¤ Mise en place ~ [Kintaro]

La route qui mena le quatuor vers le lieu d'amarrage du navire de Yanosa fut étonnamment calme. Aucun des protagonistes ne semblait en effet vouloir épiloguer sur les événements qui venaient de se dérouler à Nagano et sur leur rencontre fortuite avec un kumojin que le guerrier rouge connaissait bien, Zennosuke du clan Seki. Pour un peu, à quelques détails près, la rencontre aurait pu tourner au pugilat le plus absolu, mais tous les esprits, en réalité, étaient tournés vers bien autre chose que le combat. L'époque troublée et chaotique dans laquelle se trouvait aujourd'hui le monde incitait en effet certaines personnes à revoir certaines de leurs priorités et à mener leur vie de façon bien plus conservative, de peur de perdre celle-ci par pur caprice du destin.

Yanosa, lui, connaissait sa ligne directive, et ce depuis bien longtemps. Cela ne l'empêchait toutefois aucunement de devoir composer presque chaque jour avec de nouveaux éléments inconnus, souvent intéressants, à l'image de cette fratrie atypique en exil qui désirait avant tout sauver sa peau. Après avoir réparé son frêle esquif à l'aide du moteur emprunté à Nagano, le jashiniste eut tôt fait de prendre le large en direction de Yu no Kuni en compagnie de ses trois acolytes, mûrissant quelques idées durant la lente et silencieuse traversée. Peut-être Ace et ses frères voudraient-ils lui fausser compagnie sitôt arrivés à destination -ils avaient après tout déjà tenté de se dérober sur les quais de Nagano-, mais si tel n'était pas le cas, il avait déjà une petite idée de ce à quoi il pourrait employer leur « force de travail ».

L'accostage, pour une fois, se déroula sans heurt. Chacun rejoignit la terre ferme tandis que Yanosa tractait à mains nues son bateau dans une petite caverne marine non loin de la plage déserte où ils se trouvaient. Si les trois frères désiraient lui fausser compagnie, ils avaient ainsi toute latitude de le faire sans devoir comploter ou se méfier plus que de raison. Et c'était, de plus, en laissant le plus de leste à une bête qu'elle était le plus susceptible d'accepter ce que vous aviez à lui offrir... mais également à lui demander. Revenant donc en direction de Sosuke et ses aînés sur la petite étendue de sable fin, à peine éclairée par les derniers rayons du soleil qui se couchait au loin, le guerrier rouge torse nu se permit de faire un petit topo.

« Bon, vous voilà sur le continent... à Yu no Kuni pour être précis. Vous pouvez y faire ce que vous voulez pour subsister, mais pour ce soir, je peux exceptionnellement vous proposer le tout confort à la sauvage : gîte et couvert dans la petite grotte qui se trouve là-bas, dit-il en pointant du doigt ladite grotte, dans la falaise qui marquait la séparation entre la plage et les surfaces herbeuses en hauteur. Il avait par le passé établi l'un de ses refuges sur ce point de passage récurrent et y avait stocké viande séchée et bois sec : le strict nécessaire pour constituer un pied à terre idéal.

Enfin... Cette offre n'est pas tout à fait désintéressée pour être honnête avec vous. J'ai une proposition à vous faire. Quelque chose d'assez intéressant... Mais autant en discuter autours d'un feu et d'un repas, vous ne pensez pas ? Allez, venez. »

Sur quoi, il tourna les talons en se dirigeant vers l'entrée de la grotte, ne prenant pas la peine de jeter un regard derrière lui. Oui, si cette fratrie rescapée du chaos acceptait son offre, ses futurs plans pourraient se préciser de façon tout à fait exquise...

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Cela déjà un petit moment que les Kintaro n'avaient pas pris la mer, et comme par hasard leur point d'amarrage fut le même que la précédente fois à savoir les côtes de Yu no Kuni, l'endroit précis où s'étaient affrontées les forces de l'ancien double système d'alliances entre les villages cachés shinobis. Les trois jeunes y revenant cette fois-ci pour trouver un second souffle et non pour combattre, c'est d'ailleurs ce dont ils eurent l'occasion de parler à bord du bateau de Yanosa. En effet c'était bien beau de s'enfuir de Mizu no Kuni, mais si ensuite ils se retrouvaient sur un continent gigantesque sans aucune véritables connaissances de cette partie du globe et surtout sans aucune idée de ce qu'ils allaient bien pouvoir y faire, alors autant retourner directement d'où ils venaient pour rejoindre leurs compatriotes survivants et par la même occasion s'enchainer une seconde fois de leur propre chef.

Et puisque cet hypothèse était juste inimaginable pour eux, ils avaient finalement décidé de demander quelques conseils à leur bienfaiteur bien qu'ils s'en méfieraient sans doute pour toujours de par ses objectifs et sa fâcheuse tendance à récolter des cadavres de ninja dès qu'il en avait l'occasion. Ainsi lorsqu'ils posèrent enfin le pied à terre sur une grande plage déserte, ils ne profitèrent pas comme prévu de sa courte absence pour lui fausser compagnie. Non à l'inverse ils patientèrent le temps qu'il revienne vers eux pour finalement écouter ce qu'il avait à leur dire. Et le moins qu'on puisse dire c'est que son marché consistant à leur offrir le logis et le couvert pour la nuit en échange dans le but de les convaincre d'accepter sa proposition les intrigua au plus haut point. En effet ce dernier ne leur laissa même pas le temps de répondre qu'il tournait déjà les talons pour se rendre dans son abri minéral.

Laissant le temps aux deux jumeaux de se mettre d'accord d'un simple regard avant de le suivre tout en restant bien sur leur garde, spécialement au moment de pénétrer dans la fameuse grotte. Se tenant prêt à réagir au moindre moment tout en se couvrant mutuellement sans pour autant en avoir spécialement l'air vu de l'extérieur, ils finirent par prendre place à l'intérieur après avoir constaté qu'aucun piège ne les y attendait, tout du moins aucun piège physique. En effet ils leur resteraient à écouter la proposition de Yanosa tout en essayer de savoir si oui ou non l'homme serait en train de les manipuler dans le but de servir uniquement ses intérêts. Voilé pourquoi se fut Aizen qui brisa le silence le premier en disant:

"On t'écoute attentivement Yanosa, qu'est-ce que tu as de si important à nous proposer ?"

Sans grande surprise, les jeunes gens que Yanosa avait mené jusqu'au continent le suivirent derechef, non sans un léger temps de latence inhérent à toute prise de décision en commun. Le petit groupe prit donc place dans la grotte, exiguë mais juste assez large pour que tout le monde puisse s'asseoir en cercle et, plus tard, s'allonger sans trop de problème. La température chutant rapidement à l'extérieur et l'obscurité faisant nécessité, le jashiniste rassembla rapidement quelques bûches et autres brindilles entreposées là, ignorant un instant la question d'Aizen tout en lui adressant un léger sourire tandis qu'il continuait à s'affairer. Le tas de bois agglutiné, Yanosa forma une flammèche au creux de sa main et l'envoya délicatement au cœur du bois afin de l'embraser, apportant lumière et chaleur à ce foyer temporaire.

S'installant à son tour face aux trois frères, il les dévisagea alors longuement pendant ce qui sembla être une éternité, examinant avec soin le faciès de chacun d'entre eux, repérant le moindre signe distinctif révélé par l'intensité du feu qui les séparait de lui. Sur le côté, suspendus au bas plafond de la grotte, des morceaux de viandes séchés laissés là pour être longuement conservé. Yanosa les avait baigné de sel il y avait des semaines de ça, ce qui avait à la fois permis à la viande de se conserver mais aussi de se vider de toute humidité, la rendant particulièrement dure sous la dent mais très goûteuse en même temps. D'un geste de la main, le Nukenin incita la fratrie à se servir, se saisissant lui-même du plus large morceau pendu par un simple fil de fer raccordé à un kunai, planté au plafond. Le guerrier rouge prit alors le temps de mâcher à gorge déployée un premier morceau de viande pour contenter l'immédiateté de sa faim, puis après avoir dégluti, répondit enfin à Aizen et, du même coup, à ses frères.

« D'abord... Laissez-moi vous expliquer ce qui se passe ici, sur le continent. Je vous passe les détails un peu ennuyeux, mais en résumé... Certains pays neutres se sont définitivement, radicalement rebiffés. Et ils sont à ce point remontés qu'ils ont décidé de former un conglomérat, en partenariat, pour ainsi dire, avec le Pays de la Terre. Les pays en question sont Kusa, Taki et Tori, et cet assemblage hétéroclite se fait désormais appeler le Shûkai. Je vous laisse noter l'ironie de l'Histoire... Tandis qu'un village s'effondre, un autre surgit.

Mais au delà de la symbolique très forte qui, je n'en doute pas, vous aura sauté aux yeux, je veux attirer votre attention sur le fait que cet assemblage politique et militaire a énormément de griefs envers les villages cachés. Et j'ai tout intérêt à ce que cela devienne réciproque... »

Yanosa laissa un instant aux jeunes gens face à lui pour qu'ils puissent absorber toutes ces informations avant de reprendre brièvement.

« Enfin, je crois qu'il est plus simple de définir la destination avant d'établir le trajet, je vais donc faire court : vous devez rejoindre le Shûkai. »

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Malgré son initiative, Aizen n'eut pas sa réponse immédiatement. En effet il leur fallut attendre que Yanosa termine ses petites besognes avant de tour se rassembler autour du feu, demander à Sosuke d'aller leur chercher un peu de viande après s'être assuré que le maître des lieux en avait lui aussi consommer par simple mesure de précaution, et finalement écouter ce que ce dernier avait à leur proposer tout en croquant sans retenue dans les morceaux de nourriture qu'il venait tout juste de recevoir dans leurs mains. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils étaient plutôt admiratifs devant la connaissance du monde shinobi de Yanosa. Même si ils l'étaient clairement moins vis-à-vis de son grand projet, dans lequel il semblait d'ailleurs avoir un rôle pour eux. En effet si le plus jeune d'entre eux n'avaient pas encore vraiment saisi de quoi il en retournait vraiment avec manifestation de sa relative ignorance son silence, les deux jumeaux eux avaient clairement compris où voulait en venir l'adepte de Jashin.

Voilà pourquoi ils prirent exemple sur lui en le dévisageant sans prononcer le moindre mot durant quelques secondes qui devaient paraitre être un éternité pour quelqu'un dans l'attente d'une réponse telle que lui. Et ce bien qu'en vérité Ace était en train de communiquer par télépathie avec Aizen à l'insu des deux autres.

"Il est sérieux là ! Il veut se servir de nous comme espions ?", demanda le non-borgne à son frère alors qu'il savait pertinemment que c'était le cas avant que son interlocuteur ne tente de le convaincre calmement.

"Sans lui on est complètement paumé sur ce continent, il faudrait savoir si on aura le même statut qu'à Kiri et surtout ce qu'il nous donne en échange, alors laisse-moi juste lui parler s'il te plait."

Se fut donc l'illusionniste borgne qui fit entendre sa voix cette fois-ci, le tout avec le ton le plus interrogatif possible:

"C'est bien beau tout ça, mais mes frères et moi ne souhaitons plus être les esclaves d'un village caché sauf si en échange on a vraiment quelque chose à gagner et surtout une porte de sortir sûr. Alors dis-moi, pourquoi accepter de devenir tes espions dans ce Shukaï à part servir tes intérêts ?"

C'était désormais l'instant précis où tous les yeux étaient braqués sur Yanosa, ou on entendait plus aucune personne mâchouiller.

Attentif aux réaction des trois frères qui se tenaient face à lui, qui mangeaient goulûment la nourriture qui leur était gracieusement offerte, Yanosa se tint prêt à accueillir à peu prêt n'importe quel type de réponse. Après tout, si ce n'était leur goût prononcé pour la survie et leur situation précaire, le jashiniste ne connaissait pas grand chose de ces shinobis en herbe, dont les deux plus vieux semblaient malgré tout avoir un certain vécu. Sans cela, il leur aurait de toute façon été très difficile de se tirer du cauchemar qu'avait du devenir Kiri lors de sa mise à sac, voire impossible. Dans l'expectative, Yanosa en profita pour assembler quelques menus détails dans son esprit, pendant que ses interlocuteurs faisaient sans doute de même pour tenter de répondre à son affirmation. Oui, si ces nouveaux venus dans les rangs des errants acceptaient d'entrer au Shûkai, il disposerait d'un moyen efficace à la fois de se tenir informé des projets de ce conglomérat, et surtout, de pouvoir influer sur ceux-ci, par la force s'il le fallait.

La réponse vint cependant relativement rapidement, tous cessant de mastiquer la viande séchée tandis qu'Ace, le plus posé des deux jumeaux, prenait la parole. Méfiance, méfiance... Et surtout intérêts à défendre. Voilà une réaction à laquelle le jashiniste s'était attendu de longue date, même s'il la trouvait un poil décevante dans ce contexte. Il eut été tellement plus intéressant que ces jeunes gens décident de concert de se jeter à corps perdu dans cette entreprise périlleuse sans exiger de contrepartie... Mais qu'il la demande où non, ils auraient de toute façon quelque chose à se mettre sous la dent, tôt ou tard. Ne restait pour ainsi dire qu'à mettre cela en évidence pour les convaincre, mais... Yanosa voulait plus que de simples bêtes à son service, qui ne feraient ce qu'il leur dirait de faire qu'en échange de leur pitance et rien d'autre. Idéalement, le guerrier rouge aurait préféré instiller en chaque membre de la fratrie ce besoin, cette envie irrépressible, cette pulsion qui les pousserait à se surpasser pour remplir leurs objectifs, si tant est que ceux-ci puissent aller au delà de la simple survie. Il fallait qu'il leur fasse comprendre qu'il y avait bien plus que cela...

« Tout simplement car mes intérêts sont ceux du monde, mon jeune ami. N'ayez pas la naïveté de croire que je suis motivé par le pouvoir ou le simple goût de la tuerie, vous feriez là une grave erreur à mon sujet. Non, ce que je veux... C'est permettre à un nouveau monde de s'élever des cendres de celui-ci, un monde qui ne soit pas affligé des tares propres à celui dans lequel nous vivons. Un projet bien ambitieux, c'est sans doute ce que vous vous dites... Et vous n'auriez pas tord de le penser.

Mais comme le kumojin que vous avez rencontré à Mizu vous l'a bien dit, je ne suis pas seul dans cette quête. Jashin est avec moi, et me guide vers cet idéal. Vous pouvez être sceptiques, agnostiques voire négationnistes, peu m'importe en réalité, car si nous collaborons bel et bien... Vous ne mettrez pas longtemps à dissocier le vrai du faux.

Mais je m'égare. Vous voulez simplement savoir ce que vous retireriez d'une association avec moi, et bien... Je vais vous le dire. L'assurance de ne pas mourir. C'est bien ce que vous souhaitez, non ? Même si, je dois le concéder, c'est à peu prêt le souhait de n'importe quel être constitué normalement... Mais j'ai autre chose qui pourra combler vos... besoins terrestres, si l'on peut dire. Une somme de Ryos, conséquente. Pour peu que cela vous intéresse. Je n'en ai, personnellement, aucune utilité.

Quant à votre irrépressible besoin de liberté, je rappellerai simplement ceci : le Shûkai est un organisme nouveau, frais et fragile à la fois. Il n'a rien de commun avec un village caché, et la façon dont il sera dirigé dépend encore des recrues qu'il parviendront à enrôler. Vous avez, il faut l'avouer, le profil idéal : une jeune fratrie récemment exilée, dégoûtée du système shinobi et désireuse de se ranger du côté des « gentils ». Si cela peut vous rassurer encore davantage, j'ajouterais qu'il ne s'agira pas d'une simple campagne d'espionnage...

Car s'il y a un but que je poursuis, c'est l'anéantissement des villages cachés. »

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Si Yanosa semblait quelque peu dérangé au premier abord, il n'en restait pas moins un habile orateur si ce n'est le meilleur de tous les manipulateurs qu'ils avaient eu le privilège ou non de rencontrer dans leur existence. Mais puisqu'il n'était de ce fait pas le premier, Ace et Aizen avaient clairement réussi à garder leurs distances avec cette idéologie jashiniste que prônait le nukenin aux cheveux rouges. En effet si il n'était pas dans leurs intentions de se soumettre un fois de plus à une Ombre ou un seigneur féodal dont ils ne savaient pas grand chose en définitive, ils avaient encore moins envie d'atterrir dans un groupe aussi sectaire que celui d'Oterashi Yanosa. Et ce bien que l'énonciation du mot ryo leur permet d'accepter un certain type d'association avec ce dentier.

Après tout même si ils n'étaient désormais plus reliés à un village caché ou même à un clan étant donné qu'ils étaient les derniers héritiers du leur, ils n'en restaient pas moins des shinobis. Et shinobi était avant tout un métier dans lequel on se doit d'accepter de vendre ses services dans le but d'effectuer des missions en échange d'une rémunération bien entendu. Ainsi les deux aînés ne voyaient pas qu'en Yanosa un tape louche mais également un client potentiel qui par ailleurs venait tout juste de leur faire une proposition des plus alléchantes. Voilà pourquoi Ace prit d'abord le temps de converser une fois de plus par télépathie avec son jumeau histoire de s'assurer qu'il partageait la même philosophie que lui, tandis que le nukenin rouge ne voyait qu'un gamin de treize ans en train de finir son repas entouré de ses deux aînés qui le fixaient l'air pensif.

"Tu as entendu ça Aizen, toi qui voulais trouver des missions pour vivre, on a clairement trouvé celle qui va mettre fin à nos ennuis de ce côté-là."

"Pour une fois je suis d'accord avec toi, mais tu penses aux conséquences ?"

"Quelles conséquences, le Shukaï vient juste de naître, il doit déjà grouillé d'espions et si on arrive à bien gérer notre affaire je suis certain qu'on pourra rester libre sans pour autant dévoiler notre mission, même après que cette dernière soit terminée."

Une réplique suivie d'un léger temps d'attente dont la conclusion fut cette réponse d'Aine: "D'accord, donne lui nos conditions histoire d'en finir."

Ainsi Ace reprit enfin la parole avec un ton à la fois calme mais paradoxalement ferme:

"Tant que tu y mets le prix fort et que tu respectes quelques conditions, tu peux déjà considérer que nous acceptons ta mission, mais laisse plutôt te dire ce que nous souhaitons. Tout d'abord nous ne sommes clairement pas tes subordonnés mais plutôt des mercenaires que tu engages, de ce fait nous nous réservons le droit de mettre un terme à nos engagements dès que cela sera nécessaire; pour les premiers renseignements que nous te ferons parvenir, nous acceptons que le paiement arrive ensuite uniquement la première comme gage de confiance; et pour finir nous acceptons que les termes du contrat soient renégocié en cours de route tant que tu nous a payé ce que tu nous dois avant. Donc qu'est-ce que tu en dis, qu'attends-tu exactement de nous et surtout quelle somme es-tu prêt à mettre ?"

Yanosa s'y attendait, et ses attentes ne furent pas déçues. Ce qui était décevant en revanche, c'était l'intensité avec la quelle la formalité et l'attachement à l'argent se manifestaient chez ses interlocuteurs, ou tout du moins chez leur porte-parole actuel, Ace. La cupidité prenait le pas sur l'instinct de survie, les conditions imposées prenaient la place des exigences les plus modestes et le trio d'exilés se muait en fratrie de mercenaires.

« Que d'aplomb, à présent... »

Intérieurement, le jashiniste aurait voulu pouvoir vomir, expulser tout ce vice et cette bassesse qui s'épandait devant lui... Et c'est peu ou prou ce qu'il fit. Appliquant index et majeur sur son poignet gauche, il fit apparaître l'une des nombreuses sacoches de cuir entreposées à l'intérieur du sceau gravé dans sa chair, l'attrapant au vol et l'envoyant nonchalamment vers Aizen.

« Voilà de quoi vous garder à flot pendant au moins un ans. Si votre loyauté ne dépend bel et bien que de l'argent, alors vous voilà totalement acquis à ma cause...

Je n'ai jamais vraiment compté, il doit y avoir environ 40,000 de ces ryos que vous convoitez tant. »

Yanosa en avait la nausée. Il ne se dégoûtait pas lui-même, non -se décharger d'une partie de cette fortune qu'il avait accumuler pour le cas où avait au contraire de quoi le réjouir-, mais l'emploi qu'il était contraint d'en faire lui inspirait le plus profond malaise. Il avait besoin de gens à l'intérieur du Shûkai, de combattants bien vivants qui sauraient à la fois le tenir au courant et infléchir à sa convenance certains aspects politiques et militaires. Il en avait besoin, s'il désirait pouvoir faire avancer ses plans.

« Maintenant que la composante « paiement » de l'équation est réglée, je tiens à mettre quelque chose au point. Je n'ai jamais été très friand des vendettas et autres vengeances de principe... Mais si vous vous avisez de « mettre un terme » à ce contrat de mercenariat que vous vous imposez à vous-même sans avoir produit de résultats qui me satisfassent, ne vous attendez à aucune clémence de ma part. Ceci étant dit...

Ce que j'attends de vous est à la fois tout à fait simpliste et nécessite un tant soit peu de finesse. L'espionnage fera évidemment parti intégrante de vos attributions, mes chers petits mercenaires... Mais ce qui devra rester au coeur de vos préoccupations, ce à quoi vous devrez veiller par dessus tout... C'est que le Shûkai soit considéré comme une alliance belliqueuse auprès des villages cachés,et que, inversement, les villages laissent libre cours à leur agressivité envers ce conglomérat de pays « libres ».

Entretenir, nourrir les tensions, voilà en résumé ce que vous devrez accomplir. Si vous y parvenez, attendez-vous à recevoir encore plus que ce que vous avez déjà... »

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Après avoir posé ses conditions, Ace eut la vague impression qu'il avait froissé leur hôte. Malgré tout il ne savait pas si c'était à cause de ses conditions ou bien quelque chose d'autre encore comme par exemple un désintéressement affirmé et clairement assumé de leur part vis-à-vis du but ultime de Yanosa. Et pour être parfaitement honnête le sabreur et ses deux frères s'en moquaient un peu, tout ce qu'ils souhaitaient c'était remplir leur premier contrat, et vu leur tête émerveillée au moment de découvrir la colossale somme que le nukenin rouge leur offrait en échange de leurs services, ils avaient clairement obtenus ce qu'ils cherchaient. Tout du moins jusqu'à ce qu'il leur explique en détail ce qu'il attendait d'eux, à savoir espionner mais surtout tenter par tous les moyens de discréditer le Shûkai aux yeux des trois autres grandes puissances shinobi. Un objectif qui poussait Aizen et Ace à se demander si ils avaient bel et bien les épaules pour ce genre de mission, pire encore, ils commençaient à entrevoir la possibilité qu'un jour ou l'autre ce riche employeur les sacrifierait pour le bien de son grand projet.

Surtout que pour une fois le plus méfiant des deux était le non-borgne, celui qui avait le moins confiance en Oterashi Yanosa. Et il faut dire que leur promettre de les épargner lors du jugement dernier qu'il ferait s'abattre sur le monde shinobi un jour ou l'autre ne les rassura pas vraiment. Une vision des choses qui poussa Aizen à se lever pour arracher la sacoche d'argent des mains de son frère avant de la relancer en direction de son premier propriétaire. Prenant la parole aussi tôt afin de briser Ace dans son élan puisque ce dernier s'apprêtait sans aucun doute à le sermonner:

"Désolé Yanosa mais mon frère ne représente pas toujours la voix du groupe. Pour moi c'est impossible d'accepter tous cet argent et s'engager dans une mission qui sera sans aucun doute la plus dangereuse de notre vie, donc ce que je te propose c'est de commencer par un accord un peu plus mesuré. En clair on sera dans un premier temps des informateurs occasionnels et on verra au fur et à mesure de quelle manière on fera évoluer cet accord, sa te va ?"

En effet si l'aîné avait plus ou moins hérité de cet immense défaut qu'est l'avarice, son premier cadet était bien plus sensé de ce côté-là et n'était certainement pas du genre à tout accepter sous prétexte qu'on lui remettait en échange une très grosse somme de ryos. La preuve étant la réaction d'Ace qui pour une fois prenait conscience de son aveuglement momentané et avait de ce fait compris qu'il aurait tort de persister dans la voie qu'il avait failli tracé pour sa famille il y a de cela quelques instants à peine.

Un élément de la fratrie semblait encore plus conservateur que les autres. Ace, qui semblait enclin à tout accepter face à une somme de ryos sans commune mesure, fut en effet repris par Aizen dans la seconde, la sacoche remplie de billet se voyant renvoyée vers son premier propriétaire, qui la rattrapa au vol non sans afficher un léger sourire. Le petit était moins bête qu'il n'y paraissait... Oui, cette somme d'argent était bien trop importante pour ne pas brûler les doigts de ses possesseurs, si bien sûr ces derniers en avaient l'usage. Yanosa, lui se fichait de ces ryos. Au cours de ses pérégrinations, il en avait en effet amassé une quantité pharaonique qui ne lui servait qu'en ce genre d'occasion, et voir cet énergumène lui jeter son argent à la figure comme un tas de linge sale le faisait donc franchement sourire. Toutefois...

Ce qui poussait en réalité Aizen à faire marche arrière comme il le faisait, c'était la peur. La peur de l'engagement, la peur de ce que cette somme astronomique impliquait d'obligation, de contraintes... De retour de flamme potentiel. La démarche du frère d'Ace trahissait également une certaine forme de sagesse: il en fallait en effet un tant soit peu pour laisser potentiellement s'échapper quelques 40,000 ryos lorsque l'on était dans la panade comme cette fratrie l'était à présent. Mais à vrai dire, Yanosa avait anticipé cette réaction, qui faisait parti d'un panel d'autres possibilités et de réactions possibles. Pour autant, et ce malgré la posture désormais en retrait d'Aizen et par conséquent de la fratrie toute entière, qui ne démentait pas, le jashiniste savait qu'il avait fait un pas en avant. Désormais, Ace et le reste de sa famille savaient en effet que le guerrier rouge disposait de fonds amplement suffisants pour les rémunérer de façon très, très large, et même si Aizen désirait à présent minimiser les travaux que ses frères et lui pourraient remplir pour Yanosa, la perspective d'une paye plus conséquente au prix de risques plus élevés ferait, inévitablement, son chemin.

Yanosa ponctionna donc une petite liasse de billets de la sacoche sans vraiment compter avant de faire disparaître cette dernière dans le sceau d'où elle était sortie, envoyant ladite liasse vers Aizen.

« La sécurité avant tout. C'est tout à votre honneur, même si... Je pensais que vous seriez un peu plus téméraires que ça. Voilà de quoi vous garder à flot dans l'immédiat. Tâchez d'en dépenser suffisamment pour ne pas paraître trop riches une fois aux portes du Shozaichi... »

Le jashiniste reprit quelques bouchées de viande séchée, mâchant à pleine bouche en laissant aller son regard d'un frère à l'autre. Une fois les mains libres, il s'empara ensuite de quatre morceaux de papier contenus dans sa sacoche, apposant sur chacun d'eux un sceau. Une rune, unique, sur le premier et trois autres, plus basiques, sur les trois autres feuilles de parchemin plutôt épaisse. Le Nukenin tendit alors ces trois feuilles à la fratrie.

« Voilà de quoi me faire passer tout ce que vous pourrez collecter d'informations en tout genre. Ce papier ne marque pas: en revanche, les formes que vous y dessinerez me seront transmises en temps réel, sans laisser de trace sur votre bout de parchemin, donc.

J'ai bien compris quelles étaient vos priorités, Aizen, Ace, Sosuke. Tâchez simplement de ne pas oublier les miennes et surtout, de ne pas oublier ce que cela pourra vous rapporter. Je vous laisse seul juge. En attendant, mangez à votre faim: la route est longue jusqu'à Tsuchi. »

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Apparemment le nukenin rouge avait anticipé dans un coin de son esprit la réaction du jumeau puisque dès que le petit speech de ce dernier fut terminé, il lui renvoya aussi tôt une liasse de ryos moins conséquente mais malgré tout toujours importante, et ce avant de leur signifier son consentement. Le trio ne relevant même pas la petite pique qui précéda dans son discours quelques paroles qui à elles seules résumaient la manière de penser de ce groupe de survivants. La sécurité avant l'argent puisque dans le monde cruel des shinobis, la richesse matérielle n'était pas obligatoirement un gage de sûreté et pour preuve puisque es activités pour amasser tous cet argent se résumaient bien souvent à des actions sournoises, sanglantes et surtout extrêmement risquées lorsque l'on parlait d'un somme telle que quarante mille ryos.

Se fut d'ailleurs Ace qui, encore un peu gêné en raison de son engouement irrépressif pour l'appât du gain tout à l'heure, s'avança pour récupérer les trois papiers pour les ranger dans son imperméable tout en s'adressant au nécromancien avec un bref et calme:

"Marché conclu Yanosa."

Revenant ensuite auprès des siens pour terminer son repas sous le regard de son jumeau qui pour une fois avait été le plus sage et le plus vigilant face aux malices des individus tel que celui-là à savoir des hommes emplis de noirceur et dont le coeur s'était depuis le temps bien trop asséché pour ne pas être tenté de nuire à son prochain tant que cela leur était bénéfique à eux et leurs projets. En effet si Aizen était dans la majeure partie des cas le porte-parole de leur groupe, désormais à chaque fois qu'il faudrait négocier avec le nukenin rouge, se serait lui et non le borgne qui jouerait les médiateurs. La raison étant toute simple puisque ce mystérieux adepte de Jashin avait percé à jour le plus grand défaut de l'aîné et pourrait très bien tenter de s'en resservir un jour ou l'autre même si il n'était pas forcement dit que cela fonctionnerait.

Enfin bon pour le moment l'heure n'était plus aux négociations mais bien au repos, ils avaient déjà faits un long trajet pour arriver jusqu'ici et ils n'avaient pas beaucoup dormis sur le gâteau de peur d'avoir une désagréable surprise en se réveillant. Et bien que les deux jumeaux avaient convenu par télépathie de se relayer durant la nuit pour monter la garde sans que leur hôte ne puisse vraiment le remarquer, ils réussirent tout de même à se remettre suffisamment d'aplomb pour prendre dès l'aube la route de Tsuchi no Kuni sans même prendre véritablement le temps de remercier le nécromancien pour son hospitalité à cause de ce malaise qu'il leur inspirait toujours.

Spoiler:

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