Natsuki avait espéré ne jamais avoir à regarder ce qu'il était en train de faire, et maintenant, il était en train de le faire avec l'espoir que ni lui ni plus personne n'aura à le voir : il s'était engagé comme tous pour mener une nouvelle guerre. Cela ne faisait qu'à peine plus que sept ans que la Grande Guerre des Shinobis s'était terminée. Et pour quoi au final ? Pour que la même erreur se reproduise encore. A croire que les conflits ne pouvaient rester géographiquement ciblés. Beaucoup avaient beau se régler avec la plume et le vers plutôt qu'avec l'acier et le sang, mais il en suffisait d'un seul où la diplomatie échoue pour qu'il se généralise, impliquant une fois encore toutes les grandes nations. L'héritier Nara voulait apporter sa pierre à l'édifice pour que le monde ne connaisse plus de guerre globale, il œuvrait maintenant pour la terminer. Il avait beau trouver ce conflit ridicule, il restait fidèle à sa Patrie jusqu'au bout. C'était le choix de son Hokage, il se battra donc. Sans se dire qu'il était dans le camp des gentils, ni dans celui des mauvais. Ce genre de conceptions manichéennes n'avait pas sa place sur un champ de bataille : les guerres éclataient parce que les deux opposants étaient persuadés d'être dans le juste. Et elles se généralisaient à cause des alliances destinées à l'origine à maintenir la paix justement. Quand les pactes dissuasifs de jadis devenaient l'arme de demain. Ironique, non ?

Dès le début, Natsuki ne s'est pas vu être dépêché sur le front. Là n'était pas sa place. Non pas que les combats de masse étaient un problème pour lui, ou que l'on craignait pour sa santé fragile, mais il avait d'autres qualités qui lui avaient valu d'être envoyé ailleurs, pour des missions plus discrètes. La première d'entre elles l'avait amené à atteindre Ta no Kuni, une petite nation limitrophe du Pays du Feu et de Tetsu no Kuni, lequel était actuellement annexé au Pays de la Foudre. Pour le moment, la population de Ta no Kuni vivait indépendante. L'endroit était même connu pour y abriter de nombreux nukenins. Enfin, '' nombreux '' était bien grand mot, car les shinobis errants devenaient de plus en plus rares. Mais pour combien de temps ? En temps de conflit, l'on disait qu'il n'y avait que deux camps possible : ou l'on était un allié, ou l'on était un ennemi. Rester neutre devenait du coup difficile lorsque l'on voyait deux armées converger chacune d'un côté de la frontière. Et la position de Ta no Kuni avait été définit depuis qu'Il avait refusé de se ranger du côté de Kumo. L'objectif de Natsuki était donc de savoir à quel point la petite nation était liée à ceux qui avaient été qualifiés d'ennemis, à savoir Kiri et Suna.

Pour se faire, il s'était rendu là-bas dans la plus grande discrétion, voyageant parmi ceux qui tentaient de fuir les prémices de la guerre qui allait dévaster leurs terres, et discutant avec ceux qui étaient prêts à les défendre avec ou sans l'appuie des shinobis. Déguisé, il parcourait le petit pays sous une grande cape qui recouvrait en permanence son corps, et son équipement de ninja. Ses bras se cachaient sous de nombreux bandages enroulés et salis, et sa tête restait masquée sous son sugegasa, un chapeau conique de paille à large bordure. En soi, il n'était pas plus différent que n'importe qui d'autre dans une foule, boitant parfois légèrement tout en portant un baluchon attaché sur un bâton par-dessus son épaule. Il avait choisi de se déplacer ainsi plutôt que sous l'effet d'une métamorphose, car il savait qu'avec une technique, il ne manquerait pas d'attirer irrémédiablement l'attention de quelqu'un disposant de dons sensoriels. Et attirer l'attention était justement ce qu'il avait le moins envie de faire. Car même s'il n'était pas en territoire ennemi à proprement parlé, ce n'était pas très loin de.

En fin d'après-midi, Natsuki avait quitté un groupe de voyageurs qui n'avaient plus rien à lui apporter pour sa mission, et décidé de traverser un champ dont les récoltent terminaient de pourrir sous un soleil couchant. Le terrain était large, immense même, mais l'héritier Nara s'était retrouvé à croiser la route d'un autre voyageur sur celui-ci. Difficile de dire si c'était son aura, ou sa démarche qui avait attiré son attention, voire même s'il l'avait attendu, mais dans tous les cas, le chûnin tatoué leva les yeux, et croisa le regard de l'individu à la mince frontière de son chapeau. Il cessa de marcher à quelques mètres de lui, et la tension sembla grimper d'un cran. Immobile, il attendit sans rien dire la réaction de son opposant. Il ne savait pas à quoi s'en tenir encore, mais son instinct lui soufflait de se préparer au pire, même s'il espérait pouvoir simplement poursuivre sa route sans heurte. Sous sa large cape qui l'enveloppait entièrement, il plia légèrement les genoux, prêt à bondir et à réagir si nécessaire. Il n'était pas venu pour se battre, et avait encore moins le désir de. Néanmoins, la nécessité prenait souvent le pas sur le choix, surtout à l'aube de ce nouveau temps de troubles.

Natsuki détailla l'homme du regard. Où qu'il posait ses yeux, il y voyait les signes d'une vie de guerrier, que ce soit le corps développé pour y survivre, ou une cicatrice qui laissait entendre une erreur du passé – trop nette pour que l'on puisse la confondre avec un accident domestique. Maintenant il en était sûr : ce n'était pas un simple voyageur qu'il avait devant lui. Et en l'absence de toute marque distinctive de son appartenance, il devait le considérer avec la plus grande méfiance. Il hocha doucement la tête une unique fois.

« Des combats, il y en a où que l'on dirige ses yeux. » répondit-il d'une voix éraillée où le poids d'une fatigue fictive se faisait sentir. « La guerre a démarré partout, pour un oui ou pour un non. Et lorsque ce ne sont pas les nations qui la provoquent, ce sont les populations elles-même qui s'en occupent. Certes elles ne sont pas animées des mêmes sentiments, ici la peur et l'hystérie collective, mais le résultat est le même : vols, chaos, meurtres, exodes. Chacun cherche à se prémunir de ce fléau, mais je crains que personne n'y échappera. Lentement mais sûrement, cette gangrène gagnera le monde, directement ou plus insidieusement »

Plantant son bâton sur le côté pour s'y appuyer comme si le fait de rester debout lui était insoutenable, Natsuki changea légèrement sa position sans le moindre mouvement brusque.

« A quoi bon fuir la bataille ? Nous finirons tous par payer le prix de la guerre des Seigneuries. Je me contente de repousser l'inévitable en m'éloignant autant que possible des hostilités. »

Prit d'une quinte de toux, Natsuki crachota dans son poing, puis lâcha un rire aussi fade que court.

« Reste maintenant à voir qu'est-ce qui me tuera en premier : la maladie, la famine, les soldats ou mon prochain. Qu'en est-il de vous ? Il n'y a que des conflits sur le chemin que vous semblez emprunter. Et c'est d'autant plus ce qui m'inquiète, car je crois comprendre à votre voix que c'est ce que vous cherchez. Vous êtes soldat ? Ou simplement un jeune homme persuadé que la guerre lui permettra de se tailler une réputation ? Dans un cas comme dans l'autre, à quoi bon forger sa légende dans le sang des autres ? La guerre n'apporte jamais rien de bon ni de durable, et ses héros n'ont rien de glorieux. Vous devriez faire comme les gens les plus sensés, et vous éloigner le plus possible des conflits. »

Encore une fois, il eu un rire amer.

« Si l'on peut qualifier les comportements que j'ai pu voir lors de mes pérégrination comme sensé, bien entendu. Cela dit, ces comportements resteront toujours moins atroces que celui des soldats avides de sang. »

Encore un peu, et il lui sortait un discours sur la paix. Peut-être entrait-il trop dans son rôle. Enfin, tant qu'il n'avait pas clairement identifié son interlocuteur, il ne serait jamais trop dedans. La moindre parole de travers, le plus petit mot révélateur pouvait à tout moment faire basculer la discussion d'apparence banale en hostilités ouvertes. Et dans un jeu où deux points d'interrogation s'opposaient, c'était au premier qui retrouvait le statut de simple ponctuation qui s'exposait le plus au danger. Quand bien sûr, tout du moins, l'un n'attaquait pas directement l'autre parce que c'était plus simple, ou qu'il trouvait plus amusant de tuer. C'était d'ailleurs l'une des principales raisons qui maintenait les sens de Natsuki en alerte maximale malgré son apparente attitude prostrée. Les genoux légèrement fléchis derrière le tissus enveloppant de sa cape, et le poids du corps porté sur le pied droit plus en avant, lui offraient une posture idéale pour charger s'il jugeait l'homme comme une menace, ou au contraire, plonger latéralement pour esquiver au besoin.

La suite du dialogue décidera bien vite du déroulement à suivre.

Ainsi même dans les régions neutres situées plus au sud d'ici, entre le Pays du Feu et l'océan, la guerre s'était déjà installée. A croire qu'aucun empire n'avait perdu de temps, et que chacun s'était dépêché d'envoyer de quoi annexer les contrées environnantes, fortifiant ainsi leurs défenses ou assurant leurs futures invasions. C'était ce qu'il y avait de mieux à faire stratégiquement, et de pire humainement. Mais en temps de conflit, l'on ne pouvait pas vraiment se permettre de se montrer humain et conciliant quand l'opposant lui ne l'était pas. Tous les coups étaient permis tant qu'ils permettaient d'assurer la victoire. Et c'était sans doute là le point le plus sombre de la guerre : même chez les plus vertueux, elle ne leur laissait aucun autre choix que celui de réveiller leurs instincts les plus primaires et sauvages. Devenir la même espèce que ceux dont ce comportement est quotidien et routinier...

« Peut-être parce que justement, la valeur que l'on accorde à la vie de son prochain est une valeur qui se perd ? »

En toute et pour toute réponse, l'homme lui prouva le contraire d'un simple geste : il sortit une pièce de sa sacoche, et la montra à son interlocuteur. En d'autres circonstances, en une autre époque et probablement avec une autre personnalité, Natsuki se serait senti vexé par ledit geste. Car même sans les paroles qui l'accompagnaient, il n'eut pas de mal à comprendre où l'étrange voyageur voulait en venir. Le reliquat de monnaie représentait la valeur que son propriétaire accordait à la vie de l'héritier Nara. Poussant le jeu de la cruauté encore un peu plus loin, il lui proposa – imposa - même de la miser sur un coup de hasard. Le temps que la pièce s'envole, tournoyant sur elle-même, puis atterrisse, Natsuki parcouru mentalement la liste de toutes ses options avec son habituelle gymnastique d'esprit.

L'option la plus sûre, et aussi la plus douteuse, était de se plier au jeu : il avait une chance sur deux de pouvoir partir et continuer sa mission sans accroc. Le revers était que les bonnes paroles n'engageaient que ceux qui y croyaient : rien n'empêchait l'autre d'attaquer, quel que soit le résultat. Et s'il attendait, il perdait l'effet probable de surprise. Probable, car il ne pouvait écarter l'idée que son adversaire aussi se tenait attentif au moindre de ses gestes. Sa seconde option, et la seule autre d'ailleurs car mourir n'en était pas une, était de frapper le premier. Dans les deux cas, la probabilité de terminer l'entrevue sans que du sang ne soit versé était mince.

La pièce - et de nombreux facteurs techniques qu'il était plus simple d'appeler '' hasard '' - acheva de choisir sur quel côté elle désirait tomber. Natsuki lui, décida de quel côté il allait frapper. Le reste se passa très vite. D'un geste rapide de son pied jusqu'alors dissimulé par sa cape, il balaya d'arrière en avant son bâton, de sorte à ce que celui-ci effectue un quart de cercle vers l'avant avec pour point d'encrage la main qui le tenait. Dès qu'il arriva à l'horizontal, à hauteur de torse de son propriétaire, ce dernier le poussa avec force du plat de sa main vers son opposant. Curieuse façon de lancer un javelot, mais son but n'était pas de percer. Jetée suffisamment rapidement pour que le baluchon, lui, reste sur place un instant avant que la gravité ne se rappelle qu'elle avait des droits sur lui, l'arme improvisée avait surtout pour objectif de distraire encore un instant sa cible. Car c'était juste d'un instant dont Natsuki avait besoin pour composer les signes nécessaire à la réalisation de son arcane clanique la plus basique mais non moins redoutable. Avec le soleil mourant dans son dos, et ses éclats ternes dans les yeux du voyageur, l'héritier Nara avait l'avantage : il pouvait difficilement rater sa prise des ombres. Avec l'ombre projetée du bâton en plus, sa technique était quasiment assurée. Et si tel était le cas, il préparait déjà la seconde, bien plus meurtrière.

Mieux valait en finir vite, quitte à se trahir : ce n'était pas les témoins qui couraient les champs ici...

Spoiler:

Tout s'était parfaitement goupillé. Le projectile avait remplit son rôle, l'ombre avait frappé sans pitié. Mais l'homme était résistant, il faudra bien plus que des lances pour en finir avec lui. Natsuki avait justement de quoi. Mais il n'eut pas l'occasion d'y avoir recours immédiatement. Son adversaire connaissait la réputation des Nara, et visiblement, savait aussi comment se dépêtrer de la prise des ombres une fois que le lien était établit. Le nukenin mobilisa toute sa force physique pour rompre l'emprise de la technique. Natsuki tenta de résister tandis qu'il préparait la prochaine attaque, mais il su rapidement qu'il n'y parviendrait pas. L'atmosphère commença à se gorger d'énergie brute, saturant bien vite de tout ce que dégageait le prisonnier luttant avec ténacité. Puis ce fut comme si une bombe éclata. L'air ambiant sembla converger l'espace d'un instant vers le nukenin, avant d'exploser brutalement, repoussant tout ce qui se trouvait aux alentours. Prévus par les soins du propriétaire pour être arrachés rapidement au besoin, la cape et le sugegasa de Natsuki s'envolèrent en arrière, emporté par la bourrasque. Le corps de l'héritier Nara se présenta alors dans sa tenue de shinobi habituelle. Sous son gilet tactique à poches multiples, il portait un haut noir à manches courtes et un pantalon assorti, tous deux dépourvus du moindre signe distinctif. Ses bras, eux, étaient toujours couverts par des bandages usés jusqu'au bout des doigts. Il ne détourna son regard mis à nu à aucun moment, protégeant à peine ses yeux des rafales chargées de terre et de poussières : son adversaire était dangereux, le perdre de vue une seule seconde pouvait avoir des conséquences embarrassantes.

Pour avoir déjà eu affaire à ce genre de déploiement énergétique, Natsuki savait à quoi s'en tenir. Et contrairement à la dernière fois, il était largement plus à son avantage pour y faire face, quoi que l'on en dise. Mais avant de pouvoir réagir, il allait devoir essuyer la contre-attaque. L'onde déferlante l'avait déstabilisé, et lui avait fallu un instant pour retrouver une position stable. Une action dont son adversaire s'était dispensé, et qui lui avait donc permit de mener la charge offensive. Il se rua en une légère courbe vers Natsuki, et balaya l'air d'un redoutable coup de pied dans sa direction. Animé par une mémoire musculaire développée par des années de combat rapproché, L'héritier Nara pu s'en tirer, mais ce ne fut pas sans conséquence : le nukenin était bien plus rapide que lui, et bien plus puissant. Il ne l'aperçut qu'au dernier instant, et c'est son corps qui eu la réaction défensive bien avant que son cerveau termine de percevoir pleinement le danger. D'un puissant bond, il recula dans le sens de frappe du pied, son corps complètement détendu par un brusque déploiement de chakra. Ce fut loin d'être suffisant cependant. Car comme dit précédemment, le nukenin était bien plus rapide, et ses frappes bien plus puissantes. Propulsée par l'énergie qui galvanisait son être, celui-ci toucha rudement sa cible en pleine poitrine, et l'envoya valser quelques mètres plus loin. Natsuki senti l'air être violemment expulsé sans consentement hors de ses poumons, tandis que la douleur le gagnait. Il n'essaya même pas d'imaginer quel aurait été son état s'il n'avait pas diminué la force de l'impact en accompagnement le mouvement de la frappe. Mais il avait survécu, et maintenant, le temps de mettre en application le nouveau plan établit était venu.

Il rebondit sans pouvoir se rétablir une fois sur le sol, mais assura la deuxième réception sur ses pieds. Sans chercher à freiner l'élan qui l'emportait, il l'accompagna d'un autre saut à reculons, quitta la terre meuble et... n'entra plus en contact avec elle. Comme si une des lois les plus élémentaires de la physique ne s'appliquait plus sur l'héritier Nara, celui gagna encore en hauteur, jusqu'à se stabiliser à une dizaine de mètres au-dessus du plancher des vaches. Seize pieds le séparaient à peu près du nukenin en distance horizontale, mais l'écart tenait presque du double en ce qui concernait la verticale. Et toute la stratégie de Natsuki tenait dans cette distance de sécurité : il connaissait le contre-coup des techniques de décuplement des capacités. Tout le monde ne le sait pas, mais un corps humain n'exploite environ que 20 % de ses capacités. Le reste demeurait inhibé par le cerveau afin d'éviter que l'organisme ne se détruise lui-même. Si des stimulations émotionnelles intenses permettaient ponctuellement de débrider légèrement les aptitudes du corps sans que cela ne lui soit délétère, c'était une toute autre histoire lorsqu'une plus grande partie du potentiel latent était libéré pour davantage de temps. Le gain de puissance était monstrueux, mais les muscles et organes appréciaient rarement le traitement : lorsque la technique cessait, ils faisaient tous la queue pour venir se plaindre ensuite.

Ainsi, bien hors de porté du corps-à-corps de son adversaire, Natsuki n'avait plus qu'à attendre que ce qui faisait la force de son ennemi devienne sa plus grande faille. Immobile, stabilisé simplement en l'air par une émission continue de chakra depuis la plante de ses pieds, il se contenta de toiser le petit rouge en contrebas. Pour peu que l'on ait une assez bonne vue, il était possible de remarquer, maintenant que le rythme du combat était redescendu un moment, que l'héritier Nara portait son habituel masque de mort. C'était une expression figée totalement dénuée de quoi que ce soit. Il n'y avait ni colère, ni peur, ni haine à lire dessus. La vie elle-même semblait avoir déserté son être, dont les yeux n'était plus que des fenêtres donnant sur une mansarde dépourvu de lumière. Et la réalité n'était pas si loin de la vérité. Comme plongé dans une transe guerrière, Natsuki tuait chacune de ses émotions, pour ne laisser plus aucune pensée parasite troubler son geste ou sa pensée. Une seule chose comptait désormais : accomplir sa mission. Tout ce qui n'avait pas de rapport avec son objectif du moment n'avait pas d'importance, tout ce qui lui faisait obstacle devait être balayé. Son comportement était loin de s'apparenter à celui des berserk cela dit, bien au contraire. Il appliquait une froide logique dans sa réflexion, utilisant à son apogée tout son potentiel martial et son expérience du combat pour la mener à terme.

Attentif, le Céruléen attendit, conscient que la distance n'empêchait que rarement des ninjas de s'affronter.

Spoiler:

Quelque chose se passait en contrebas. Le Céruléen s'y attendait, et se tenait prêt à réagir. Il avait pu voir à quelle vitesse se déplaçait son adversaire sous l'emprise de sa technique de renforcement. Mais il s'était laissé encore une fois surprendre par ce dernier, malgré la distance de sécurité qui les séparait. D'un bond prodigieux à la verticale le nukenin, dont la vitesse était pour une raison ou pour une autre davantage encore décuplée qu'il y a quelques secondes, arriva quasiment à la hauteur de Natsuki en un battement de cils. Trop tard pour réagir, l'héritier Nara fut saisit à la cheville, et projeté avec une force incroyable droit vers le sol.

Un touriste avait dit un jour très naïvement – mais aussi très justement – que peu importe que l'on tombe de dix mètres, ou de cent, le résultat était de toute façon le même pour tous. Dans l'instant présent, Natsuki n'en était pas si sûr, et l'expérience qui allait suivre tendrait probablement à déterminer qui du shinobi ou de l'autre avait raison. Il fut le premier sujet du test. Lancé par le bras à puissance accrue du nukenin, Natsuki manqua de peu de s'écraser tête la première à haute vitesse, ce qui aurait eu pour résultat son décès immédiat, quoique qu'un peu douloureux au préalable le temps que les os aient terminé de se briser. Son salut, il le dû une fois de plus à sa capacité de vol. En effet, il pu utiliser la force qui le propulsait habituellement comme frein, ou rétropulsion, afin de réduire sa vitesse de chute, et donc la force de l'impact qui allait en résulter. L'atterrissage passa donc de '' mortel '' à '' très désagréable '', surtout pour ses rotules. Il les soulagea quelque peu en accompagnant la réception d'un roulé-boulé avant, mais une fois que le flot d'adrénaline retombera, il les sentira pendant un petit moment.

Le second sujet de l'expérience sur la théorie des chutes était le nukenin. En l'absence de capacité de vol – ce que laissait tout du moins supposer son choix de n'avoir que sauté -, il fallait lui accorder le mérite de sa bravoure pour l'action. Car toujours en l'absence de ladite capacité de vol, sa réception allait être plutôt préjudiciable pour son intégrité physique : il n'avait plus rien sur quoi prendre appuie pour s'amortir. Et aussi résistant que soit un corps, il échappait rarement longtemps aux conséquences des règles élémentaires comme celle de son impact sur une surface un peu plus solide qu'il ne l'était lui. Le Céruléen n'avait cependant pas présentement l'âme scientifique, et ajouta ses propres facteurs au résultat.

Dès qu'il acheva sa pirouette de sorte à avoir en vue son adversaire, il redécolla à nouveau, mais bien moins haut cette fois-ci. Il avait juste cherché à mettre encore un peu distance entre lui et son adversaire, des fois que ce dernier lui réservait encore une surprise. Mais selon les apparences, les options lui étaient bien limitées : à part se préparer à son imminente et douloureuse réception, il était impuissant. Cela dit, pour ce que le monde ninja en pensait, des apparences... Théoriquement, Natsuki n'avait qu'à user encore de sa prise des ombres pour aggraver la chute de son adversaire. En effet, s'il parvenait à limiter ne serait-ce qu'un peu les mouvements de ce dernier – et il doutait de pouvoir faire plus tant que son opposant dégagera encore autant d'énergie -, il s'assurerait de reprendre le dessus sur le combat grâce à la lourde chute. Et plus encore, il pouvait lui préparer un très peu accueillant tapis dans pieux d'ombre pour compléter le tout avant de prendre encore davantage de distance depuis le ciel.

Quant à voir ce que cela allait donner en pratique...

Spoiler:

L'ombre de Natsuki s'étendit sans problème jusqu'à sa cible, tout comme la première fois. La pesanteur s'était déjà occupée de combler la moitié de la distance qu'il y avait entre le nukenin et le sol à ce moment là. Et comme le Céruléen l'avait calculé, il ne pourra achever de composer ses signes pour recourir à l'entrelacement des ombres qu'une poignée de secondes après que son adversaire se soit déjà écrasé. C'était amplement suffisant. Du moins, le pensait-il, car un facteur déterminant de l'équation lui avait échappé jusqu'à présent. Et ce facteur se trouvait à son insu sur sa cheville. Natsuki n'eut le temps de composer que les deux premiers mudras de sa seconde technique avant de se faire interrompre par une violente secousse.

« Comment ? » murmura une voix muette dans sa tête.

Un signal douloureux en provenance directe de sa cheville lui indiqua l'origine du problème, mais ledit signal ne l'aida en rien à retrouver où était le haut et le bas. Mais la lumière se fit en lui. Il n'avait été touché que deux fois, au buste et à la cheville. Or c'était très précisément de celle-ci que la détonation arriva. Une nouvelle donnée arriva alors à l'esprit du Céruléen : son adversaire maîtrisait l'art des sceaux explosifs. S'il se faisait marquer à chaque impact, le combat allait rapidement se finir, et pas très bien pour lui. S'il avait eu encore le moindre doute sur la nécessité de ne pas affronter cet ennemi au corps-à-corps, celui-ci s'envola en fumée.

Son pied repoussé par l'explosion commença à orienter le chakra émit pour voler dans des directions hasardeuses, entrainant le corps auquel il était relié un peu n'importe comment dans les airs. Le son d'un impact qu'il aurait espéré ressembler à celui produit par un œuf lancé par terre arriva distraitement à ses oreilles pendant qu'il se rétablissait, mais tenait malheureusement davantage de celui de la boule de pétanque s'écrasant sur une pierre. Une seconde ou deux flottèrent, puis il entendit un grésillement qui ne présageait rien de bon non plus. L'héritier Nara ne chercha pas à comprendre : quand l'instinct de survie parlait, il fallait lui obéir. Il n'était toujours pas parvenu à re-situer exactement le haut et le bas dans un monde qui tournait encore, mais il n'en avait pas vraiment besoin pour sauver sa peau actuellement. Une violente décharge de chakra fut expulsée de son corps, et prit la forme d'une sphère de vent immense qui repoussa tout ce qu'il y avait entre lui et la limite extérieur de la barrière cinglante. L'effet fut aussi rapide que bref, mais Natsuki pu voir qu'il avait bien fait de réagir sans voir : son adversaire l'avait chargé, probablement prêt à en finir avec ce combat.

Mais celui-ci allait devoir se poursuivre encore un peu, la défense du Céruléen lui ayant accordé le droit à des prolongations. Repoussé par la barrière de vent, le nukenin retrouva le chemin du sol. Mais entre-temps, Natsuki arma ses mains prêt à frapper d'une nouvelle technique... avant de renoncer. Le dôme de vent protecteur lui avait coûté bien plus de chakra qu'il ne l'avait supposé. Il le sentait, maintenant que son corps commençait à le brûler désagréablement. Peut-être parviendrait-il à concrétiser sa dernière attaque, mais c'était un coup de poker : s'il échouait ou si ce n'était pas suffisant, il se retrouverait très limité face à ennemi qu'il ne pouvait pas dominer au corps-à-corps. Il y avait d'autres moyens de gagner. Lors d'une mission précédente, son adversaire avaient commit cette erreur justement : plutôt que d'attendre pour vaincre, elle avait préféré aller au devant pour en finir rapidement. Son manque de patience lui avait coûté la vie. Pour l'héritier Nara, c'était pareil. Il n'avait aucune chance en frappant de front le nukenin, et avait pas beaucoup plus de le toucher avec des techniques tant ce dernier se déplaçait vite. Alors il s'en remit à la tactique la moins risquée : la retraite temporaire. Il avait déjà essayé par deux fois – disons une fois et demie – sans succès : le nukenin était parvenu à l'agripper. Mais il s'y accrochait. Certains pouvaient voir ici une tactique lâche, un refus de combat ou de l'anti-jeu, pour peu que l'on considère la guerre comme telle, mais le monde shinobi n'accordait que peu de valeur à l'honneur ou la fierté. Seul parvenir au terme de sa mission comptait, peu en importaient les moyens.

Il essaya de prendre de la hauteur encore, bien plus, tout en misant gros. Il ignorait combien de temps encore le corps de son adversaire supportera son afflux d'énergie, mais en ce qui le concernait lui, il savait qu'il ne pourra plus voler très longtemps. Qu'adviendra-t-il ensuite, si le nukenin pouvait encore en découdre après ? Il se fera massacrer, probablement. Et dans l'autre cas, ce sera lui qui le tuera. Mais ensuite ?

Le combattant était un homme dangereux, qui visiblement n'accordait aucune valeur à la vie des autres. L'on pouvait tuer pour de nombreuses raisons, et aucune n'était correcte. Mais au moins, certaines étaient plus compréhensibles que d'autres. Il y avait ceux qui fauchaient les âmes pour l'argent, et ceux qui tuaient pour survivre. Certains assassinaient parce que c'était leur métier, alors que d'autres le faisaient simplement parce que c'était amusant. Et c'était justement dans cette dernière catégorie que semblait entrer le nukenin, Sans doute la pire de toutes. Cette mentalité était un combustible idéale pour alimenter les guerres, quand elle n'en était pas à l'origine. C'était facile de mettre la faute sur les autres, de dire que c'est dans la nature même de l'être humain. Dans une avalanche, aucun flocon ne se sent jamais responsable après tout. En tuant son adversaire, le Céruléen était quasiment sûr de rendre le monde un peu meilleur, pour le bien de toutes les victimes passées et à venir du nukenin.

Mais là n'était pas sa mission. Il avait été envoyé pour faire un rapport de l'état de la nation de Ta, et savoir à quel point elle avait été annexée, mais rien d'autre. Il avait déjà prit assez de risque en se frottant à son opposant. Attendre pour voir si son adversaire s'épuisera avant lui était un jeu qui n'en valait pas la chandelle. Le Céruléen quitta alors tout bonnement le combat, poursuivant depuis le haut ciel sa route initiale. Dans peu de temps, il lui faudra atterrir faute d'énergie, mais il en avait encore bien assez pour s'éloigner suffisamment du nukenin. Avec les blessures que Natsuki lui avait infligé, plus celles que le combattant s'infligeait probablement lui-même avec sa technique, ce dernier sera incapable de nuire pendant un bon moment de toute façon.

Arracher la vie n'étant pas ce pourquoi il était initialement parti, c'est sans regret que Natsuki laissa derrière lui son redoutable adversaire.

Spoiler: