La guerre avait fini par arriver jusqu’à chez nous. La violente. La sanglante. La cruelle. Celle qui n’a ni pitié ni loi ni règle. Où violer, tuer, massacrer et violer à nouveau n’est limité que par des codes moraux sans le moindre fondement que personne n’est à même d’obliger à respecter. Qu’elle vienne donc – ou plutôt que nous soyons envoyés à celle-ci. Soupirant calmement, je m’allongeais presque pensif sur le toit de l’un des hauts bâtiments de Kiri. Kaminari… Ce n’était probablement pas l’endroit idéal, mais j’accepterai tout ce qu’il faille tant que j’aurais du sang à verser, et qu’importe qu’il soit allié ou ennemi.

« Je vois que je ne suis pas le seul à ne pas dormir avant le grand départ… »

Il n’y avait guère trop de bruit ou d’agitation, mais la chevelure flamboyante d’Akio se montra à moi alors que je me relevais partiellement et lascivement pour lui adresser une maigre salutation de la tête. Après tout, c’était notre point d’échappatoire à tous les deux. La zone de toutes les zones où nous n’étions que nous, dénués du monde, le regard plongeant avec un discernement cruel vers le village qui nous était, à ce moment précis, en tout point ou presque inférieur. Le sommet du monde pour ainsi dire. Ou du moins le sommet du notre.

Des rares personnes que je fréquentais par obligation ou choix à Kiri, l’emplumé hargneux était l’une des rares que j’appréciais un tant soit peu. Détachés tous les deux initialement à l’arrivée ici, il fallait impérativement que l’on trouve la moindre attache, la moindre personne vers qui se tourner si le temps tournait mal – et quel hasard ne fusse que nous tombions mutuellement l’un sur l’autre. Différents par nos idées, nous avons pourtant appris à faire fi de nos différences, voire même d’en profiter. Il était le premier à vouloir combattre lorsque les mots allaient loin et aucun de nous n’avait l’orgueil d’arrêter les luttes.

Tournant ma tête vers le Kosobayui, je lui adressais un sourire à pleines dents. Il savait que je pensais être en cage dans ce village. Il savait… Beaucoup sur ma façon de penser, ou du moins tout ce que j’avais accepté de lui montrer. Même ces deux cons qui me servaient de parents – ou alors auxquels je servais de fils plutôt – n’en savaient autant sur moi. Nul besoin de mot pour qu’il comprenne que je voyais ici la possibilité de relâcher l’entrave autour de moi, ne serait que pour quelques cruels instants de combat où je ne montrerai la moindre pitié à personne, pris de la rage destructrice qui n’a trouvé satiété depuis longtemps déjà…