Pressant sur l'accélérateur, je poussai le moteur de ma moto toujours plus loin. Voici maintenant plusieurs jours que je me dirigeai vers le nord, sillonnant le pays vive allure. Ma destination n'était autre que la réputée clinique Takamagahara. Suite à la perte de mon œil gauche, il m'avait été impossible de me faire soigner correctement dans l'hôpital de la ville de Higata. J'avais finis pour ainsi dire avec pratiquement la moitié de la population local aux trousses. Tel fut le prix qu'il me fallut payer pour ne serait-ce que côtoyer celui que j'aimais. Nous n'avions eut d'autre choix que de nous séparer depuis lors, mais pas un seul instant je ne regrettai ma décision. Le cœur serré, je l'avais laissé partir tandis qu'il en avait fait de même. A présent il m'incombait de me retourner mon attention sur ma mission première.

Malheureusement ma blessure, n'ayant pas été traitée comme il se devait, dégradait peu à peu mon état de santé. C'était tout juste si je parvenais à changer mes bandages pour essayer de laver ma plaie sans m'évanouir. La douleur me lançait de plus en plus au visage, m'occasionnant de nombreux vertiges. Devenue fiévreuse et maladive, je n'avais pratiquement rien réussi à avaler depuis lors. Mon estomac était noué et la nourriture me dégoûtait. Je commençais à craindre qu'une infection soit à l'origine de tous mes maux. Perdant également le sommeil, j'avais les traits tirés et arboraient une mine épuisée au teint livide.

Mon état m'obligeai à multiplier les haltes, au risque de provoquer un accident en chevauchant mon véhicule dans de telles conditions. La clinique récemment rouverte par la fameuse Amaterasu était en quelque sorte l'ultime recours que j'avais à ma guérison. Je savais mon œil perdu à jamais, je ne me faisais aucun espoir à ce sujet, mais il me fallait recouvrer la santé par tous les moyens sans quoi, je ne me donnais que quelques semaines à vivre au vu de mes symptômes qui se dégradaient. Pour couronner le tout, au bout de quelques jours, en plus des vertiges et des nausées vinrent s'appliquer à mon cerveau plusieurs séries de migraines particulièrement douloureuse tant et si mal qu'il m'arrivait parfois d'être la victime d'hallucinations. Cela se caractérisait le plus part du temps part l’apparition de déformations spatiale verdâtres qui suivaient la trajectoire de mon œil valide. J'ignorai si cela était lié, mais j'avais parfois l'impression de voir apparaître subitement Méphisto au détour d'un champ où d'un embranchement de routes. Néanmoins, je m'efforçai de tenir bon, essayant de me focaliser uniquement sur ma destination et non sur les troubles qui sévissaient en moi.

Finalement, à bout de force, ce fut avec un immense soulagement que je parvins à destination. Cette clinique était réputé depuis longtemps à Kawa au point où j'en avais moi-même entendue parlé depuis Kaze. D'après les dires de la population local cette dernière avait rouverte après quatre longues années et était dirigée par Amaterasu une femme bien mystérieuse, toujours d'après les dires. Personnellement, je n'en savais rien et tout ce qui m'importait étant de faire en sorte que cette étape, n'en reste rien de plus qu'une.

De hautes montagnes entouraient la clinique qui elle, s'engouffrait dans une pleine à l'abri du monde connu. Je garai mon véhicule non-loin de l'entrée puis, me dirigeai vers cette dernière en chancelant. Pour une fois, je ne pris la peine de porter aucune arme, moi qui d'habitude me montrait particulièrement paranoïaque à ce niveau là. Cependant, je n'avais plus l'esprit à quoique ce soit. J'étais totalement épuisée et le fait de me retrouver ici, bien que cela me procurait un certain soulagement, n'apaisai en rien mes maux. La douleur me brûlait sur toute la partie gauche de mon visage et le décor oscillait tout autour de moi. Il me fallut prendre appuie sur un mur pour ne pas chanceler. Mon arrivée ne passa guère inaperçue et immédiatement les médecins vinrent pour me prendre en charge. Ces derniers m'aidèrent à rejoindre une des chambres pour m'allonger sur le lit, suite à quoi je fus immédiatement branchée sous perfusion. Attendant que ma situation se stabilise avant d'envisager quoique ce soit, je perdis aussitôt connaissance pour me réveiller probablement quelques heures plus tard. Lorsque j'ouvris l’œil une personne des plus intrigante se trouvait dans la chambre à mes côtés.

C'était étrange. Je ne ressentais plus aucune douleur. Cette dernière me paraissait si lointaine au point au point ou cela me donnait l'impression que toutes ces journées passées à souffrir en désespérant d'arriver à la clinique à temps n'avaient jamais eut lieux. Plus de vertiges, plus de nausées, plus d'hallucinations, plus rien si ce ne fut une intense fatigue qui m'engourdissait les membres. Je tournais alors tête de côté afin d'aviser cette personne qui se tenait à mon chevet, m'attendant presque à revoir Yusuke. Mais ne ce fut point lui qui m'avisait ainsi avec ses grands yeux dorés étrangement similaire au mien. Une gamine ? Que pouvait-elle bien faire ici ? Ma mémoire était confuse. Je ne comprenais pas ce qui était en train de se passer. Avais-je déjà été opérer ? Je fermais mon œil valide pour ensuite passer ma main devant celui endommagé, constatant avec étonnement qu'il m'était possible de discerner quelque chose.

Un voile opaque semblait le recouvrir tant et si bien que je parvenais tout juste à entrapercevoir les mouvements, pourtant au vu de son état passé cela relevait presque du miracle. Je me risquai ensuite à toucher l'endroit où devait normalement se trouver ma blessure et ne sentis strictement rien si ce ne fut ma peau lisse entièrement reconstituée. Seule une fine cicatrice se profilait encore, barrant simplement mon œil. Ce changement était si soudain que je me demandai un instant si je n'étais pas en train de rêver. Suite à quoi je reportai mon attention sur l'étrange petite qui m'avisait avec un regard d'une intensité sans doute trop précoce pour son âge. Elle arborait une posture droite et affirmée, vêtue d'un ample kimono à motif floral. Une chevelure blonde et des yeux dores sur une peau pâle... Elle me rappelait moi au même âge, mais en beaucoup plus sage, beaucoup plus intrigantes. Lorsqu'elle me questionna, je ne pus m'empêcher de répondre machinalement, bête que j'étais dans cet état d'éveil précaire.

-Heu... Oui je me sens bien. Enfin je crois... J'arrive de nouveau à apercevoir quelques formes avec mon œil.

Je restai durant un nouvel instant interdite. Mon corps semblait se rétablir, mais ce n'était visiblement pas le cas de mon cerveau qui nageait en pleine confusion. Je relevai la tête et vis dans l’entrebâillement de la porte une autre jeune femme. Cette fois-ci plus âgée. Elle me dévisageait d'un air assez peu amicale et semblait prête à agir à tout instant. Je me demandai à quoi pouvait rimer tout ceci. Plus grand chose ne semblait avoir se sens depuis mon réveil. Je voulus poser quelque question, mais les mots moururent sur le bord de mes lèvres. Une troisième personne entra dans la chambre avec un plateau repas qu'elle déposa à côté de mon lit. L'odeur qui s'en dégageait s'avérait plutôt alléchante, mais je n'avais ni le cœur, ni l'estomac pour avaler quoique ce soit. Je suivis du regard la nouvelle arrivante durant tout le temps qu'elle passa dans la pièce jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans le couloir. Je tournai la tête en direction du bouillon avant de reposer mon attention sur les deux protagonistes, pensant alors, que dans mon attitude, je devais avoir l'air foncièrement simple d'esprit. Sans doute était-ce parce que je l'étais vraiment en ce moment-même.

Il me fut plus aisé que je ne l'eus crus de me redresser sur mon lit. Je pus ainsi constater que je portais des vêtements d'hospitalisation, signe indiquant que j'avais bel et bien été opérée. Ma longue chevelure immaculée retombai en de multiple mèches qui s'échappaient sur les bords du matelas. D'un geste simple je les remettais à leurs places suite à quoi j'écoutai ce que la gamine avait à me dire. Ses propos étaient aussi étranges et dénaturées qu'elle.

-D'où sors-tu ? T'es qui au juste ?

Mon attitude s'avérait probablement déplacée. J'en avais plus ou moins conscience, mais je ne me sentais guère le courage de jouer sur les convenances d'autant plus envers une enfant de son âge. Cela sembla l'amuser tandis que la seconde s'en outrai à sa place. Je me mis alors, dans une douce ironie, à l'observer la petite tête blonde comme s'il s'agissait d'un animal d'une espèce inconnue enfermée dans une cage. Elle aurait sans doute put en faire tout autant pour moi, sans doute même méritais-je davantage ce genre d'attention. Puis, dans un sursaut subit, comme si un éclair venait de travers mon crâne avec un long temps de retard, je m'adressai à elle, d'un ton presque alerte.

-Mes affaires ? Où sont-elles ? Où est Yusuke ?

Oui, c'était tout ce qui me venait à l'esprit. Le souvenir de ma fuite de l'hôpital d'Higata avait ressurgit brusquement et j'avais la sensation de revivre la même situation.

Cette enfant, elle prétendait être Amaterasu. Je n'osai le croire. Pourtant quelque chose d'étrange émanait d'elle. Comme une aura qui en disait davantage que les mots, passant outre les apparats et les facéties. Le ton de sa voix n'était pas celui d'une gamine de son âge. Il était beaucoup plus serein, soigneux et calculé. D'elle, je ne ressentais rien de cet aspect candide qui caractérisait la jeunesse insouciante. Je l'observai d'un regard intrigué, de mon œil désormais unique, alors qu'elle me replaçait dans mon lit. Encore, je m'étonnai de la soudaine disparition de cette souffrance qui s'était tant appliquée à me torturer durant la semaine qui précédait mon arrivée ici. Plus rien ne semblait avoir de sens tout autour de moi. Je voulais revoir Yusuke, être avec lui, tout simplement, mais il n'était pas là, et son absence resserrait mon cœur dans un étaux.

Regardant pour la énième fois tout autour de moi, j'eus l'impression de percevoir un décalage avec ce que mon œil me montrait, comme si les images apparaissaient avec une demi-seconde de retard. Baignée dans une étrange sensation de flottement, je compris que l'anesthésie général que j'avais subit n'étais pas en reste. Tout du moins le supposais-je. Depuis mon réveil j'avais en quelque sorte l'impression de perdre pied avec la réalité. Les propos de ma bienfaitrice, malgré qu'ils furent avisés, ne parvinrent en rien à me changer de cet état. Je comprenais à présent ce qui s'était passé, la raison du pourquoi, mais je savais qu'en réalité je n'étais pas vraiment là allongée dans ce lit. Je laissai reposer ma tête sur l'oreiller et fermai les yeux, épuisée, désireuse de me laisser à nouveau aller au sommeil, de ne plus être obligée de penser à quoique ce soit. J'écoutai à peine les recommandations de cet être des plus étranges qui se prétendait Amaterasu.

Je fus tirée de ma torpeur sans doute quelques heures plus tard lorsqu'une infirmière vint m’interpeller pour me dire de prendre mon repas. Cette dernière plaça le plateau juste en face de moi, après être allée faire réchauffer son contenu. J'attendis qu'elle parte et restait interdite devant le bouillon fumant qui, malgré son odeur alléchante, ne m'attirai guère. Ce faisant, je repoussai le bol à côté et voulut me contenter d'un simple verre d'eau. Seulement lorsque je voulus l'attraper, mes doigts se refermèrent malhabilement dans le vide et ce dernier tomba en renversant son contenu sur tout le plateau. A cet instant quelque chose d'étrange se passa. J'eus l'impression, l'espace d'une seconde, de retrouver la vue avec mon œil gauche en percevant ce qui se trouvait devant moi de façon beaucoup plus contrastée. Cette impression s’évanouit aussitôt et je crus avoir rêvé. Ce faisant, j'attrapais maladroitement une serviette pour commencer à éponger le tout. La porte de la chambre s'ouvrit et je vis à nouveau l'enfant entrer dans la salle. Cette fois-ci je conservai mon calme malgré la confusion qui m'abritait encore. Je fus également la première à parler.

-J'imagine que je vous dois des remerciements, ainsi que des excuses...

Pourtant je n'en fis rien, laissant le poids de mes paroles mourir dans le silence. Elle vint s'asseoir à mon chevet et je restai un long instant sans rien dire, attendant de voir ce qu'elle attendait de moi. Je reposai ma tête contre mon oreiller tout en continuant de la dévisager de bas en haut. Toujours cette étrange force qui émanait d'elle, toujours ce même regard intense et pénétrant qui semblaient vouloir lire dans mon âme.

-Ce monde est bien étrange... Rien n'est en réalité ce qu'il semble être. Vous en êtes la preuve vivante.

L'ironie étant que je ne faisais pas uniquement référence à elle, mais à de nombreux faits que j'avais pus constater par moi-même. Prise d'un vertige, je posai une main sur mon front, comme si cela aurait put m'aider à aller mieux.