• Deux ans auparavant, au Pays des Vagues…
  
  La famille de Namiko venait de trouver refuge dans une petite crique située sur une presqu’île. Ce havre de paix temporaire les protégeait. Des falaises d’une hauteur d’environ vingt mètres entouraient une belle plage de fin sable blanc. Seul un petit chemin longeant le bord de l’eau permettait d’y accéder. A cet endroit, la guerre ne les atteignait pas. Loin des bains de sang et des tueries inutiles, ils se cachaient. Recueilli par un couple fuyant la misère, le jeune adolescent venait tout juste d’entrer dans sa treizième année. C’est lui qui avait repéré leur petit bastion. Courageux, il avait tenu à suppléer son père qui souffrait du dos. Planqués dans une grotte sur la rive opposée, ils avaient dû changer de cachette car un groupe de mercenaires s’étaient installés non loin d’eux. Namiko avait donc pris les devants pour protéger sa famille. Pourtant très jeune, il faisait preuve d’une maturité étonnante. Le quotidien de la guerre avait forgé son caractère dans le fer de la douleur. Quand chaque jour il faut risquer sa vie, on n’a pas le temps pour les enfantillages. Son père lui avait enseigné comment se défendre très tôt et il n’avait malheureusement pas connu une enfance facile. Respectueux, il n’en voulait pas à ses parents. Sans cela, il serait peut-être mort depuis longtemps.
  
  Le père de Namiko pêchait pour le repas du soir. C’était un excellent pêcheur et c’était pour cette raison que sa famille restait le plus souvent près de la mer ou des rivières. Le futur médecin était avec sa mère à leur camp et tentait de réparer leur cabane de fortune qui de jour en jour perdait de sa solidité à cause de l’air marin. Pour cela, il avait récupéré quelques planches de bateaux échoués un plus loin. Quelques mouettes accompagnaient de leurs cris le son des vagues. Le parfum salée de la grande bleue venait titiller les narines du garçon. C’était une journée banale pour lui. Du moins c’est ce qu’il croyait.
  Venant des eaux, une petite chaloupe approchait. A l’intérieur, un homme d’une carrure imposante se tenait. Il ramait avec une force surprenante et atteint la plage rapidement. A peine eut-il posé le pied sur le sable que Namiko comprit que les ennuis approchaient. Son visage balafré ne lui disait rien de bon. Vêtu d’une veste en jean trouée, il balança un énorme crachat au sol et avança vers le jeune et sa mère. Celle-ci le prit dans ses bras pour le protéger. Sans gêne, l’homme s’assit sur le tronc près du feu que la famille entretenait et regarda vers la femme.
  
  - Fais-moi à manger, j’ai faim. Grogna-t-il.
  
  Effrayé, la mère du garçon se précipita à exécuter les ordres. Cependant, Namiko ne le voyait pas de cet œil. Il prit une planche de bois au sol s’avança vers lui avec confiance. Enfin, il affichait de la confiance mais bien sûr à l’intérieur il hésitait et ne savait pas vraiment ce qu’il faisait. Trop fier pour se laisser marcher sur les pieds de la sorte, il prenait un gros risque.
  
  - Tu n’es pas le bienvenu ici. Pars !
  
  L’homme se leva, il faisait presque deux fois sa taille. Avec sa main, il aurait pu lui arracher la tête. Namiko tenta de lui porter un coup avec son arme improvisée mais il l’attrapa et de l’autre main il l’envoya au sol d’un simple revers.
  

Elle avançait à pas de loup. Furtive, agile, gracieuse et aussi haute que cinq pêches, Hana se faufilait discrètement entre les pattes de sa nouvelle victime. Une voleuse, cette enfant ? Évidemment que non, voyons. C’était juste un nouveau type de vie. Ce genre d’existence que l’on ne veut, généralement, pas croiser plus d’une fois. Son chapardé ? Cette fois, il était gras et lent. L’adolescente s’en amusait, d’ailleurs. Comment lui courir après quand on n’avait qu’une énergie de paresseux ? Un homme aussi grassouillet ne la rattraperait jamais et finirait par vite abandonner.

La demoiselle inspecta rapidement son butin. Elle ouvrit le sac préalablement fauché et y passa une main curieuse. Premier article trouvé : Du pain ! Youpi, c’était si habituel ! Le second fut plus intéressant. Il s’agissait d’une sorte de collier ou un truc du genre. Quel idiot. Cacher ses bijoux dans un tel sac. Etait-il ignare à ce point ? Ou était-ce de l’avarice ? Hana haussa les épaules. Peu lui importait. Ce qui était volé restait volé. Où se trouvait l’intérêt de rendre au chapardé ce qui lui avait été arraché ? La gamine sourit et continua sa fouille. Une bobine de fil. Avec du pain ? Quelle étrange idée. Elle soupira et farfouilla un peu plus. Une pomme. Intéressant. De l’eau ? Y avait-il de l’eau ? Hm … Sa main se hissa plus profondément … en vain. Il n’y avait pas d’eau. Nouveau soupir. Tant pis, il lui faudrait chercher ailleurs.

Se relevant doucement, une petite main serrant le sac consciencieusement, elle inspecta les alentours. Rien qui ne lui semblait familier. Si la vue lui faisait défaut, l’odorat l’aiderait peut-être ? Inspirant un grand coup, l’enfant repéra une délicieuse odeur salée. La mer … Elle ferma les yeux et se concentra un peu plus. Sa course l’avait menée non-loin d’oiseaux chanteurs … des mouettes ? Une crique ? Tant mieux ! Là où se trouvait la mer, forcément, se trouvait l’eau ! Un grand sourire naquit au coin de ses lèvres, dévoilant un visage extrêmement malicieux aux touches enfantines. Sa main toujours entourée autour du petit sac, elle se mit à courir. Crique, crique, crique … Bien.

À force de courir, la demoiselle arriva près d’un endroit où le soleil émanait de manière à ne pas éblouir tout en étant lumineux et rassurant. Hana pouvait également sentir la caresse d’un vent délicat sur sa peau frêle. Son sourire revint rapidement. Jusqu’à ce que tout bascule. Un bruit, un bateau, des gens. Elle tourna la tête. Une personne gigantesque … et un petit homme ? Puis il y avait quelqu’un d’autre, au loin.

Pourquoi ? Pourquoi tout devait-il se passer ainsi ? Pourquoi le temps était-il méchant, encore ? Pourquoi tant de rancœur envers cette famille ? Avaient-ils mérité ce qu’ils faisaient ? Non … Pas possible … La femme avait l’air bien trop affectée par cette présence. Il ne devait pas être le bienvenu.

D’une pression extrêmement forte – qui pourtant n’était pas si puissante vu la taille et la corpulence du géant –, le gamin fut renvoyé, s’écrasant au sol dans un vacarme qui fit quasiment peur à la demoiselle. Cependant, au lieu de se mettre à courir pour y échapper, Hana prit son courage à deux pattes et, du haut de ses cinq pêches bien mûres, elle se rendit près de l’homme. Sa démarche semblait assurée, trompant sa fausse peur de faiblir. Si les mains de la brute la heurtaient, elle serait cassée. Comme une poupée. « Je t’attrape, je te serre, je te casse, je te jette. » Il fallait éviter ça. À n’importe quel prix.

« — Eh ! Toi ! Tu veux pas t’en prendre à quelqu’un de ta taille ?! »

Téméraire. Toute petite et pourtant, elle était là et le fixait de ses yeux gris. Alors quoi, il allait faire quoi, hein ? Lever la main sur une gamine trois à quatre fois plus petite que lui ? Il était si lâche que ça ?
Puis, le géant se mit à rire, comme surpris de l’initiative de la gamine. Ne savait-il pas que c’était une voleuse ? Et qu’elle allait extrêmement vite ? Lui était gros et lourd. Ses mouvements ne s’accorderaient jamais à ceux de Hana. Il finirait écrasé par une toute petite personne. Ou deux. Dommage pour son honneur, non ?

D’une grosse main bien décidée, il tenta d’attraper la demoiselle. Rapidement, elle l’esquiva, ricanant doucement. Lui ? L’attraper alors qu’elle filait entre les pattes de n’importe quel être vivant ? Une souris pareille, écrasée entre les pattes d’un chat ? Haha ! Il rêvait beaucoup, le gros pépère. Hana se mit à une bonne distance de lui, se rapprochant du jeune.

« — Ca va aller ? Je suis désolée mais … Si on veut faire quelque chose contre cette grosse brute ridicule, il va falloir que tu m’aides … J’ai des fils et je cours très très vite. Il suffit juste de le faire tomber et après … On le frappera ! Tu es d’accord ? »

Elle le gratifia d’un grand sourire et s’écarta très rapidement pour que le marin boudiné ne l’attrape pas. Piochant rapidement dans son sac, Hana sortit la bobine de fil et commença à la dérouler. S’armant de ses petites dents, la demoiselle finit par en couper un long morceau avant de se jeter ardemment contre le gros machin. Il riait. Un peu comme s’il la sous-estimait. Cette réaction eut le don d’énerver l’adolescente qui, d’un coup, laissa place à sa « seconde moitié », Kaori. Contre elle, qu’il soit gros, grand, mince, petit, entre les deux, cela ne changeait rien. Il était toujours aussi faible. Une brindille contre un arbre. Et si la brindille brisait l’arbre, hein ? Il y pouvait quoi, lui ? Inutile. Futile. Débile.

« — Ridicule ! »

Une voix légèrement différente … Qui montrait bien la modification qui venait de s’opérer en Hana. La demoiselle brandit son fil avec beaucoup de confiance en elle. Lui ? Lui faire mal ? Il pouvait rêver. Clairement.

Spoiler:

• Au sol, mettant son bras en opposition prêt à subir un nouvel assaut, Namiko regardait avec défiance son adversaire. Plutôt lui que sa mère semblait traduire son regard. Et là, sortit de nulle part une inconnue. A point nommé, elle apparut telle une héroïne dans un vieux conte pour enfant. Sauvant la veuve et l’orphelin, malgré sa taille nettement inférieure au colosse bourru, elle s’opposa à lui comme le bouclier de la justice. Namiko ne savait pas ce qu’il allait advenir de la situation puisqu’elle ne semblait pas plus forte que lui et que même à deux ils auraient dû mal à en venir à bout. Néanmoins, elle lui donna la confiance nécessaire pour reprendre ses esprits et se relever. Elle n’était pas plus âgée que lui mais dégageait une assurance étonnante. Pour le distraire, elle l’interpella en le sommant de s’en prendre à quelqu’un de sa taille. Le jeune homme si elle était réellement forte ou si il bluffait mais une chose était sûre, elle ne manquait pas d’aplomb. Avec grâce, elle esquiva sa main géante sans aucune difficulté. Quelle rapidité ! Surpris, Namiko qui se frottait l’épaule encore un peu engourdie par le coup commença à penser que les choses pouvaient finalement bien tourner.
  
  Quand elle vint près lui pour se renseigner sur son état et lui proposer un semblant de stratégie, Namiko ne comprit pas tout. Il avait compris le message général mais il était encore étonné par ce qui lui arrivait. Cette jeune fille était prodigieuse. Malgré la guerre qui frappait le monde en ce moment, il existait encore des personnes capables de gestes de bonté. Le peuple qui souffrait de cette violence avait besoin de héros, de porteurs d’espoir. Le garçon fit signe à sa mère de rester en arrière.
  
  - Ça ira, merci. On s’occupe de lui maintenant.
  
  Namiko la vit sortir la ficelle qui devait leur permettre de le terrasser. Comment un bout de fil pouvait venir à bout de ce marin lourdaud ? Il n’en avait pas la moindre idée mais le temps n’était pas au doute. Il devait se mettre à la hauteur de sa coéquipière. A eux deux, ils formaient un duo fantastique qui devait anéantir le grand méchant de l’histoire. A cette époque, Namiko n’était pas encore un ninja et ne connaissait pas grand-chose des jutsus. Ainsi, il se battait avec ses propres moyens. Quelques coups physiques mal placés, des armes improvisées et son intelligence, voilà ce qu’il avait pour se défendre. Pendant ce temps, la jeune fille domptait le balourd avec son fil tel un dresseur de fauve. Quand elle parla à nouveau pour réagir aux ricanements provocateurs de celui-ci, Namiko nota un changement dans sa voix. Elle était plus sournoise, plus arrogante. Quelque chose s’était passé. Il ne savait pas en quoi mais son attitude était différente.
  
  Bon, il avait assez attendu et il fallait maintenant passer à l’action. Improvisant sur le moment, il balança un caillou dans la tête de sa cible. Instantanément, le gêneur se tourna vers lui et bougonna dans sa barbe.
  
  - Je ne suis pas fini et je t’ai dit que tu n’étais pas le bienvenu.
  
  Un coup classique, il prit une poigné de sable et la balança à son visage. Certes, ce n’était pas l’idée la plus ingénieuse qu’il avait eu mais ça avait le mérite de le gêner un moment. Profitant du court laps de temps où il serait occupé avec les grains blanchâtres, Namiko courut vers lui et se jeta de tout son poids, autant dire pas grand-chose, sur lui. Semblable à un boulet de canon, il se mit en boule et vint percuter son ennemi au niveau de l’estomac. Pas très stable à cause de sa masse corporelle, il tituba en arrière. Un peu sonné par son geste inconscient, Namiko se releva comme il put et continua son effort en le poussant de ses petits bras. Que faisait-il ? Il ne savait pas. Sa protectrice avait parlé de le mettre à terre alors il faisait ce qu’il pouvait. Cependant, le risque était toujours là et le colosse, dans sa chute, réussit à l’attraper par la taille. D’une seule main il en faisait presque le tour. Comme aspiré, le garçon le suivit dans son élan et frappa violemment le sol. Par réflexe, il mit ses bras en opposition et parvint à éviter le pire mais son nez percuta une pierre. Le visage ensablé et ensanglanté, il leva la tête pour voir comment était son ennemi. Il était énervé. Comme un animal coincé dans un piège, il se débattit en donnant des coups de pieds et poings mais cela semblait sans résultat.
  
  - Lâche-moi gros lard !
  
  Là, il lui cracha une gerbe de salive et de sang au visage. C’était le coup de trop et il devenait trop gesticulant. Le molosse se mit assis sans le lâcher. Avec sa main libre, il s’apprêtait à lui décocher une gifle qui l’aurait sûrement tué sur le coup ou au mieux l’aurait plongé dans un profond coma. Mais, même s’il était dans une situation critique, le plan de Namiko n’avait pas totalement foiré. Toute son attention était sur lui et il avait oublié la jeune fille. Sentant la fin arriver si elle ne bougeait pas, le garçon croisa son regard au loin et on pouvait clairement lire un appel à l’aide.
  

Quelle sale merde. Quel gros boudiné à la con. Comment osait-il seulement se croire au-dessus d’elle à cause de sa taille ? Comment pouvait-il la juger en un regard ? En un acte ? Comment, en une infime minute, faisait-il pour la décrire comme une brindille ? Lui, cet énorme lard qui ne méritait que la mort ? Ce n’était qu’un moins que rien, une poussière qui ne méritait même pas de revêtir la forme d’un humain ! Il n’avait droit qu’à du crachat, des coups et de l’ignorance ! Qu’il aille crever en enfer !

Hana serra son poing avec énormément de puissance, rageant silencieusement. Quel idiot. Elle lui ferait la peau et lui prouverait, tant bien que mal, que du haut de ses cinq pêches, elle le détruirait. Kaori, au fond de son être, lui insufflait une rage telle que même la taille du balourd ne l’intimidait plus. Rien ne la retenait. Il lui suffisait désormais juste de courir et d’agir astucieusement. C’était si peu pour elle. Désormais habituée à faire des coups fourbes, la demoiselle savait pertinemment que ce serait du gâteau. Le seul risque qu’elle courait résidait dans la force de son adversaire. Oh oui, un énorme tas de graisse pouvait se vanter d’une force fulgurante. Mais avait-il la vitesse nécessaire pour suivre Hana ? Telle était la question.

D’un coup, l’enfant s’élança avec grâce pour approcher du lourdaud. Si son coéquipier n’était pas encore capable de l’abattre par manque de puissance, elle, préférait lui mettre sa pâté en usant de ses faiblesses. Tout ce qui est gros est lent. Par extension, Hana savait pertinemment qu’en courant le plus vite possible et en jouant de sa rapidité, il n’arriverait à rien. De fait, avec malice, la jeune fille déroula son fil préalablement coupé. Profitant de sa petitesse, elle lui entoura les pieds, pendant qu’il tentait de se débattre, relâchant par ailleurs son emprise sur l’adolescent. Un sourire naquit sur les lèvres de Hana qui, toujours avec la voix de Kaori, reprit la parole, narquoise.

« — Ben alors, mon pépère ? Tu te vantes de ta puissance, tu écrases les gens et tu n’arrives pas à attraper une si petite souris ? Eh bien, tu perds beaucoup de ton honneur, là ! Tu me déçois beaucoup, tu sais ! C’est pourtant pas difficile, n’est-ce pas ? Allez, tends ton bras pour m’attraper ! Tends ton gros bras graisseux pour me mettre la bonne claque qui démange ta main ! Allez, allez ! »

Rapidement, la demoiselle s’écarta dans un mouvement acrobatique. Le fil toujours dans la main, elle regarda l’homme grogner avec rage. Lui ? Lui faire du mal ? Haha ! Mais il rêvait, voyons ! Puis, Hana, se mettant à rire, tira un grand coup sur ce qui devint la cage du marin. Il tituba et, de son gros corps, alla heurter le sol. Un grand bruit retentit après sa chute. La gamine se mit à rire, d’un coup.

« — Tu ne tiens plus debout ? Pauvre chou ! Tu veux … Un coup de main ? Oui ? D’accord ! »

Elle récupéra le bijou et se jeta sur lui avec. Son petit corps se hissa sur le sien et, subitement, en prenant tout l’élan possible, Hana lui asséna un grand coup de pierre précieuse en plein visage. Se mettant, par la suite, debout, la jeune fille lui écrasa la tête avec son pied et repartit. Il grognait de plus en plus. Après tout … Son honneur de marin venait de prendre une sacrée claque, avec ça. Hana le paierait. Du moins … S’il arrivait à l’attraper !

L’enfant s’écarta le plus possible, à la recherche d’un objet qui ferait office d’arme dans leur cas. Ses yeux scrutèrent avec attention les alentours. Cette crique était d’un vide affligeant. Mais, après quelques minutes à fouiller partout du regard, Hana sembla trouver son bonheur. Une sorte de barre de fer trainait, sur le sol. La gamine, voyant cela, crut entendre un appel au secours. Cette arme ne pouvait être ignorée. Après tout, elle lui tendait les bras, non ?

Se mettant de nouveau à courir, la demoiselle attrapa le morceau de fer et se retourna en direction du marin. Désormais, il avait deux raisons de se méfier de Hana ; premièrement, elle était très agile. Deuxièmement, elle était armée. Pauvre petit. Elle surveilla d’un œil l’adolescent pour vérifier qu’il ne se faisait pas de nouveau frapper et revint vite à la charge. Après la rapidité, la violence. Il fallait, pour être un bon combattant, savoir allier les deux. Hana n’était pas spécialement douée en ce qui concernait la puissance mais faisait ce qu’elle pouvait. De fait, à nouveau, elle prit de l’élan pour balancer, de toute sa force, la barre sur le marin.

Son regard de fouine scruta l’événement avec attention. La barre vint heurter les jambes du balourd avec violence. À bout-portant, Hana aurait été bien plus efficace, certes, mais l’effet n’en était pas moins considérable. Toujours aussi agilement, l’enfant se jeta sur l’homme. Trop confiante, elle ne vit pas ce qui causa sa plus grosse erreur. Ratant de peu une planche de bois usée précédemment par son coéquipier, la demoiselle chuta.

Son cœur s’accéléra, résonnant dans tout son corps comme si la fin approchait à grands pas. Elle se releva le plus vite possible et, quand ses yeux suivirent le mouvement, ils ne purent apercevoir le ciel bleu. Devant elle se tenait le colosse …

Elle le regarda fixement. Sa grande main bourrue s’éleva pour venir la chasser sèchement. C’était fini. D’ici quelques secondes, Hana se retrouverait à l’autre bout de la crique, à l’agonie. La gamine joint ses deux bras devant elle, comme pour se protéger. Au fond de son être, une petite voix lui disait que ce n’était pas nécessaire, puisque, dans tous les cas, son corps s’envolerait à coup sûr. Mais, une sorte d’espoir désespéré la parcourait. La mort ? Maintenant ? Non … Un miracle pouvait totalement arriver, après tout. Elle ferma les yeux, tandis que son cœur se mit à battre la chamade. Fini, fini, fini, fini …

GRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!

Hana rouvrit les yeux, constatant qu’elle était toujours debout, en bonne et due forme. Du sang avait giclé jusqu’à ses vêtements et le marin semblait en piteux état. Son hurlement ne pouvait qu’être significatif, après tout. Un clou traversait sa main de part et d’autre, transmettant une vision d’horreur à la demoiselle. Jamais, de toute sa vie, elle n’avait vu ça. Qu’importait le nombre de batailles, de course-poursuites ou autre, jamais une telle chose ne s’était produite. Traumatisme ? Non, tout de même pas. Mais elle resta immobile durant quelques secondes.

Puis, d’un coup, une voix la sortit de sa torpeur. Son « allié ». Il l’avait sauvée et, désormais, lançait la dernière offensive. Hana se reprit et hocha la tête. Il fallait mettre un terme à toute cette histoire. L’enfant s’élança au plus vite sur le flan du marin. Ficelle en main, elle lui montrait clairement quelles étaient ses intentions. Le ligoter. Petit saucisson. Il comprendrait ce que cela fait de s’attaquer à des personnes moins imposantes. Ce pauvre lâche se retrouvait désormais aux prises avec ceux qui, malgré leur taille et leur puissance, l’avaient vaincu.

Après quelques tours autour de lui, malgré ses mouvements rebelles, il fut ligoté entièrement. Ainsi, le chat s’était fait attraper par les souris. Puis, se secouant débilement pour tenter de se libérer, il tomba. Hana lui fit un très grand sourire et se décala pour ne pas recevoir tout son poids d’un coup. Il s’écrasa d’une manière peu glorieuse. L’enfant s’approcha doucement et, d’une voix marquée de moquerie, elle lui lança :

« — Eh bien, mon balourd ? On tombe à la renverse devant la puissance de deux « mômes » ? Allez, voyons, ne vois-tu pas que tu es à pleurer ? Vas-tu revenir les emmerder où dois-je finir mon travail et te zigouiller entièrement ? Après, je peux aussi te blesser encore un peu … Mais ta main … C’est p’têt’ suffisant, tu ne crois pas ? Comme vous dites, « j’me suis fait mousser », non ? Haha. »

Doucement, il bougonna, rageant légèrement. Hana lui mit un coup de pied en pleine tête, pendant qu’il se rattrapait, fondant en excuses. Gros marin détruit par de jeunes enfants. Ah, quelle poisse. Pauvre petit. Après tout, où avait-il vu que les gamins ne savaient pas se battre ? Les ninjas n’étaient-ils pas formés depuis leur plus jeune âge ? Idiot. Balourd incapable d’utiliser sa matière grise. La demoiselle lui asséna un nouveau coup et il se tut. Le silence apaisant …

Puis, la gamine releva la tête, lançant un regard au jeune brun face à elle.

« — Bon. Et maintenant, on en fait quoi ? Un saucisson à la mer ? Ce serait drôle, mais méchant. Indulgence ou Haine, tu préfères quoi ? »