Chaque jour des gens meurent au combat. Chaque jour des enfants apprennent à manier des armes qui ne devraient même pas exister. Chaque jour, le monde se corrompt davantage pour s'éloigner de l'idéal. Chaque jour, Eru se dit qu'il n'est pas fait pour toutes ces choses atroces. Adolescent charmant qui préfère avoir recours aux pouvoirs des mots avant d'utiliser la magie du ciel pour faire brûler ses adversaires, le Dentô se différencie de la majorité des habitants de son village. Le problème, c'est que ce caractère pacifiste a fini par lui nuire. Genin depuis maintenant près de deux ans, son avenir est loin d'être rose, à l'image de sa couleur de cheveux. Eru n'avait jamais envisagé de passer autant de temps à un grade aussi faible. Lorsqu'il avait réussi l'examen genin à l'âge de douze ans, il croyait que les échelons suivants seraient une partie de plaisir. Depuis, la grande majorité de ses amis avaient gradués et lui... il continuait à chasser les chats et à ramasser les petites besognes, toujours dans l'ombre des grands héros qui font l'honneur du village.

Eru avait un complexe et il se gardait bien d'en parler à qui que ce soit. Les membres de son clan seraient les premiers à s'en offusquer. Cela faisait maintenant plus d'un an qu'il n'avait pas combattu. En fait, le terme « combattre » n'était peut-être pas le plus approprié. Le Dentô avait participé à plusieurs petites escarmouches où il avait mit sa vie en danger. Au cours de tous les combats auquel il avait participé pendant les deux dernières années, le Dentô n'avait jamais touché quelqu'un avec l'un de ses jutsus. Bien entendu, il s'était défendu contre les attaques de ses opposants et avaient assisté ses alliés avec ses illusions lumineuses, mais il n'avait jamais porté un coup à un ennemi. Le sang ne le répugnait pas. Son problème était l'empathie. À chaque fois qu'il voyait l'un de ses comparses abattre un méchant, il s'imaginait que cet individu avait probablement une famille, des amis, des gens qui l'aimaient. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser à tous ces gens qui seraient dévastés par la mort de l'un de leur proche. C'est cet idée qui faisait reculer Eru et qui l'empêchait d'accomplir la sordide besogne qu'est la mort.

Jusqu'à maintenant, personne n'avait trouvé le complexe du garçon. Il n'en avait jamais parlé à personne et c'était tant mieux comme ça. Si on venait à savoir qu'il était en quelque sorte impuissant face à la menace, il pouvait bien mettre une croix sur son passage au grade de chûnin. Pour cacher ses émotions, Eru s'était mis à l'herboristerie. Le rapport qu'il entretenait avec les végétaux le calmait et lui faisait penser à autre chose. À force de penser à autre chose, son complexe s'était atténué, mais il était toujours là. Épuisé par cette tourmente qui envahissait son esprit, l'utilisateur de l'hikariton avait décidé d'aller se ressourcer dans l'une des chaînes de montagnes du pays. Il connaissait un coin tranquille où personne ne viendrait le déranger.

Eru gravit toutes les montagnes en effectuant de grands sauts. Le vent sifflait dans ses oreilles et ça le calmait. Le ciel était moyennement dégagé cette journée là et on pouvait voir que le soleil avait de la difficulté à percer la masse opaque de nuages qui se dressait devant lui. Le jeune homme arriva en haut de la montagne une dizaine de minutes après avoir commencé son ascension. Il s'assit sur un petit monticule et regarda au loin. On pouvait apercevoir deux aigles qui s'élevaient haut dans le ciel pour ensuite redescendre à une vitesse vertigineuse, deux chasseurs nés. Au loin, le village était calme et paisible. Malgré la menace des furyous, les habitants vivaient en paix et les rapports diplomatiques de Kumo étaient loin d'être catastrophiques. Après une période où les dirigeants s'étaient succédé sans qu'on comprenne trop ce qui se passait, l'arrivé du Yondaime avait calmé l'affaire. Les gens avaient confiance en l'avenir, ce qui était moins le cas pour Eru.

Après des heures à observer le ciel et à essayer de mettre de l'ordre dans ses idées, l'adolescent entendit des bruits de pas. Qui avait osé venir le déranger? Ça ne se faisait pas. On ne dérange pas quelqu'un qui est en pleine médiation ou du moins, on s'excuse en arrivant. En se retournant, le Dentô aperçu un ninja qui avait l'air de tout sauf un kumojin. Il devait avoir quelques années de plus que lui et avait lui aussi un teint pâle qui rappelait la couleur de la neige. En temps normal lorsqu'on aborde un ninja qui peut s'avérer hostile pour le village, il faut réagir rapidement. Eru savait juste à la carrure physique que son interlocuteur était plus fort que lui, alors ça ne servait à rien d'être hostile. De toute façon, même s'il avait voulu lui planter un kunaï en pleine figure, il n'aurait pas pu...

— Oh! Voilà que j'ai de la visite. Vous n'êtes pas du coin. Je méditais tranquillement en pensant à tout, mais surtout à rien, vous voyez?

Le genin aurait bien voulu continué à parler, mais le regard de l'homme lui glaça le sang. Ses yeux n'étaient pas de la même couleur! L'un d'entre eux était bleu et l'autre rouge, quel étrange phénomène. Il ne devait surtout pas laisser paraître qu'il était effrayé, alors il continua à parler.

— C'est la montagne qui nous offre le décor, à nous d'inventer l'histoire qui va avec. Prenez place, il est rare de voir des étrangers ici...

Le comportement d'Eru allait à l'encontre des règles de son village, mais il s'en foutait un peu. Il était trop loin pour que les senseurs du village repère l'activité du chakra de cet homme.