Impétueuse réalité. Aussi loin que j’aurais souhaité m’enfuir, je n’aurais en fait jamais pu le faire réellement. J’étais poursuivi par mon passé. A chaque pas, à chaque inspiration d’air, j’entendais les conseils, les réprimandes et les jurons de mes maitres. Ils étaient toujours présents avec moi. Toujours dans ma tête. Je n’avais jamais été un élève très attentif, mais à force de frapper sur un clou avec un marteau, on finit par l’enfoncer profondément dans la planche de bois. J’étais le clou, leurs enseignements étaient la planche de bois. Aussi, lorsqu’ils sont morts, je pensais pouvoir enfin m’échapper, me soustraire à leurs préceptes. Faire comme s’ils n’avaient jamais existés. Mais à la vérité, je n’y arrivais pas. J’avais laissé pousser mes cheveux et ma barbe, camoufler la plupart des tatouages qui ornaient mon corps et modifié mes vêtements. Mais plus je m’obstinais à aller plus loin dans l’écart avec le vêtement originel du moine et sa conception du monde à travers la méditation, plus je me sentais mal à l’aise. Aussi loin que j’allais, aussi différent que je voulais me faire, au final, mes racines me rattrapaient. Cet enseignement, ces préceptes, ils faisaient partie de moi. Une partie intégrante de ma personnalité et de mon caractère. A chaque fois que je priais, les conseils me revenaient en tête et ma force se voyait décuplée. C’est donc en contemplant pour une énième fois ce beau coucher de soleil de Konoha, que je compris ce qu’il me restait à faire.

Je me trouvais alors au sommet d’une espèce de tour. Je pense qu’il s’agissait d’un bâtiment administratif où plusieurs bureaux d’agences différentes se juxtaposaient. Je me levais, regardais encore quelques secondes le crépuscule. Je pris ensuite un kunaï se trouvant dans ma poche de droite –j’en gardais toujours un au cas où, bien que je ne sois pas ninja. Je le portais à mes cheveux et commençais à couper. Par petites coupures d’abord, je me rendis vite compte que je n’arriverais à rien avec un tel matériel. Je me procurais alors de la manière la plus rapide possible une bonne paire de ciseau et un rasoir et je m’attelais à la tâche. Plus un poil ne restait sur mon crâne et j’avais rasé ma barbe en entière à l’exception d’un petit bouc au bout de mon menton. Enfin, j’annulais ce fameux sort de camouflage que j’avais apposé sur mes tatouages depuis le début de mon séjour hors du monastère. Sur mon visage, une énorme bande rouge se réveilla alors de sous ma peau et sur mes épaules, mes tribaux se démarquèrent du teint trop blanc de ma poitrine.

J’étais de nouveau un moine, en me regardant dans une glasse, je me rendais compte que ma musculature avait fortement augmentée. Qu’elle était devenue plus imposante depuis que j’avais fait escale au pays de la feuille. Oui, vraiment, mes rencontres dans ce village m’avaient poussé à me travailler un peu plus, à pousser toujours plus loin mes efforts et mes ambitions. Mais une dernière chose avait changé avec mon physique : mon regard. Plus froid, plus autoritaire. Sans le vouloir, je m’étais frotté à quelques vérités du monde. Aussi, je ne pense pas en être sorti indemne et mon regard en avait pâtie. Mais je n’y accordais pas plus d’importance que cela alors. Il était plutôt temps d’aller chez le forgeron, il me fallait me dégotter de nouvelles armes et une nouvelle tenue…