épaissit face à lui le dépasse d'une bonne tête... autant dire que l'ombre n'a rien à voir avec Hiko.

Les trait se font nets et un démon apparait, à la peau rouge, aux larges cornes et un gourdin en main. Cet oni se dresse de toute sa hauteur face au fumeur, terrifiant. "Toi, t'es pas là pour beurrer des tartines... ." Le grognement du yokai qui s'en suit pousse Fuusho à prendre ses jambes à son cou, dans une direction choisie au hasard de la situation.

Les deux compères marchaient dans le désert rocailleux. La température y était extrêmement fraîche en cette journée d’hiver, et le vent ne venait pas les réchauffer… Bien au contraire. Chaudement vêtu, le jeune garçon avançait en se couvrant parfois le visage avec sa main afin que ses yeux ne souffrent pas trop de ce vent glacial. Fuusho et Hiko avaient déjà effectué de nombreuses pauses depuis leur départ de la demeure de celui qui leur avait donné l’information, et pourtant, ils n’avançaient pas à un rythme très soutenu. Leur environnement, ainsi que leurs efforts pour avancer contre le vent n’y étaient pas étrangers…

C’est lors d’une de ces pauses que les deux amis eurent une petite conversation. Hiko avait parlé le premier en demandant à Fuusho s’il pensait que son père était toujours en vie. Question stupide bien entendu, car ce dernier ne le connaissait pas. Mais Hiko n’était qu’un jeune enfant d’à peine 13 ans, et il avait besoin d’être rassuré… Par tous les moyens.

Ce que fit en quelques sortes le trentenaire en lui assurant qu’ils allaient le retrouver. Hiko sourit alors timidement, il voulait croire aux paroles du barbu, mais une petite voix dans sa tête lui rappelait qu’il ne fallait peut être pas se faire de faux espoirs. Puis, Fuusho demanda au garçon aux cheveux blancs ce que faisait son père dans la vie avant sa disparition… Hiko le regarda alors avec un petit sourire, il se remémorait alors les moments passés dans la boutique de son père…

« Il était confiseur… Le meilleur de toute la région ! Mais une guerre éclata entre deux petits villages civils, et les hommes de notre village furent réquisitionner pour aller combattre… C’est… la dernière fois que je l’ai vu… »

Sa voix s’était éteinte au fur et à mesure qu’il avait prononcé ces quelques phrases. Il se souvenait très bien du dernier jour où il avait vu son père partir au combat, le visage fermé, la mâchoire crispée… Sa maman était en pleurs, et Hiko lui ne comprenait pas vraiment ce qui se passait… Il se disait que la mort, ça n’arrivait qu’aux autres… Mais finalement, quelques mois plus tard, il avait reçu une information comme quoi son père avait péri durant la bataille…

Cependant, aujourd’hui, cette information était remise en question… Que fallait-il croire ? Jin était-il vraiment passé de l’autre côté… ? S’il était toujours en vie, pourquoi ne pas être revenu vers sa famille… ? Tant de questions qui devaient trouver des réponses !

***

Ils arrivèrent ensuite dans la forêt hantée… Le décor changea subitement et ils se retrouvèrent rapidement entourés par un épais brouillard qui n’avait rien de très rassurant… Resserrant les sangles de son sac à dos, le jeune Hiko s’enfonça sans hésitation dans cette purée de pois, sa détermination était sans faille et il savait qu’il n’avait pas le choix. Si son père était passé par là, il devait lui aussi le faire ! C’était peut-être sa seule chance de le retrouver… Vivant on l’espère.

Mais le jeune garçon avait un peu peur de ce décor vraiment lugubre qui collait parfaitement avec la description que leur avait fournie l’homme des récits. C’est donc pourquoi Hiko se décida de s’arrêter et se tourna vers sa gauche, là où devait normalement se trouver le barbu… Mais il ne vit rien. Il n’y avait aucune trace de ce dernier, et la brume empêchait tout contact visuel à plus de deux mètres. Le rythme cardiaque du jeune garçon s’accéléra grandement lorsqu’il entendit des craquements de branches autour de lui, quelque chose approchait…

« Fuusho… ? »

Avait alors dit le jeune garcon d’une voix apeurée… Il n’était pas rassuré, car quoi que ce soit, ce qui venait vers lui n’était pas discret du tout, et cela n’annonçait rien de bon. Et lorsque les bruits devinrent plus intenses, Hiko parvint à repérer une ombre dans le brouillard. Au début très petite, elle devint de plus en plus imposante au fur et à mesure qu’elle avançait… Hiko était terrifié, il ne savait pas vraiment à quoi s’attendre mais une fois que l’ombre fut suffisamment proche, il parut évident que ce n’était pas Fuusho. L’ombre était au moins deux fois plus large que le trentenaire et faisait un bon mètre de plus en hauteur… Cela n’annonçait rien de bon…

Et alors qu’un grognement se fit entendre, Hiko prit ses jambes à son coup et se mit à courir en ligne droite dans la forêt. Il n’avait aucune idée de la direction qu’il avait prise, mais il souhaitait mettre le plus de distance possible entre lui et la créature menaçante. Et en courant, il pensa aussi à Fuusho et espéra qu’il allait bien. S’il n’avait pas été aussi stressé, et bien entraîné, il aurait peut être pu essayer de le repérer grâce à son empreinte chakratique… Mais pour l’instant, il n’y avait absolument pas pensé !

De la fuite à la folie il n'y a qu'un pas, que le trentenaire engage à chaque nouvelle foulée. La proie qu'il représente chasse l'idée d'une mort atroce et imminente à grands renforts de cris angoissés. Futilité d'une âme craintive pourchassée par un monstre. Les branches lui fouettent le visage, ultime rappel douloureux que tout ceci n'a rien d'un cauchemar, tandis qu'il continue sa course à travers la foret. L'obscurité des feuillages denses, les grognements de la bête à ses trousses, tout est là pour augmenter l'adrénaline et pousser le fumeur à la faute. Ce qu'il finit par faire, inéluctablement.

D'un contre pied il pivote et fait face au gourdin de l'oni. Lequel lui tartine une frappe vive et puissante de la pointe de la barbe jusqu'au sommet du front. Ne laissant alors à Fuusho que le ressenti de la chaire du visage qui se déchire et de l'obscurité qui voile sa vue.

La mort ? Ou simplement son image.

Lorsque la lumière réapparaît, il se retrouve seul au milieu de cette forêt aux oubliés. Malédiction de la nature, force malfaisante s'amusant à tirailler les voyageurs, l'ombre malsaine des lieux plane non loin, elle guette, prête à frapper de nouveau.

-"HIKO !" Le cou tendu, pivotant sur lui-même, il hurle à la recherche de son jeune ami. Un cri de désespoir emprunt d'une tristesse naissante. Davantage celle d'être oublié ici à une vie d'ermite, perdu à jamais, que celle de perdre le gamin.

Les yeux s'écarquillent et le souffle se fait haletant, car il a peur. Peur d'alimenter les damnés de ces terres. Peur de n'y survivre qu'à moitié et de sombrer inévitablement dans l'aliénation. Quelques pas dans une direction, puis dans une autre, il chancelle, hésitant, à travers la forêt et pourchasse le moindre bruit qu'il entend. Celui de l'alerte d'un oiseau comme d'un rongeur louvoyant à travers les feuilles mortes. Chacun de ces sons représente à lui seul le désir de retrouver l'enfant.

Un gémissement étouffé l'avertit et le guide jusqu'à Hiko. Le gamin est étendu au sol, bien vivant, plongé dans le même songe que Fuusho quelques instants plus tôt. Il lui attrape le poignet et le force à l'éveil. "Hé ! Hiko !" Mais seules les complaintes d'un endormi lui font écho. "Tiens bon." Tirant sur le bras de l'enfant, il le bascule sur ses épaules et décide d'avancer. S'aidant de la lumière diffuse naissant à sa gauche, il remonte ainsi le bois vers le Nord.

* * * *
* * *

Les arbres sont de plus en plus clairsemés et bientôt émerge la lisière de l'enfer. Horizon salvateur d'une vue dégagée vers les montagnes, d'où se dessinent les contours du temple comme la pointe de son toit étagé.

Asseyant alors Hiko contre un rocher, Fuusho dessine un sceau tout autour. Les runes scintillent, font converger le chakra en leur centre et perturbent le sommeil du gamin. Une gourde prête à l'emploi, le barbu maintient toute sa concentration en espérant un réveil rapide de son acolyte. Et lorsqu'il sent l'agitation atteindre son paroxysme, il jette l'eau au visage d'Hiko. Choc brutal mais consciemment recherché pour le rappeler à la réalité.

-"Oi gamin, regarde !" Son index indique le Temple de la Terre

Le jeune garçon continuait de courir à toute allure, accélérant le pas à chaque fois que ses semelles foulaient le sol… Il allait vite, trop vite sûrement… Car sans prévenir, il se prit une branche dans la tête et cela n’eut d’autre effet que de l’assommer et le faire tomber dans un songe qui paraissait sans fin…

***

Hiko se trouvait maintenant dans un monde rempli de magasins de bonbons où tous les enfants de son âge portaient un énorme sac à dos remplis de friandises qui avaient toutes l’air plus bonnes les unes que les autres. Les vendeurs de bonbons venaient le voir dans la rue pour lui proposer des sacs remplis de friandises et ce, sans lui demander un seul ryo.

Hiko était au paradis, il n’y avait pas à dire ! Il se délectait de tout ce qu’on lui donnait et avait maintenant un sourire jusqu’aux oreilles affiché sur sa petite bouille enfantine. Il était au paradis, il n’y avait pas d’autre explication. En plus, un vieux marchand très sympathique l’amena à un endroit particulier et lui montra alors un monument sacré du village… Tournant au coin de la rue, il la vit alors…

Une magnifique statue qui le représentait, sur plusieurs mètres de hauteurs et le tout… Composé de friandises. Ses yeux ne purent alors décrocher de cette vision magnifique, il était majestueux ainsi composé de guimauves et autre bonbons si alléchants… Et alors qu’il s’approchait pour goûter à un de ses pieds… La terre commença à trembler et une énorme vague apparut au loin. Elle s’approchait rapidement, tel un tsunami… Et finit par emporter la statue, le jeune garçon, ainsi que son rêve…

***

« Mais t’es malade ! »

Le jeune garçon venait de reprendre conscience grâce,- ou à cause -, de l’eau que Fuusho venait de lui projeter à la figure. Il était un peu ronchon et s’essuya le visage avec le revers de sa manche tout en regardant le vieux barbu. Ce dernier lui souriait et lui montrait quelque chose avec sa main. Hiko, dont la vue était encore un peu troublé par l’eau qu’il avait reçu dans les yeux, parvint tout de même à discerner un bâtiment à l’allure si particulière… C’était le temple de la terre !

Dès lors, il reprit tout de suite ses esprits et un sentiment d’espoir naquit alors en lui. Ils y étaient parvenus, le temple était tout proche et ils pourraient bientôt savoir si son père était là… Si son père était en vie. Le jeune garçon se releva alors d’un mouvement montrant son impatience, puis il sourit à Fuusho et l’invita à le suivre. Il prit alors la route d’un bon pas, son impatience était trop grande, il devait savoir ! Sur la route pour arriver au temple, le jeune garçon occupa alors son esprit, il voulait tout de même savoir ce qui venait de se passer.

« Désolé de t’avoir crié dessus… Dis, tu peux me dire ce qui s’est passé dans cette forêt ? Je te trouvais plus à un moment… »

***

Après quelques minutes de marche qui parurent une éternité au jeune garçon, ils arrivèrent alors au niveau du Temple de la Terre. Pas habitué de ces lieux pourtant sacrés, le jeune garçon ne prit même pas la peine de frapper pour annoncer sa présence et entra directement dans le Temple… Quel manque d’éducation !

-"Il semblerait que certains lieus soient capables de piéger les voyageurs dans leurs propres illusions..." Voilà la seule explication qu'il puisse fournir à Hiko, mais cette raison ne lui convient qu'à moitié, et le mystère reste entier. "À vrai dire j'ignore ce que nous venons de traverser. Mais je n'y retournerai pas tout de suite pour éclaircir ce point."

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Cela fait plusieurs jours que les prêtres préparent le sanctuaire principal afin d'accueillir la cérémonie trimestrielle en faveur des deux kami de la Terre. Car ce soir, l'encens parfumera les lieux tandis que les couleurs des lanternes animeront les chants d'une vigueur toute particulière. Ce soir, le Garçon et la Princesse⁽¹⁾, déités craintes et vénérées par la plupart des paysans de la région, auront tous les honneurs.

L'une des miko du temple fait alors irruption aux côtés du Grand Prêtre, pour lui annoncer la présence de deux étrangers de l'Alliance.
-"L'un d'eux s'appelle Hiko, Guji-sama." Précise-t-elle, sachant pertinemment la signification de ce prénom, tout comme son impact en pareille circonstance. Donnant ses dernières directives pour achever les préparatifs religieux, le prêtre se fait guider jusqu'aux voyageurs.

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Après être entrés dans le premier bâtiment du sanctuaire et avoir questionné une partie de ses occupants, l'enfant et le trentenaire patientent à l'extérieur. Fuusho s'approche alors du bassin couvert pour s'y rincer la bouche et les mains.

-"Je vois que vous n'êtes pas indifférents à nos traditions et au rite de purification." L'interpelle le prêtre, alors à leur hauteur. "Seriez-vous déjà venus dans ce temple ?"

-"Pas celui-ci, non. Mais nous cherchons quelqu'un dont votre sanctuaire était la destination il y a un an."

-"Oui, oui. C'est ce que j'ai cru comprendre. Vous êtes à la recherche d'un dénommé Sairyo Jin. Si les autres prêtres ne vous ont rien dit, c'est qu'il n'y sont pas autorisés." Les invitant à le suivre, il les mène à un bâtiment bien plus petit, ne devant compter que trois ou quatre pièces maximum, et à l'allure bien plus modeste.

Prenant place dans ce qui s'apparente à un bureau, le Prêtre leur dévoile les seules informations qu'il possède. "Cet homme est effectivement passé par notre temple, pour y déposer deux bâtons d'o-daiki. Que voici." Puis récupérant les deux objets, il les tend à l'enfant.

-"Souhaitez-vous rester pour les festivités de ce soir ?" Une invitation à partager les traditions d'un culte. Fuusho interroge Hiko du regard, car cela leur permettrait de poursuivre leur enquête parmi les autres prêtres et miko.

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⁽¹⁾ Les deux kami de la Terre sont Hiko et Hime (lit. Garçon et Princesse).

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