Aujourd’hui, Gen savait comment il allait s’occuper. En effet, il avait une idée très précise en tête. A vrai dire, il se demandait si le cadre de la bibliothèque du village caché était aussi engageant que celui de la bibliothèque du temple dédié à la divinité Benzaiten du Pays des Vagues.

Pourquoi aller à la bibliothèque ? Pour étudier, pardi, cela semble plutôt logique ! Non ? Mais étudier quoi ? En vérité, le jeune Senritsu n’avait pas vraiment de doute quant à ses capacités sur le terrain pour se défendre. Les mercenaires de son pays natal le savaient bien, même avec la répression quasi-permanente sur les habitants, ces derniers avaient quand même appris à se défendre en cachette. Lui-même membre d’un clan shinobi, il le savait bien.

Mais il n’avait jamais pu être gradé, comme le sont les shinobis par habitude. Le daimyo ne laissait pas ces choses se faire à Nami no Kuni, bien trop obsédé par son désir sadique de maintenir son peuple dans un état d’asthénie et d’ignorance constante. Les savoirs avaient donc été dissimulés précieusement, et le mieux possible.

Gen ne cessa de demander son chemin, au fur et à mesure qu’il approchait du Centre de Recherche et de Formation de Konoha, toujours avec son sourire éclatant et sa voix mélodieuse. Bien qu’on le regarde parfois étrangement, son violon sur l’épaule, personne ne le questionna quant à son souhait d’aller à la bibliothèque du village. Peut-être les gens de Konoha étaient-ils moins méfiants à l’égard des étrangers, par principe. Peut-être était-ce ce même principe qui rendait le village caché si accueillant, et qui avait mis à l’aise Gen en quelques demi-journées seulement.

Une fois arrivé au centre, il fallut encore trouver l’aile qui était dédiée à l’Académie des shinobis du village. Il demande encore une fois aux gens qu’ils croisent, et ce ne fut donc pas long de trouver la bibliothèque. Finalement, pas loin de l’entrée, quelqu’un lui posa la fameuse question : que venez-vous faire ici ?

Une fois la réponse donnée, elle ne manqua pas de lui rappeler quelques petites règles de savoir-vivre et les horaires de fermeture de l’établissement. Il avait bien compris l’idée : il ne faut pas manger dans la bibliothèque. Elle lui dit au revoir avec un petit sourire :

- Pas de violon à l’intérieur hein ?

Le rire niais qui suivit conduisit à discréditer totalement toutes les mises en gardes qu’elle venait du lui faire. Mais il n’allait pas s’amuser à se faire remarquer dans un endroit comme ceci. Alors il se contenta de sourire et d’entrer.

A sa grande surprise, il n’y avait personne à la bibliothèque. Peut-être que les autres jeunes gens en apprentissage faisaient autre chose. Lui qui n’était inscrit à rien du tout n’était pas au courant de ces choses-là.

Il se contenta de se diriger vers une étagère qui semblait intéressante et tomba sur : « Shinobi : nindo, apprentissage et hiérarchie. »
Ça lui paraissait bien.

Après plusieurs heures de lectures, il avait fini par retenir les grands principes de hiérarchie chez les ninjas. Il avait compris l’importance que pouvait avoir le Kage au sein de son village caché. Qu’il avait en fait plus de pouvoir à proprement parler que le daimyo, qui était plutôt là en principe pour faire office de figure de proue pour son pays plutôt que pour diriger le pays par la tyrannie et le totalitarisme. Lui, en tant que nouvel habitant de Konoha, mais Namijin, ne pouvait pas vraiment espérer aller au-delà du rang de Jônin, même si déjà, ce serait un grand accomplissement pour lui.

Ce ne fut pas la faim qui le força à faire une pause, mais bien la fatigue. La journée devait être bien entamée, il avait passé plusieurs heures à lire ce volumineux ouvrage. Mais il avait bien besoin de faire une pause. Il posa la tête sur son violon, déjà à plat sur la table, de façon à ce qu’on ne puisse pas lui prendre pendant qu’il était assoupi, et laissa son esprit divaguer jusqu’à trouver le sommeil, au beau milieu de la bibliothèque.

Pâleur. Bonheur. Froid. Une échappatoire. Caché. Trouvé. Frappé. Faim. Rassuré. Exécuté. Terrifié. Les songes du jeune Senritsu n’avaient absolument rien d’onirique. Il était plus simple de les appeler cauchemars plutôt que rêves. Ils consistaient en de nombreux flashbacks de son passé. Ce passé dans lequel il fut victime, lui comme beaucoup d’autres, d’un acharnement des « forces de l’ordre » de son pays d’origine, dans lequel la situation avait complètement dégénérée.

Soudain, il arriva à reprendre le dessus sur ses pensées sombres. Il se vit, muni du bandeau de Konoha autour du bras. Au milieu de la multitude de ses adversaires, dont il n’avait plus peur. Ces adversaires dont il savait qu’il pouvait contrôler les émotions grâce à son don de clan. Ces mêmes hommes, dont il pourrait hanter l’esprit de funestes mélodies pour le restant de leur vie. Ces hommes, il avait envie de les voir souffrir. Il avait envie de voir ce que cela faisait de pouvoir se venger de ceux qui l’ont opprimé lui et ses proches des années durant.

Et ces sordides pensées étaient sur le point de le contrôler. Il ne maitrisait pas encore suffisamment ses propres émotions pour pouvoir contrôler à sa guise celles des autres. Le pouvoir paraissait trop grand et trop réel dans ce qui était censé être un rêve.

Le daimyo. Il fit irruption dans son rêve. Il tenait sa mère par le cou. NON ! Il ne voulait pas revoir ce qu’il avait déjà vécu. On l’avait exposée à la vue de tous. Ce n’était pas réel. Ce n’était qu’un rêve après tout. Cette fois-ci, il infusa une lame d’un chakra rose délavé, comme moisi et la lame se posa délicatement sur la gorge de sa mère.

Pendant ce temps, même si Gen ne s’en était pas vraiment rendu compte, quelqu’un d’autre était entré dans la bibliothèque. Cette personne parlait toute seule, sans vraiment se soucier des autres. Mais Gen dormait encore, sa présence ne le dérangeait nullement.

- Je ne suis pas là pour ça...

Ce fut les seules paroles que le jeune musicien entendit depuis son état inconscient. Elles se mêlèrent à son rêve. Dans lequel il se vit dire la même chose. Il n’était pas là pour voir sa mère mourir. Ce n’était d’ailleurs pas ce qu’il s’était produit lorsque le daimyo l’avait retenue prisonnière. Elle n’était pas mort.

- Ne faites pas ça. S’il vous plait. Non ! Arrêtez ! S’il vous plaît !

Le Senritsu, restait impuissant face à cette exhibition tyrannique. La lame tranchait délicatement la gorge de sa mère qui hurlait. Pendant ce temps, le jeune homme qui était entré dans la bibliothèque, qui semblait en proie au tourment également, hurla. Gen, dans son cauchemar, fit de même, désespéré :

- J’AI DIT NON !!!

Sans qu’aucun des deux ne soient au courant, ils avaient dit la même chose au même instant.

La scène avait été trop réelle, trop forte. Le front complètement baigné de sueur, le jeune violoniste se réveilla en sursaut. Il prit avec difficulté une immense inspiration, comme s’il n’avait pas été en possibilité de respirer depuis longtemps. Il respirait avec difficulté, encore sous le choc de ce qu’il venait de « vivre » de manière factice. Il leva la tête, vit le jeune homme qui s’était introduit dans la pièce, et baissa les yeux immédiatement, honteux, toujours à bout de souffle.

Il ne manquait plus qu’on le prenne pour un fou qui se réveillait de sa sieste.