Mais que font les parents? C'était à se demander parfois! Laisser des enfants jouer dans une grotte sans surveillance? Et puis quoi encore? Je n'étais certainement pas le type le plus mature de Suna mais j'avais quand même compris qu'il fallait toujours garder un oeil sur ces morveux. Ce n'était même plus une question de principe mais plutôt de bon sens élémentaire. Et voila qu'à cause de géniteurs indignes des gosses s'étaient retrouvés enfermés sous de la roche! Et qui c'est qu'on appelait pour les sauver? Hein? Ben forcément, Bibi!

Bon cette fois j'allais être accompagné de Tsukiko et j'étais assez content je dois dire! C'était la première mission que l'on faisait ensemble et ça allait être l'occasion de voir si nous arrivions à travailler ensemble. C'était une bonne chose d'ailleurs puisque j'allais accompagner la demoiselle lors de son voyage! On pourrait ainsi mettre certaines choses au point et voir si ce travail d'équipe allait porter ses fruits. Chouette, pas vrai?

Je pris donc tout le matériel dont j'avais besoin, des habituels kunaïs aux cordes et différentes choses réservées à la spéléologie en général. Je scellai le tout dans un sceau pour éviter de tout devoir porter à mains nues ou sur mon dos et gagner ainsi de l'énergie pour me balader dans le désert. Je n'avais pas de grands soucis à me faire dans la mesure où je le connaissais pas coeur et qu'avoir une Kawaguchi comme partenaire dans cet environnement amoindrissait encore le danger. Du moins si elle n'avait plus ses bracelets d'entrave. Au pire je les lui ferai sauter histoire de m'assurer qu'elle pourrait se battre en cas de besoin. Mais vu la donnée de mission on ne risquait pas grand chose de ce côté-là n'est-ce pas?

Je pris également soin d'emporter des vivres en quantité auxquelles je fis subir le même sort que mon matériel. Si jamais les enfants avaient faim ou soif après leur séjour dans cette grotte nous aurions de quoi les sustenter. J'ajoutai encore quelques kits de soins avant de finalement me rendre à la voie illusionnée où je devais rejoindre la jeune femme. Je m'en écartai peu après pour pénétrer dans le désert qui léchait les murailles et attendre son arrivée. J'en profitai également pour relire l'ordre de mission une nouvelle fois:

Ordre de mission:

Comme d'habitude j'étais paré de mon attitude désinvolte mais j'étais conscient que nous devions agir vite pour sauver les enfants. Le manque d'oxygène, des blessures, la présence de bêtes sauvages au plus profond de la grotte... Autant de danger auxquels ils pourraient être confrontés si la malchance passait par là! J'espérais pourtant qu'ils seraient sains et saufs et que nous n'aurions pas à déplorer des pertes humaines. Mais quand une paroi se détache ce n'est pas évident d'éviter la mort...

- "Salut Tsuki!" fis-je en la gratifiant d'un signe de la main quand elle arriva. "Parée pour ce sauvetage?"

Je posai le regard sur ses poignets pour vérifier la présence ou non de ses bracelets mais ses vêtements les cachait. Du coup...

- "Dis-moi, tu as toujours tes entraves? Ta maîtrise du sable pourrait nous être utile pour soulever des roches ou ce genre de choses! À main nues, j'ai peu de chance d'y arriver et encore moins de briser les obstacles sur notre route..."

Voilà, j'allais rapidement être fixé...

- Je refuse, annonça-t-elle de but en blanc. Et ne prétendez pas qu’il manque des effectifs. Demandez directement au chef du clan Kawaguchi !
- C’est que c’est lui qui vous a confié cette mission.
- Je refuse.

Et sans écouter davantage, elle claqua la porte aux nez du pauvre homme ayant apporté l’ordre de mission. Connaissant la teneur de la mission, et donc de son urgence, ainsi que les compétences de la jeune fille – les Kawaguchi avaient su faire leur petit nom dans Suna -, il n’abandonna pas pour autant. Il avait compris qu’il ne pourrait parvenir à atteindre le cœur de pierre de la blonde en travers des ordres. Pire, l’acculer semblait rendre la chose encore plus odieuse et insupportable.

Il fallait un autre angle d’approche.

- Les enfants étouffent. Peut-être … y a-t-il eu des morts. Si je perds mon temps à retrouver un autre Kawaguchi … Si j’appelle le vieux chef de clan … Ce n’est que des pertes de temps.

Les Kawaguchi n’étaient pas tous Shinobis et tous ne maîtrisaient pas le Sunaton – certains ayant préférés la vie de civile que la vie de Shinobi -. Enfin, le chef de clan était vieux. Le temps de le trouver, d’avoir droit à un entrevue avec et de l’amener à la grotte, tous les enfants mourront, asphyxié.

Traitant le destin de tous les noms d’oiseaux possibles et imaginables, elle refit face à l’homme, récupéra l’ordre de missions, et quitta son lieu de vie. Elle maugréait tout le long du chemin, insultant copieusement au passage le chef de clan qui avait eu la sublime idée de lui assigner cette mission. Pire, il avait trouvé bon d’ajouter une petite note forte amusante qui, en résumé, disait qu’il serait temps qu’elle fasse usage de son sable.

Et sa phobie du sable ? Elle n’était guère guérie !
Son caractère lunatique ? Elle ne faisait que s’aggraver.

« Et Shinji … il manquait plus que ça ».

Suite à la fouille de la demeure de Yogan, les deux s’étaient entendus à ne pas parler de cette enquête en plein milieu de la rue ou se rencontrer comme ça. Enfin, il était au courant pour ses entraves et elle ne souhaitait guère en parler .... Maudite mission.

Sa mauvaise humeur s'aggrava lorsqu'elle se sentit surveillée. Sauf qu’elle était triplement surveillée. Entre le clan qui voulait s’assurer que son membre fou ne faisait pas des bêtises, son maître d’équipe qui souhaitait encore garder un œil sur sa protégée et les mystérieux complices de la mort présumé des Conseillers … les espions devaient commencer à se griller entre eux à ce rythme.

- JE VAIS BIEN, finit-elle par hurler au milieu de la rue, à l’intention du ciel – ou des espions. Comment pouvait-elle être détendue avec toutes ces paires de yeux invisibles, existantes ou non, en train de l’observer ?

Se détendre ? On lui demandait l’impossible. Il fallait qu’elle quitte Suna. C’était sa seule et unique solution pour reprendre … ses esprits. Et la paix.

Elle finit par arriver et sans surprise, elle y vit Shinji, adossé, avec une clope au bec. Elle l’appréciait le borgne mais aujourd’hui, elle n’était juste pas d’humeur.

- Oui je les ai, un problème avec ? répondit-elle avec un ton extrêmement colérique et énervé. En temps ordinaire, elle l’appréciait. Mais aujourd’hui, elle n’était pas d’humeur à apprécier quiconque et spécialement ceux faisant référence à ses entraves.

Enervée de s’être énervée – suivez l’enchaînement !-, elle aida Shinji à porter les vivres ou encore les deux ou trois matériels.

- Je n’enlèverai pas les entraves comme ça. Et non, je n’ai pas accepté la mission, on me l’a imposé. Par le chef de clan. Oui il est au courant de mon état. Et non je ne suis pas d’humeur à parler de mes malheurs. Et ne t’inquiètes pas, on trouvera une solution pour ces enfants.

Elle était sacrément sur les nerfs, à croire qu’elle avait ses règles la demoiselle. Elle ne marcha que cinq minutes avant de s’arrêter, soupirer longuement et faire face à Shinji. Elle détestait cette étape mais cela s’imposait.

- Ecoute … je suis désolée. Je suis …. Juste sur les nerfs. Je ne suis pas censée avoir de missions vu mon état et on m’en impose. Et une en lien avec … la vie et la mort d’enfants. J’ai … Ne traînons pas, allons-y, finit-elle par dire la gorge nouée par les émotions.

Pleurer n’était plus permis – elle n’avait plus de larmes au final -. Cependant, cela ne signifiait pas non plus être une parfaite machine sans âme ou émotion. Cette mission l’angoissait. Et la stressait. En réponse à cet état un brin trop nerveux, ses bracelets se mirent à briller.

« Génial … s’il faut exploser les sceaux, je suis toujours inapte à maîtriser le sable ». Ses émotions influaient encore et toujours sur sa maîtrise du chakra. La frontière entre la vie et la mort n’était que très mince dans cet état. Elle pourrait être paniquée un brin de trop et accidentellement resserrer le sable sur les pauvres enfants, les tuant donc au passage.

Cette idée l’effrayait. La tétanisait même.

- On trouvera une solution. Sans sunaton. Tu m’as compris ?

C’était plus une remarque qu’une question. Le ton n’était pas assuré comme à l’ordinaire mais tremblante, indiquant clairement la peur de la blonde. Cela devait être la première fois que Shinji voyait Tsukiko dans cet état. Elle avait pu rire, pleurer, avoir peur ou être en colère jusqu’à maintenant mais jamais elle n’avait montré un tel degré d’insécurité, d’incertitude et de frayeur. Plus ils avançaient dans le désert et plus ces sentiments se renforçaient.

Il y avait trop de sable.

Je savais qu'il se passait certaines choses dans la vie de Tsukiko en ce moments et qu'elle en était amoindrie. Je la connaissais assez maintenant pour voir quand ça n'allait pas et si je n'arrivais pas vraiment à mettre un nom sur ce qui l'ennuyait, je percevais néanmoins son mal-être. Toutefois je ne m'étais pas attendu à une réponse aussi véhémente de sa part à une question qui se voulait simple et dénuée de reproches. Je haussai un sourcil alors qu'elle me répondais sèchement comme pour lui signaler que sa réaction me laissait sceptique tandis qu'elle récupérait une partie du matériel que je n'avais pas scellé.

- "Non, pas de problèmes!" répondis-je en haussant les épaules et en gardant une voie neutre. "Je m'interroge c'est tout..."

Elle avait ses règles ou quoi? S'ensuivit un enchaînement quant au fait qu'elle ne les enlèverait pas, qu'elle n'avait pas choisi cette mission mais qu'elle lui avait été imposée et qu'elle ne souhaitait pas parler de ses malheurs. Bon et bien au moins ça avait le mérite d'être clair! Autrement dit il valait mieux ne pas insister sur le sujet même si en tant que shinobi que je considérais presque comme une soeur - même si je ne souhaitais pas le lui avouer - j'avais évidemment envie d'en apprendre plus. Et pas par curiosité mais bien pour l'aider si toutefois c'était en mon pouvoir.

- "Salut Shinji!" lâchai-je en aparté tandis qu'elle s'éloignait. "Moi aussi ça me fait plaisir de te voir! Comment tu vas?"

Il ne fallut toutefois pas plus de cinq minutes pour qu'elle s'arrête et se tourne vers moi, prenant visiblement conscience du fait qu'elle avait été plus cassante que mérité. Elle s'excusa donc en avançant quelques arguments pour expliquer son état. Elle était sur les nerfs? Sans blague? Même un aveugle aurait vu qu'elle n'était pas dans son assiette... Je levai une main apaisante et lui décochai un petit sourire pour lui signaler que je ne lui en voulais pas même si je ne voyais pas non plus pourquoi elle aurait du être dispensée de ce genre de missions. Elle allait mal? Et alors? Nos états d'âme importaient peu quand on était shinobi! Nous étions là pour exécuter les ordres, point! On servait Suna avant nous-même et si j'étais partisan d'un peu d'humanité dans les relations militaires il n'en restait pas moins que les choses étaient ainsi. Et puis si elle avait été désignée pour cette mission c'est qu'on l'en pensait capable...

Le soucis c'est peut-être qu'elle ne s'était pas confiée aux bonnes personnes ou qu'elle avait préféré tout garder pour elle au lieu de s'ouvrir. Peut-être même que les autorités n'étaient pas au courant des problèmes qu'elle traversait. Dès lors il semblait normal qu'elle soit affectée à des missions comme si de rien n'était. Étais-je sensé ignorer ses soucis et son malaise pour respecter sa volonté ou mon rôle d'ami m'imposait de la forcer à se confier et à se lâcher? Si je doutais encore, sa dernière remarque quant au fait que nous ne pouvions pas compter sur le Sunaton - et surtout sur la peur qui transpirait dans son ton - acheva de me convaincre.

Je saisis la main de la demoiselle pour la forcer à se retourner et je la pris dans mes bras en espérant que ça parvenait à la calmer quelque peu. Parfois les simples gestes comme celui-ci valent bien tous les longs discours et se veulent également plus révélateurs. L'étreinte fut aussi brève que nécessaire avant que je m'écarte d'elle en posant mes mains sur ses épaules pour les masser doucement:

- "Bon écoute... Je sais que ce n'est pas facile pour toi ces temps et je respecte ton choix de ne pas vouloir t'étaler sur le sujet. Je ne vais pas te pousser à la confidence si tu souhaites garder tout ça pour toi mais j'espère que tu sais que tu peux compter sur moi si tu as envie de parler! Tes secrets sont en sécurité avec moi, tu peux me faire confiance!" lâchai-je, un brin contrit. "Quoi qu'il en soit si tu ne te sens pas apte pour cette mission et que tu préfères rentrer à Suna, fais-le d'accord? Je ne t'en voudrai pas et je dirai que tu étais avec moi! Là je crois que tu dois penser à toi avant les autres. Et puis je peux très bien me charger seul de cette mission..."

Je lui décochai un clin d'oeil sans même m'en rendre compte avant de terminer mon joint et l'écraser entre mes doigts avant de le glisser dans ma poche! Règle numéro une: on ne pollue pas le désert et on le préserve autant que possible! Je fis mine de continuer avant de me raviser et me tourner à nouveau vers la demoiselle:

- "En fait c'est aussi valable si tu ne te sens pas capable de mener à bien cette tâche!" ajoutai-je. "Chaque minute est précieuse et doit être entièrement dédiée à la survie de ces gosses! Crois bien que ça m'ennuie de te dire ça mais je ne veux pas de quelqu'un qui me retarde! On ne peut pas se concentrer sur deux problèmes à la fois..."

Bon là, d'accord, c'était un peu le monde à l'envers... J'étais rarement l'exemple du shinobi parfait en mission mais si on me reprochait souvent ma nonchalance ou mon abnégation, il n'y avait aucune raison que je ne plaigne pas non plus en retour quand les choses n'allaient pas dans mon sens. Pourtant le but n'était évidemment pas de la blesser ou quoi que ce soit dans ce genre-là. Je voulais simplement aider même si la manière laissait sûrement à désirer. J'espérais qu'elle se révolterait contre ce que je venais de lui dire puisque c'était l'hopital qui se foutait de la charité. Mais ainsi je retrouverais une Tsukiko combattive et pas celle, apeurée, que j'avais en face de moi. Qu'elle en vienne à me détester si elle le désirait! Tant que j'arrivais à chasser quelques instants de son esprit la peur qui semblait la ronger...

- "Choisis mais choisis vite!" ajoutai-je en reprenant la route.

J'espérais que ma remarque allait peut-être servir de déclic même si j'en doutais. Si les rôles avaient été inversés je suppose que j'aurais mal pris mes propres remarques. Tsukiko me connaissait mais pas sous cet angle-là et j'appréhendais un peu sa réaction. J'avais envie qu'elle m'accompagne et qu'elle vainque la peur qui semblait la ronger. Et j'espérais que je pourrais l'aider au moins un petit peu à y arriver. N'était-ce pas mon rôle d'ami?

- Je renonce. Je rentre. Bon courage pour la mission, dit-elle avec une voix des plus froides et implacables.

Elle posa le matériel en main et sans un regard supplémentaire, elle tourna son dos pour se diriger tout droit vers les portes de Suna. Elle ne se retournait pas parce qu’elle manquait de cœur ou qu’elle se fichait royalement de Shinji, mais par crainte que sa volonté ne se fléchisse et qu’elle ne fasse cette mission. Comme l’avait dit si bien son partenaire, elle le ralentirait davantage – voire compliquerait la mission avec sa maîtrise bancale du Sunaton.

Cependant, chaque pas contribuait à accentuer sa culpabilité. Tout d’abord naissante et discrète, elle avait fini par envahir tout l’être de la demoiselle. Est-ce que le sable pouvait parler ? Est-ce que le vent pouvait faire preuve d’un discours construit ? Il semblerait car elle avait la sensation que tout son environnement ne cessait de lui parler tantôt pour l’injurier d’abandonner ainsi son coéquipier et des enfants tantôt pour la raisonner et la rassurer.

Elle s’arrêta finalement pour regarder par-dessus l’épaule. Shinji avait disparu de vue. Elle tourna ensuite le regard vers les portes de Suna … elles étaient là, imposantes, majestueuses, comme inviolables. Mais menaçantes aussi. Elle avait, à nouveau, l’impression que ces murs étaient des juges implacables dont le silence lourd accusait de sa couardise.

« J’ai juré de protéger Suna et ses habitants. J’ai juré de devenir une Kunoichi forte et puissante. J’ai juré … d’être une Shinobi ».

Et Shinobi signifiait de penser aux autres avant sa personne. Shinobi signifiait également les ordres avant ses désirs personnels. Elle devait retourner auprès de Shinji et tenter d’y apporter son aide, aussi mince soit-elle. Oui, elle allait retourner.

« Ne rien faire est également un choix et une action. S’ils meurent … Je serais tout aussi coupable que si j’avais participé et tenté d’aider ».

Faire quelque chose comme ne rien faire étaient deux actions avec deux conséquences. Ne rien faire ne signifiait pas tirer drapeau blanc et se débarrasser de toute responsabilité, surtout lorsque des vies humaines étaient en jeu. Surtout si c’était des enfants … A cette pensée, un étrange souvenir l’envahit, renforçant définitivement sa volonté de tenter quelque chose.

« Je suis vivante aujourd’hui grâce à certaines personnes. Surtout un homme … qui a risqué sa vie pour moi ».

Un souvenir du pays du Feu à nouveau. Et une douce nostalgie, tout de même amère à bien réfléchir, l’envahit. La mine sombre, elle refit demi-tour et rejoignit Shinji. Elle voyait sa silhouette nonchalante au loin mais toujours au loin. Il avançait trop vite comparé à elle.

« Peu de chakra, peu d’entraînement … peu d’endurance ».

Elle ne fit pas signe. Elle préférait qu’il atteigne les enfants le plus rapidement possible. Elle le rejoindra un tantinet plus tardivement mais elle le rejoindra quand même. C’est ce qui se passa d’ailleurs. A peine le borgne avait-il commencé à examiner les environs que Tsukiko fit irruption.

- Je ne veux pas dormir avec la conscience lourde ce soir. Je ne veux pas me dire « Et si » … Je ne veux plus regretter.

Quitte à commettre des erreurs, elle ferait ce qu’elle avait à faire à son sens. Elle ne voulait plus vivre pour autrui, dans une vie parsemée de regrets et de « si ». La vie d’un Shinobi était courte et elle ne voulait pas voir le défilement de sa vie comme une suite de mauvaises décisions qu’elle regrettait. Elle ne voulait pas que sa couardise d’aujourd’hui fasse partie de ce rouleau de vie déprimant.

Elle avait été tant perdue dans ses pensées qu’elle n’avait pas remarqué une étrangeté dans l’anatomie du partenaire. Ce dernier dissimulait à nouveau son oeil. N'avait-il pas remplacé cette orbite vide par un oeil artificiel en verre? Pourquoi faisait-il donc encore appel à un bandeau?

- Pourquoi remets-tu ton bandeau ? demanda-t-elle avec surprise.

Certes la situation était urgente mais ... elle préférait comprendre cela d'abord. Son coéquipier agissait rarement sans raison et elle souhaiterait, s'il le voulait étant donné qu'elle cachait elle-même pas mal de chose, qu'il partage les raisons. Qu'elle sache en somme à quoi s'attendre.

- Il faut qu’on s’active. J’ai déjà été dans cette grotte … elle en cache des horreurs.

Les horreurs … elles en pullulaient.

- Lors d’une exploration avec un petit groupe, on s’est pas mal enfoncé. Il y a d’énormes serpents … et aussi des gamins abandonnés au plus profond de la grotte qui sont plus des bêtes carnivores que des humains. Les autorités … ont récupéré une partie mais j’ai peur qu’un ou deux traîne encore. Cette zone était censée être interdite !

Elle préférait passer au silence le fait que sur les trois enfants dénichés, deux avaient été tué sur le coup. Bien trop insubordonné, bien trop sauvage, bien trop dangereux, bien trop … inhumain. On pouvait être inhumain, à l’image des Shinobi « accomplis » ou « parfaits », mais si aucun contrôle n’était exercé, c’était tout simplement dangereux.

A tuer.

- Dépêchons-nous …

Elle sentit bien le regard insistent de Shinji sur ses bracelets.

- Je … Je ne suis pas sûre.

J'étais franchement surpris que Tsukiko décide de rentrer mais après tout si elle ne sentait pas apte à remplir notre mission c'était peut-être mieux ainsi. Dommage car j'étais content de pouvoir remplir cette tâche avec elle d'autant plus que c'était la première que nous aurions pu accomplir ensemble. Mais même si les enfants étaient importants le bien-être de mon amie l'était tout autant. Je la regardai un instant s'éloigner, poussant un léger soupire avant de ramasser le matériel qu'elle avait déposé sur le sol. Bon et bien il ne me restait plus qu'à poursuivre seul...

Je poursuivis donc ma progression en faisant des pauses régulières pour m'hydrater. J'étais satisfait de constater que l'alcool ne me manquait plus autant qu'avant et que mon corps s'était habitué à son absence. Rien d'étonnant finalement puisque cette fois - au contraire de la première - j'avais su à quoi m'attendre. Les tremblements, les crises et les sauts d'humeurs. Tant de choses que j'avais déjà vécues et que je savais mieux appréhender. Encore quelques semaines et peut-être que je serais enfin libéré de mon addiction à ces breuvages qui vous ouvraient les portes des paradis artificiels. Dans le cas contraire j'avais de toute façon mon sceau pour me protéger de moi-même...

J'avançai seul à peu près une heure, jetant des regards réguliers autours de moi pour m'assurer qu'aucune menace ne faisait son apparition. Je vis bien une silhouette derrière-moi et je reconnus Tsukiko. Pour autant je décidai de ne pas m'arrêter tout de suite et lui laisser un peu de temps pour avancer seule. Quoi qui puisse lui faire peur, il était peut-être judicieux de la laisser affronter seule ses démons pour l'instant. Pour qu'elle se prouve à elle-même qu'elle pouvait y arriver.

Elle me rejoignit un peu plus tard lorsque je fis une pause pour repérer les environs et me situer précisément dans le désert. M'aidant de rochers de taille impressionnante sur ma droite, je compris que nous avions fait à peu près le tiers du chemin. Cet interlude permit à Tsukiko de me rejoindre et lorsqu'elle fut à ma hauteur elle m'annonça qu'elle ne voulait pas avoir la mort de ces enfants sur la conscience et arrêter de regretter les choses.

- "Content de t'avoir à mes côtés!" répliquai-je simplement. "Je pense que tu as pris la bonne décision! Les regrets sont pires que tout et crois-moi je sais de quoi je parle..."

Une petite référence à Yami qui devait sûrement semblait énigmatique pour la Kawaguchi mais l'important n'était pas là. Ce qui comptait c'est que quel que soit ce qui la tracassait, elle avait su y faire face. Une bonne chose! Elle me questionna ensuite sur le bandeau qui me couvrait l'oeil et je lui répondis par un petit sourire en coin.

- "Disons qu'il y a quelques semaines j'ai failli mourir dans une grotte moi aussi..." avouai-je sur le ton du mystère. "Pour le reste je t'en parlerai peut-être si tu décides de t'ouvrir à moi en retour! C'est donnant-donnant!"

Je voulais la pousser à se confier mais pas non plus la forcer à m'avouer des choses qu'elle pouvait juger relever de son intimité. Je comptais donc sur son éventuelle curiosité pour en apprendre plus sur ce qui la tracassait même si j'avais des doutes quant à l'efficacité de cette méthode. Nous verrions bien... Quoi qu'il en soit elle avait déjà dû remarquer que je boitais légèrement depuis notre dernière rencontre.

La demoiselle poursuivit en parlant de la grotte vers laquelle nous nous dirigions. Elle y avait déjà été et visiblement elle contenait nombre de dangers. Serpents géants, enfants abandonnés qui survivaient en dévorant les imprudents qui s'y glissaient, roche instable... Autant de choses qui pouvaient rapidement mettre fin à l'existence des jeunes captifs. Oui, elle avait raison: nous devions nous dépêcher! Et c'est ce que nous fîmes...

Deux ou trois heures plus tard nous étions arrivés à l'entrée de la grotte. Des villageois s'affairaient à déblayer les décombres qui en interdisaient l'accès et s'ils avaient progressé il restait néanmoins pas mal de progrès à faire. On nous expliqua rapidement la situation qui était semblable à celle qui régissait notre ordre de mission. Malgré leurs efforts les choses n'avaient malheureusement pas beaucoup évoluées.

- "Je vais vous donner un coup de main!"

J'allai poser des parchemins explosifs à la puissance amplifiée grâce à des sceaux de ma spécialité à divers endroit stratégiques de l'éboulement. Le but n'était pas que le reste de la grotte s'effondre mais bien de nous ménager un accès à cette dernière. La Kawaguchi et moi éloignèrent tout le monde afin de les protéger de la déflagration imminente. Cette dernière eut lieu quelques secondes plus tard et lorsque la fumée se fut dissipé nous pûmes constater qu'un espace assez grand pour qu'on puisse s'y glisser avait été dégagé. J'allumai rapidement une torche avant de m'effacer pour désigner l'accès à Tsukiko:

- "Honneur aux dames!"

Une façon de lui montrer que je lui faisais toujours confiance et que je croyais en ses capacités malgré les bracelets qui entravaient son chakra...

Tsukiko était une jeune femme curieuse en temps ordinaire et elle aurait volontiers confié une ou deux anecdotes sans grandes importances – mais aux allures importantes vu que toute sa vie semblait être une grande tragédie grotesque – pour connaître le fin de cette histoire. Mais pas aujourd’hui. Son cœur battait tant la chamade qu’elle avait l’impression de ne plus rien entendre hormis le « boum boum » des plus affolés de ce moteur. Ses oreilles bourdonnaient, son corps tremblait, sa mâchoire se crispait, ses yeux exprimaient une profonde peur … et elle suait terriblement.

- Honneur aux dames.

Sans un mot, elle s’empara de la torche et se glissa dans l’ouverture. Comment pourrions-nous décrire sa peur exactement ? Plus elle se rendait compte de son environnement, et plus elle frôlait la crise cardiaque – si ses bracelets avaient balancé des décharges, elle serait morte au vu de la tension -. Plus elle s’enfonçait dans ce dédale sombre de pierre et de sable, et plus elle avait du mal à mettre un pied devant l’autre.

« Tout est réel. Tout est réel. Ce n’est pas les Ruines … Ce n’est pas les Ruines … » se répéta-t-elle mentalement, incroyablement sur ses gardes. Par exemple, elle sursauta comme un vrai Kangourou lorsqu’elle entendit une pauvre gouttelette d’eau – ou une pierre tombée – s’écraser sur une paroi et résonner faiblement.

Elle finit par redonner la torche à Shinji, n’y voyant pas d’utilité. La tension était telle que ses bracelets brillaient fortement, apportant d’eux-même un petit chemin dans ce couloir sombre. Si cela paraissait utile pour l’Akuzu, c’était de très mauvais augure pour Tsukiko. Cela voulait dire qu’elle était « incontrôlable ». Si elle se libérait de ses bracelets, elle était plus un danger qu’autre chose.

« Tout est réel … »

- AH !

Elle était paniquée. Tellement paniquée que suite à un merveilleux jeu de lumière et d’ombre, elle crut voir la personne la plus détestable de son existence dans un coin de la grotte. Dans les faits, ce n’était qu’un mur de pierre étrangement formé, donnant l’impression d’avoir un visage humain grossier et surdimensionné.

- Ecoute, avance. Je te rejoins, finit-elle par dire en poussant Shinji devant elle.

Elle devait reprendre son souffle, et se calmer. Il fallait qu’elle inspire et expire pour retrouver ce calme qui la caractérisait tant jusqu’à ces récents événements. Plus les secondes s’écoulaient, et plus elle se calmait, et plus elle désespérait. Comment était-elle censée reprendre une vie « normale » si elle n’osait plus mettre un pied nulle part sans souffrir des démons du passé ? Comment pouvait-elle avancer en continuant à avoir peur ?

Plus que jamais, à cet instant, elle haïssait les Kawaguchi. Ou les clans en général. Et plus que jamais elle était déterminée à en avoir les rênes un jour, et faire payer à chaque homme et femme qui s’était moqué d’elle, qui l’avait réduit à cet état tantôt en vidant leur caisse, tantôt en les humiliant, tantôt en les abandonnant. Qu’importe le moyen, elle allait se venger pour ce mal fait.

Et c’était ce désir de vengeance qui l’obligeait à se relever et à tenter d’avancer.

- Il n’y aucun bruit …

Fort dommage que personne n’était senseur dans leur équipé. N’y a-t-il donc rien ni personne qui pouvait les aider à localiser les enfants ou au moins savoir s’ils vivaient ou non ? Comme si le destin avait entendu sa prière silencieuse, Soudainement, une ombre se profila non loin d’eux et finit par apparaître devant eux …

Je ne voyais pas grand chose dans cette obscurité éclairée seulement par le faisceau de nos lampes. Mais je sentais le stress de Tsukiko qui avait de plus en plus de mal à avancer. Qu'est-ce qu'il se passait? Privée de chakra à cause de ses bracelets elle était une proie facile et je n'étais pas non plus très à l'aise. La dernière fois que j'étais rentré dans une grotte j'avais failli y laisser la vie et je ne pouvais m'empêcher d'y repenser au fur et à mesure que nous progressions. Finalement la Kawaguchi poussa un léger cri et s'effaça pour me laisser passer devant elle.

- "Hors de question qu'on se sépare! Prends le temps de respirer un bon coup, je reste là!" fis-je sur un ton catégorique. "Comme si j'allais te laisser ici alors que tu as peur des ombres!"

Je lui avais pourtant demandé si elle souhaitait rentrer à Suna et elle avait décidé de m'accompagner en accord avec sa conscience. Mais pour l'instant elle n'était pas d'une grande aide malgré toute la sympathie que je lui portais. Ça ne me dérangeait pas en temps normal mais vu les circonstances j'avais besoin de pouvoir compter sur elle. Déjà parce que je n'étais pas très à l'aise moi-même mais aussi parce qu'il fallait sauver les enfants!

Elle me fit alors remarquer au bout d'un moment qu'il n'y avait pas le moindre bruit. Maintenant qu'elle le disait... L'ombre devint presque oppressante alors que je demandais si c'était l'effet de mon imagination où s'il y avait véritablement quelque chose qui ne tournait pas rond. Et lorsque je levai le faisceau de ma lampe torche et découvrit des paires d'yeux globuleux ainsi que de longs crochets bougeant de manière dépareillée, j'eus un mouvement de recul instinctif.

- "Heu... Il y a une saloperie de mygale géante juste là Tsuki..."
- "Menzo'ber'anzan!" tonna une voix sourde.

Je relevai la lueur de la torche vers la gueule du monstre qui venait de parler visiblement. Un Kuchiyose, ici? Celui-ci semblait parler une langue bizarre mais s'il pouvait communiquer avec nous il y avait peut-être moyen de trouver un arrangement.

- "Toi comprendre moi?" tentai-je alors en adoptant une posture apaisante. "Nous pas vouloir combattre toi! Toi pouvoir aider nous plutôt?"

Avant de comprendre quoi que ce soit un jet visqueux me propulsa en arrière et me plaqua contre la paroi de la grotte sans douceur. Ma lampe torche tomba sur le sol et éclaira le corps de la gigantesque araignée tapie entre le plafond et le sol de la grotte. Et son corps grouillait d'une manière alarmante. Je découvris avec horreur la raison de tout ceci quand des dizaines de formes sombres tombèrent au sol avant de se diriger vers moi. Je découvris en poussant une grimace qu'il s'agissait de petites araignées qui semblaient vouloir faire de moi un véritable festin. Et j'étais pris dans une toile d'araignée...

- "Vous êtes sur mon territoire!" reprit la voix. "Vous m'appartenez!"

Je tournai le regards vers Tsuki qui était également en train de se faire poursuivre par des répliques de la gigantesque araignée, certaines d'entre elles allant tisser des toiles pour nous empêcher de revenir sur nos pas. La Kawaguchi était libre de ses mouvements pour l'instant alors que je tentais de me libérer de ces liens collants et solides à la fois...