Je me souviens un peu de ce jour-là… Je me trouvais sur la balustrade d’un haut batiment de Kumo et je profitais de la vue. De mon emplacement, je pouvais voir à peu près l’intégralité du village et j’aimais bien la sensation de me retrouver tout en haut. Non pas que mes rêves de grandeur m’avaient rattrapés mais j’aimais assez la sensation d’être seul en élévation. Si Baudelaire avait existé il se serait surement mis à cette place pour écrire son poème. Mais je n’étais ni poète, ni troubadour, juste un jeune homme plein d’entrain qui ne désirait à ce moment qu’une chose, prendre le temps de respirer en admirant la vue. Je profitais également de ce moment de solitude pour m’allumer une cigarette. C’est vrai qu’avec toutes les lois à la con sur les locaux non-fumeurs, il fallait toujours que je m’isole à l’air libre pour m’en griller une. Je profitais donc pleinement de ce moment parfait, une cigarette en bouche et un sourire aux lèvres. Rien ne pouvait venir ternir ce magnifique instant. Rien me ais-je dit ? Je n’avais jamais été plus loin de la vérité car avant même que je ne puisse sentir sa présence, je senti que quelqu’un me poussait en avant. Incroyable ! Je n’avais rien vu venir. Sans opposer la moindre résistance, je tombais alors du haut de cet imposant bâtiment et la chute paraissait particulièrement… mortelle.

Je fis comme je peux pour adhérer à la surface murale avec mon chakra mais je n’arrivais à rien et cela n’eus le mérite que de me ralentir un peu. Je me rapprochais de plus en plus du sol et de ma mort lorsque j’eus une idée saugrenue. Je me projetai alors de mes pieds vers le mur d’en face et je m’écrasais comme une crêpe contre lui. Je retombais ensuite avec force sur un homme que je ne connaissais pas. Mon idée m’avait permis d’éviter la mort mais en contrepartie j’avais un mal de chien à l’abdomen. Et l’homme que j’avais bousculé en tombant n’était certes pas content de se retrouver avec moi au sol, d’autant plus que tous le monde nous fixa pendant quelques secondes avant de détourner le regard vers de plus intéressantes frivolités. Je me relevai aussi vite que possible et me confondis en excuse tout en me dépoussiérant la chemise. Je pris ensuite le temps de bien observer le type que j’avais bousculé. Un homme à l’allure baraquée, au corps grand et svelte. En bonne santé physiquement. Il était vêtu d’un kimono vert et rouge et son visage avait quelque chose de particulièrement singulier. Je m’y attardais d’ailleurs plusieurs secondes. Des cheveux bleus et une sorte de bandeau à l’œil, il semblait sortir tout droit de prison.

Je ne souhaitais pas plus de problèmes alors je sortis mon paquet de cigarette et m’en grillais une devant le dit inconnu. Je fis ensuite un sourire à ce dernier et lui tendis le paquet ouvert sur une dernière de mes chéries. Pour moi, offrir la dernière cigarette d’un paquet est signe de grand respect et je ne le faisais pas à tout le monde. D’autant plus que je venais d’échapper in extrémis à la mort. J’aurais dû m’isoler dans un coin et fumer tranquille pour apprécier le fait d’être en vie. Au lieu de ça, je pris mon ton le plus amicale et serein et je parlais une cigarette entre les dents.

-Je suis vraiment désolé. Je glandais tranquille sur le toit du bâtiment tout là-haut et quelqu’un m’a poussé. Je ne l’ai pas vu mais il voulait clairement ma mort ! Toujours est-il que si vous n’aviez pas été là, j’aurais très certainement finis mes jours dans un fauteuil roulant. Cela vaut bien un verre. Je m’occuperais de mon meurtrier présumé plus tard. Qu’en dites vous, avez-vous le temps pour un bon vieux verre de gnôle ?

Quoi ? Aurais-je oublié de préciser qu’en dehors de la cigarette j’étais aussi un grand fan d’alcool. Et oui, il y a des gens comme ça qui accumulent tous les vices. De mon côté cependant, ma proposition était bien détournée car je désirais surtout savoir qui était ce type à l’allure si singulière. Cela m’intéressait beaucoup plus que l’identité de mon agresseur. Et si mon interlocuteur ne se décidait pas à venir boire un verre avec moi, je trouverais un autre moyen pour apprendre à connaître cette espèce si rare d’armoire à glace.