Je savais que tenter d’avoir une autre vie serait difficile. Il allait falloir m’adapter à ce nouveau mode de fonctionnement. Mais j’avais lu beaucoup de livres et je connaissais les théories philosophiques sur la politique et la sociabilité. Bien sûr, il m’était également arrivé de taper la discussion avec mes frères lorsque j’étais encore au monastère. Mais ces brèves apartés ne m’apportaient rien. Je n’avais jamais réellement appris à glaner des informations. Hors, je le savais pour l’avoir lu, relu et encore relu dans chacun des ouvrages politiques sur lesquels je pus mettre la main : l’information était le pouvoir. Aussi, ma première destination envisageable fut pour moi tout indiquée : le village des feuilles.

De cet endroit j’avais lu des ouvrages entiers. Les ninjas de ce pays savaient manier toute sorte d’éléments et excellaient dans l’art de communier avec la nature. En tant que moine, je me savais déjà un expert en méditation, mais j’ignorais si je pouvais me voir comme un homme de la nature. Il y avait en moi une sorte de réalité propre aux monstres d’instinct, ainsi peut-être me sentirais-je correctement entouré dans ce village aux mœurs plus primaires. Mais je ne me faisais pas d’illusions pour autant. Je savais ce qu’était un village ninja et je n’étais pas incrédule : j’allais être arrêté aux portes et on me demanderait ce que je peux bien faire là.

Mais curieusement, je ne reçu de réelle opposition qu’en arrivant devant les imposantes murailles du village. J’avais passé quelques jours à l’intérieur du pays du feu il était clair que les ninjas de cette contrée avaient d’autres choses à faire que de me suivre bêtement dans mes déplacements. Après tout, je n’avais rien en commun avec les criminels d’aujourd’hui. En lisant le journal, j’avais appris que Kyoshi Rei, un supposé criminel de Suna et ancien Kazekage s’était fait capturé, je n’avais gardé de cet article que l’impression que le monde était tombé bien bas. Mais je m’égare et m’écarte trop de mon sujet principal tout d’un coup.
Ainsi j’arrivais devant les grands remparts. Je savais pertinemment que je ne passerais pas aussi facilement que je l’aurais espéré mais je continuai tout de même de marcher en avant. Je le fis jusqu’à ce que quelqu’un m’arrête. On me demanda mon nom et je répondis le plus calmement du monde.

« Je m’appelle Guerre. »

L’homme en face de moi sembla plus perplexe qu’autre chose. Il réitéra sa question et je réitérais ma réponse. Je n’avais nullement l’intention de lui faire part de mon véritable nom. Yoru appartenait au passé. Je préférais de loin ce nouveau surnom que je m’étais auto-attribué. Il connotait mieux le contraste entre mon apparence calme et posée et le monstre en moi. Néanmoins je n’étais pas là pour causer des problèmes. Alors je me justifiais aussi bien que je le pouvais.

« Ne vous m’éprenez pas, je ne me moque nullement de vous. Il s’agit juste de mon nom. Mes parents avaient un sens de l’humour assez particulier. Je suis moine voyageur voyez-vous… »

Là encore, le garde ne sembla pas plus convaincu. Alors je plongeai mon regard dans le sien : un regard puissant, autoritaire. Je n’avais que faire de sa piètre opinion. Il ne devait être qu’un vulgaire sous-fifre n’ayant pas la moindre autorité ou le moindre pouvoir. Dans mon regard je transférais donc tout ce que j’avais de puissance mentale et m’exclamai avec fermeté :

« Appelez donc l’un de vos supérieur pour qu’il me supervise, vous n’avez pas l’air d’avoir les capacités pour le faire vous même. »

A cet instant, je compris que j’avais éveillé chez mon interlocuteur une sorte d’instinct humain : cet instinct dont je me délectais tant. Il leva la main en l’air et je sentis le danger venir. Mes sens poussés et mon entrainement intensif s’exprimèrent alors à ma place et de ma sacoche je sortis mon bâton rétractable. Je le plaçai juste sous sa gorge et dis d’un air calme :

« Je ne souhaite pas causer de problème… contentez vous d’aller chercher votre supérieur. »

Aussi vite que je l’avais placé sous la jugulaire de mon interlocuteur, je le retirai et me replaçai en position de civil/moine. Mon regard s’était soudain fait plus doux et la colère avait quitté ce misérable garde…

Spoiler:

Lorsque je m’étais attaqué à ce garde qui, selon moi, se montrait bien trop orgueilleux et pompeux, je ne m’attendais pas à ce que toute la cavalerie débarque d’un coup. Mais c’est bien ce qui se produit. Alors que je reprenais une pose sereine après avoir menacé mon pauvre interlocuteur du bout de mon bâton, un autre homme se rapprocha. Il avait une dégaine assurée et n’avait certainement pas peur de moi. Il m’aborda d’un ton plutôt amical. Cependant, je déduisais de ses dernières paroles qu’il n’avait pas vraiment apprécié mon geste précédent. Il demeurait cependant plus intrigué que réellement en colère. Sans doute ses fonctions l’obligeaient-elles à se montrer intransigeant sur ce genre de comportement. Néanmoins il resta polie et se présenta. Il s’appelait Bankichi (banc qui chie) et souhaitait connaître les raisons de ma venue au village. Je le compris bien vite, mon entrée dans le village en tant que civil ou en tant que prisonnier dépendrait grandement de la teneur de mes propos. Aussi, je pris le temps de le toiser du regard, de garder quelques secondes le silence.

Je fis bien puisque pendant que je réfléchissais, une fleur poussa de nulle part près de ma semelle. J’entendis alors une voix sortir de nulle part, profonde et virile. Je levais les yeux et pu admirer l’une des plus grandes abominations qu’il m’ait été donné de contempler : un barbare à la peau sombre et aux cheveux verts d’environ deux mètres. Ce dernier, comme si son gigantisme ne suffisait pas, était accompagné d’un énorme ours brun. Et quelle fut ma surprise lorsque l’animal se mit à parler en langage humain. J’appris plus tard que l’homme s’appelait Kuma et que son compagnon à poil ras se nommait Kuroi. Je compris alors que j’étais venu au bon endroit. J’allais ici en apprendre plus sur le monde que nulle part ailleurs. C’était dans les villages ninjas que résidait la solution et c’était dans les villages ninjas que j’allais commencer à bâtir mes plans. Aussi j’écoutais attentivement Kuma avant de prendre une profonde inspiration et de me mettre à mon tour à m’exprimer.

« Je viens ici dans le but de rencontrer de nouvelles personnes et de découvrir le monde. Je n’ai quitté mon monastère qu’il y a peu de temps et je n’ai que des intentions pacifiques. Aussi si je peux me rendre utile pour le village en échange de mon séjour, je serais heureux d’exécuter certaines tâches. »

Je ne le savais pas encore, mais j’étais empli d’une force particulière. Mes entrainements au monastère que j’avais cru normaux et habituel pour tout shinobis avaient en fait été de véritables calvaires que je m’étais imposé à moi-même. Ces entrainements, en plus d’une force étrange qui m’accompagnait depuis ma naissance, me procurait un chakra puissant et une aura imposante dont je n’avais encore aucunement cure. Que dire, j’étais encore un ignorant. Je souhaitais découvrir le monde et ses vices mais ignorait tout le pouvoir qui résidait entre mes mains. Mais mes interlocuteurs ; Kuma et Bankichi, eux, ne le savaient que trop bien. Ils pouvaient sentir mon aura et c’est bien cela qui les avait menés à moi. Aussi devais-je les surprendre avec mon attitude quelques peu innocente. Une fois de plus je m’inclinais devant les deux hommes, comme pour m’excuser de ne pas avoir pu me présenter directement à eux.

« Guerre, ancien moine de la funeste mission du soleil couchant, à votre service. »

Ils devaient en avoir entendu parler de toute façon. Un massacre de religieux comme celui-ci, cela n’arrivait pas tous les jours. Et puis, il suffisait de s’attarder un tant soit peu aux nouvelles ou juste de discuter avec ses collègues pour que ce genre d’informations remonte. Aussi je profitais de cette inclinaison de mon bassin pour ranger mon bâton dans mon sac. Comme l’avait-dit Bankichi, il ne me serait pas favorable de l’utiliser à nouveau devant des membres de ce village.

« Que désirez-vous savoir de plus avant de décider si je peux oui ou non entrer ? »

Mes traits vieillots faisaient contraste avec mon attitude innocente. Mais qui aurait bien pu croire qu’au milieu de toute cette innocence se trouvait un homme dépourvu de compassion et d’amour. Je n’étais pas la haine, mais j’étais l’indifférence. La véritable signification du psychopathe intelligent. C’était une maladie que je me devais de porter cependant comme un fardeau. Je ne l’avais pas choisi. Mais j’étais encore en train de me découvrir.

Je suscitais réellement l’intérêt de ces Konohajins. Deux m’avaient rejoins devant les portes et le garde impotent et insolent n’était désormais plus un membre de l’équation. Il avait profité de la présence de ses deux compères, autrement plus puissants que lui, pour discrètement prendre la poudre d’escampette. Cela valait en effet mieux pour lui. Se montrer trop hautain peut se révéler dangereux lorsque l’on tombe sur de mauvaises personnes. Mais j’essayais de ne pas trop penser à lui, je me concentrais plus sur les questions qui m’étaient tout d’un coup posé. Il en pleuvait des deux partis mais c’est bien Bankishi qui semblait le plus insistant. Aussi je me retournais plus de son côté et le fixais du regard tandis qu’il finissait de poser sa question.

« Je viens dans les villages shinobis pour perfectionner mon art du combat avec eux. En effet, je n’ai pas quitté mon monastère pour accepter une vie de méditation. De plus, les shinobis sont autrement plus intéressants que les civils normaux, toute une différente manière de penser ; de réfléchir. Vous ne pourrez pas me contredire sur ce point je suppose. »

Je m’exprimais avec beaucoup de calme et ma voix était teintée d’une sorte de spiritualité lugubre. Comme si je savais à l’avance que les questions qui me seraient posées ne me déstabiliseraient pas. Et le pire, c’était que j’étais conscient de mon effet. Je le contrôlais tout bonnement. Inutile donc de préciser que j’accordais une importance capitale aux réactions physionomiques de mes interlocuteurs. Après tout, c’était sur mes propos que se déciderait mon entrée ou non dans l’enceinte du village caché des feuilles. Bankishi m’écouta et me demanda de promettre sur l’honneur des moines que je n’attenterais pas aux intérêts de son village de quelques manières que ce soit. Mon regard s’éleva alors au-dessus de lui, vers les portes immenses qui me barraient la route. Je n’avais pas encore connaissance de mon pouvoir, pas connaissance du chaos que j’étais capable de provoquer. Eux pourtant, avaient l’air de saisir l’étendu du danger. Un pari risquer que d’accepter un moine déchu tel que moi sur la simple preuve d’une bonne promesse, mais sans doute avaient-ils raison. Je n’étais pas encore prêt psychologiquement pour faire le mal. Du moins pas à le commettre de mes propres mains.

« Je ne suis plus moine, mais je vous jure sur mon honneur et sur Maskine que tant que je serais à l’intérieur de votre village, vous n’aurez pas à vous inquiéter pour ce dernier car je ne ferais rien qui attente à ses intérêts. »

Tout en jurant, je levais la main droite vers le ciel et gardais mes deux interlocuteurs dans mon champ de vision. L’ourse même demeura silencieux mais finit bien vite par rouvrir sa gueule pour encore sortir phrases à la consonance humaine. Je ne m’étais pas encore habitué à cet effet et le seul fait de l’entendre réveillait chez moi une curiosité malsaine. Un instant je me demandais ce que je pourrais bien retrouver à l’intérieur de lui si je l’éventrais : la même constitution que les autres membres de son espèce ? Et son cerveau, était-il de la même taille bien que ce dernier puisse maitriser le langage des hommes ? Il se rapprocha encore plus et me renifla curieusement. Un instant je voulus me reculer mais je voyais bien qu’il ne souhaitait pas me faire du mal. Ainsi je me contentais de le laisser me sonder de son énorme museau. Il me demanda alors si j’avais rencontré d’autres ours. Je me mis à rire d’un bon rire d’enfant avant de placer une main sur sa tête, dépourvu de la moindre frayeur.

« Non, c’est l’odeur qu’ont les hommes qui ne se sont pas lavés depuis longtemps. Ton maitre à raison, j’aurais bien besoin d’un petit bain. »

Un sourire large s’afficha sur mon visage. J’avais maintenant compris comment tout cela fonctionnait et j’étais pratiquement sûr de passer outre les dernières défenses de mes interlocuteurs avec ce rictus innocent. J’étais maintenant un jeune moine en quête de savoir et d’entrainement. J’étais un homme comme un autre, sauf que le destin en avait eu après moi et que je me retrouvais malheureusement aux portes d’un village shinobi. Qu’importait si leurs objectifs étaient de me faire shinobi de Konoha ou juste de me tenir à l’œil au cas où je serais un éventuel ennemi ; je sentais que je touchais au but et que très bientôt, je passerais les remparts de Konoha.

« Vous devez comprendre, messieurs, que je suis entièrement soumis à votre règlement et que je ne chercherais pas à causer le moindre trouble. Je fus d’ailleurs conditionné pour être telle l’eau ruisselante un soir d’été… »

Et voilà que j’enchainais avec la métaphore religieuse sur la méditation. Honnêtement, je me trouvais assez habile dans mes choix de paroles. Cette dernière leur montrerait que j’étais effectivement excentrique mais que j’étais bel et bien inoffensif, qu’allaient-t-ils choisir ?

Spoiler: