U N E . P R O M E N A D E . D E . S A N T E

La démarche fière et une petite fleur qu’elle tenait délicatement dans sa main, Moïra se dirigeait vers l’hôpital. La journée touchait à sa fin et bientôt la jolie lueur dégagée par le soleil couchant qui teintait tout le village d’une jolie couleur orangée allait bientôt disparaître pour laisser place à l’obscurité complète. Il faisait froid, rien de très appréciable pour la jeune femme dont les lèvres ont la particularité de gercer très rapidement. Elle se les pinçait pour éviter que cela se voie trop et regardait ostensiblement le sol esquivant ainsi les regards des autres personnes présentes ce soir-là dans les rues de Konoha. Tout en prenant soin de ne pas abimer la fleur qu’elle amenait, elle enroula ses bras autour de son corps espérant se réchauffer. Elle n’avait pas prévue cette température et par conséquent ces vêtements étaient plutôt légers. Mais pas question de se décourager, si elle se rendait à l’hôpital c’était pour un objectif bien précis qu’elle n’avait pas eu le temps de réaliser dernièrement à cause des multiples missions de bas rang qu’elle devait accomplir. Elle allait rendre visite à Mooma, c’était le surnom donné à sa grand-mère. Dans un moment d’inattention elle avait chuté dans des escaliers et s’était retrouvée à l’hosto en moins de deux. Situation guère appréciée par la grand-mère qui n’aimait pas que l’on s’occupe d’elle comme une aliénée. Ce qu’elle était pourtant, il fallait le reconnaître. C’est pour ça que Moira avait décidé de lui rendre visite le plus souvent possible et pour le coup c’était sa première visite depuis l’accident qui datait de plus d’une semaine. La jeune femme s’en voulait terriblement pour le peu d’attention qu’elle avait porté à son aïeule mais le fait qu’elle soit maintenant Genin ne lui laissait que très peu de temps pour du temps à elle. Comme s’ils essayaient de les dissuader de devenir Chuunin.

Elle avançait à un rythme soutenu mais malgré ça elle n’arriverait pas à l’hôpital avant que la nuit soit tombée. Le froid la ralentissait mais aussi la fatigue. De temps en temps elle laissait échapper quelques bâillements et ses yeux avaient beaucoup de mal à rester en face des trous. Sa fleur lui glissa des doigts à un moment et il lui fallut quelques dizaine de secondes pour s’en rendre compte, ce qui en disait long sur son niveau d’attention. Epuisée, elle finit même par rater l’hôpital, passant devant comme si de rien n’était. Après s’en être rendu compte, elle se gifla le visage espérant se réveiller, au lieu de ça, le coup lui fit assez mal et sa joue fragilisée et rosie par le froid garda la marque de son gant. De quoi faire bonne allure une fois entrée dans l’hôpital. « Bonsoir Mademoiselle, vous venez pour votre joue ? Je vais vous demander d’attendre nous allons vous occuper de vous dès que possible ! » Blasée par la réaction de l’hôtesse, la jeune fille s’avança vers elle et posa ses coudes nonchalamment sur le comptoir qui les séparait. « Ma joue, ce n’est rien qu’une rougeur, j’aimerai rendre visite à quelqu’un, d’où la fleur vous voyez ? » Elle montra fièrement la fleur à la jeune femme mais s’empressa de la dissimuler lorsqu’elle remarqua que le végétal avait assez difficilement vécu le froid… L’hôtesse avait une espèce d’allure ahurie qui avait le don d’énerver Moïra. « Oui… votre… erm… fleur ! Cependant il faudrait quand même désinfecter votre joue. Vous saigniez mademoiselle… » Moïra réalisa alors soudainement que le cuir de son gant l’avait blessé plus qu’elle ne l’imaginait mais aussi que la douleur avait persisté. Décidément elle était bien trop fatiguée si elle ne s’en était pas rendu compte. « Très bien, mais j’aimerai d’abord rendre visite à Mogura Shinsaine, première du nom, si vous le voulez bien, elle s’est blessée il y a une semaine en chutant dans des escaliers. » L’hôtesse lâcha un magnifique faux sourire que Moira décela malgré sa fatigue… Elle commença à fouiller dans ses dossiers et finit par en sortir un où l’on pouvait voir la photo d’une très vieille femme tassée et au visage fatiguée. « Effectivement nous l’avons reçu mais elle est partie ce matin à l’aurore… Dès qu’elle put remarcher en fait ! Vous n’étiez pas au courant… » On pouvait sentir la boule dans la gorge de l’hôtesse et son incompréhension face au visage virant à l’écarlate de Moïra. Le sourcils froncés et se mordant les lèvres de toutes ses forces, la jeune ninja tentait de garder son calme. « Vous êtes en train de me dire que vous avez laissé partir une ancêtre seule dans la nature, ALORS QU’ELLE N’EST PAS CAPABLE DE DESCENDRE DES ESCALIERS SANS FINIR ICI ! » Apeurée, l’hôtesse se mit à bégayer. « Mais sur son dossier il est écrit ; Mogura Shinsaine peut partir à la condition d’être accompagnée par Mogura Shinsaine. Elle-même, non ? » On pouvait presque percevoir de la fumée s’échapper des narines de Moïra. « MAIS C’EST MOI MOGURA SHINSAINE ! Je suis la quatrième du nom, elle est la première, vous n’auriez pas pu l’écrire dans vos petits papiers ça !!! Hein ??? » Elle frappa d’un grand coup de poing le comptoir sur lequel elle était accoudée, vue la marque laissée, ils sauraient sûrement se rappeler des subtilités de leur famille la prochaine fois. Elle quitta l’hôpital en trombe, claquant violemment la porte derrière elle mais une fois dehors elle réalisa à nouveau à quel point il y faisait froid. Elle sentait cependant le sang chaud coulée sur sa joue. Elle retourna dans l’hôpital avec autant de violence qu’elle en était sortie, piqua les quelques hors d’œuvres disposées sur le comptoir et partit à nouveau jetant des regards meurtriers à tous ceux qui la dévisageaient. Elle s’adossa sur le mur de l’établissement et grignota les quelques petites choses qu’elle venait de récupérer pour reprendre des forces avant de partir à la recherche de sa Mooma.

Au final, la jeune fille passa bien plus de temps que prévu adossée à ce mur à se demander où sa Mooma avait bien pu se rendre. Il était plus que probable qu’elle soit tout simplement retournée à la demeure familiale. Elle n’était partie que ce matin après tout et cela faisait une semaine qu’elle attendait la visite de la jeune femme. Accablée par ces remords, Moïra resta immobile à se reprocher toutes les misères du monde. Se disant que si elle avait été là, sa grand-mère ne serait même pas tombée dans l’escalier… Elle lâcha un long soupir et leva la tête en l’air fixant les nuages sans vraiment les regarder non plus. Maintenant qu’elle était ninja, elle ne pourrait pas être autant présente auprès de sa famille, eux l’avaient sûrement déjà compris mais elle avait bien plus de mal à l’accepter. Perdue dans ses pensées, sa vue fut soudainement obstruée par l’arrivée d’un jeune homme. Sans perdre de temps, il la questionna sur une lutherie dont Moïra ignorait l’existence. « Bonsoir… » Elle insista beaucoup sur le mot histoire de faire remarquer au jeune homme que lui n’avait pas pris la peine de la saluer. Elle regarda le garçon de haut en bas comme si elle l’analysait. Il était bon garçon, pour sûr, ce qui enclencha un réflexe chez la jeune femme : elle passa délicatement ses doigts dans ses cheveux avant de le regarder à nouveau. Il était bien fringué, un peu trop sérieusement mais bon faut pas être trop difficile, pour une fois qu’il ne porte pas un haut en résilles comme les trois quarts des ninjas de Konoha. Elle ne se rappelait pas l’avoir vu dans les parages mais la jeune femme n’était pas du genre suspicieuse. Elle se redressa et remarqua que le jeune homme la dépassait de plusieurs centimètres. La nuit était tombée et elle finit par comprendre que le dévisager de la sorte surtout dans le noir ne devait pas forcément être très classe.

« Oh c’est moi qui pose les questions ici ! » Elle lâcha ça totalement dans la dérision, histoire de casser la glace face à son attitude très formelle. Elle lâcha un petit rictus et glissa à nouveau ses doigts dans sa longue chevelure sombre. « Pour ce qui est d’une lutherie j’avoue que je ne vais pas me montrer très utile pour le coup. Je ne vois absolument de quoi tu parles, mais si tu veux on peut chercher genre… euh, ensemble ? Qui sait, on aura peut-être plus de chance ? » Après ces quelques paroles maladroites elle se rappela de son objectif premier : retrouver sa mémé. « Au passage, t’aurais pas croisé une petite mamie usée par le temps, vraiment pas de première fraicheur et tellement petite et tassée que t’aurais pu la confondre avec une souche d’arbre ? Non parce que je la cherche, elle devrait être à l’hôpital mais ces incapables l’ont laissé partir sans faire gaffe. Tu te rends compte ? On compte sur eux pour prendre soigner et ils se montrent complètement incompétents ! » Elle ponctuait sa phrase de petits ricanements qui lui donnait un air particulièrement écervelée. Elle tapota ses vêtements histoire d’en dégager la poussière accumulée par cette journée puis approcha sa main de la chevelure du jeune homme pour y glisser les doigts. « Ils sont jolis tes cheveux, aussi beau que les miens ! »

La jeune fille s’attarda un peu plus sur les traits du visage du jeune homme. Maintenant qu’elle en était assez proche elle pouvait se le permettre malgré l’obscurité ambiante. Il avait les traits fins, il avait l’air assez raffiné sûrement un noble aussi ou quelque chose du genre, surtout ses vêtements le faisaient penser. Il était assez banal au final mais il dégageait un certain mystère qui avait le don de faire chavirer le cœur des jeunes filles et Moira n’échappait pas à la règle. Elle plongea son regard dans le sien, ses yeux dégageaient un certain vécu que la jeune shinobi n’arrivait pas à décrypter, pourtant il n’avait pas l’air d’un ninja de haut rang au départ. Lorsqu’elle approcha ses doigts de sa chevelure elle fut très surprise. En effet, aucun recul, aucun mouvement pour éviter le mouvement de la jeune fille qui dépassait carrément ce que l’on pouvait appeler « avenant » c’était carrément de l’aguichage. Au lieu de ça, il restait immobile, laissant libre cours à Moïra qui finalement ne s’y attarda pas. L’assurance qu’il dégageait l’intimidait, généralement c’était plutôt le contraire, elle aimait bien déranger un petit peu les hommes qu’elle côtoyait mais là c’était l’effet inverse.

Les paroles qu’il prononça la surprirent encore plus, il répondait carrément à ses avances, quitte à renchérir. Pour le coup c’était elle qui se retrouvait immobilisait, statique juste en face de lui. « Jeune et belle inconnu », c’était étrange. Il avait pourtant l’air d’appartenir à un certain rang de la société et si c’était le cas il aurait forcément reconnu la benjamine des Shinsaine, elle avait été trimbalée à toutes les cérémonies. Elle resta figea, le regard plein d’incompréhension, elle ne savait juste pas comment réagir. Il avait carrément caressé sa main, ce n’était plus une simple rencontre, c’était carrément de la drague assumée. Pourtant, lorsqu’il s’était pointé l’air perdu demandant son chemin, elle ne s’en serait pas doutée. Elle en devenait carrément suspicieuse, c’était juste étrange. Elle se mit à sourire niaisement et préféra détacher ses yeux du bel homme qui l’avait définitivement troublé. Plus par embarras cette fois-ci, elle se recoiffa rapidement histoire de ne pas avoir l’air bête immobile qu’elle était.

Elle voulait lui poser plein de questions mais si jamais elle devenait trop insistante, il partirait sûrement. De manière toute aussi aguicheuse, elle posa sa main sur l’épaule du garçon et la laissa glisser le long de son bras. « Tu veux savoir où se trouve une lutherie c’est ça ? Tu n’es pas d’ici ? » Peut-être avait-elle dépassé les limites ? Etait-ce trop que de demander cela ? Dans un village caché c’était carrément suspect de s’y promener sans en être et sa question supposait presque qu’il n’avait aucune raison d’y être. Il fallait qu’elle se rattrape. Elle ricana bêtement avant de lâcher un petit soupir gêné. « Enfin je veux dire… Si je t’avais croisé je me serai sûrement rappelée de toi, mais je peux pas être partout. Je ne sais pas même pas où se trouve cette lutherie… » C’était vrai après tout, elle aurait pu poser la même question à n’importe quel habitant de Konoha si elle avait voulu s’y rendre.

Elle se sentait simplement déstabilisée, le jeune homme dégageait une aura étrange, mais pas une aura hostile, elle ne savait vraiment pas quoi penser. Peut-être devrait-elle s’éclipser ? Mais non, elle voulait tout savoir sur le jeune homme, il était si intriguant. Elle répéta son petit rictus gêné et reprit : « Je suis bête je me suis même pas présentée, je suis Mogura Shinsaine, mais je préfère qu’on m’appelle Moira. Et toi tu es ? » C’était carrément pas subtil, mais elle faisait de son mieux. Ce genre de situation n’était pas son point fort. Elle qui pensait avoir l’avantage en draguant un garçon elle ne comprenait vraiment pas pourquoi cette fois-ci elle se sentait si désarmée. Elle replaça son regard dans le sien comme pour ne pas paraître impolie ou suspecte et conservait un sourire qui se situait entre l’amicalité et la drague. Au point où elle en était, elle n’avait rien à perdre. Elle se blottit soudainement contre lui et susurra délicatement dans son oreille : « Qu’est-ce qu’il fait froid à une heure pareille… » Sous-entendant bien sûr qu’à une heure si tardive, il n’y avait plus personne alentours pour les observer.

Un nom qui ne lui disait rien, pas plus que son prénom, mais il était poli, élégant, charmant… et mystérieux. Son sourire était communicatif et paraissait sincère, la jeune femme lui répondit et ne quittait plus son regard des yeux. Mais il paraissait quand même suspicieux, douteux. C’est vrai que Moira en imposait mais jusque-là à intimider un autre ninja, quand même pas. La fraicheur la pousser à se rapprocher toujours plus du bel homme qui la regardait avec la même intensité… D’habitude, elle n’était pas du genre à se laisser déstabilisée mais là il fallait dire que sa classe en imposait aussi, peut-être quelqu’un à la hauteur de la jeune kunoichi.

Elle en avait complètement oublié sa pauvre grand-mère qui errait sûrement à la recherche de la maison, elle en oubliait la culpabilité, d’être soucieuse et ne pensait plus qu’à ce qu’elle se devait de faire maintenant dans une telle situation. Elle sentait une réciprocité dans les avances et même si leurs gestes étaient très évocateurs elle n’était quand même sûre de rien. Peut-être devait-elle se montrer plus avenante, mais avenante pour quoi ? Il avait l’air de valoir plus qu’un simple béguin d’un soir et d’agir comme si pourrait ruiner une éventuelle nouvelle rencontre après celle-ci. Mais pour le moment elle comptait bien rester avec lui et ne pas le lâcher.

Et visiblement lui non plus ne voulait pas la laisser. Il enroula sa veste autour des épaules de la jeune femme après qu’elle ait signalé la fraicheur ambiante. Il baissait sa garde c’était sûr, devait-elle faire de même pour autant ? Mais impossible de penser alors qu’elle pouvait maintenant plus admirer le corps musclé du shinobi. Sa veste dégageait une odeur proche de l’aphrodisiaque. Même sans le vouloir, elle aussi en viendrait à se montrer vulnérable. Mais s’il l’est aussi, alors où est le problème ? Où est le risque ? Nul part…

Leurs visages étaient si proches l’un de l’autre, encore enivrée par l’odeur de sa veste et la beauté de son corps, Moira se rapprocha jusqu’au contact. Le baiser fut vif, furtif même, comme un baiser ninja un peu, rapide mais intense. Elle recula ensuite des pas, la tête tournée vers le sol, les mains crispées autour de la veste du jeune homme, comment un simple baiser avait pu la faire se sentir aussi coupable et totalement impuissante. Pourtant elle avait pris les devants, elle était restée fidèle à elle-même, elle l’avait juste rapidement embrassé, le genre de chose qui n’est pas si rare avec elle, mais elle se sentait bizarre.

Ce n’est pas très poli d’embrasser une jeune femme lors d’une première rencontre…

Elle n’osait pas le regardait, ses yeux étaient toujours rivés vers le sol. La mauvaise foi était sa seule défense pour le coup. Elle ne savait pas vraiment quoi faire, juste partir en courant ? Cela paraissait presque une bonne solution. Mais elle se refusait à fuir, elle était forte et sûre d’elle, elle ne pouvait pas quitter une telle situation si sensible en fuyant ou elle n’oserait plus jamais se regarder en face…