« - Hé, gamin, tu comptes aller où comme ça ?
- Aucune idée, maintenant que vous le dites…
- Joue pas au con avec moi, tu viens faire quoi ici ?
- Je suis un voyageur, je suis ici seulement pour visiter
- C’est pas un endroit touristique ici. Tu peux y aller, mais fais gaffe, je t’ai à l’œil. »

« - Excusez moi, cette fête, c’est pour quoi ?
- J’en sais absolument rien, mais éclatez vous ! »

« - Tu t'amuses pas comme les autres ? »

Hana se tenait face à la fête. Elle était droite comme un piquet et soupirait de temps à autres. Cette vue la répugnait au plus haut point. Ces visages heureux, des pères qui caressaient la joue de leur enfant en souriant gentiment. Légèrement jalouse, elle pestait intérieurement et, après ces visions désagréables, un souvenir lui vint en mémoire.

* Flashback *

« — SALE GOSSE ! Dégage ! Je ne veux plus te voir en travers de ma route ! »

Le coup partit plus vite qu’elle n’aurait pu le prévoir. Rapidement, Hana se retrouva face contre terre, dominée en tous points par cet être ignoble. Du haut de son petit corps, l’enfant ne pouvait rien. Ses poings se serrèrent, amenant de la terre dans ses paumes, passant également entre ses ongles. Se rattacher à tout, se rattacher à rien, se savoir condamnée … Mais espérer. Encore et encore, espérer. Et, alors que le pied du « machin » se souleva pour se reposer – il faisait un tel bruit et était tellement lourd que même un sourd aurait compris qu’il bougeait –, une lueur traversa les yeux de l’enfant. Lui ? La tuer ? Même condamnée, jamais elle n’arrêterait de se débattre. C’était une course contre la montre, une course contre la mort. Mais rien, non, rien, ne lui faisait actuellement assez peur pour qu’elle ne recule. Cette bataille était celle qui dirait tout, celle qui servirait de conclusion.

La brute frappa du pied et, subitement, Hana se retourna. Ses yeux croisèrent les siens, affichant une flamme d’espoir peut-être surprenante. Il grogna. Mais cela ne suffisait pas à l’arrêter. Enragée, poussée par des ailes qui n’existaient que dans ses songes, l’enfant savait pertinemment qu’il lui faudrait juste un geste bien placé et tout s’arrêterait. Pas le temps de réfléchir. Pas le temps de calculer. La gamine devait foncer. Se jeter à corps perdu dans cet affront. Qu’importaient les conséquences, après tout. Si jamais ses coups rataient, sa condamnation deviendrait effective. Espoir. Rage. Ailes. Bataille.

D’un coup, elle se jeta sur lui et planta ses crocs dans son bras. La rage fut telle que la puissance de son coup la surprenait. Il lâcha une plainte bruyante et empoigna les cheveux de l’enfant. Avec force, il fit en sorte de l’arracher de sa peau, constatant une marque sanguinolente sur son bras. S’énervant au plus haut point, la brute fit en sorte de jeter Hana contre terre et de lui asséner un coup de pied extrêmement bien placé. Une gerbe de sang s’échappa d’entre ses lèvres et, alors qu’elle croyait que c’était bel et bien la fin, il soupira et s’en alla. Sans rien dire. Pas un mot, pas un son, rien. Juste le mutisme. Et tout se finit. Rideau.

* Fin du Flashback *

Comprendre sa douleur et tenter de changer ? Pouvait-il lui enseigner cette leçon ? Lui ? Cet homme qui n’avait jamais rien fait pour elle jusqu’ici ?

Alors quoi ? Il se donnait le droit de la battre suite à une « bêtise », comme il le disait si bien ? Il s’octroyait l’autorisation de le faire parce que c’était son père ? Il ne comprenait pas. Cet être n’avait jamais rien eu d’un père. Jamais. Il allait et venait, lui achetait des objets tous aussi inutiles les uns que les autres et tant pis pour le reste. Hana ne pouvait le tolérer. Et c’était pire, désormais. Surtout qu’il ne venait quasiment plus du tout, laissant maman se charger de cette affaire. Et même elle, qui paraissait si douce au début, ne lui inspirait plus qu’une sensation de froideur désagréable. L’enfant soupira.

Une voix, extérieure à ses pensées, survint, cognant chaque parcelle de son esprit. Une voix d’homme. Inconnue. Hana tourna la tête et lui lança un regard dénué de sentiments. S’amuser ? Comme les autres ? Dans une fête pareille ? Ne se trompait-il pas légèrement ? À moins que … Son regard se plaça dans le vide et, comme si elle ne parlait à personne ainsi qu’à tout le monde, la demoiselle s’exprima.

« — Non. Je n’aime pas ces rassemblements. Ça me dégoûte. Ça m’ennuie. Je n’ai rien à y faire. Mais maman et papa ne sont pas là. Puis la poupée ne m’intéresse pas. Et la servante m’exaspère. Alors je suis sortie. Je n’aurais pas dû. »

Un discours balancé d’une traite, sans réfléchir. Les mots étaient venus simplement et démontraient une lassitude à un haut degré. Un sourire naquit sur ses lèvres. Une certaine curiosité se réveillait dans son petit esprit. Ses yeux se posèrent sur le jeune homme et elle reprit doucement la parole.

« — Mais … Et toi ? Je suppose que tu ne vas pas rester à me regarder cracher sur ces gens, n’est-ce pas ? Alors … Que vas-tu faire ? Ces stands te tendent les bras, ne te gêne pas pour moi, hein. »

Elle haussa les épaules simplement. Ce n’était que ça. Une chose de plus ou de moins, de toute façon. Cela lui importait peu.