Kamikoru Krystal vient d’arriver Godaime.

Parfait. Faites la entrer s’il vous plaît, demanda Daiki.

Il avait le nez perdu dans un dossier lorsqu’on était venu lui annoncer la nouvelle. L’entrée de son assistante l’avait distrait un instant. A peine le temps de relever la tête, voir le visage de la jeune femme dépasser de l’entrebrasure de la porte et il avait rebaissé le regard sur le papier. Il s’était attendu à un petit truc palpitant mais bon. Il semblerait que la seule chose qui palpite ici soit son cœur qui avait un rythme assez alarmant. Il était tellement en activité depuis le début de l’après-midi que son organisme lui-même devait le croire en train de mourir. Son propre cœur semblait ne même plus croire en la vie à force de simplement irriguer du sang pour des actions telles que tourner une page ou poser la main sur le bureau. La visite de la Chûnin allait lui permettre de se détendre un peu. Enfin, façon de parler bien sûr.

Ce dossier était arrivé un peu en premier de la longue liste qu’on lui avait donnée sur les affaires à régler dans l’immédiat. Un rapport signalant que cette Chûnin avait eu un comportement agressif envers un Sunajin lors de la guerre contre Makka sur Hai no kuni. Au départ interloqué par ce qu’il lisait, Daiki s’était ensuite pleinement plongé dans la narration de cet instant. Il avait assimilé chaque information pour au final se dire qu’une simple lecture et un avis envoyé à la concernée serait une perte de temps et un gain de travail administratif. Il avait donc demandé à ce que cette jeune fille soit convoquée directement dans son bureau. Il l’interrogerait directement en face à face. Il souhaitait entendre sa version même s’il avait son jugement tout trouvé déjà. Peut-être pouvait-elle encore le détourner de sa voie.

Un coup retentit à la porte et il accorda un machinal « Entrez » tout en se calant dans le fond de son siège. Et la jeune fille fit son entrée. La vingtaine. De longs cheveux gris et des yeux d’une teinte violacée assez atypique mais néanmoins très jolie. Cela faisait un point commun entre l’Hayashi et la jeune fille. Lui à qui on faisait tant de remarques sur ses yeux jaunes. Il désigna d’un geste de la main l’un des sièges placés devant son bureau. Il la laissa faire à son aise puis il se rapprocha de la table pour mieux la voir et faciliter la conversation. Il était plus poli de s’adresser à son interlocuteur autrement qu’affalé dans son fauteuil. Même s’il se tenait très bien en restant dans les tréfonds de son siège, il n’avait pas envie de laisser l’image d’une larve bureaucratique terré dans ses quartiers. Il resta un instant silencieux puis finit par se lever.

Ses muscles endoloris par son travail de lecture de toute l’après-midi lui avaient criés maintes fois de faire juste quelques pas et ils étaient enfin satisfaits. Il les entendait presque soupirer de bonheur et de contentement. Il se dirigea vers un meuble de rangement dont il ouvrit un tiroir. Plusieurs dossiers empilés et pleins à craquer de rapport se présentèrent sous ses yeux. De petites étiquettes sur le haut établissant un ordre alphabétique. Il en prit certaines du bout des doigts pour s’arrêter sur celui disant : « Kamikoru Krystal ». Il prit l’ensemble de feuilles et referma le tiroir. Après quoi il retourna au bureau et déposa le dossier face à lui. Il l’ouvrit et tourna les pages jusqu’à tomber sur le rapport d’incident qui avait été rédigé. Il laissa le tout tel quel pour river son regard droit dans celui de Krystal. Et il finit par rompre le silence qui pesait jusque-là :

Tu dois te douter de la raison de ta venue ici.

Il tourna la feuille pour la guider au cas où elle serait un peu perdue. Même s’il en doutait. Son regard laissait présager qu’un esprit en ébullition se terrait derrière ce violet très clair. Il réprima un sourire et se contenta de reprendre :

J’ai déjà lu le rapport mais avant toute chose j’aimerais que tu me donnes ta version. Et éventuellement les raisons de ton acte.

La fête battait son plein au village. Peu de morts, peu de blessés, et surtout, une victoire. Hai no Kuni n’était plus que ce que son nom indique : des cendres. Jônins, Chûnins et Genins fêtaient cette bataille gagnée dignement, passant leurs journées et leurs nuits dans les bars, à boire jusqu’à n’en plus pouvoir. Une démonstration de joie compréhensible lorsqu’on sait ce qu’ont traversé ces ninjas : une guerre qui leur promettait la mort, la douleur et la souffrance. Ce qu’ils n’ont pas eu, car l’Alliance des Villages a été beaucoup plus forte qu’escomptée, et l’Assimilatrice vite mise hors d’état de nuire.

Mais moi, je n’avais pas le cœur à m’amuser. La guerre m’avait apportée une bataille unique, que j’avais perdue, et qui allait m’attirer des ennuis. Un ANBU venait d’arriver. « Hokage-Sama veut te voir », qu’il m’a dit. L’Hokage, justement. Un changement de plus dans mon monde utopique. J’avais du mal à m’attacher aux gens, mais Suguato avait su m’inspirer respect et confiance. C’est lui qui connaissais mes secrets les plus noirs, et qui m’aidait à me sortir de ces ténèbres envahissants. Mais il avait décidé de disparaître, sans même donner une once d’informations. Je ne pensais pas être privilégiée à ses yeux, ni même importante. Mais j’avais l’espoir vain qu’il tenait un peu à moi, alors que j’étais consciente que ce n’était pas le genre du bonhomme. Une désillusion et une déception de plus, en somme.

Depuis mon retour, j’avais juste discuté avec Aburame Miko, ma senseï, passant le reste du temps allongée dans mon lit. Accablée, elle ne fit que m’enfoncer, mais je m’y attendais. Je n’eus pas le courage de me révolter, me contentant de baisser la tête et d’écouter ses remontrances. Car oui, j’avais sans doute commis l’impardonnable. Bien loin du ton dramatique qu’avait pris la guerre contre Makka et ses partisans, Konoha avait une situation politique délicate. Une bataille perdue contre Suna nous rendait annexé au village du Sable, et donc redevable envers ses habitants de nous laisser continuer à vivre notre vie sans trop de contrainte. Enfin, c’est ce que j’avais cru comprendre.

Pourtant, lors de la guerre, j’ai été manipulée. Non pas par un Homme, mais par un objet. Une espèce d’éventail planté en plein milieu d’un bois calciné, et dont l’aura dégageait quelque chose de puissant et d’intrigant. Il avait regroupé un Sunajin, une Kirijin, un Kumojin et moi, tous alliés, et a fortiori, le Sunajin et moi-même. Mais cet éventail avait une emprise sur nous assez dévastatrice, et nous obligea presque à nous battre mutuellement. Sans réellement savoir pourquoi, j’attaquai donc le Sunajin, m’alliant sans raison apparente à la Kirijin qui ressemblait à une personne dont Miko m’avait parlée. Fort heureusement, il n’y eut aucune conséquence humaine, l’éventail ayant été ramassé par le Kumojin. Mais, il fallait être lucide : s’il décidait de raconter ce qu’une Konohajin a fait à un de ses villageois, le Kazekage pouvait réclamer des comptes. Ma vie, par exemple. Et si le nouvel Hokage le refusait, une nouvelle guerre pouvait éclater. Et tout cela, de ma faute.

Sans aucun sourire, je suivis l’ANBU qui m’emmena jusqu’au palais de l’Hokage. Un léger pincement au cœur quand je me rappelai du bureau excentrique et alchimique du prédécesseur de l’homme que je m’apprêtai à rencontrer. Nul doute que cet Hayashi ne sera pas le même que le Shiajin. On me fit rapidement entrer, et l’homme, tel qu’il était apparu lors de son investiture, m’invita à m’assoir. Toujours morose, je m’executai, pendant qu’il semblait chercher un dossier dans un des meubles de son bureau, devenu effectivement bien plus classique que du temps du Yondaime.

- Tu dois te douter de la raison de ta venue ici.

Je n’osais le regarder dans les yeux. Une chose rare, quand on sait ce que j’ai traversé au cours de ma vie. J’étais persuadée que les masques de plâtre n’avaient pas de visage au service de la honte. Je me rendais compte à ce moment que je me trompais totalement. Ma version des faits, hein ?

- J’ai été assignée à une troupe aux frontières est de hai no Kuni. On a, comme toutes les autres troupes, rapidement pris le dessus. Mais j’ai été… attirée, presque contre ma volonté, dans un bois calciné, pas loin de là où on se trouvait. L’attraction provenait d’une espèce d’artefact en forme d’éventail, duquel s’échappait un étrange chakra, mais qui m’appelait, et me disait à tout instant de le ramener chez moi. Il était évident que je n’avais pas été la seul à être attirée. Un Kumojin, un Sunajin et une Kirijin était également sur les lieux. Tous, comme hypnotisés, on s’est ligué les uns contre les autres. Enfin, à vrai dire, je me suis surtout alliée avec la Kirijin contre le Sunajin pendant que le Kumojin ne faisait rien. C’est d’ailleurs lui qui a fini par s’enfuir avec l’éventail, à l’aide d’un sceau ayant drastiquement augmenté la gravité. Donc oui, j’ai attaqué un Sunajin. Volontairement.

Je baissai la tête. J’avais donné mon explication sur un ton neutre, sans m’arrêter, d’une seule traite. Je ne sais pas si j’avais honte, mais je pense que j’avais peur. Peur des conséquences de mon geste, qui devraient être assez grands pour que le nouvel Hokage me convoque aussi tôt après son investiture. Mais, je me devais d’être totalement franche avec.

- Pour répondre à votre hypothétique interrogation, la raison pour laquelle j’ai attaqué le Sunajin plutôt que la Kirijin est floue. Je pense que c’est inconscient, au fond. La domination que subit Konoha me déplaît au plus haut point. Ce n’est pas totalement innocent d’avoir attaqué celui du Sable…

La jeune fille ne semblait pas vraiment très à l’aise. Il était un peu tôt pour savoir si c’était par malaise ou par simple entêtement. Dans les deux cas, son regard fuyait celui de Daiki. Ce qu’il ne souhaitait pas à la base. Il aurait aimé la regarder droit dans les yeux afin de jauger de sa sincérité. Mais au vu de l’expression qu’elle affichait, il s’en faisait déjà une idée. De plus qu’elle commença son récit pour le narrer d’une traite. Reprenant normalement sa respiration par moment, elle raconta dans quelles circonstances exactes s’étaient déroulés les évènements et ce qui n’était pas répertorié dans le rapport par conséquent. Notamment cette force mystérieuse qui avait poussé la jeune fille à vouloir à tout prix récupérer cet éventail. D’autant que la réaction du Kumojin était surprenante aussi. Ne rien faire à un tel moment était assez bizarre.

Elle venait de finir son histoire et son visage restait parallèle à ses jambes. Elle avait la tête baissée et ne regardait pas un seul instant le Godaime qui la fixait intensément pour essayer de capter ne serait-ce qu’un regard. Jusqu’à ce qu’elle fasse preuve de la plus grande honnêteté qui soit. Elle avoua ne pas comprendre la raison qui avait fait qu’elle se soit alliée à la Kirijin mais elle ne niait pas le fait que son subconscient avait beaucoup joué sur la situation et l’avait forcé à agir contre le Sunajin. Et la raison était d’autant plus simple que compréhensible. Krystal avait été beaucoup affecté par l’influence de Suna sur Konoha. L’Hayashi camoufla un large sourire derrière ses mains croisées juste devant son visage. Le silence reprenait ses droits sur les lieux. Elle devait attendre un jugement de sa part. Il s’apprêtait à le rendre.

Il se leva de son siège ave le dossier à la main. Il retourna à la petite armoire et le rangea à sa place. Sur le bureau, il restait le rapport. Solitaire et attendant lui aussi qu’un verdict soit donné quant à la situation. Daiki avait procédé à cette convocation afin d’en savoir un peu plus sur le caractère de la jeune fille. Pas pour mieux la connaître dans le sens qu’on l’entend dans la vie de tous les jours. Mais plus pour savoir si elle avait été motivée par des pensées d’opposition à Suna ou s’il s’agissait juste d’une simple coïncidence intervenant au mauvais moment quand les relations avec Suna sont si litigieuses. Mais apparemment, sa rancœur envers le village du Sable avait beaucoup joué dans cette réaction. Du moins rien qu’un peu en réalité. Mais c’était suffisant pour que Daiki se forge son opinion. Une fois revenu à sa place, il prit les feuilles devant lui pour les mettre de côté. Et il posa son regard couleur ambre sur la jeune fille qui n’avait pas vraiment bougé.

Il inspira puis finit enfin par rompre le silence pesant qui régnait dans la pièce depuis maintenant quelques minutes :

Beaucoup verraient cet acte comme une action proche de l’incident diplomatique et d’autres qualifieraient ton agissement comme un acte patriotique. La frontière est mince entre ces deux notions. Je me range pourtant vers l’une des deux qui me paraît plus…logique que l’autre.

Il faisait exprès de faire traîner les choses. Mais il n’avait pas envie d’affoler la Kamikoru un peu plus. Il finit donc par dire :

Pour moi, tu as agi de manière patriotique. Je ne vois donc pas spécialement de sanction à appliquer dans le fait d’agir pour le bien de son village. Tu ne penses pas ?

L’usage de la rhétorique à la fin de sa déclaration le fit sourire. La jeune fille devait être soulagée d’entendre ça. Il avait certes laissé planer le doute un instant mais c’était dans le seul but de s’assurer qu’il ne faisait pas face à une fervente défenderesse de « l’alliance » avec Suna. Ce mot même écorchait à vif l’esprit de l’Hayashi. Il ne pouvait croire que Konoha avait accepté de conclure une alliance avec ces chiens ! En repensant à ce qu’ils avaient subis de leur part…il perdait tout sang-froid. Mais ce n’était pas le moment de s’attarder là-dessus. Il allait la mettre à l’aise avec ce qui suivait :

En revanche tu as pu être présente lors d’un combat opposant des membres de chaque nation. J’aimerais donc que tu me communiques un maximum d’informations que tu as pu récolter pendant le combat. Si tu as le courage de te lancer dans une description également ce serait parfait et nous pourrions tout mettre directement dans le Databook.

Il se recula dans son siège pour s’adosser et reprit :

Je suis toute ouïe donc !

Tout au long de ma vie, j’ai souffert, et il y a des blessures dont on ne guérit pas impunément. Enfermée au sein de mon clan et esclave des miens, je ne jouis de la liberté que depuis peu de temps. J’ai l’impression de revivre, de n’être plus la même et pourtant, ce sentiment de servitude était revenu à moi comme un boomerang revient à son lanceur. Une guerre à laquelle je n’avais que très peu participé, pour des raisons qui me sont personnelles, et qui avait rendu Konoha soumis à Suna. Une situation qui avait sied apparemment à Suguato, puisqu’il n’avait pas, à ma connaissance, prévu de se détacher de cette influence sous peu. Alors oui, je l’avoue. J’ai beaucoup d’estime pour certains Sunajins, mais mon village ne méritait pas d’être asservi. Je ne méritais pas de dépendre de quelqu’un d’autre que l’homme se trouvant en face de moi.

J’exécrais cette domination.

Je ne rougis pas. Les masques de plâtre n’ont pas de rougeur au service de la honte. Personne ne sait réellement ce que je suis, ou qui je suis. Je passe mon temps à mentir, à truander, à manipuler, et les gens me prennent pour une jeune femme naïve et souriante. Mais ils n’ont pas vécu seuls. Pareils à des roses s’épanouissant, ils sont restés immobiles au bord de l’océan des Hommes, et ils n’ont fait que regarder la réflexion de leur propre lumière. Moi, pendant ce temps, j’ai plongé. J’ai parcouru les profondeurs de cet océan, et tandis qu’ils admiraient la surface, j’ai vu les débris de naufrages, les ossements et les Léviathans. Les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent…

Comme pour cet entretien. Je pensais que j’allais me faire sermonner. Je me voyais déjà envoyer comme prisonnière à Suna, exécutée sur la place publique, mais ce fut totalement l’inverse. Daiki était d’un calme olympien, et d’une prestance à toute épreuve. Il m’écouta, sans m’interrompre, et sa réaction fut d’autant plus étonnante. Il me félicita presque pour mon acte qu’il qualifia de patriotique. Pour la première fois, je levai mes yeux, et plongeai mon regard dans le sien. Son regard était intense et rassurant. Il avait l’âme d’un dirigeant et d’un chef, ça n’en fait aucun doute. Presque autant que Suguato, je pense. Deux grandes pointures, deux ninjas d’exception. Les meilleurs de Konoha. Les deux derniers Hokages…

- On était quatre. Un Kumojin au maquillage jaune utilisant des sceaux jouant sur la gravité. Un Sunajin assez étrange qui faisait un peu peur, utilisant le vent et se prétendant Eisenin. Et une Kirijin utilisant un immense sabre, se battant au corps à corps et ayant sans aucun doute le pacte des chats. Miko m’en avait parlé, elle était passée à Konoha quelques temps auparavant. Il s’agirait de Jaden Koken.

Mes yeux ne quittèrent plus les leurs. Apparemment, à l’écouter, Suna n’était qu’un mauvais souvenir pour le village de la feuille. Bientôt, nous retrouverons notre indépendance. Et je voulais avoir un rôle à jouer là-dedans. Mais devais-je m’avancer sur ce terrain ? Peut-être était-il en train de me tester ? Peut-être était-il en train de me manipuler ? Peut-être me faisais-je des idées sur ce qu’était réellement cet Hayashi ? Non, Suguato ne se serait pas trompé autant. Même s’il acceptait la dominance du Sable, il ne jetterait pas en pâture les siens. Il a toujours tout fait pour nous protéger, et nous faire avancer librement. Et je crois que c’est pour cela que j’appréciais tant le Yondaime. Il nous offrait la liberté.

Alors, si j’étais aussi libre qu’on a voulu me le faire croire tout ce temps, rien ne m’empêchait de m’aventurer sur ce terrain. Machinalement et maladroitement, je souris, comme à mon habitude, en dévoilant ainsi bien plus que je ne l’aurais voulu. N’étant absolument pas le ton employé, et la situation ne s’y prêtant pas, le sourire était malvenu. S’il était aussi haut gradé, cela signifie sans aucun doute qu’il avait l’œil. Et il allait vite comprendre que ce sourire, il n’était pas aussi sincère qu’il se le voulait, et que donc par conséquent, je mentais régulièrement sur mon état.

- J’ai cru comprendre que vous vouliez donc vous émanciper de Suna ? Comment allez-vous vous y prendre ?

Les yeux du Godaime et de la Chûnin ne se lâchaient plus. Le dirigeant de la Feuille se doutait qu’elle avait dû avoir quelques appréhensions avant de venir. Après avoir agressé un membre de Suna avec en plus une arrière-pensée alors que les deux nations étaient censées être en alliance, ce n’était pas rien et elle avait dû s’imaginer toute sorte de châtiment pour la peine. Et pourtant, Daiki l’accueillait calmement et la félicitait même presque. Il aurait aimé lui remettre une médaille mais ça aurait été mal vu donc il s’était contenté de cet entretien. Ainsi il laissait penser qu’il se préoccupait de la situation et allait avoir une discussion sérieuse. Ce qui était le cas mais dans la conception qu’il en avait, elle avait un enjeu tout autre.

Il ne tenait pas à la réprimander pour son acte, bien au contraire. Il avait besoin de Konohajins comme elle assez hargneux envers Suna pour le soutenir dans ses décisions à venir. Son avis par rapport à Suna était assez drastique et il aurait besoin de bons nombres de sympathisants pour être à ses côtés et ne pas risquer de se faire détrôner. Konoha était son foyer, sa famille et du temps de Nikkou, tout avait été dépeuplé et dénaturé à cause des Sunajins. Il ne comptait pas oublier et passer l’éponge à travers une alliance comme l’avait fait le Yondaime. Il était hors de question que tout se déroule comme ça. Il ne le voulait pas et cherchait assez de personnes de son avis pour ne pas se faire couper l’herbe sous le pied.

Elle finit par répondre à la demande de l’Hayashi qui tenait à avoir un peu plus de détails sur chaque intervenant lors de cet affrontement. Il retint chacun des détails que lui précisa la Konohajin pour les mémoriser. Il les recoucherait dès son départ sur papier pour ne rien oublier et publier cela dans le Databook du village qui avait pu s’épaissir avec cette alliance contre Makka. Au moins un fléau en moins. Pour qu’il soit pleinement satisfait maintenant, il ne manquait plus que Suna et tout serait parfait dans le meilleur des mondes !

Alors qu’il jubilait à cette simple pensée, la jeune Krystal reprit la parole après avoir affiché un sourire. Il ne savait pas trop comment l’interpréter mais il décida de ne pas y prêter attention. Pour le moment. Car elle souleva une question épineuse qu’aucun encore n’avait osé aborder directement avec lui et qui pourtant le titillait au plus haut point. Ce qu’il comptait faire face à Suna. Elle avait bien compris son désir d’émancipation. La situation de soumission dans laquelle ils se trouvaient lui retournait l’estomac quand il y pensait et il voulait absolument changer la donne. Définitivement. Mais il fallait savoir quoi faire pour cela. Et c’est précisemment ce que tenait à savoir la jeune demoiselle par sa question.

Il continua à la regarder encore un peu avant de fixer la pile de dossiers près de lui. Du moins à la regarder car son regard était voilé alors qu’il se perdait dans le fil de ses pensées et de ses réflexions. Lorsqu’il eut terminé, ses yeux redevinrent vifs et attentifs aux détails qu’ils croisaient. Il reporta de nouveau son attention et son regard ambre sur la jeune fille à qui il finit par s’adresser :

Je me dois de jouer carte sur table comme tu l’as fait avec moi.

Un sourire éclaira son visage brièvement avant de retomber lorsqu’il annonça la suite.

A vrai dire je ne sais pas. Cette idée m’a toujours poursuivie depuis que j’ai su quel accord liait notre pays à ces…shinobis.

Il avait mis un moment à sortir le nom. Un long moment de doute qu’il avait balayé d’un revers de main pour rester dans les sentiers battus et adopter un langage normal. Il enchaîna :

Une chose est sûre en tout cas c’est que je crains que cela ne se termine pas d’une manière totalement pacifique, même si je souhaite l’éviter au maximum. Aare aura défiguré notre paysage à vie et je leur rendrais bien la pareille. Seulement la haine engendre la haine comme on dit et je ne tiens pas à enfermer notre pays dans un cercle vicieux. Je tiens seulement à le libérer de ce système. Tout peut se passer en « douceur ». Mais face à eux rien n’est sûr malheureusement. Alors je préfère y réfléchir et m’assurer le soutien d’un maximum de soldats d’ici là.

Après un petit temps de silence, une idée germa dans son esprit alors qu’il observait la jeune fille assise en face de lui. Pourquoi pas ? Il sourit de nouveau derrière la main qu’il passa rapidement sur son menton. Il reprit un air sérieux et continua d’une voix posée et calme :

Et pour cela, il me faudrait quelqu’un de confiance partageant ma vision des choses. Une personne capable de discuter innocemment à droite à gauche et recueillir des avis sans que cela ne vienne directement de moi. Quelqu’un qui saurait m’indiquer qui est pour et qui est contre. Quelqu’un qui voudrait mener à mes côtés cette campagne de libération du joug Sunajin.

Il s’arrêta là l’espace d’une seconde. Ses yeux semblaient dévorer la jeune fille qui devait avoir compris depuis le temps. Et pourtant, il se sentit obligé d’ajouter :

Quelqu’un ou quelqu’une…

L’entretien prenait une tournure que je n’aurais jamais pu imaginer. La réputation de Daiki, auprès du peuple et des ninjas de bas rangs comme moi, était celle d’un homme droit et juste, pacifique et patient, du genre à conquérir la gloire paralytique. L’homme, aux premiers abords, m’impressionnait, mais le Kage me laissait perplexe. Car qu’importe que les idées et la conscience soient vivantes, si les bras sont morts.

Mais bien loin du côté doucereux, il s’avéra que l’Hokage possédait une facette des plus intéressantes. Une facette qui me démontra une fois pour toute que cet homme, Hayashi Daiki, était fait pour gouverner, et que j’étais faite pour lui obéir. Les gens se rattachent à un chef ou à une nation par volonté, par idéologie ou par la force. Personne ne m’a jamais obligée à rester Konohajin, et ma volonté m’appelait à la liberté totale. Mais je partageais les idées de Suguato, plus que quiconque, et désormais, je puis dire que je partage les idées de Daiki.

Car Suna était une tare, une épine dans le pied de Konoha, et j’ai toujours pensé que le village ne pourrait être prospère que si l’on s’émancipait de cette gêne. Le précédent Hokage semblait se complaire dans cette situation, même s’il se méfiait du village du Sable. Mais l’actuel avait été clair avec moi : il s’en débarrasserait coûte que coûte. Et chaque évènement important, chaque choix crucial qu’un homme d’état avait à réaliser nécessitait des alliés. De hauts rangs, de bas rangs : peu importe. Un simple grain de riz peut faire pencher la balance.

J’étais habituée au double langage, et je comprenais parfaitement où il voulait en venir. Même si je n’étais pas spécialement la plus à même de réaliser cette tâche, mes relations avec les autres habitants du village étant très limitées. Mais j’avais eu la bonne idée de bien m’entourer. Je ne connaissais pas beaucoup de monde, mais je connaissais du beau monde, qui eux pourraient faire passer le message d’une façon plus efficace. Je n’étais, au fond, que le premier maillon d’une chaîne tenue par Hayashi Daiki.

Sans le quitter des yeux, j’écoutai son discours avec attention, avant d’y répondre, toujours avec la même sincérité qui avait été propre à la discussion, mais toujours avec ce faux-sourire que je ne pouvais me résoudre à quitter malgré l’honnêteté ambiante.

- Si je vous suis bien, Hokage-Sama, une guerre semble inéluctable ?

J’ignorais l’ampleur du traumatisme que la guerre contre Makka avait à Konoha, ne m’étant pas du tout mêlée à la foule pendant les festivités. Mais je connaissais l’esprit Konohajin, et je savais qu’ils ne rechigneront pas si, pour le bien du village, ils devaient retourner se battre.

- Je ne connais pas beaucoup de Konohajins, mais mes relations sont assez importantes et hétéroclites pour pouvoir me charger de ce que vous demandez. Et puis, Suguato avait confiance en moi pour certaines choses. Gage de ma loyauté et de ma fidélité au village. Vous pouvez également compter sur moi. Je transmettrais le message à qui veut bien l’entendre.

Je me devais également de rassurer mon interlocuteur sur ma fidélité. Car il ne fallait pas oublier qu’après tout, j’étais arrivée dans ce bureau à cause d’un acte de trahison. Pas envers Konoha directement, certes, mais si je l’avais fait pour une faction, ça prouvait au moins que j’étais capable de le faire.

- En quoi puis-je vous aider d’autres ?

J’étais prête à devenir importante, et à m’extirper des missions banales et inintéressantes qu’on me donne à longueur de temps. Je savais que j’étais capable de tenir des responsabilités, et de me débrouiller dans des missions un peu plus compliquées. Et ce genre de missions et de responsabilités, c’est l’Hokage qui les donne… C’était à moi de prouver que j’en étais digne.

La Kamikoru avait de suite compris de quoi il retournait. Il faut dire que l’Hayashi n’était pas passé par trente-six chemins pour expliquer sa vision des choses. Mais de par ses actes, Krystal adhérait à cette vision et c’est en cela qu’elle l’intéressait et qu’il souhaitait lui confier cette tâche si particulière. Il sentait qu’il pouvait lui faire confiance. Après tout, elle aurait très bien pu faire le choix de lui mentir dès le début et de l’entourlouper sur les raisons de son agression d’un Sunajin. Même si pour sa part, Daiki l’aurait fait gratuitement sans aucune forme d’excuse autre que : « Je vous hais du plus profond de mon c…cœur.. ». Là-dessus, les intentions du Godaime étaient plus malsaines que celle de la jeune fille.

Mais elle en arriva vite à utiliser le terme qui interrogeait tant l’Hayashi. La guerre. Konoha serait-il prêt à en accueillir une nouvelle ? Et surtout contre le même éternel ennemi ? Difficile à dire. Daiki en mourrait d’envie ça c’est sûr mais il n’en était pas autant pour les Konohajins ou les habitants. Comment être sûr de ne pas se lancer dans une entreprise vaine vouée à l’échec avant même d’être mise en place ? Ce moyen c’était la jeune Krystal. Un chef d’Etat qui réclame l’avis du peuple obtiendrait un résultat absolu. Si le peuple désire une chose, il n’en démordra pas. Pour parvenir à ses fins, l’homme politique devait agir de l’intérieur et insinuer l’idée si elle n’était pas déjà présente. Mais avant d’en arriver à un tel point, l’Hayashi souhaitait quand même connaître l’opinion publique et rien ne vaut l’approche douce et délicate.

Il répondit tout de même aux dires de la demoiselle sur l’éventualité d’une guerre inéluctable :

Disons que je ne tiens pas à rester paisiblement assis pendant des années jusqu’à ce que les conflits extérieurs viennent me déloger de mon siège. Je ne qualifierais pas la guerre d’inéluctable car cela dépendra également de l’avis des Konohajins. Je ne tiens pas à être le Kage controversé qui ne répond qu’à ses besoins. Si c’est ce que Konoha désire, j’accomplirais cette action. Pour le moment donc, disons que cette guerre est surtout une éventualité.

Après quoi elle avait repris la parole pour expliquer la composition de ses relations au sein de Konoha. Elle avoua ne pas jouir d’un réseau social très vaste mais le peu qu’elle connaissait semblait convenir au travail qui lui serait confié. Daiki n’était pas inquiet à la base mais là il l’était encore moins vu sa détermination et la loyauté qu’elle semblait prête à mettre à profit. Il ne risquait pas de regretter son choix par conséquent. Il se contenta d’un hochement de tête lorsqu’elle eut terminé de détailler la composition de ses connaissances et de lui dire de vive voix toute sa fidélité et sa loyauté. Puis elle demanda enfin s’il avait autre chose à lui demander. Il camoufla tant bien que mal un sourire. C’était peut-être à lui de demander ça vu le service qu’elle allait lui rendre. D’ailleurs il ne se priva pas de le faire remarquer et d’enchaîner sur :

C’est moi qui devrais te demander ça. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour toi en échange de ce service que tu me rendrais ?