Les tendres rayons du soleil parvenaient encore péniblement à percer l'épaisse couche de brouillard qui recouvrait la route, mais bien qu'encore faiblards, ceux-ci était d'un confort tout particulier alors qui réchauffaient délicatement le visage froid du Kirijin. Le Soleil se dévoila peu à peu au gré de l'avancer de Rei, inondant rapidement la vallée de son éclat réconfortant et bien qu'il parvienne encore difficilement à traverser les feuillages des arbres qui se dressaient devant sa route, il était d'un grand soutien moral pour le pauvre jeune homme. Le lieu qui apparaissait devant lui n'était autre que le village caché de la Brume, et même dans ses meilleurs souvenirs il ne parvenait pas à se remémorer les moments qu'il y avait passés durant sa jeunesse. La forêt, les champs couverts fraichement cultivés par les paysans, les animaux, l'air, emplie l'odeur de la rosée matinale. Le vent ne soufflait point, mais les souvenirs étaient gravés dans ses sens. Pour son odorat, cette odeur lui était familière, tant l'humidité matinale rappelait à sa peau la douceur d'un lieu habituel. Son corps le faisait souffrir à un point qu'il n'aurait jamais pu imaginer en ce temps, même dans ses pires cauchemars. Mais ce n'était rien comparé à l'enfer qu'il avait vécu ces derniers mois. Tortures, autant psychologique que physiques, sévices corporels et poisons ponctuèrent ses journées pendant de longs mois.

Tout avait commencé il y a deçà un an et demi, lors d'une mission spéciale dirigé par Yuka, composé de Samui Kyogi, Kaguya Tenzo, Samui Yuki, Kaguya Aojikawamanashi et lui-même. Leur but était alors d'enquêter à Yuki no Kuni afin de déjouer un vent de révolte que pressentait alors le Nidaime Mizukage. Mais le village qu'ils découvrirent à leur arrivée était désert, il n'y avait pas âme qui vive et les maisons toutes vides donnaient une impression glauque au village. Les shinobis ne tardèrent pas à comprendre que ce se trouvait être en réalité un piège tendu par un utilisateur de genjutsu aguerri. A partir de ce moment jusqu'à son réveil, le jeune homme ne conserva aucun souvenir, tout juste parvint-il à comprendre la situation dans laquelle il se trouvait.

Prisonnier dans une sorte de cachot en métal sans aucun orifice, avec pour seule source de lumière une lampe se trouvant au-dessus de la seule porte, il était attaché contre le mur les bras et les jambes tendus. Les parois étaient froides mais dépourvues de toute humidité, et il en était de même pour le sol crasseux. Les chaînes en métal qui le retenaient résistèrent aisément à toutes ses tentatives, lui faisant comprendre qu'il serait vain de tenter de s'échapper, outre pour gaspiller sa précieuse énergie. Il pouvait à peine mouvoir les doigts de ses mains tant bien est qu'il se serait fait battre pour avoir osé une telle chose.

Des mois durant il fut malmené sans repit, jour comme de nuit malgré qu'il n'ait pu avoir connaissances de ceux-ci. Les ninjas commencèrent tout d'abord par de simple sévices physiques, tels que des coups et des coupures, mais quand ils comprirent que Rei était un Ninja médical et qu'il se soignait de tous ses maux afin de survivre, ils se montrèrent plus cruelles et sadiques. Ils commencèrent tout d'abord par arracher les ongles du jeune ninja, puis recommençait plus délicatement à chaque fois qu'ils repoussaient, afin que cela soit le plus douloureux possible. Puis ils arrachèrent des lambeaux de chairs au préalablement découpés à l'aide d'objet divers et variés, le frappèrent encore et encore, le torturèrent grâce à des drogues décuplant la douleur, ... Malgré le fait que le jeune ninja avait partagé tout ce qu'il savait avec ses tortionnaires, bien que cela représentait peu de choses étant donné sa position, ils prirent un malin plaisir à continuer encore et encore, probablement afin d'assouvir une rancune et une haine envers le village.

L'esprit et le corps de Rei devinrent le catalyseur de toute cette colère à un point où ils finirent par se briser. La seule chose qui ne quitta jamais son esprit bien longtemps fut son désir de survivre, et de vengeance. La haine qu'il nourrit fut son seul salut. Ses idées devinrent de plus en plus floues au fur et à mesure que le temps s'écoulait, et il parvint difficilement à garder une part d'humanité en s'imposant des contraintes. Chaque jour qui passait, bien qu'il en perdit le fil enfermé dans ce cachot sans ouverture vers le monde extérieur, il se remémora les cours qu'il avait appris lors de ces études. Mais il ne le faisait pas à voix haute par peur d'être puni. Quand les rebelles lui laissaient un cours temps de répit, il recommençait ce rituel, jour après jours, mois après mois. De même qu'il conserva toujours l'espoir que les personnes qui lui étaient proches vinrent le chercher un jour.

Malgré cette faible coquille qui résistait encore, il ne restait rien de la personne qu'il était jadis. De nombreuses cicatrices parcouraient son corps de tout sens. Ses cheveux poussèrent et tombaient maintenant jusqu'à ses hanches, sales, abimés. Ses vêtements, délabrés et crasseux recouvraient péniblement ce corps mutilait et paraissait tellement lourd que c'était à peine supportable pour le jeune Kirijin. Ses pieds avançaient péniblement sur le sol, raclant la terre boueuse afin de se placer l'un devant l'autre. Il réussit à traverser la mer séparant Yuki no Kuni à l'aide la générosité d'un pécheur qui dût éprouver une grande pitié en voyant le pitoyable jeune homme brandir son insigne des ninjas du village. Puis il marcha des jours durant jusqu'à celui-ci, écourtant de très nombreuses fois son périple par de longues pauses. Il mangea des baies, bu l'eau qu'il put trouver se continua à soigner ses plaies avec le peu d'énergie qu'il parvenait à récupérer. Lorsqu'il parvint devant le tunnel sud permettant d'y accéder, ses dernières forces l'abandonnèrent et il s'écroula péniblement sur le sol alors qu'il aperçut une silhouette familière s'approchant de lui.

Une lueur brillant parmi les ténèbres les plus profonds pour éviter qu'ils me submergent, voilà ce qui m'avait toujours sauvée, une étoile dans mon ciel imaginaire, heureusement qu'il y en avait légion pour peu que l'on sache où regarder. C'était bien de la première et un peu de mon nord alors qu'il était question ici, je me demandais encore si le moment était bien réel, des années que j'avais cherché en vain et un autre que moi avait ainsi réussi là où j'avais failli. Lui. Ma frustration était sans équivalent alors qu'elle se confondait avec une joie, il m'était alors difficile de trancher, en avais-je réellement besoin après tout ?

Ils avaient prononcé que deux mots qui avaient fait vibrer tout mon être, cette paire formait une identification, celle de Rei. Et tour à tour se confondaient course folle et pas lent... La véracité de l'instant ? N'était-ce pas un faux espoir encore ou soudainement la fougueuse montée d'adrénaline qui disait qu'il n'y avait qu'un moyen d'être fixé. Le doute ou la crainte, appelez ça comme vous voudrez, c'était ces essences-là qui m'avaient conduite là, peut-être trop vite ou pas assez justement. C'était ainsi un poil essoufflée que je faisais bientôt face à une silhouette, une que j'observais déjà de loin, une que je ne reconnaissais pas.

Frêle et négligé, je distinguais péniblement des traits, je ne retrouvais pas de sentiment familier, le total opposé de l'homme dont j'avais le souvenir, le Petit Prince réduit à l'état de souffre-douleur. Instinctivement une main se tendait comme pour rechercher une chaleur familière chez lui qu'on disait être celui que j'avais tant cherché. La seule que je trouvais ressembler plus à une fièvre et ma vision de près ne confirmait que l'horreur d'un passé récent que j'ignorais. Accroupie et silencieuse longtemps j'étais perplexe entre le rêve et le cauchemar qui se déroulait sous mon nez, non, Dame Destin n'avait donc pas fini d'être cruelle. Bien que crasseux, c'était bien la couleur de ses cheveux et bien que leur éclat moins dense, c'était bien son regard fatigué et avec tout ça, fermement se présentait l'emblème des nôtres.

J'avais beau alors agiter ma bouche, aucun son ne voulait sortir, que pouvais-je dire au juste d'ailleurs, rien aujourd'hui il ne pleuvait pas malheureusement et c'était bien dommage, car j'aurais pû avoir pour moi l'excuse de ces maudites gouttes. Redressant mon frère pour l'enlacer sous un élan, je comprenais bien tard qu'il serait ainsi plus difficile d'associer son retour, nos habitudes n'étaient pas faites ainsi après tout.

~ Bienvenue à la maison Rei.

Il ne fallait pas moins qu'un dédoublement pour le remettre en suivant sur pied, si on pouvait dire, histoire de le traîner vers l'hôpital pour des soins appropriés dans un premier temps. Difficile de dire comment il allait, mal c'était évident, mais à quel point ? Un an et demi avait passé, autant de temps sans nouvelle, autant pendant lequel nos chemins nous avaient terriblement changé, si j'avais peine à le reconnaître, en était-il de même pour lui... ? J'avais presque peur d'aborder la question, encore que vu son état, par chance, il se fierait plus à l'instinct et aux sons, s'il avait retrouvé Kiri, c'était au fond qu'il était toujours lui... Non ?

~ Tu arrives à me reconnaître ? Je vais t'emmener à l'hôpital où tu pourras te reposer, plus personne ne peut venir te chercher ici.

Un réconfort ? Pour qui... Je ne savais même pas de qui il avait été la cible, ni comment il était revenu, ni pourquoi il avait disparu et étrangement, Kiri ne s'en était pas plus inquiété que ça. Trop compliqué, clairement, j'avais horreur de cette position d'impuissance qui était soudainement imposée. Et bien que ce n'était pas le moment le plus approprié, mon sang bouillonnait demander vers qui il devrait rendre la sentence...Un susurrement m’échappait alors avec un ton équivoque, celui d'une impulsivité demeurée inchangée....

~ Qui a fait ça ? Dis le moi Rei.

Un cruel retour en arrière soudain, celui où j'avais perdu sa trace, schéma que je ne voulais plus reproduire ce qui justifiait cette poigne bien incrustée et regard assassin pour le pauvre diable qui voudrait approcher...

Deux mains, deux bras, un corps, une poitrine. De l'eau s'écoulant sur son épaule salie par le temps, une larme, un sentiment. Alors qu'elle ruisselait péniblement le long de celle-ci, se gorgeant de terre au fur et à mesure de son voyage, elle rappela au jeune homme le temps qui s'était écoulé depuis qu'il n'avait pas goûté à ces sensations. Une chaleur humaine, agréable, familière. Chaleur qu'il mit du temps à distinguer, tant son esprit parvenait difficilement à associer ses souvenirs à la réalité. Une voix douce mais tremblante l'appela alors de parmi les morts. Le goût d'un souvenir lointain, précieux, puissant. Un des rares qu'il avait conservé durant cette année et demi de captivité. Malgré ses efforts, seuls quelques sons indéchiffrables sortirent de la bouche du ninja. Son esprit criait, son corps criait, mais rien ne sortait outre les larmes dégoulinant sur ses joues.

Une route instinctive, comme lorsqu'un lièvre retourne vers son terrier. L'homme était parvenu à retourner dans sa maison. Ses pas guidés par le faible reliquat de raison qu'il lui restait alors animé par une envie insatiable de vengeance. La haine, telle l'amour, deux idées contradictoires, opposés, mais d'une force sans égale. Elle l'avait nourrir pendant tout ce temps, devant à la fois sa seule compagne et amie. Nostalgie, tendresse, amour, tant de sentiments qu'il n'avait pu éprouver depuis un temps si long que cela lui paraissait être une éternité. Un temps lointain, paisible, stable. Il regarda avec attention la personne qui l'empêcha une nouvelle fois de sombrer, attendant patiemment que ses yeux eurent retrouvé la force de démêler les différents contrastes de cette image floue. De même que son esprit qui parvint difficilement à l’associer au souvenir qu’il conservait d’Ao’. Ao’, il tenta de crier son nom, encore et encore, mais seuls des gémissements toujours plus puissants parvenait alors à s’élever dans le ciel. Haletant, criant, pleurant, ici exposé le tableau d’un homme courageux, faible, brisé, pitoyable.

« Bienvenue à la maison Rei. Tu arrives à me reconnaître ? Je vais t'emmener à l'hôpital où tu pourras te reposer, plus personne ne peut venir te chercher ici. Qui a fait ça ? Dis le moi Rei. »

Cette dernière question raisonna dans l’esprit d’un jeune tel un gong frappé de toute force. Le souvenir d’une douleur infinie. La peur de mourir, la peur même d’un lendemain ponctué de souffrances et de sévices. Tout d’abord physique puis psychologiques. Des rêves éveillés, un temps déformé, des souvenirs remodelés, brisés, reconstruit, puis brisé encore. Ses yeux s’ouvrirent en grand et le jeune homme expulsa alors le faible souffle d’énergie qui lui restait encore. Un cri aigu, instable, telle une proie à m’agonie devant son chasseur. Ses bras eurent à peine assez de force pour frapper la jeune femme, tentant de l’éloigner de toutes ses forces de son frêle corps. Il avait assimilé l’espace d’un temps, une question banale à un souvenir traumatisant. Puis après quelques instants, son esprit retrouva sa lucidité et il regarda à nouveau l’air surprit la personne qui le tenait encore dans ses bras. Cette fois il parvint à prononcer un mot, qu’il répéta encore et encore ponctué de pleurs et de râles, tant il l’éprouvait.

« Désolé, désolé, désolé… »

Il y avait des questions à ne pas poser, du moins, il fallait se douter qu'il y avait un temps pour chaque chose et encore une fois, à vouloir aller trop vite vers la sortie, j'avais pris le mauvais chemin. Un bref rejet tirait le signal d'alarme, celui qui demandait de prendre sur soi, pour une fois. Encore une fois je trahissais les souvenirs que l'on avait de nous, mais qu'importe puisque je n'étais pas la seule, à croire que cette journée serait une brèche dans notre parcours, tant j'avais du mal à la croire vraie. Un souffle à peine chaud sortait de ce corps si froid, si certes il était gelé par notre climat, il semblait que son esprit avait lui aussi été privé de manteau. Même si un bout de tissus encore chaud sorti de mes épaules venait réchauffer les siennes, je savais qu'il ne serait pas si simple d'en faire autant pour le second. Une sorte d'impasse où faire demi-tour ne servirait à rien, alors fallait-il casser ce qui barrait la route ? S'il n'avait s'agit que de moi, la réponse aurait été oui, mais étrangement, en sa présence je me faisais plus réfléchie, et ça, ce n'était pas nouveau en revanche. Un détail qui le rendait à nouveau familier, pas si perdu que ça finalement.

~ Hoy, hoy Rei !

Le sourire était carnassier et l'air presque niais, parce que non, en général face à la douleur des autres, jamais je ne réagissais, étrangement je ne savais pas quoi faire, une logique un peu bête me disait que je n'avais qu'à sourire pour qu'il en fasse autant. Quelle naïveté, j'en avais conscience le pire, mais faute de mieux...

~ Ne te mets pas dans des états pareils, on est juste un peu en retard pour notre revanche ! Mais ne t'en fais pas, tu seras vite remis sur pieds et aussi vite on pourra se taper dessus, mais ne crois pas gagner éternellement ! La vainqueur, ça sera moi.

Ma tête venait légèrement taper contre la sienne, comme si c'était là une promesse qu'on tapait des mains. Un sujet pas forcément de circonstance ? Peut-être, mais plaindre ne me semblait être « aider ». Dans mon monde où le faible était d'office le perdant, la proie, il m'était impensable que Rei puisse y être rangé, qu'importe ce qui c'était passé là-bas, le simple fait qu'il soit rentré prouver qu'il n'avait pas tout perdu de ce qu'il était... Et cela, quoique mes yeux semblaient vouloir me montrer. Gémissements, larmes et même cris, je les voyais, mais ne les voyais pas, j'entendais sans entendre, comme s’il fallait attendre qu'il les fasse tous s'échapper de son corps pour en être enfin libéré. Un étrange rictus habitait mon visage, mélancolique et colérique à la fois alors que ma marche n'avait pas pris plus d'élan malgré la pulsion qui avait envahi mes membres. Non, ne pouvions pas être deux à se prêter à cet art et c'était presque une attitude sereine qui s'affichait en franchissant les portes d'un lieu que je détestais. L'hôpital.

~ Il va falloir soigner tout ça avant toutes choses n'est-ce pas.

Malgré le monde qui s'agitait autour mon bras, ni la pression de ma main ne voulait comprendre que leur rôle avait pris fin, une étrange angoisse dans laquelle on me murmurait qu'il pourrait à nouveau disparaître sans que je ne puisse rien y faire. Une étrange humanité qu'il savait mieux que personne éveillée, une faiblesse que contrairement aux autres je n'avais nulle envie de combler. Cette fois je me détachais de moi-même, non pas sans le toucher une dernière fois pour être bien certaine qu'il était réel, car si je voulais mon sourire contagieux, je ne voulais surtout pas transmettre mon anxiété. Ma main rejoignait la sienne pour suivre le mouvement, quoi qu'on en dise, pour les plus réfractaires à ma présence une lame plus grande que mon avant-bras venait mettre les choses à jour. Étrange contraste entre une douceur d'un côté et une telle brutalité de l'autre, bien qu’au final, ça formait un portrait plutôt fidèle malheureusement. C'était ce n'était pas comme, c'était bel et bien une promesse.

~ Je vais rester avec toi, jusqu'à ce que tu ailles mieux, alors repose-toi bien, tu es mon médecin privé après tout, tu te souviens. Il faut que tu reprennes du service, ne crois pas m'échapper encore une fois.

La honte que ressentait alors le jeune homme n’avait d’égale que la tristesse qu’il éprouvait. Une peur, celle de se retrouver seul, d’être abandonné par la seule personne qui comptait à ses yeux. Jadis il la considérait comme sa sœur, il l’aurait protégé au péril de sa vie bravant tous les dangers pour elle. Maintenant il n’arrivait même plus à se protéger lui-même. Ses pensées, son corps, plus rien de tout cela n’était sous son contrôle. Il se sentait faible, tout lui paraissait hostile. Les visages lui semblaient agressif, les gestes représentaient une attaque, les mots une provocation. Se méfiant de tout, son environnement, les animaux, les Hommes, mais pas d’Aoji’. Cette rencontre fortuite se trouvait être le salut qu’il cherchait depuis plus d’un an. L’aperçut d’un moment tranquille, paisible. Il pouvait fermer les yeux, manger, boire sans éprouver la vision de sa mort, sans s’imaginer que dans ceux-ci seraient mélangées diverses drogues et décoctions visant à le torturer ou à le faire parler. Quand il cligna des yeux, il se rendit enfin compte de la paix qu’il avait tant imaginée et recherchée. Tant d’efforts enfin récompensés, de questions et de réponses trouvées. Il cligna des yeux et écouta les douces paroles de sa sœur, elle esquissait alors un sourire carnassier comme à son habitude. Mais il n’éprouvait aucune rancœur ou peur en le voyant, seulement de la nostalgie. Il connaissait bien la kirijin de même que sa différence par rapport aux autres humains qu’il avait pu rencontrer durant sa courte existence, et là était la raison pour laquelle il l’aimait tant. Ses paroles réconfortant raisonnèrent alors dans sa tête.

« Ne te mets pas dans des états pareils, on est juste un peu en retard pour notre revanche ! Mais ne t'en fais pas, tu seras vite remis sur pieds et aussi vite on pourra se taper dessus, mais ne crois pas gagner éternellement ! La vainqueur, ça sera moi. »

Involontairement, elle tentait de détourner son esprit de la souffrance que lui procurait l’image de son corps, ou même du présent. Un souvenir agréable, vivant. Celui d’un combat d’où il sortit vainqueur, non pas grâce à sa force physique mais grâce à celle de son esprit. Il était alors aiguisé, travaillant dans le but de l’entrainer jour après jour. De cela il ne restait plus que les souvenirs de ce temps révolu. Plus rien n’occupait ses pensées ; ni réflexion, ni idée ou encore envie. Seule la peur, et la faible vision d’une paix retrouvée pouvaient être aperçues.

Elle inclina légèrement sa tête contre celle du jeune homme, puis la tapa comme pour celer une promesse. Elle se leva, puis s’élança en direction de l’hôpital du village. Le jeune homme ne pouvant supporter le regard des autres, il ne releva pas la tête en direction de l’horizon, laissant celle-ci pendre tel un vulgaire membre. Il ferma les yeux, tentant de faire le vide dans son esprit enfin apaisé. Tentant de faire ses démons. Il savait que cela ne durerait pas bien longtemps, la seule raison à ce court instant de paix était la présence de la jeune femme. Elle le déposa sur un brancard, et tint sa main fermement. Rei fit de même la serrant de toute ses forces, si faibles soient-elles, celle de Ao’. Lorsque le personnel médical tenta de les séparer, un os tranchant telle une lame sortit du bras de la jeune femme. Rei était maintenant trop faible pour réagir de la même façon qu’il l’avait fait lors de leurs retrouvailles, il aurait même accepté que sa vie se termine ainsi, tant que ce moment de tranquillité pouvait se prolonger.

« Je vais rester avec toi, jusqu'à ce que tu ailles mieux, alors repose-toi bien, tu es mon médecin privé après tout, tu te souviens. Il faut que tu reprennes du service, ne crois pas m'échapper encore une fois. »

Le jeune homme esquissa un sourire, et bien qu’il ne puisse parler, des mots se dessinèrent sur ses lèvres avant qu’il ne plonge dans un profond sommeil.

« Ne me lâche pas, s’il te plaît. »

Deux jours passèrent avant que le Samui ne sorte de son coma. Son corps le faisait encore souffrir, mais la douleur n’était comparable à celle qu’il avait éprouvé alors. Celle-ci lui semblait être une caresse plus qu’une gêne. Il ouvrit les yeux et tourna la tête vers la fenêtre. La chambre se composait, comme toute chambre d’hôpital, d’un lit, un lavabo, de sièges et de matériel. Le soleil était à son zénith chauffant la peau meurtrie de Rei. Pour autant, il ne tourna point son regard de l’autre côté, de l’idée même se dégageait un sentiment qu’il n’avait que trop côtoyé. L’avait-elle laissé seul ? Etait-il encore seul ? Il prit un instant afin de rassembler les miettes de son courage puis d’une voix tremblante.

« Ao’ ? »

Un seul mot, une si longue attente pour et une douleur à la place de la douceur des premiers moments, forcément à force de pas l'avoir plus bouger que ça. Cette foutue main. Après tout une promesse était une promesse et la demande d'un frère n'avait pas de prix. Bête et indiscipliné, quand je disais qu'il avait le don de me changer...

~ Hum ? Réveillé, il était temps !

Deux jours sur place, qui aurait pu être un enfer, mais qui au final, ne m'avait juste dérangé par un temps d'attente infinissable. Affalée sur un fauteuil, je n'avais pas plus bougé que ça, à croire que j'avais fini par me faire à l'idée de simplement ne rien faire, enfin presque, mais c'était une autre histoire que Rei n'avait nul besoin de se préoccuper.

~ Tu te sens mieux, partons d'ici, rassures-toi, je ne vais pas te traîner au milieu de la forêt. Tu n'as pas besoin de cet endroit.

Un avis contraire... ? Qu'importe ce que le monde pouvait dire, j'avais prise ma décision et sans plus attendre je tirais vers moi le convalescent qu'il fallait remettre sur pied, non, je ne l'invitais pas à danser. Du moins pas encore, heureusement pour lui quand on connaissait ces dernières... Passons. Je vérifiais qu'il ai un brin d'équilibre avant de lâcher prise, enfin et pointer une zone de la pièce au tas de linge empilé.

~ Prépares-toi et rejoins-moi dehors, désolée Rei, pas d'infirmières bonus pour t'aider....

Mon museau se rapprochait...

~ Elles sont pas terribles, consoles toi.

Carnassier toujours mon faciès au naturel enfin, s’effaçait à cause d'une porte bientôt que je gardais bien sûr, prête à la faire disparaître si l'attente m'aurait paru trop longue. La patience ? Non, ce n'était pas un de mes traits de caractère et ce n'était pas prêt de le devenir visiblement, tant qu'il ne fallu pas longtemps pour que mon pied appuie mes dires et que mes mains se saisissent de mon objectif... Le faire bouger d'ici. Ma fougue était demeurée incontrôlable, je n'y pouvais rien alors que j’entraînais joyeuse, c'était le moins que l'on puisse dire le Samui avec moi, oui mais où ?

~ On va à la tour pour te réinscrire au registre des ninjas actifs. Profitons du reste de la journée pour nous amuser.

Si je voulais savoir aussi ce qui s'était passé, bien sûr, cependant, la dernière réaction était restée ancrer dans ma mémoire, le voilà qui m'enseignait malgré lui une nouvelle vertu que j'avais tant évité... Mère patience. Un de mes sourcils s'arquait en y pensant alors que je l'observais dans la file d'attente, il fallait dire que pour le coup je l'avais un peu brutalisé, tout était aller si vite que je ne lui avais pas laissé le temps de réfléchir, ni même l'occasion d'agir. Il avait perdu la main pour me freiner, je me doutais bien qu'il allait vite la reprendre, ou tout du moins, que j'allais tout faire pour, comment le dire autrement...

~ Bienvenue chez nous Rei !

Eh oui, son monde, le mien, impossible qu'il puisse penser les dissocier, qu'importe ce que maintenant il pouvait comporter, il allait falloir aussi composer avec des nouveautés, dont voici la première auto proclamée, par moi bien sûr !

~ Toi et moi, on va former une nouvelle team ! La classe hein ! On commencera l'entrainement dès demain, pour que tu récupères. Après tout, la puissance ne tombe pas du ciel, ni en un jour, alors ne perdons pas de temps.

Bien sûr, c'était une information, pas une demande, mais il me connaissait depuis le temps. C'était la seule façon que je connaissais de l'aider, offrir ce que je savais faire. Me battre.

L'attente d'une réponse lui parut interminable alors que celle-ci ne dura que quelques secondes. Aussitôt le patient avait-il pris la parole que son amie lui avait répondue. Il ne fallut pas longtemps à Rei pour comprendre que celle-ci avait tenu au pied de la lettre la promesse qu’il lui avait demandé de faire. Le jeune homme ne savait pas combien de temps il avait dormi mais ce qui était certain c’est que cela avait dû durer plus d’une journée. Image rassurante que de voir que certaines choses n’avaient pas changé malgré le temps qui c’était écoulé depuis sa disparition. Et rien n’était plus rassurant que cette vision pour le jeune traumatisé. Les paroles qu’elle prononça sonnèrent comme la douce caresse de la brise matinale dans les feuillages printaniers. Aussitôt elle prit répondit à son interrogation qu’elle invita le jeune homme, sans pour autant lui demander son avis, à quitter cet endroit lugubre. Car Rei aussi n’aimait pas les hôpitaux, ou plutôt ils ne les aimaient plus depuis certains faits qu’il préfèrerait à jamais oublier.

Elle le tira hors de son lit puis l’aida à se remettre debout. Il mit quelques instants à retrouver ses forces et son équilibre mais ce n’était rien comparé aux efforts qu’il avait dû faire pour revenir à bon port. Elle pointa du doigt une pile de linge sur laquelle étaient disposés ses vêtements, puis elle s’approcha près de lui et l’informa que le cru n’était pas très bon dans cet hôpital. Elle sortit ensuite laissant Rei à ses préparatifs. Il se s’habilla lentement, afin de se rappeler la sensation de cette tenue qui lui était si familière autrefois et si étrangère maintenant. Puis lorsqu’il eut fini ce rituel il rejoignit Ao’ à l’extérieur de la chambre, se dirigeant ensuite vers la tour dans le but de réinscrire dans les registres. Cette princesse qu’il croyait alors enfantine avait bien grandi, trop grandie alors qu’il n’avait pas pu éprouver le plaisir de pouvoir observer ce changement. Il plissa les yeux à l’idée que ça vie aurait été tout autre s’il n’était pas tombé dans un piège si évident, mais le mal était fait.

Alors qu’ils se tenaient tous les deux dans l’interminable file d’attente, il fut plongé dans un rêve éveillé. A peine eut-il le temps de se demander s’il était encore tombé dans un de ses nombreux cauchemars que sa partenaire lui expliqua la situation.

« Bienvenue chez nous Rei ! Toi et moi, on va former une nouvelle team ! La classe hein ! On commencera l'entrainement dès demain, pour que tu récupères. Après tout, la puissance ne tombe pas du ciel, ni en un jour, alors ne perdons pas de temps. »

Un Genjutsu, ça ne pouvait être que ça. La jeune femme si impulsive et maladroite avait réussi à assimiler et contrôler des techniques de ce niveau. La liste des surprises que recevrait le jeune homme risquait d’être grande, mais il s’y était préparé tant bien que mal. Elle lui offrait un entrainement, de la puissance du soutient. Mais Ao’ ne devait pas se rendre compte à quel point le cadeau qu’elle venait de lui donner était grand. Un lieu, loin de la réalité, où il pouvait se sentir en sécurité, se cacher, se protéger. Un lieu sûr où rien n’a d’incidence sur le présent, un lieu de liberté. Il observa les alentours puis fixa la jeune femme du regard.

« On peut dire que tu ne me donnes pas de traitement de faveur toi. Mais je te remercie, la pitié que je ressens chez toutes les personnes qui me regardent me rend fou, je n'en peux plus et ça me dégoute. »

Il poussa un léger soupir puis continua.

« Quand est-ce que cette salle, ou plutôt dimension sera accessible ? Et Quelle sera le but de cette équipe ? Tant que j’y pense j’imagine qu’il y aura d’autres membres non ? Mais, peut-être qu’avant toute chose tu aimerais avoir des réponses ? Je ne peux pas te promettre d’être en état de toutes te les donner, mais je peux répondre à certaines d’entre elles. »

Le jeune homme ne ressentait plus l’affreuse douleur qui parcourait son corps dans la réalité, il en profita donc pour marcher tout en observant l’environnement dans lequel il passerait certainement un temps non négligeable.

Eh bien, je me savais bavarde et souvent trop pressée, mais je ne me doutais pas que Rei saurait se montrer sous une même facette que moi. Ces dires me faisaient sourire, un traitement de faveur ? Bien sûr que je lui en faisais un, si ça n'avait pas été lui, je pense bien que ma douceur n'aurait pas cet égal. Mais la question n'était pas là. Rei avait sans beaucoup de mal repéré le genjutsu, ainsi, la dimension comme il l'appelait, un lac pas n'importe lequel. Ce lui qu'il était censé gelé, celui que je lui proposais de givrer à cet instant même, comme ci finalement, le tout était aussi simplement que cela à sa portée. Un claquement de doigt et voilà l'eau agitée stoïque, les démons disciplinés. Les cris féroces que l'on entendait alors jusque là en arrière fond laissaient place au silence profond. C'était un genre de symbolique qui ne pouvait pas échapper à Rei, pas à lui un homme aussi réfléchis. Mon sourire de carnassier lui n'était pas tant une illusion, il fallait dire que je l'arborais si souvent...

~ L'objectif de cette team ? Je viens de te le montrer. Rendre les choses aussi simple qu'un claquement de doigt pour tout contrôler. Pour le moment il y a nous et crois moi, c'est déjà bien assez de boulot, tu verras.

Un coup de pied dans la glace et tout s’effriter avec facilité avant d'être englouti dans une eau devenue noir, terriblement sombre même, l'arrière fond reprenait de plus belle et l'éclairci du ciel se noyait dans le grondement de l'annonce d'un orage, un qui commençait par une fine pluie dense.

~ Ce monde ? C'est un peu toi, un peu moi finalement, quelque chose d'instable, de facilement perturbable et notre place à l'intérieur, tout définir à une place pour que l'effet du claquement de doigt ne reste pas éternellement qu'éphémère et soumis à la loi d'un autre.

Le terrain changeait. Il croyait le lieu irréel encore qui sait, alors qu'au milieu de cette place qu'il n'avait plus l'occasion de reconnaître, le décor des pierres était noyé sous celui des os, blancs, longs, épais, tranchants, très tranchants et dansant à un rythme irrégulier. Néanmoins ils étaient miens et je pouvais les ressentir, savoir leurs mouvements à l'avance et ainsi épargner l'impact trop violent de leur contact avec la chair de mon invité.

~ Tu as plus de questions que moi sur ce qui t'es arrivé je pense, comment peux-tu m'informer sur ce que tu ne sais pas. Exerçons nous dès maintenant à trouver tes réponses plutôt. Frayons-nous un chemin en dehors de ce monde qui veut te garder enchaîné. A chaque fois que tu hésiteras, il viendra te frapper de plein fouet. Si tu tombes à terre et ne parviens pas à te relever, mon monde disparaît et tous nos efforts sont à recommencer. Dois-je te rappeler à quel point je ne suis pas patiente ?

Un geste de la main pour le ramener vers moi, alors qu'un pic prenait ses droits à son ancienne place... Un sourire, pour lancer le départ et à nouveau mon invité se faisait pousser.

~ Encore deux jokers et tu risques de t'y frotter de près. Tu ne comptes pas dépendre de mon assistance pour faire toutes les esquives ? Parce que si c'est le cas, je vais devoir te regarder te faire tuer par mes soins, ma création. Évites de me laisser ce fardeau... Tu verras que tout n'est jamais qu'une question de choix. Puis, j'ai confiance en toi.

Si j'étais sérieuse ? Évidemment, car si je ne l'étais pas, tout ça ne servirait à rien, il ne s'agissait en aucun cas d'une illusion, mais la transition était assez subtile pour que la différence soit confuse, un bout de la citée était devenu mon terrain de jeu. Oui ce n'était pas le menu fretin que je lui offrais pour son retour, mais bel et bien une partie de ma vision de paradis, un bout de l'enfer pour les autres, des années d'efforts que lui plus que personne pouvait constater. Les règles du jeu avait changé et il devait se mettre à la page, voilà tout ! Ce que je voulais ? Qu'il prenne bien graine de la frustration qui serait sienne très bientôt, qu'elle soit le moteur qui était mien, celui qui ferait qu'il en voudrait toujours plus, encore et encore pour la faire taire, qui ferait que bientôt avoir mal, serait associé à devenir plus fort et non plus à subir. Ce n'était pas tant son corps qu'il avait détruit, mais plutôt sa volonté, plutôt lui et tout ce qu'il était. Comment ? Je ne le savais que trop bien, après tout, eux et moi avions le même métier... Seules deux issues à nos survivants, la folie et la peur ou la rage de vivre à toutes épreuves dans un seul but, la réparation. Une seule ombre familière ici : moi. Alors...

~ Suis-moi Rei ! Si tu le peux.

Inutile de préciser l'arrogance dans ma voix. C'était bien beau la douceur des retrouvailles, mais la réalité, il n'y avait que ça de vrai...

Le Genjutsu se composait d'une vaste étendue d'eau à perte de vue comparable à un lac ou une mer. Ce lieu sombre et infini rappelait non sans mal certains souvenirs à Rei ; en chaque élément de son environnement il voyait un souvenir douloureux, le fait même de vivre l'était devenu. Une torture de chaque instant que de ne pouvoir vivre sans souffrir, autant physiquement que mentalement et un combat afin de se sortir d'une telle situation. L'esprit humain cherchait après tout à acquérir une certaine forme de stabilité, qu'importe soit celle-ci ou la personne. Celui de Rei tendait à redevenir ce qu'il était auparavant, mais certaines choses pourraient être retrouvées tandis que d'autre resteraient perdues à jamais.
Des cris monstrueux émanaient des tréfonds du lac telles des voix à jamais enfouies sous le poids que représentait la volonté, la personnalité ou tout simplement l'inconscient. Un claquement de doigt, une fraction de seconde et le silence fut. Les voix se turent et le lac se gela dans son intégralité, un contrôle total de la situation, une puissance sans égale. Aoji' fit comme à son habitude, dessinant sur son visage un sourire carnassier, le message qu'elle voulait faire passer à Rei était clair ou tout du moins il arrivait à en saisir le schéma. L'objectif de cette nouvelle équipe serait donc de le rendre plus puissant, plus fort. Les deux amis réunis dans le but de s'améliorer et de progresser.

Un coup de pied et la glace s'effrita. Une puissance instable, fragile. L'eau devint noire et l'obscurité engloutit les deux Kirijins. Le ciel s'assombrit, annonçant les prémisses d'un orage par une fine pluie venant chatouiller le visage du Samui. L'eau ne le dérangeait pas, de même que pour le vent. Deux éléments qu'il ne savait encore que peu maîtriser mais dont il deviendrait un jour le maître. Comme elle le disait si bien, ce monde représentait parfaitement le jeune homme. Instable, influençable et lui se trouvait ici en tant que simple victime, ne pouvant agir sur cet environnement hostile. Le claquement de doigt ne devenait plus provenir et suivre la volonté d'un autre, il devait en faire sien. Se l'approprier et le maîtriser à sa guise, devenir puissant, plus que tous les autres. Il ne serait plus le rocher se laissant bercer par les eaux, mais les eaux elles-mêmes.

Le terrain changea encore, aussi brusquement que les fois précédentes. La place qu'il piétinait alors se transforma en une forêt d'os. Aiguisés, tranchants, d'un blanc immaculé, ceux-ci se dressèrent fièrement dans le paysage qu'il côtoyait dansant tels des feuilles dans une brise printanière. Rêve ou réalité ? Cette fois-ci le maître des glaces ne parvint pas à les différencier. Pour la première fois la jeune femme venait de lui apprendre une leçon, elle avait saisie toute la complexité de la situation de Rei. Pourquoi ? Pourquoi l'avait-il tant torturé, pourquoi tant de haine et de colère ? Le jeune homme avait bien entendu posé des mots sur ces souffrances, mais il ne parvenait pas à en différencier tous les aspects, toutes les spécificités et sentiments. Lui qui avait déjà du mal à assimiler le comportement des gens normaux y parvenait encore moins avec ces personnes. Il devait trouver la réponse, c'était le seul moyen de se sortir de cette situation.

Aoji' l'invita à la suivre, son monde était sien, si Rei s'écroulait lui aussi ferait de même. Il devait se libérer de ce monde auquel il était enchaîné. Un geste rapide l'amena près d'elle, un os fendit le sol et vint s'arrêter à la place où se tenait alors le Shinobi. Un sourire, un encouragement, un soutien. Il n'avait pas le choix, il devait avancer pour survivre, se battre pour renouer avec lui-même. Elle lui laissait deux chances autres de survivre, lui porterait secours deux fois avant de le laisser mourir. Le jeune homme espérait au fond de lui qu'elle le secourrait lors quatrième. La réalité avait encore changé, sa partenaire en avait fait sienne et la contrôlait maintenant. Un bout de ce monde qu'elle avait pris dans la poigne de sa main, l'influençant à sa guise. Elle l'invita à le suivre et partit dans la forêt d'ossements qu'elle avait alors fait naître.

Le jeune homme ne se tenta pas à la réflexion au risque de laisser passer une autre de ses chances. Il courut dans la technique de sa soeur tentant de la suivre. Les os dansèrent à côté de lui, tel un balai de lames foulant le sol. Quiconque s'y risquerait devrait faire face à une mort certaine, douloureuse mais rapide. Il tenta de prendre appui sur le sol, les murs, les troncs et d'autres éléments du décor qui restait encore debout sous le déluge côtes. Il esquiva de justesse plusieurs d'entre eux, ses bras et ses jambes devinrent rapidement ensanglanté. La fatigue se fit sentir mais il la fit aussitôt taire, la parfaite maîtrise de son corps restait une des rares facultés qu'il avait acquise et conservait durant son internement. Alors qu'il continuait à avancer, il éprouva une forte pression sur son épaule gauche, il venait encore de laisser passer une de ses chances. Tant bien que mal il réunit le peu de chakra qu'il avait récupéré et commença à cautériser ses plaies. Si les saignements se poursuivaient il ne ferait pas long feu, surtout avec la forme qu'il tenait.

Un os d'un bon mètre d'épaisseur jaillit devant lui et il éprouva des difficultés à changer sa direction en plein air, se servant de sa maîtrise du fûton afin de se propulser légèrement, il sentit la mort défiler devant lui et se rappela les sentiments qu'il avait tant éprouvés. Une menace permanente, une volonté de tuer, le fait d'être vivant ne faisait plus de lui un être privilégié mais au contraire une cible potentielle. Alors qu'il venait tout juste d'esquiver le pic, un autre vint s'interposer entre sa course et il comprit alors qu'il n'aurait pas le temps suffisant pour une nouvelle fois changer sa trajectoire.

Non pas que la volonté de suivre n'était pas là, bien au contraire, je retrouvais un partenaire de jeu, mon partenaire des premiers jours. Si certes le décor n'était plus le même, la ténacité très vite redevenait la même, il m'avait fallu m'arrêter, mais je l'avais promis non, encore une fois, il échappait à la mort hostile qui le poursuivait. Dans son regard je tentais de retrouver cette étincelle, celle qui disait que c'était là qu'il se sentait vivant, car après tout, il n'y avait que proche de la faucheuse que mon cœur battant me rappelait avec excellence ce sentiment, cette volonté d'avancer.

~Attention joker final, oublies ton corps, pense plutôt à ce que tu désires et là c'est rejoindre ce point-là.

Lui qui était désigné par le bout de mon doigt avant de disparaître sous le charme de l'environnement. L'hésitation, elle n'allait pas le pardonner ici comme ailleurs et c'était là la leçon du jour. Comme pour lui donner plus de crédit encore j'ouvrais un chemin nouveau libre d'accès vers l'extérieur, alors que je partais vers les pics toujours en mouvement.

~ C'était ma dernière aide et il te reste deux choix maintenant, me suivre encore, ou avancer seul vers ce qui pourrait sembler évident. Quoi qu'il arrive, je t'attendrais dehors.

N'en fallait-il pas plus pour que je disparaisse facilement en prenant de la hauteur sur les os tranchants comme-ci il ne s'agissait que de simples murs... Sur le toit d'un immeuble je voyais déjà quelque fonctionnaires hurlaient mon nom en me faisant des signes alors que ma forêt s'effaçait au bout de quelque minutes laissant alors une zone massacrée... Un fracas soulevait alors un nuage de poussière après l’effondrement d'un bâtiment trop proche de mon terrain de jeu... Oups. Moi ? De là haut je faisais quelques signes à l'entente de mon nom, genre oui c'est moi, mais bien que j'avais l'air décontracté, c'était assez anxieuse finalement que je scrutais la zone à la recherche de Rei avant de retrouver le sol. Proche de lui, je l'attrapais pour le serrer vers moi à l'aide d'un bras, le ton tout de suite plus léger, je me devais de l'informer...

~ Rei ? Notre jeu a été remis à plus tard...

Je pointais l'horizon carnagé...

~ Disons, qu'on a un peu abîmé Kiri, la suite de l’entraînement qui t’incombe, réparer ça ! Je t’aiderais ne t'en fais pas, après tout j'en suis un peu responsable...

La base, tout détruire pour tout reconstruire, j'espère que le concept était bien saisi.

~ Il n'y a pas de conséquences à nos actes dont il faut se soucier, juste des détails à régler, là en l’occurrence l'occasion de bien réfléchir à la prochaine fois où ce monde aura besoin de te poursuivre et aux efforts qu'il te faudra ensuite pour lui avoir survécu.

Ma bouche se rapprochait de son oreille et c'était là une invitation qui s'en faisait souffler.

~ Enfin jusqu'à ce que l'on inverse les rôles, n'oublie pas ta promesse de geler ce fichu lac. D'ici là...

Un sourire sadique se dessinait sur mon visage.

~ Je viendrais t’accueillir chaque jour ! Travailles ton suiton pour la prochaine fois.

Encore une fois la partenaire de Rei le sauva d’une mort certaine. L’os qui allait plonger dans son corps fut stoppé dans sa progression par la propriétaire de la technique. Même s’il savait qu’elle ne le laisserait pas mourir, tous ses sens se mirent en éveil de plus belle. Son ouïe s’affina et ses gestes s’accélérèrent tandis que le temps semblait ralentir autour de lui. L’adrénaline, cette hormone si puissante qu’elle permet à l’être humain d’atteindre le maximum de ses capacités normalement inaccessible en inhibant douleur et fatigue. Tout mammifère la possédait et elle se déclenchait sous le joug d’une colère ou d’une peur intense comme celle qu’il ressentait alors. La peur instinctive de souffrir une nouvelle fois, blessé, il deviendrait alors une cible de choix pour toute personne lui voulant du mal. Même si sa conscience s’avait que s’était absurde puisque il était dans son village et que de plus sa sœur était présente, son inconscient agissait de lui-même.

Il venait d’utiliser son avant-dernière chance, même si la prochaine fois elle le sauverait encore, ce ne serait pas le cas de la menace suivante. Elle lui pointa du doigt un endroit qu’il devait atteindre afin de terminer le défi que Aoji’ lui avait lancé. Il lui restait maintenant deux choix possibles, fuir le danger et utiliser le chemin qu’elle venait de lui ouvrir afin de sortir de la forêt d’ossements, ou la suivre et se battre. Se battre, le jeune homme avait fait ça pendant plus d’un an et demi. Tout ce temps écoulé lui avait semblé durer une éternité tant les jours furent longs et pénibles. Le petit souffle de vie qu’il avait réussi à protéger et conserver s’était imposé de lui-même. Sa personne, ce qu’il était et ce qui le caractérisait lui imposait de vivre et d’aller de l’avant. Il lui était désormais inconcevable de mourir et de perdre ; la victoire à tout prix. Rei décida donc de suivre la jeune femme sous la volonté de ses sentiments, chose qu’il n’aurait jamais faite alors. Mais tandis qu’il continuait sa route en esquivant les différents dangers, la forêt disparu dans le sol et il sentit Ao’ le serrer contre elle. Pointant l’horizon, elle lui expliqua que le jeu était terminé et que les deux ninjas devaient maintenant réparer les dégâts qu’ils avaient causés. Encore un aspect de la personnalité du Samui qui avait bien changé, jamais auparavant il n’aurait laissé faire à la Kaguya une telle chose. Maintenant la sécurité du village et de ses habitants lui importait bien peu, seule la sienne et celle d’Aoji avait désormais de l’importance. Elle-même qui s‘adressait à lui tout en le tant fermement près de son corps.

« Il n'y a pas de conséquences à nos actes dont il faut se soucier, juste des détails à régler, là en l’occurrence l'occasion de bien réfléchir à la prochaine fois où ce monde aura besoin de te poursuivre et aux efforts qu'il te faudra ensuite pour lui avoir survécu. »

Sa bouche se rapprocha de son oreille et lui murmura des mots.

« Enfin jusqu'à ce que l'on inverse les rôles, n'oublie pas ta promesse de geler ce fichu lac. D'ici là... Je viendrais t’accueillir chaque jour ! Travaille ton suiton pour la prochaine fois. »

Dit-elle alors que son visage dessinait un sourire sadique. Geler se lac signifiait apprendre à maîtriser son pouvoir héréditaire. S’il n’avait jamais été considéré comme la honte de son clan s’était uniquement grâce à son intelligence et ses capacités en tant que ninja déjà éprouvés. S’il n’avait pas travaillé durement pour se faire dans le passé, sa non-maîtrise du Hyoton aurait fait de lui un paria. Et il n’y avait rien de bon à se retrouver dans cette classe, surtout dans un clan aussi puissant et ancré dans les traditions que celui des Samuis. Une mentalité vieillissante et injuste ayant pour seul but la pérennité et l’accroissement du pouvoir de la famille. Qu’importe, les mots prononcés par la jeune femme ne pourraient être oublié par Rei. Une promesse respective et un objectif à atteindre, une raison supplémentaire d’avancer et de se battre. Il laissa doucement tomber sa tête sur l’épaule de la jeune femme comme si c’était là une promesse que l’on tapait des mains et également un signe affectif. Puis il observa l’horizon et prit la parole.

« Ca va nous prendre un certain temps de réparer tout ça, surtout vu les dégâts causés. Peut-être devrait-on commencer par porter secours aux personnes qui auraient pu être blessé ? »

Non ce n’était pas là de la pitié, simplement un raisonnement logique qui aurait dû être sien en temps normal, cependant c’était plutôt là la marque de son apprentissage que celle de ses sentiments. Ni tristesse, ni colère, ni compassion ne transparaissait de ses mots. Son visage resta impassible face à la destruction qui s’étendait tout autour de lui.

Oui on pourrait. C'était bien ce que j'aurais pu lui répondre, mais à la place pour une fois, je laissais place au silence un bref moment pour percevoir l'agitation causée ? Non, pour écouter ce souffle presque apaisé après un pareil moment, celui d'un esprit vidé d'émotion, un rythme du cœur familier, une expression commune. Nous voilà ainsi frère pour de vrai, frère dans une façon de penser, une bien loin de la majorité, mais pas une forcément mauvaise. A qui la faute s'ils étaient là quand nous l'étions aussi, à qui la faute si n'étaient pas capable de se défendre, à qui la faute si leur bêtise leur coûtait la vie. Eux, bien sûr, nous n'étions qu'un élément dans les événements, le vent rasant les bâtisses retournait-il sur les lieux de son forfait pour réparer ses dégâts ? Bien sûr que non.

~ Tu as entendu quelqu'un dire que l'on gagnerait quelque chose à le faire ? Il y a assez de monde ici pour s'en occuper, ce n'est pas notre affaire s'ils sont trop faibles et naïfs au sein de leur cocon. Je parlais plutôt de ça à vrai dire.

Ma main venait trouver une plaie pour y faire pression, teintant ainsi mes doigts de la couleur de son sang se présentant alors sous son nez pour confirmer mes dires. Il était tout de même amusant qu'il avait pensé que je me souciais d'autres avant lui.

~ Quand je pointais la place, c'était plus pour dire que je vais t'aider à faire en sorte que je n'ai plus l'occasion de te traîner dans des chaos pareils.

Un nouveau coup de tête associé à ce sourire en phase de devenir emblématique et je concluais ainsi...

~ Tu m'arrêteras avant même que je n'ai eu le temps d'y penser. Parce que c'est l'ordre des choses entres nous, parce que j'ai besoin de toi pour le faire que tu n'as pas le droit de faillir.

La vérité se résumait probablement à ça, des faiblesse qui faillaient combler, les mêmes dominées plus facilement à deux que seul, la définition simple de mes attentes vis à vis de lui. Les mêmes qu'avant finalement. J'étais comme une enfant qu'il fallait garder dans une main de fer pour pas qu'elle ne se dissipe. Je patientais alors jusqu'au moment où Rei daignerait reprendre son poids sur ses pieds, il n'était pas question de lui enlever son moment de répits. Quand ce dernier arrivait, mon bras quittait son emprise, nous n'avions plus rien à faire ici si ce n'était récolté de futurs ennuis...

~ Alors de quoi rêvais-tu en marchant vers Kiri, quel était la première chose que tu voulais faire, les premières sensations que tu voulais retrouver, le premier endroit où tu voulais aller. Dans quel ordre as-tu choisi ton retour ? Il est temps de s'en occuper, ma foi, tant que tu me laisses t'accompagner bien sûr !

Parfois tout pouvait être aussi simple que ça, suivre ses envies, sa volonté, le secret restait de s 'en donner les moyens et des moyens pour lui j'en avais légion. Le survivant parmi les ombres du passée, même plus capable de lui dire qu'il m'avait trop manqué, pour cause j'avais oublié comme si sa présence venait de combler tout ce vide avec une facilité déconcertante. Cette fois plus jamais je ne laisserais disparaître, c'était assez étrange dis comme je lui avais soufflé en y repensant.

~ Rei, je préfère encore te tuer de mes mains que de te laisser t'envoler encore une fois. Prend garde à ne plus m'abandonner !

Le sourire pourtant ne rejoignait que difficilement le connu de mes mots, il était doux et un peu enfantin, après tout, les réactions décalées de ma part étaient une marque de fabrique, une qu'il connaissait mieux que personne alors que mon bras se tendait pour l'assister. Non, je n'avais pas oublié sa convalescence contrairement à ce que l'on pouvait croire !

Rei comprit qu’il avait mal interpréter les gestes de Ao’ lorsqu’elle lui expliqua que leur rôle ne se cantonnait pas aux réparations des lieux. Fortes sont les habitudes de vie que l’on inculquait aux enfants durant leur jeune âge, il avait encore une fois réfléchi à travers un autre, mais n’était-ce pas non plus là la preuve de sa maturité ? Un adulte se devait de connaître les priorités incombant à sa position, mais un autre regard rafraichissant tel que celui de la Kaguya s’appliquait très bien au Samui. Le plus important n’était non pas la réparation des dégâts matériels mais plutôt celle de sa personne. Sa personnalité, sa force de vie, sa volonté. Il devait reprendre goût à la vie avant tout, renouer avec lui-même. Tel devait-être son seul objectif, sa seule pensée. Comme le disait si bien la jeune femme, il y avait assez de monde en ce lieu pour s’occuper des dommages. A une autre époque, il aurait exposé à la jeune femme des faits simples : les dégâts doivent être fixés par ceux qui les ont commis, et les actes pesés à leur juste valeur. Mais qu’importait ici, leur vie ne valait rien.

La main de la jeune femme vint s’apposer sur une plaie au niveau du bras de Rei. Le sang y coulait en quantité non négligeable et exposa devant son regard sa main rougie. Le jeune homme ne l’avait même pas sentie, puisse-t-il encore être sujet à la douleur physique. Son corps ne ressentait presque plus depuis son rétablissement, les coups, le sang, les courbatures, rien de tout cela n’avait d’importance. La douleur devenu sa compagne de chaque instant, sa présence était devenu familière à ses yeux. Ao’ lui expliqua ensuite qu’elle ne voulait plus avoir à le trainer dans de tels chaos pour le retrouver, il en était de même pour lui.

« Merci. C’est aussi ce que je veux atteindre et je ferai tout pour cela. »

Un nouveau coup en guise de promesse associé à un sourire apaisant. Des paroles encourageantes et un discours rassurant.

« J’ai encore du chemin à parcourir avant de te rattraper, tu es devenu plus forte que je n’aurai pu l’imaginer. »

Lui aussi savait qu’il n’avait pas le droit de faillir, il se devait de réussir comme il se dû de survivre fut un temps. Il profita de ce cours instant de tranquillité pour se reposer, autant son corps que son esprit. Lorsqu’un homme réapprend à marcher, des béquilles sont nécessaires. Rei était cet homme et Aoji’ ses béquilles. Puissantes béquilles que sont la force de caractère et de personne qu’était devenue la jeune femme. Le chemin qu’elle avait parcouru était impressionnant, preuve du temps qui s’était écoulé depuis sa disparition. Avant même que son esprit ne puisse encore se perdre dans les ombres de sa mémoire, la Kaguya relâcha son emprise.

« Alors de quoi rêvais-tu en marchant vers Kiri, quel était la première chose que tu voulais faire, les premières sensations que tu voulais retrouver, le premier endroit où tu voulais aller. Dans quel ordre as-tu choisi ton retour ? Il est temps de s'en occuper, ma foi, tant que tu me laisses t'accompagner bien sûr ! »

Ses rêves étaient flous, ses pensées sombres. Seule une volonté animait le jeune homme, celle de survivre et de se venger. Les cadavres qu’il avait laissés lors de son départ de la prison ne suffisaient pas, tous devaient périr. Lorsqu’il se réveilla dans son lit d’hôpital, ses sentiments se laissèrent emmener vers la solitude et l’apaisement. Les vagues s’étaient calmés et le flot ininterrompu de souffrance trouvait sa fin.

« Rei, je préfère encore te tuer de mes mains que de te laisser t'envoler encore une fois. Prend garde à ne plus m'abandonner ! »

L’abandonner signifierai la mort du jeune homme, non pas physique mais mentale. De fragiles fondations réduites à l’état de ruines. Rei ne pouvait se permettre de rester seul, il restait trop faible.

« Je ne t’abandonnerai, je ne pourrai même pas le faire. Mais il en est de même pour toi, il va me falloir du temps et j’aurai besoin de toi, ne me trahit pas, s’il te plaît. »

Une prière plus qu’une demande, la condition sine qua none de son rétablissement.

« J’aimerai bien retourner dans la forêt, là où l’on s’est rencontré. Tu te souviens près de cette cascade et ce lac où tu avais construit ton abri de fortune avec ton louveteau. D’ailleurs qu’est-il devenu ? Et le reste de ta famille ? »

Un chemin ? Il me faisait sourire, non je ne lui promettais que des raccourcis, il fallait profiter du fait que j'ai justement bien grandi, car après tout je ne l'avais fait que dans ce but et un retour aux sources me semblait être une excellente idée. Avant tout il fallait répondre aux questions posées, certaines réponses me semblaient parfois sans intérêt, mais bon. Je les lui donnais.

~ Retournons y alors, l'endroit n'a pas changé, je l'ai conservé, sauf l'abri, le temps a fait que finalement, il a eu l'assistance de la fortune justement. Tu verras méconnaissable !

Quand on fait appel à des artisans professionnels forcément...

~ Quant à ma famille, il n'y a plus grand chose à en dire. J'ai effacé la présence de ceux qui m'enquiquinaient. Tei' vit avec moi et mon mari est un passé emporté par Konoha. Finalement, il y a beaucoup de choses et rien qui ont changé. J'ai l'impression d'en être revenu à mon point de départ, ce n'est pas plus mal, la vie m'a rattrapée Rei et m'a imposée des obligations et des devoirs. Tu vois pourquoi j'ai tant grandi, Kiri a triché cette vilaine fille.

Aucune tristesse dans le ton de ma voix, je ne voyais pas les choses de cette façon, après tout, aussi tragique pouvaient être parfois les événements, il en ressortait toujours un bon côté pour peu que l'on sache bien regarder.

~ J'ai profité des joies et des peines et elles m'ont toutes deux servies, comme les tiennes le feront.

Les pas nous guidaient vers le passé, aucune nostalgie ne me venait, je ne venais pas me remémorer je venais créer une nouvelle lancée, la notre, puisque la première avait malheureusement était contrarié. Disons, que j'avais brûlé l'ancien livre et ouvert le nouveau, car comment dire...

~ Et si on refaisait l'histoire à partir d'ici plutôt Rei?

Un moment avait fallu pour arriver face à l'eau, si on regardait de plus près en tout point le lieu ressemblait à mon genjutsu, ce n'était pas un hasard alors qu'un geste vif de ma part poussait le Samui dans l'étreinte du lac. Une scène familière que je m'empressais de parfaire en tendant ma main au bord de l'eau.

~ Alors Rei, te sens-tu vivant ? Regardes, ça je ne l'ai appris que parce que tu existes dans ma vie, qu'apprendras-tu parce que je fais partie de la tienne.

Cette même main tendue ne le visait pas lui, mais bien le lieu, le liquide se bougeait en quittant avec douceur les contours du Samui alors que derrière un immense mur dans une vague agitée s'était élevée. Un lac de la même ampleur, mais à la verticale.

~ Retiens le, nous voilà déjà à la prochaine fois.

Je m’asseyais alors que je venais de lâcher toutes emprises sur le liquide. Souriante, je patientais, j'étais confiante,  car disons-le...

~ Rei tu es aussi puissant que moi, tu ne dois pas en douter, nous sommes frères après tout, il n'y a rien que je ne fasse que tu ne puisse reproduire.

Le sol vibrait le fracas de la surprise pour ma demande très soudaine. Allez il fallait qu'il arrête lui qui avait été mon maître de l'eau, lui qui devait le rester.

Cette étendue d’eau représentait bien des souvenirs pour Rei. Ce fut à cet endroit qu’il rencontra pour la première fois la personne qui deviendra sa meilleure amie, ou encore sa sœur de cœur. Deux personnalités opposées appartenant à deux clans aux idéologies opposées qui finirent par devenir ami. Tandis que certaines personnes ne croyaient cela possible que dans les rêves, les deux genins prouvèrent qu’il était possible de comprendre une autre personne en étant totalement différente de celle-ci. Lorsqu’il l’a vit puis entendit ensuite son histoire, il se prit rapidement d’affection pour elle. Pourquoi elle plus qu’une autre ? Seule la chimie du corps et du cerveau aurait pu l’expliquer. Mais tandis que certaines choses obtinrent toute leur splendeur grâce à un regard scientifique, d’autres la conservèrent à travers un regard profane. Et c’était le cas de ce sentiment que l’on pouvait l’amour, non pas celui d’un homme envers une femme, mais celui d’une personne envers une autre. Telle était la vision du Samui, celle qu’il était toujours parvenu à conserver malgré les épreuves et le temps s’écoulant inévitablement.

Ils prirent la direction de ce coin de forêt, banal aux yeux de tous mais unique aux leurs. Ao’ rassura son ami en lui confiant que l’endroit n’avait pas changé, au contraire celui-ci s’était transformé. Alors qu’ils marchèrent paisiblement, la jeune femme répondit aux questions de Rei. Ses ennemis furent vaincus et ses personnes chères élevées. Mais le médecin tomba des nus lorsqu’il entendit sa sœur parler de mari. Le temps s’était-il écoulé si vite qu’il ne put découvrir celui qui lui aurait dédié sa vie ? Alors que son esprit s’emballait il se remémora une chose importante : les valeurs de la Kaguya n’étaient pas celles vers lesquels il penchait. Elles étaient différentes bien que tout aussi intéressantes et surtout très éloignés. Le plus logique aurais-été qu’elle eut choisi son mari en fonction de sa puissance, à l’exception qu’elle soit réellement tombé amoureuse de lui. Un amour perdu dans le pays du feu, jamais les conflits n’eurent cessé de séparer les âmes sœurs. Un retour à sources engendrées par de grands changements qui lui permirent finalement de murir et de grandir. Aucune tristesse ni nostalgie ne se faisait sentir de la voix de la jeune femme tandis que celle-ci aurait dû être palpable si elle avait éprouvé de profonds sentiment pour cet homme. Quelques soient les souvenirs, heureux ou tristes ils finirent toujours par nous apprendre une notion, ou nous faire réfléchir et progresser.

« Et si on refaisait l'histoire à partir d'ici plutôt Rei? »

« Refaire l’histoire ? »

Pas un mot ne suivit son interrogation jusqu’à ce qu’ils arrivèrent près de la source d’eau ou plutôt du mur d’eau. Ce n’était pas là l’œuvre de la nature à travers une cascade mais plutôt celle de la technique de Ao’. Les deux jeunes ninjas étaient de retour dans le Genjutsu de la jeune femme et celle-ci poussa Rei d’un geste vif vers le lac. Jamais il n’aurait un jour pensé voir la jeune femme si mure. Se sentir vivant, t'elle était la question alors posé par la jeune femme. Une question simple mais d’une complexité sans pareil. Le mur d’eau représentait la marque que le Samui avait laissée en elle, une manière en somme de se sentir vivant en existant en partie à travers les autres.

« La trâce que tu as laissée en moi m’aida à survivre et me permet maintenant de me relever. Ce n’est non pas la construction à laquelle tu as participé mais aux fondations. »

Un lac d’une grande ampleur se dressa dans le dos de Rei et commença à s’effondrer sur lui-même aussitôt la jeune femme eut fini de s’assoir. Le jeune homme entreprit de concentrer son chakra afin de maintenir le précieux liquide en apesanteur, signe qu’il acceptait le défi.

« Rei tu es aussi puissant que moi, tu ne dois pas en douter, nous sommes frères après tout, il n'y a rien que je ne fasse que tu ne puisses reproduire. »

« J’étais aussi puissant que toi, mais plus maintenant. Tu es devenue forte tandis que je me suis perdu. »

Un regard flouté, vide de sens. Le jeune homme observait la masse de liquide inerte, se perdant dans ses souvenirs. La vague se fracassa sur le sol tandis qu’il reprit conscience, surprit de l’étendu de la puissance de celle-ci. Conserver un liquide sous sa forme n’était pas une tâche si hardie mais arrêter une telle masse en mouvement demandait une technique bien plus complexe ainsi qu’une quantité de chakra importante. Rei renforça ses appuis afin de tenter de résister aux flots tandis qu’il réunissait ses forces afin de reprendre contrôle de la situation. Au bout de quelques instants, une partie de l’eau se rapprochant de lui se recouvra d’une frêle pellicule de glace. C’était là la première fois qu’il parvenait à se servir de son pouvoir héréditaire. Il constitua ainsi une fine bulle de glace à ses pieds faute de mieux, repoussant la puissante onde qui continuait inexorablement sa route. Une fierté palpable se dégageait du visage du jeune homme ainsi que de nombreuses questions emplissait son esprit. Que voulait-elle dire par refaire l'histoire, Rei ne le savait point.

« L'histoire ne se refait pas, on en tire une conclusion, une leçon. Ou l'oublie quand elle est trop dure ou au contraire on la retient. Mais il n'appartient qu'à nous de construire notre futur et de se battre pour lui. »

Tiens donc, était-ce bien ce que je pensais qui venait d’apparaître sous mes yeux ? Un instant un sourire nostalgique se figea puis l'instant d'après, simplement je riais. Un vieux pari qu'il allait gagner et j'avais toujours su que ça serait le cas. Néanmoins, il n'en était qu'à un fragment. Le deal voulait que tout le lac soit gelé, se souvenait-il de l’enjeu ? Moi parfaitement en tout cas. J'applaudissais alors la performance, des enseignements de nos histoires ? Ça c'était une évidence, mais quel manque d'imagination d'envisager les choses ainsi. Trop ennuyeux, trop encombrant. Faisons le point alors !

~ Tss... Pourquoi faut-il que tu sois toujours aussi sérieux ! Ne me répète pas les choses que je sais déjà. Envisage plutôt celles que nous pouvons créer à partir de là. De nouvelles règles, les tiennes exclusivement.

Je levais un doigt pour capter son attention et un brouha s’immisçait dans notre conversation des voix familières se mélangeant et nous appelant toutes. A moi ou lui, qu'importe ce qu'elles disaient, l'essentielle restait ceci...

~ Entend, ils ne nous laissent pas en paix, ni parler, ni avancer, sais-tu pourquoi ?

Parce que parmi elles se trouvaient des liens forts ou non, dans la haine ou l'affection, parce que en elles parler...

~ La faiblesse humaine. Le souvenir est ton ennemi Rei. Il est vile et te susurre les mots tendres de ceux qui te manquent ou les horreurs de ceux qui te hantent, mais ce n'est que dans un but. C'est pour te rappeler que tu lui appartiens, ta soumission comme si en vrai maître il décidait pour toi son pantin.

Mon doigt se laissait et tous se taisaient avant que leur silhouette aux faibles traits apparaissent. Il s'agissait de mes fantômes cette fois, les miens simplement, deux frères me ressemblant tant avec un sourire étiré, comme quand nous jouons dans le passé. Aucun regret face à mon meurtre que je montrais au Samui, aucune irrégularité dans le battement de mon cœur qu'une main lui faisait découvrir. Aucun masque sur mon visage dont le regard perçant ne le quittait pas. Ils disparaissaient et Shinichi,  Yoru, Yuka, Tenzö ou Shord suivaient un bref instant avant de disparaître dans un soudain néant.

Balayer, presque comme si ils n'avaient jamais existé, car à quoi bon de garder ce que l'on ne pourrait plus jamais retrouver... ? Ce n'était par manque de respect, c'était par souci de simplicité, ils resteraient éternels à travers ce qu'il avait fait de moi en bon ou mauvais, c'était bien suffisant ainsi.

~ Arrête de perdre ton temps. Tu n'en auras jamais assez, peut-être plus que moi sûrement, mais ce n'a te suffira pas. Quelque soit la force de tes souvenirs bon ou mauvais. Ils ne sauront jamais rien t'apporter si tu y restes enchaîner. Efface les parties qui pourraient te détruire. Si je décide de refaire l'histoire et décréter qu'ils n'ont jamais existé, je peux pallier cette faiblesse, il suffit d'occuper son esprit ailleurs, d'être plus logique bizarrement qu'humain finalement. Ne pas me figer aux places qu'ils avaient prises ou encore à l'emprise qu'ils avaient sur moi, tel a été mon choix. Au final tu finiras par comprendre, la seule chose qui doit jamais s'effacer c'est toi. Le reste est superflu, comme le regard des autres, le jugement d'une majorité ou non, toute la force du monde ne servira à rien dans celui qui n'est même pas maître de lui-même.

Au fond, j'étais un peu comme une créature sans âme à premières vues, une sans cœur. Mais c'était tout à l'inverse, le monde avait voulu que ma vie n'est pas le temps de stagner, que ma vitalité file à peine arriver, forcément ça ouvrait les yeux sur beaucoup de choses, tant que je voulais vivre pour n'avoir rien raté au final. Le moment ou jamais et le plus jamais arriverait trop tôt. Je voulais conserver mon identité loin de toutes leurs interventions, mon cœur loin de toutes leurs tentations. La vie était vile et je ne savais plus quand j'avais cru comprendre que mon pire ennemi restait moi-même et la façon dont je laissais le monde et l'histoire me façonner. Et pourquoi, pourquoi je ne déciderais pas toute seule et m'y tiendrait ? Ah c'était que la société des hommes détestait ça. Qui sans soucier ? Peut-être pas tout le monde, ainsi donc...

~ J'ai décidée que le Rei que j'ai connu n'avait pas changé, que ces monstres qui le hantent cessent d'exister jusqu'à ce qu'il soit temps de les exterminer. Je préfère la vie avec légerté au final, une vision simplette, le parcours n'est qu'un détail, seul le résumé de la fin que décide est important. Apprend à selectionner ce qui doit rester ou non. Gerde en vue un objectif, quant au reste... Dis-toi que ce n'était que pour passer le temps. Il n'y a pas d'intérêt à s'attarder dessus, la mémoire sélective tu vois...

Mon crâne venait rejoindre le sien à nouveau...

~ La première des forces est ici Rei, c'est elle qui t'a toujours rendu différent des autres à mes yeux depuis le premier instant. Tu m'as appris que savoir se servir de sa tête c'est pouvoir ouvrir toutes les portes de nos désirs. Je connais les miens, identifies les tiens et assouvies les enfin, qu'importe les sacrifices et les conséquences si un instant un seul tu les atteints.

Le monde réel à nouveau et me revoilà assise au bord d'une eau paisible, une ressemblant au son de ma voix alors que je concluais ainsi...

~Tes yeux ne sauront jamais me mentir, comme les miens me trahiront au contact des tiens. Je te ferais payer chaque cauchemar qu'ils porteront jusqu'à ce que tu comprennes d'où est repartie notre histoire.

Pour la première fois le jeune homme était parvenu à créer de la glace. Après plus de 21 ans sans pouvoir contrôler son pouvoir héréditaire celui-ci fit surface. Cette nouvelle ravirait ses proches qui attendait beaucoup d’un descendant de grande famille tel que lui, mais Rei n’avait que faire de leur avis. Seul importait la fierté qu’il éprouvait alors, il n’était qu’au début de ses efforts et de son entrainement mais ceux-ci portait déjà leurs fruits. Le rire de sa sœur mis du baume au cœur au jeune homme, une fierté partagée par les deux amis, un sourire se dessina même sur le visage du jeune ami si impassible depuis tant d’années. Lui-même semblait penser qu’il avait oublié ce que signifiait le sens de sourire, que ce soit par fierté ou joie.

« Tu me connais, je suis comme ça. Mais j’envisage déjà celle que je vais créer car je compte bien les mener à bien. Créer mes propres règles. »

La jeune femme leva un doigt et de nombreuses voix jaillirent de nulle part. Indiscernable elles rappelaient à Rei la pression qu’il avait sur les épaules, de par son clan, son retour au village, mais surtout et uniquement les attentes qu’il avait envers lui-même. S’il y avait bien une chose que l’homme avait compris durant son périple il s’agissait bien de la valeur du regard des autres et du sien. Sans cela les regards que portaient sur lui ses tortionnaires aurait été insoutenable, jour après jour ceux-ci semblait le considéré comme un simple objet, un objet leur permettant de faire jaillir toute leur frustration et leur haine. Le brouhaha incessant que créaient ces voix semblait familier à Rei, l’appelant à les rejoindre là où elles étaient. Une sensation étrange et inconfortable que celle qu’expérimentait le Samui. La jeune femme lui expliquait qu’ici résidait la faiblesse humaine, à travers le souvenir se créait des attaches, des liens soumettant la volonté et influençant les décisions qu’ils pouvaient prendre, ils décidaient de son destin.

Rei put apercevoir des silhouettes qui lui étaient familières alors que le doigt de la jeune femme se laissait tomber. Tout d’abord deux garçons apparurent, un air de famille liait ces deux hommes à Ao’. Elle prit sa main et l’amena à son cœur, ses battements étaient stables et continu. Puis ces ombres disapurent, permettant ainsi de faire jaillirent celles Yuka, Shord, Yoru, Shinichi et une dernière personne que le jeune homme ne connaissait pas même s’il comprit sans trop de mal que ce devait Kaguya Tenzo, son défunt mari. Cette vision bouleversa le jeune homme, son esprit avait de lui-même effacer les sentiments et les égards qu’il avait envers ces shinobis. Il se sentait proche de Yuka de même qu’il respectait les deux Mizukages autant qu’il puisse se faire. Rei n’avait jamais eu une vraie amitié avec Kyu Shord, il ne l’aimait pas. Mais il savait que celui-ci considérait Aoji’ comme un être cher et qu’il en était de même. Balayé d’un simple mouvement de main, ses ombres disparurent aussi vite qu’elles apparurent.

Pour la Kaguya, les souvenirs il était une perte de temps que de ressasser le passer ainsi que les souvenirs. Rien ne découlerait de bon d’eux, au contraire ils représentaient des chaînes. Les détruire afin de reconstruire de meilleures bases. Ne pas se laisser tracer son chemin par un autre, ne pas se laisser influencer mais oublier et continuer à avancer. Seule la maîtrise de soi-même avait d’importance, là résidait toute la pensée de la jeune femme. Rei ne répondit rien à ces mots car il comprit que ne se déroulait pas ici un débat mais le partage d’une expérience qui permit à sa sœur de forger ce qu’elle était devenue. Le raisonnement importait peu, la conclusion était la même, le but des deux kirjins, en somme celui de toute personne capable de comprendre le sens de ce raisonnement résidait en la création de soi et son accomplissement. Lui qui avait été tant brisé par le passé comprenait au combien l’importance de ces mots, la souffrance était la meilleure des enseignantes quand il s’agissait d’apporter maturité ainsi que sagesse. Sans cela, serait-il possible de trouver un moyen permettant d’échapper, ou plus important de vaincre cette souffrance.

Rei restait là sans un mot, écoutant les propos de la jeune femme afin d’en extraire le sens premier. Ses souffrances qui étaient siennes n’existaient pas aux yeux de Ao’ jusqu’à ce qu’elles finissent par être exterminé. Une vision simplette selon ses dires mais aussi riche et importante que n’importe qu’elle autre vision. Le but n’était pas là d’avoir la bonne vision, qu’elle pouvait être cette bonne vision autre que celle qui avait permis à la jeune femme de réussir là où elle était parvenue à arriver. Conserver son objectif bien en tête, ne pas se soucier du reste, ne pas s’attarder sur le passé mais contempler le futur avec intérêt. La tête de la jeune femme vint une nouvelle fois rejoindre celle de Rei. Ici reposait sa force, son intelligence, sa personnalité. Identifier ses désirs, tracer le chemin à parcourir puis se lancer sans penser au reste, atteindre son objectif quoi qu’il en coûte, seul le résultat importait.

Le monde réel jaillit de nouveau, la Ao’ se retrouvait assise au bord de l’eau. Le lac était calme, pas une femme autre que celles que provoquaient la jeune femme ne venait perturber la nature. Deux âmes liées par une amitié profonde, une forme d’amour en soi. Rei se remémora chacune des paroles que venait de prononcer la jeune femme. Il lui était impossible d’oublier le passer, non pas qu’il soit trop dur, même si c’était bel et bien le cas, mais il n’en était pas de même pour sa personnalité. Tout du moins il comprit que l’importance résidait dans l’accomplissement et non le chemin. Il resta là assis à regarder la surface de l’eau, un simple courant d’air aurait permis de briser cette fragile paix, tandis qu’un tsunami ne pourrait venir à bout de celle de sa sœur. Il se trouvait actuellement comme ce paisible lac, confiant en apparence mais prêt à se briser au moindre élément perturbateur. Seul le temps, les efforts et la volonté lui permettraient de se sortir de la situation dans laquelle il était. Il ne parvenait pas à voir le bout du chemin ni-même la finalité à laquelle il aboutirait. Mais la simple vision de ce chemin suffisait à le rassurer, Rei savait qu’un chemin, de même il avait connaissance du but à atteindre et de la façon de l’atteindre. Le reste suivrait tant que sa volonté resterait de fer.

Au bout de quelques instants il vient s’assoir aux côtés de la jeune femme.

« Puis m’allonger et poser ma tête sur tes jambes ? Je sais que cela peut paraître bizarre mais j’aimerai réfléchir calmement. Et avec ça j’y parviendrai sans que mes yeux n’aient à te mentir. »

L'immature aurait vu là un geste d'enfant, tandis que l'Homme y observait une volonté de paix et de réflexion.

Quelle demande amusante, non par son contenu, mais par son existence. Je souriais alors que mon corps changeait de position pour l’accueillir, comme si il avait besoin de demander, mon nez se levait vers les cieux, moi aussi je voulais méditer simplement, en le sachant près de moi... Sans avoir besoin que mes yeux ne le voient, car sans ça, j'aurais craint qu'il disparaisse encore, ma main venait rejoindre le haut de son crâne pour glisser dans ses cheveux. J'avais l'impression de voir mon petit frère en manque de tendresse, la meilleure preuve de confiance que l'on pouvait s'offrir était cette dernière. Ne pas avoir besoin de respecter des codes, pouvoir suivre ses envies, car il ne s'agissait pas de faiblesse, car il n'y avait plus se stade de catalogage entre nous. Mon second bras se posait sur ce torse à la respiration régulière, encore une fois nous regardions dans la même direction.

Pas un mot, juste la caresse et le sifflement du vent. Il m'était précieux et je savais maintenant qu'il le savait, mais aussi que je le lui étais à lui aussi, bien plus que l'on ne l'avait pensé. Me voilà qui rigolais, par joie et bonne humeur, ce n'était pas souvent que mes rires étaient sincères, ils devaient peut-être ne pas avoir la même tonalité ? Je savais pas trop en fait, je ne les avais plus entendu depuis mon enfance, j'avais oubliée. J'aurais voulu que ce moment se fige dans le temps, que plus rien ne rappelle auprès du monde, que la plume de l'histoire n'ait plus d'encre et qu'elle nous laisse là, happy end.

Pourtant je savais à quel point ça ne serait pas si simple, comme son retour, comme mes attentes envers lui, ces yeux ne mentiraient pas ? Idiot, ils ne l'avaient jamais fait et ne le ferait pas. Et en méditant aujourd'hui je ne voyais que l'éclairci qui m'aveuglait et plus la brume qui gelait mon corps, ça faisait du bien.

~ Rei. Accordons-nous plus de moments comme celui-ci. J'en ai terriblement besoin tu sais.

Probablement, plus que lui, je n'étais pas tant le pilier qu'il voulait voir en moi, puisqu'il était déjà le mien, mais quel genre de fondation tenions nous donc ? Celle de notre vie et pas nos vies justement, assurément, il n'y avait plus de pluriel et une seule, pourrait en résumé deux, du moins il fallait que cela soit ainsi. Et demain ne m'importait plus, j'avais arrêté de courir, je n'en avais plus envie, je préférais me stopper un instant, car j'avais trop bien retenu à quel point il m'avait fait défaut dans le passé de ne pas l'avoir fait. De ne pas avoir dit des mots qui ne se disaient pas, d'avoir eu des gestes qui ne se faisaient pas, d'avoir ignorer mon envie pour mon orgueil. Au diable tout ça, pour lui je n'en voulais plus, à tort ou à raison, après tout, je n'étais qu'une enfant passionnée.

Très clairement, je voulais croiser ce regard au moins une fois par jour, comme retrouver ses bras et attendre cette voix, je voulais y afficher un sourire et chercher à y inspirer la fierté. Une forme d'amour, peut-être même le plus vrai, le seul qui ne s'effacerait jamais quelque soient les erreurs et les épreuves. Un cadeau empoisonné loin des sentiments liant simple les hommes et les femmes, un peu comme le Kyu qu'il détestait tant, il était une âme sœur, mais à un niveau bien plus grand. Une sorte de si tu tombes, je tombes aussi, si tu meurs, je veux mourir aussi. C'était le doute sur sa survie qui ne m'avait pas fait abandonner, il était tout comme Tei', un peu tout ma vie. Ce qui ne faisait pas de moi une arme sans âme, mais bien un être qui pensait et qui se battait, combien bien son envie de liberté l'appelait. Ils étaient des chaînes que j'aimais porter, les mêmes qui assuraient ma survie.

~ Je t'aime tu sais, bien plus que si le sang nous unissait, bien plus que si l'attraction nous attirait, bien plus que si ta seule personne m'inspirait. Essaie de ne pas l'oublier.

Et voilà la première de ma vie que je prononçais des mots avec une telle sincérité. Pourtant le ton avait été si léger, que l'on aurait pu penser que je les lui avais dit toute ma vie, c'était là l'accomplissement d'une promesse faites à mon astre préféré, celle de les lui donner si on me le rendait. Je l'avais honorée et ça me laissait combler. Le boucle était faite.

Le jeune homme savait bien que ses propos pouvaient être sincères sans qu’ils puissent passer par de fausses interprétations. Cette relation rare et précieuse unissant deux êtres chers, une amitié dans plus pure forme. Une amitié basée sur une profonde connaissance et confiance de l’un l’autre, sans sentiments abstrait entrant en jeu. Il était bien difficile de concevoir ce genre lien, car tout autant difficile de les créer. Seul le temps, la volonté et la sincérité pouvaient en être la source, tout du moins, selon le point de vue du Samui. Une main se posa sur son front et glissa dans ses cheveux, tandis que Ao’ joignit son regard à celui de son frère observant le ciel. La nature, le vent faisant virevolter les feuilles, l’eau ruisselante sur le sol, tout cela formait un environnement apaisant pour Rei, ne manquait plus que la Kaguya pour en faire un lieu paisible, reposant. Au final, pouvoir être soi-même sans avoir la peur d’être jugé par autrui, sans avoir la peur d’être découvert et que l’on puisse se servir de nos secrets pour les retourner contre nous. Ne pas ressentir le poids d’un regard mais au contraire le soutient qu’il nous apporte. L’autre main de la jeune femme vint se poser sur son torse, une respiration horlogère se faisait sentir, celle d’un esprit calme.

Durant un certain moment, pas un mot ne fut échangé, les deux regards toujours dirigé vers les cieux. Puisse ces moments durer éternellement, mais seraient-ils si précieux s’ils ne furent pas également éphémères ? Aoji’ rigola tandis que Rei lui répondit par un sourire. Cela faisait plus d’un an et demi qu’il n’avait pas retrouvés de tels moments de sérénité, et il devait en être de même de la jeune femme. Un rire sincère, très différent des rires carnassiers qu’elle avait pour habitude de montrer. Celui-ci n’était pas provocateur ou autre, mais une autre facette de la personne qu’était la Kaguya, un de ses nombreux côtés caché.

« Rei. Accordons-nous plus de moments comme celui-ci. J'en ai terriblement besoin tu sais. »

« On Je suis bien d’accord avec toi, ça m’avait manqué pendant tout ce temps. »

Pour lui aussi la tendresse était une chose vitale, la vraie tendresse donnée par les personnes que l’on aime et non pas fruit de la société ou d’un comportement dicté par des codes. Le risque était grand, si l’une des personnes désirait briser l’autre ou disparaissait, les conséquences seraient grandes. Mais qu’en était-il par rapport à tout le bonheur en découlant, que poids avaient ces deux paramètres dans la balance. Rei s’était déjà décidé avant même d’agir, non pas consciemment mais parce que cela faisait partie de lui, c’était sa personnalité. Mais ne valait-il pas affronter les difficultés à deux ou même plus ? Un être humain étant par nature sociable, pouvait-il seulement se le permettre ?

« Je t'aime tu sais, bien plus que si le sang nous unissait, bien plus que si l'attraction nous attirait, bien plus que si ta seule personne m'inspirait. Essaie de ne pas l'oublier. »

« Moi aussi je t'aime, alors tâche de ne pas l’oublier. Sans toi je suis comme une coquille vide. J’ai tout autant besoin de toi. »

A ces mots il ferma les yeux et laissa divaguer ses pensées selon leur gré. Rei n’avait pas pu profiter d’un seul sommeil réparateur depuis aussi longtemps qu’il se souvienne, la paix enfin retrouvée, il réussit à trouver le repos qu’il désirait temps.